L’articulation lecture et écriture : le rôle des écrits de travail 

Comment conduire cet enseignement dans la classe ?

Le choix du support

Les pratiques traditionnelles peuvent vouloir simplifier la tâche des élèves, en leur proposant des textes plus faciles (Dion & Serpereau, 2000 ; Tauveron et al., 2002). Or C. Tauveron et al.défendent l’idée « qu’il est possible et nécessaire d’apprendre à comprendre et qu’on ne peut apprendre à comprendre que sur des textes qui posent des problèmes de compréhension ou d’interprétation » (2002 : 9). De la même manière, J. Dion et M. Serpereau soutiennent que la lecture est source d’apprentissages et que cet apprentissage passe par la présentation de textes complexes aux élèves, dès leurs plus jeunes années (2000 : 153).
L’étude de textes « consistants par les contenus culturels qu’ils portent et résistants quant à leur style ou vocabulaire » permettrait de placer les élèves en position de chercheurs (Ibid. : 156).
Les compétences ainsi construites pourront être réutilisées dans d’autres situations de lecture (Tauveron et al., 2002 : 36).
Se pose alors la question du choix de ces textes littéraires. A. Vibert (2013 : 11) propose de choisir les textes pour les émotions ou les valeurs qu’ils véhiculent, plutôt que pour les problématiques littéraires qu’ils illustrent, ceci afin de favoriser l’investissement subjectif des élèves. J. Giasson quant à elle (2000 : 72) insiste sur la richesse des livres que l’enseignant doit proposer aux élèves ; un texte de qualité propose plusieurs niveaux de lecture, une intensité et un message subtil. J. Giasson (2000 : 73) cite également d’autres critères de choix, proposés par J.-L. Dufays (1996 : 37) : le texte peut répondre aux attentes des élèves, il peut correspondre aux valeurs de l’enseignant ou bien être un texte très exposé et valorisé par l’institution culturelle.

Comment aborder l’oeuvre en classe avec les élèves ?

La lecture in extenso des oeuvres littéraires est plutôt privilégiée par C. Tauveron et al., mais les auteurs expliquent que le dispositif de présentation du texte doit surtout être choisi en fonction des problèmes de compréhension et d’interprétation que soulève ce texte. Ainsi pour que les élèves se prennent au jeu d’une lecture active et repèrent les noeuds de compréhension, l’enseignant peut opter pour une présentation « se donnant pour objectif déclaré de faire tomber les jeunes lecteurs dans le piège préparé par le texte » (2002 : 103).
Parmi les dispositifs de présentation du texte possibles (lecture cursive linéaire, lecture fragmentée, lecture d’un extrait précis avant de lire le reste du texte, lecture-puzzle…), nous aborderons plus précisément dans cette partie la lecture par dévoilement progressif, parfois appelée aussi lecture-feuilleton. Il s’agit d’une lecture découpée en épisodes, présentés successivement aux élèves. C. Tauveron et al. suggèrent ce type de procédé pour les textes littéraires qui conduisent le lecteur sur de fausses pistes, mais rappellent que le découpage doit être réfléchi en amont par l’enseignant afin de correspondre « aux moments où le texte programme une erreur d’interprétation » (2002 : 103). Après l’étude d’un fragment, les élèves émettent des hypothèses de compréhension et d’interprétation, par oral ou par écrit ; ces hypothèses et attentes seront confirmées ou infirmées par l’étude du fragment suivant (Ibid.).

Comment questionner l’oeuvre et impliquer la subjectivité du lecteur ?

Les dispositifs traditionnels de questionnement des textes littéraires sont remis en cause par de nombreux spécialistes de la didactique du français : J. Bernardin (2011), J. Dion & M.
Serpereau (2009), C. Tauveron et al. (2002), A. Vibert (2013) semblent s’accorder pour exposer les limites des questionnaires traditionnels stériles et celles de l’explication préalable des mots de vocabulaire difficiles. Par exemple, des questions ne portant que sur des éléments ponctuels ou explicites « n’aident pas à comprendre dans la mesure où elles n’engagent pas le travail interprétatif » (Tauveron et al., 2002 : 92). J. Dion et M. Serpereau insistent pour que le lecteur s’implique réellement dans les textes et passe d’une « logique de restitution qui se limite à répondre aux questions en mobilisant toute son énergie à rechercher les bonnes réponses attendues (…) à une logique de compréhension » (2009 : 153). Cette implication du lecteur par la prise en compte de sa subjectivité est prônée par A. Vibert (2013 : 10) : les pratiques de classe devraient selon elle accueillir les émotions, les projections, les jugements et les réactions des élèves. De la même manière, Tauveron et al. cherchent à impliquer les élèves dans la lecture des textes littéraires en engageant « un dialogue privé (…) entre un enfant-lecteur unique et l’auteur du livre » (2002 : 342).
Cette prise en compte de l’implication du lecteur se traduit par de nouvelles formes de questions posées aux élèves. J. Bernardin conseille des pratiques qui proposent aux élèves des relectures, des inférences, une réflexion sur l’implicite et qui sollicitent par écrit leur avis de lecteur (2011 : 33). J. Dion & M. Serpereau suggèrent de donner à lire aux élèves les questions, avant même la découverte du texte, afin qu’ils se construisent des attentes pour leur lecture (2009 : 146). Elles proposent également de revisiter les questionnaires traditionnels et de les remplacer par seulement trois questions, destinées à susciter une lecture active. La première question est de nature sémantique, elle concerne une prise directe d’informations dans le texte. La seconde question propose de mettre en relation différents éléments du texte tout en réfléchissant au fonctionnement de l’écrit, tandis que la troisième question invite les élèves à anticiper la suite du roman (Ibid.: 154).

L’importance des échanges entre lecteurs

La lecture est souvent perçue comme une activité solitaire d’introspection (Bernardin, 2011 : 29). C. Tauveron et al. soulignent que la lecture littéraire « est un acte singulier d’appropriation d’un texte » (2002 : 20). Pourtant c’est grâce à cette singularité que la lecture va pouvoir être partagée entre lecteurs qui vont échanger leurs points de vue au sein d’une communauté interprétative (Bernardin, 2011 ; Tauveron et al., 2002 ; Vibert, 2013). J.
Bernardin (2011 : 33) et A. Vibert (2013 : 25) conseillent ainsi de mettre en place dans la classe des débats interprétatifs, qui s’appuient sur un retour précis au texte. De la même manière, C. Tauveron et al. (2002 : 161) précisent que les échanges oraux entre élèves permettent de résoudre collectivement des problèmes de compréhension et d’interprétation, tout en approfondissant la compréhension personnelle de chaque lecteur. C. Tauveron et al. ajoutent que les réactions orales des élèves doivent être spontanées, ce qui implique une posture neutre et discrète de l’enseignant, afin de ne pas neutraliser prématurément les fausses pistes proposées par un texte réticent ou de ne pas restreindre les pistes d’interprétation d’un texte proliférant (Ibid.). J. Giasson explique également que l’enseignant a pour rôle d’encadrer la discussion au sein de la communauté de lecteurs : il doit créer un climat d’écoute, guider au lieu d’interférer, encourager la participation, aider ceux qui ont de la difficulté à prendre part à la discussion, accepter les idées différentes et enfin faire confiance aux questions des élèves (2000 : 35-37).

L’articulation lecture et écriture : le rôle des écrits de travail

En parallèle des échanges oraux développés dans la classe, il convient de se pencher sur la question de la production d’écrits par les élèves. En effet, contrairement à l’oral qui est séquentiel, l’écrit présente une autre forme de relation au temps et à l’espace : l’écrit permet ainsi de réfléchir et de prendre de la distance, mais aussi de mémoriser, d’ordonner sa pensée et de tisser des liens (Bernardin, 2011 : 34). La production par les élèves d’écrits de travail leur permet alors de mieux apprendre et de mieux comprendre les textes littéraires, tout en leur fournissant un support tangible pour préparer les discussions orales (Dion & Serpereau, 2000 ; Giasson, 2000 : 131 ; Tauveron et al., 2002). C. Tauveron et al.insistent sur ce rôle des écrits de travail « comme moyen de construire la compréhension ou l’interprétation » (Ibid.: 167), ces écrits pouvant servir à confronter les différents avis des élèves ou à étudier l’évolution de la pensée d’un même élève au cours du temps. J. Dion & M. Serpereau précisent que l’écrit est un moyen privilégié de comprendre le monde du roman, grâce à la prise de distance : « c’est l’écrit qui, pour une bonne part, fait accéder le langage, la langue de l’auteur, à la conscience de cet autre, le lecteur. » (Ibid.: 155).
Ces écrits peuvent intervenir en début de lecture afin d’identifier rapidement les éventuels contresens réalisés par les élèves, car « les erreurs de compréhension se concentrent sur les premières pages des romans et conduisent bien souvent à l’abandon du livre » (Tauveron et al., 2002 : 168). Dans le cadre d’une lecture à dévoilement progressif, les élèves peuvent produire des écrits de travail momentanés, qui témoignent de leur compréhension à un stade donné de la lecture (Ibid.: 104). À d’autres moments, les écrits peuvent permettre aux élèves de réagir au texte, en prenant parti, en formulant et en justifiant leur opinion (Vibert, 2013 : 17).
De plus, le passage par une phase écrite permet de s’assurer que tous les élèves de la classe participent à la réflexion, la prise de parole orale n’étant pas équivalente selon les profils des élèves : « on remarque qu’habituellement seulement six ou sept élèves sur trente contribuent régulièrement à la discussion en classe » (Giasson, 2000 : 131).
Par ailleurs, les écrits produits par les élèves permettent à l’enseignant d’évaluer le degré de compréhension et d’interprétation maitrisé au fil de la lecture, afin d’analyser les processus de lecture à l’oeuvre chez les élèves. Ainsi, « il faut pouvoir garder la trace de ce qui, le plus généralement n’en laisse pas : il faut donc inventer de nouveaux supports, de nouvelles formes pour les recueillir. » (Vibert, 2013 : 11). J. Giasson est du même avis quand elle décrit l’écriturecomme « une fenêtre sur la pensée de l’élève » qui donne à l’enseignant accès au niveau decompréhension de l’élève et à son implication dans le texte (2000 : 131).
Pour résumer l’importance de l’intégration d’activités d’écriture dans le processus de lecture, nous pouvons reprendre les propos de C. Oriol-Boyer (2002 : 29), rapportés dans l’article de J. Bernardin (2011 : 35) : « (…) lecture et écriture sont deux moments d’une même activité. Si lire peut apprendre à mieux écrire, écrire apprend toujours à mieux lire car dans l’écriture, la rencontre avec le matériau langagier est plus forte que dans la lecture. »

Quelles postures développées par les élèves ? Quelles attitudes professionnelles pour l’enseignant ?

Si nous pouvons réfléchir aux modalités pédagogiques de l’étude d’oeuvres littéraires dans la classe, il est également important de mesurer leurs effets sur les élèves lecteurs et scripteurs. L’enseignant doit se munir d’outils pour repérer et analyser les postures des élèves et doit développer en retour des attitudes professionnelles, destinées à influencer ces postures élèves.

Des rapports à l’écrit différents selon les élèves

Pour s’impliquer dans un processus de lecture active, l’élève doit avoir des raisons d’investir le monde de l’écrit (Bernardin, 2011). Or de nombreuses différences d’appétence pour l’écrit sont constatées dans la société : ces désirs diffèrent selon le milieu social des personnes et selon leur genre (Ibid. : 28-29). J. Bernardin ajoute que les pratiques de lecture sont très hétérogènes en ce qui concerne la fréquence et le genre d’écrits lus. Ces différences dans la société se traduisent par des rapports à l’écrit différents chez les élèves : pour certains « lire sert « pour apprendre », « raconter des histoires » (…) pour d’autres cela sert surtout « pour passer » ou « pour plus tard » » (Ibid.: 27)…
J. Giasson (2000 : 106) évoque la diversité des réactions aux textes littéraires manifestées par les élèves : réagir à un texte ne se résume pas à « dire si on a aimé le texte ou non ». Ces réactions peuvent prendre diverses formes ; J. Giasson évoque entre autres la classification élaborée par Martinez et Roser (1995), dans laquelle le lecteur peut appréhender l’histoire de trois manières différentes : soit comme une expérience à vivre en s’immergeant dans le récit et en s’identifiant aux personnages, soit comme un message dont on pourrait explorer le thème et la morale, soit encore comme un objet fabriqué par un auteur dont on peut étudier la forme et les procédés d’écriture.
Ces formes de réaction peuvent cohabiter au sein d’un même lecteur, comme elles peuvent être distinctes ou absentes chez d’autres lecteurs. L’enjeu est alors de permettre à tous les élèves d’adopter une variété et une qualité de réactions aux textes littéraires. Pour J. Giasson (2000 : 110), le développement de cette qualité est lié à la fréquence avec laquelle les élèvessont invités à réagir aux textes en classe.

Typologie des postures de lecture et d’écriture adoptées par les élèves

Nous avons vu dans la section précédente que le rapport à l’écrit est socialement différencié. Ainsi, lorsqu’ils entrent en classe, les élèves sont déjà porteurs d’un vécu singulier qui les a dotés d’un ensemble de conceptions initiales sur la lecture, l’écriture et la parole (Bucheton, 2006 : 29-30). D. Bucheton a donc cherché à identifier chez les élèves la nature de ces « rapports « déjà là » à la lecture et à l’écriture » (Ibid.). Elle développe la notion de postures, qui correspondent aux différentes conduites langagières convoquées « en réponse à une situation ou à une tâche scolaire donnée », puis précise que les élèves « disposent d’une ou plusieurs postures pour négocier la tâche » et qu’ils « peuvent changer de posture au coursde la tâche » (Ibid.: 32).
D. Bucheton (2006) distingue quatre postures différentes de lecture – écriture :
-les postures scolaires, caractérisées par une très faible implication de l’élève qui se conforme de manière mécanique aux attentes supposées de l’enseignant (l’auteur différencie la posture scolaire « en aveugle » où l’élève agit de manière hasardeuse et déconnectée de la tâche, de la posture scolaire « du technicien de surface » où l’élève stratège se conforme de manière technique aux attentes institutionnelles, mais sans s’investir affectivement ou intellectuellement dans la tâche) ;
-les postures premières, caractérisées par un fort investissement affectif de l’élève qui, pris dans le récit lu ou dans ce qu’il écrit, ne parvient pas à se détacher du sens et de sa subjectivité pour aller vers une réflexion et une ouverture sur le texte ;
-les postures secondes, caractérisées par la présence d’une réflexion de l’élève, qui questionne les symboles, le message de l’oeuvre et le fonctionnement de la langue ;
-enfin les postures ludo-créatives, caractérisées par le détournement de la tâche par l’élève, ce dernier cherchant à s’évader des contraintes soit pour se focaliser sur la forme, soit pour fuir la tâche et préserver son identité, soit encore pour se concentrer sur un thème obsessionnel.
Dans son intervention, A. Vibert (2013 : 6) cite également les postures de lecture développées par D. Bucheton, dans lesquelles elle distingue le texte tâche (lecture ratée, partielle et sans construction de sens), le texte action (le lecteur s’identifie affectivement aux personnages de l’histoire), le texte signe (le lecteur s’intéresse surtout au message véhiculé par l’auteur), le texte tremplin (le lecteur se sert du texte pour produire des réflexions personnelles) et le texte objet (le lecteur se détache du texte et en analyse les formes et les effets).

Le cas des faibles lecteurs

Pour D. Bucheton (2006) la réussite en lecture littéraire à l’école est corrélée à la capacité pour l’élève de passer d’une posture de lecture à une autre ; pour J. Giasson (2000) c’est la faculté du lecteur à employer des stratégies de lecture active qui lui permet d’accéder à une compréhension fine des textes. Comment peut-on analyser les difficultés rencontrées par les faibles lecteurs ?
J. Bernardin explique que les lecteurs précaires adoptent une attitude passive face au texte, dont ils effectuent une lecture linéaire sans interruption ou révision : « Dès lors que le texte a une certaine longueur, faute d’avoir ménagé des étapes intermédiaires de récapitulation faisant lien, la compréhension ne peut être que locale, appuyée sur des réminiscences fragmentaires, au risque de dérapages sémantiques. » (2011 : 32). Il ajoute que les faibles lecteurs ne portent pas assez attention aux signes graphiques porteurs de sens.
Dans le rapport pour la préparation de la conférence de consensus pour la lecture (2016), M. Bianco identifie plusieurs obstacles à la compréhension. Elle explique que les élèves qui comprennent mal les textes disposent de connaissances langagières restreintes (un vocabulaire moins étendu et moins riche, des difficultés à résumer et à effectuer des inférences…), ne réussissent pas à lire de manière assez fluide les textes et ont des difficultés à contrôler et à réguler leur lecture.
C. Tauveron et al. (2002 : 342) défendent pour leur part l’idée que les élèves étiquetés comme faibles lecteurs peuvent présenter de grandes compétences d’interprétation et accéder à la complexité des textes littéraires, à condition qu’ils soient par moment déchargés de certains aspects techniques (l’enseignant peut par exemple leur lire le texte à voix haute).

Synthèse et formulation de la problématique

Les différentes recherches menées en didactique de la lecture et plus particulièrement autour de la question de la compréhension des textes littéraires nous montrent bien les enjeux de cet enseignement à l’école. En effet, l’étude des textes littéraires permet aux élèves de développer de nombreuses compétences de compréhension et d’interprétation, d’accéder à une culture humaniste commune, de cultiver un goût pour la lecture et une attitude réflexive sur le fonctionnement de la langue. Les pratiques pédagogiques doivent intégrer les spécificités de la lecture littéraire, en prenant notamment en compte la subjectivité des lecteurs et en explicitant des stratégies de lecture active. Ainsi, mes pratiques de classe sont affinées par ces recherches autour de la lecture littéraire.
En effet, en tant que professeur des écoles stagiaire en charge d’un niveau simple CE1, j’ai pu constater de bonnes capacités de compréhension et d’interprétation chez les élèves, lors dela conduite d’une première séquence de littérature en novembre 2015. Les élèves ont travaillé sur plusieurs textes en réseau autour de l’archétype du loup et notamment sur l’album de type proliférant Un loup trop gourmand de Keiko Kasza (1999). Suite à ce travail, je me suis posée la question suivante : « Comment aborder et construire la compréhension d’une oeuvre littéraire plus complexe chez ces élèves de cycle 2 ? »
Je formule alors un certain nombre d’hypothèses qui seront étudiées par la suite :
1/ Les élèves peuvent accéder à la compréhension et à l’interprétation d’un texte résistant complexe, malgré des difficultés ponctuelles de lecture.
2/ Le choix d’une lecture à dévoilement progressif accompagnée de la production d’écrits de travail peut permettre aux élèves de développer ces compétences de compréhension et d’interprétation, tout en fournissant à l’enseignant des traces de l’activité de lecture des élèves.
3/ Les activités proposées doivent tenir compte de la subjectivité des lecteurs, pour les impliquer dans une lecture active ; les questions posées doivent être de nature variée (questions précises, inférentielles, ou prise de position de l’élève…).

Méthode

Participants : classe de CE1 en milieu social aisé

L’étude s’est déroulée dans une classe d’une école publique élémentaire à Meylan, en Isère (38). La classe comporte un seul niveau CE1 avec 26 élèves âgés de 7 à 8 ans au moment de l’étude, c’est-à-dire en janvier 2016 (un seul élève est plus jeune, âgé de 6 ans et demi). La mixité est bien représentée avec 13 filles et 13 garçons. Les élèves sont largement issus demilieux sociaux aisés.
Parmi ces 26 élèves, j’ai retiré de l’étude les productions d’un élève refusant de travailler (trop peu d’éléments à analyser) et d’une élève arrivée dans la classe en cours d’étude, à partir de la lecture du chapitre 5. Ces productions ne sont pas analysées dans le cadre de cet écrit scientifique de recherche.
La population retenue pour l’étude correspond donc à 24 élèves, anonymés et identifiés pour les besoins de l’étude par des lettres de « A » à « X ». Parmi ces élèves, nous pouvons noter à titre indicatif quelques profils particuliers (mais qui ne seront pas analysés en détail dans le cadre de cette étude) :
-un élève plus jeune d’un an, arrivé directement de la grande section de maternelle en classe de CE1 à la rentrée de septembre 2015 (repéré par la lettre « J »)
-un élève très faible lecteur, avec un score mi-Janvier en fluence en lecture de 35 mots correctement lus par minute (repéré par la lettre « X »)
-un autre élève avec des difficultés de comportement : agitation, difficultés pour secanaliser et se concentrer (repéré par la lettre « U »).

Matériel et procédure

Choix du support : Les doigts rouges de Marc Villard, un roman « résistant »

Pour cette étude, j’ai mené une séquence de compréhension et d’interprétation du roman policier Les doigts rouges, écrit par Marc Villard et publié aux éditions Syros jeunesse (1997), puis réédité dans la collection Mini Syros en 2007. Ce roman a fait partie de la liste de référence des oeuvres littéraires pour le cycle 3 éditée par le ministère de l’éducation nationale en 2002. Il y était codé avec un niveau de difficulté de 2 sur 3 pour des élèves de cycle 3 (1 étant le plus facile et 3 le plus difficile).
Ce roman policier que l’on peut classer parmi les romans à intrigue agit comme un texte résistant de type réticent, selon la classification de C. Tauveron et al.(2002 : 37). Le texte est en effet parsemé de faux indices qui piègent la compréhension du lecteur. Il s’agit de l’histoire d’un garçon de huit ans, Ricky Miller, en vacances dans la villa familiale avec sa grande soeur Sophie et son grand frère Georges. Un après-midi, un gendarme vient voir les trois enfants et leur annonce la disparition de Bruno Ségura, avec qui Georges s’est bagarré la veille. À la suite de ce premier chapitre qui expose les personnages et l’événement perturbateur (le tapuscrit du chapitre 1 est présenté en annexe n°4 de cet écrit scientifique réflexif), le personnage de Ricky doute et s’interroge sur la culpabilité de son frère. Les indices s’accumulent : Georges est vu sortant de la grange avec les doigts couverts d’un liquide rouge poisseux ressemblant fort à du sang (chapitre 2), la grange est exceptionnellement fermée àclé (chapitre 3), Ricky entend un bruit de tronçonneuse dans la grange (chapitre 4), puis il voit en pleine nuit son frère et sa soeur tirer un lourd sac en plastique noir en direction de la cuisine (chapitre 5)… L’idée du crime commis par le personnage de Georges est accentuée par la posture gênée de Georges et Sophie qui ne veulent pas répondre aux questions de Ricky et restent bien mystérieux. À la fin du chapitre 5, Ricky est horrifié et prêt à téléphoner à son père pour dénoncer Georges, quand un revirement de situation se produit. Sophie et Georges font remarquer à Ricky que c’est le jour de son anniversaire ! Le sac en plastique noir trône dans la cuisine… Il contient en réalité un cadeau pour Ricky : un vélo repeint en rouge et remis à neuf par Georges. Ricky comprend alors que le rouge sur les doigts de Georges n’était que de la peinture, que la grange était fermée à clé pour cacher le vélo, que la tronçonneuse servait à couper du bois en prévision des prochaines vacances des parents Miller et que le sac noir abritait le vélo (chapitre 6). Les enfants apprennent dans l’épilogue (chapitre 7) que le personnage de Bruno est décédé dans un accident de moto.
Le roman Les doigts rouges construit ainsi son récit sur l’idée d’un faux crime, dont le lecteur reste dupe (tout comme le personnage de Ricky) jusqu’au dévoilement final. J’ai choisi ce roman pour ses qualités littéraires (choix d’écriture, qualité du travail d’interprétation possible en raison de la fausse piste créée par l’auteur, découverte du genre policier) et pour les difficultés qu’il présente. C. Tauveron et al. insiste en effet sur le choix de textes complexes pour « apprendre à comprendre » (2002 : 9). Les élèves de la classe de CE1 participant à l’étude de cet écrit scientifique réflexif avaient déjà démontré au mois de décembre de bonnes capacités d’interprétation sur l’album résistant de type proliférant Un loup trop gourmand(Keiko Kasza, 1999). Le roman de Marc Villard est plus complexe : il ne comporte pas d’illustrations (hormis celle de la couverture, reproduite en annexe n°3), le texte est beaucoup plus long (2119 mots), il comporte du vocabulaire difficile pour les élèves de CE1 et de nombreuses chaînes de reprises anaphoriques. Le choix de cette oeuvre plus difficile permet donc aux élèves de développer de nouvelles compétences de compréhension et d’interprétation. Rappelons que pour J. Giasson la lecture de textes littéraires doit être abordée « comme source de plaisir, comme quête de sens, comme contribution au développement social, cognitif et affectif des élèves et, enfin, comme activité contribuant à l’acquisition des connaissances » (2000 : 4).

Déroulement : une lecture intégrale à dévoilement progressif

La séquence mise en oeuvre dans le cadre de cette étude s’appuie sur un dispositif de présentation du texte par dévoilement progressif. C. Tauveron et al.préconisent ce mode de présentation pour des textes relativement courts – ce qui n’est pas le cas du roman Les doigts rouges – mais ils disent également que « dès lors que le découpage oblige le lecteur à emprunter de fausses routes, il convient de considérer les errances interprétatives comme des étapes nécessaires à la compréhension du texte » (2002 : 103).
Le roman policier de Marc Villard mène progressivement le lecteur sur une fausse piste et se prête donc bien à ce type de dispositif. Après une courte séance d’introduction à partir de la couverture du roman destinée à créer un horizon d’attente, les élèves travaillent sur le principe d’une lecture feuilleton : chaque séance ils découvrent ainsi un nouvel épisode de l’histoire.
J’ai organisé le découpage des épisodes selon le découpage des chapitres du roman (qui correspondent à des révélations successives d’indices), sauf pour le chapitre 5 que j’ai tronqué avant le dénouement final (après la phrase « Il y a une surprise pour toi si tu descends… »). Le dernier épisode rassemble les derniers chapitres du roman. Le découpage tient compte des fausses pistes sur lesquelles le texte conduit le lecteur, comme le recommandent C. Tauveron et al.(2002 : 103).
Le tapuscrit du roman est distribué aux élèves au fur et à mesure de l’étude des différents épisodes. Lors de l’étude de chaque épisode, les élèves émettent par écrit des hypothèses sur la suite du roman, hypothèses qui seront confirmées ou infirmées par la lecture de l’épisode suivant. Le tableau récapitulatif de la séquence figure en annexe n°1 de l’écrit scientifique réflexif.

Analyse des données : réponses aux questions et hypothèses de compréhension

Les données recueillies auprès des élèves sont des réponses écrites à des questions, des productions écrites et des productions graphiques. Pour l’analyse de ces données, nous nous intéresserons surtout aux traces écrites produites par les élèves pour répondre à des questions ou pour formuler des hypothèses de compréhension. Les productions des élèves seront analysées par une méthode de recherche descriptive. Nous décrirons le nombre d’élèves qui, dans leur réponses aux questions, auront repéré certains éléments explicites du texte, auront compris et expliqué différents éléments implicites. Dans le même temps, nous dresserons une typologie des hypothèses de compréhension des élèves à l’issue des différents chapitres.
L’analyse des illustrations produites au moment de l’étude des chapitres 5 et 6 permettra d’étayer ces hypothèses de compréhension des élèves.
Pour certaines séances, la population des 24 élèves n’a pas participé en totalité à l’étude.
Nous distinguerons ainsi dans la présentation des résultats l’absence de données recueillies(élèves absents ce jour-là, ayant perdu leur feuille de réponse ou ayant refusé tout travail scolaire en raison de difficultés de comportement) de l’absence de réponse d’un élève à une question ou une activité précise (l’élève a participé, mais la feuille de questions et d’activités n’est remplie que partiellement).

Présentation et analyse des résultats

Les résultats présentent en premier lieu l’analyse de la compréhension des élèves du chapitre 1 ; cette analyse permettra de définir trois groupes de compréhension. Nous verrons ensuite l’évolution de la compréhension dans la suite des épisodes pour ces trois groupes, jusqu’au dévoilement à la fin du roman. Enfin nous analyserons quelques productions d’élèves caractéristiques, pour répondre aux hypothèses posées par cet écrit scientifique réflexif.

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Table des matières
1. Partie théorique 
1.1 Introduction
1.2 État de l’art
1.2.1 La lecture littéraire à l’école et ses enjeux
1.2.1.1 Les spécificités des oeuvres littéraires
1.2.1.2 Pourquoi lire la littérature à l’école ?
1.2.1.3 Les compétences développées chez les élèves
1.2.1.4 Les processus en jeu dans la compréhension de la lecture
1.2.2 Comment conduire cet enseignement dans la classe ?
1.2.2.1 Le choix du support
1.2.2.2 Comment aborder l’oeuvre en classe avec les élèves ?
1.2.2.3 Comment questionner l’oeuvre et impliquer la subjectivité du lecteur ?
1.2.2.4 L’importance des échanges entre lecteurs
1.2.2.5 L’articulation lecture et écriture : le rôle des écrits de travail
1.2.3 Quelles postures développées par les élèves ? Quelles attitudes professionnelles pour l’enseignant ?
1.2.3.1 Des rapports à l’écrit différents selon les élèves
1.2.3.2 Typologie des postures de lecture et d’écriture adoptées par les élèves
1.2.3.3 Le cas des faibles lecteurs
1.2.3.4 Les préconisations pour l’enseignant
2. Méthode 
2.1 Participants : classe de CE1 en milieu social aisé
2.2 Matériel et procédure
2.2.1 Choix du support : Les doigts rouges de Marc Villard, un roman « résistant »
2.2.2 : Déroulement : une lecture intégrale à dévoilement progressif
2.2.3 Activités proposées : vers une prise en compte de la subjectivité du lecteur
2.4 Analyse des données : réponses aux questions et hypothèses de compréhension
3. Présentation et analyse des résultats 
3.1 Analyse du premier chapitre
3.2 Lecture à dévoilement progressif des épisodes
3.3 La fin du roman
3.4 Analyse de productions d’élèves caractéristiques
4. Discussion et conclusion 
4.1 Rappel du contexte de l’étude
4.2 Discussion des résultats et des hypothèses
4.3 Limites et perspectives
4.4 Conclusion
5. Bibliographie 

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