L’articulation entre biodiversité et agriculture dans les communautés de communes

À l’heure d’une prise de conscience internationale des incidences de l’Homme sur son environnement depuis le milieu du XXème siècle, les politiques publiques se coordonnent pour tenter de ralentir les effets destructeurs des activités humaines sur les écosystèmes. La perte planétaire de biodiversité est devenue une problématique mondiale depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992, qui reconnaît officiellement les activités humaines comme responsables de ce phénomène. Plus spécifiquement, l’agriculture, par l’emprise qu’elle a sur le territoire, a une influence significative sur l’extinction du vivant constatée par les scientifiques à l’origine du rapport de l’IPBES (2019). Ce dernier rapport mondial montre ainsi que l’activité agricole, par ses effets sur les milieux (artificialisation des sols, contamination, ponction de ressources, perturbation du fonctionnement des écosystèmes, etc.), joue un rôle majeur dans les cinq facteurs d’origine humaine responsables de l’érosion de la biodiversité.

Vecteur de profondes mutations socio-spatiales liées à la révolution agricole, le secteur agricole subit aujourd’hui les impacts qu’il a lui-même contribué à causer à la sortie de la seconde guerre mondiale. L’essor de nouvelles pratiques et méthodes de culture et d’élevage ont favorisé la diminution de services écosystémiques restitués par la biodiversité, préjudiciable à l’agriculture. Face à ce constat alarmant, de nouvelles alternatives agricoles émergent depuis la fin du XXème siècle dans le but de réduire les impacts de l’agriculture sur l’environnement. Agriculture biologique, agroforesterie ou encore le semis direct sont autant d’alternatives qui proposent de nouvelles méthodes de production basée sur des techniques plus respectueuses de l’environnement. Dans une perspective d’écologisation des espaces agricoles et d’un changement global sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, l’agroécologie semble aujourd’hui se poser comme un modèle alternatif à l’agriculture conventionnelle à l’échelle planétaire. De nombreux scientifiques à l’image de Miguel Altieri et de Stephen Gliessman (2018) promeuvent ce modèle agricole fondé sur des pratiques et savoir-faire jugés favorables aux écosystèmes et à la biodiversité, assurant des services environnementaux à toutes les échelles. Alors que les espaces agricoles sont désormais perçus comme des espaces multifonctionnels assurant une fonction productive, de maintien du cadre de vie et de façonnage du paysage, l’agroécologie valorise les services environnementaux assurés par l’agriculture et intègre l’approche paysagère pour promouvoir ces services. L’échelle de la parcelle est délaissée en faveur de l’échelle du paysage, qui englobe un territoire plus large permettant d’avoir un impact plus important sur un territoire, et plus globalement sur la planète. Cette échelle est d’autant plus déterminante qu’elle est légitimée par la Convention Européenne du Paysage de 2000, qui reconnaît les paysages “ordinaires” comme des entités à préserver. Ainsi, la lutte contre l’érosion de la biodiversité semble aller de pair avec l’écologisation des pratiques agricoles à l’échelle territoriale locale. Or cette arrivée progressive de la volonté de préserver la biodiversité par différents acteurs (collectivités territoriales, associations naturalistes, agriculteurs, habitants) pose des questions quant à la gestion territoriale entre le pouvoir politique et les usagers des espaces. Les collectivités territoriales jouent un rôle prépondérant dans la gestion de la biodiversité car elles peuvent mobiliser un grand nombre d’outils et possèdent des compétences liées à la planification territoriale. Par conséquent à l’échelle locale, les intercommunalités apparaissent comme légitimes d’un point de vue institutionnel en raison de leurs compétences en termes de planification et d’aménagement de l’espace, mais aussi parce qu’elles peuvent se saisir d’outils en faveur du développement territorial et du développement durable. Ces communautés de communes sont donc des territoires à priori favorables à la mise en œuvre de projets articulant biodiversité et agriculture. Néanmoins, les politiques nationales manquent d’articulation entre les deux problématiques, ce qui rend le travail à l’échelle locale plus complexe à mettre en œuvre, d’autant plus qu’il existe d’autres institutions se saisissant spécifiquement de l’agriculture et de la biodiversité.

Dans ce contexte, ce travail cherche à comprendre dans quelle mesure et comment les intercommunalités articulent les enjeux de la biodiversité avec les enjeux de l’agriculture. Cette problématique sera examinée à l’échelle du Béarn, ancienne province française située dans les Pyrénées-Atlantiques qui regroupe neuf intercommunalités : 8 communautés de communes (dont une où le siège est situé en dehors du département dans les Hautes-Pyrénées) et 1 communauté d’agglomération. Nous nous intéresserons plus spécifiquement aux 8 communautés de communes du Béarn, la communauté d’agglomération paloise étant marqué par une forte urbanisation et une forte densité, contrairement aux autres intercommunalités qui sont à dominante rurale et possèdent une densité de population, de services, de bâti et d’équipement plus faible. Nous nous intéresserons donc aux communautés  de communes de Lacq-Orthez, de Béarn des Gaves, de Nord-Est Béarn, des Luys-en-Béarn, du Pays de Nay, de la Vallée d’Ossau, du Haut Béarn et d’Adour Madiran (dont le siège se situe dans les Hautes-Pyrénées) (cf figure 1). Nous avons choisi d’intégrer cette dernière à l’étude en raison de la présence d’une ex-intercommunalité béarnaise et par son caractère rural en continuité avec les sept autres.

Les deux grandes guerres mondiales du XXème siècle ont profondément bouleversées les espaces agricoles européens et les modes de vie associés. La seconde guerre mondiale, élément déclencheur de profondes mutations sociétales, est à l’origine de destructions sans précédent dans les espaces urbains et les espaces ruraux, entraînant des pénuries alimentaires qui affectent la plupart des pays européens. A la sortie de la seconde guerre mondiale en 1945, l’objectif central des pays est de rebâtir un modèle agricole particulièrement affecté par les événements dans le but de subvenir aux besoins alimentaires des populations et d’éviter une nouvelle guerre (Candau et Ginelli, 2011). Alors que les pays se reconstruisent peu à peu, une coopération inter-gouvernementale se met en place répondant à une volonté d’unification nécessaire à la reconstruction d’une relation durable basée sur la solidarité. En 1957, la création de la Communauté Économique Européenne (CEE) vient institutionnaliser cet objectif de coopération entre 6 pays qui pour la première fois de leur histoire se trouvent unifiés par un accord visant l’intégration économique. C’est de cette union que découlent de nombreuses initiatives en faveur de la reconstruction, et notamment en faveur de l’agriculture, fortement déstabilisée par les conflits. En réponse aux pénuries alimentaires qui sévissent au sein du continent, les états décident de mettre place une Politique Agricole Commune (PAC) financée par un Fonds Européen d’Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA). L’enjeu est alors de fonder un nouveau modèle agricole commun répondant à la volonté d’accroître la productivité des exploitations agricoles et de décupler ainsi les rendements. À cette époque, le domaine agricole est donc marqué par une forte intervention de la CEE, qui finance et accompagne les agriculteurs dans la production de biens alimentaires à travers la PAC (Deverre et Marie, 2008). On assiste alors à une modernisation du modèle agricole marquée par une globalisation de l’alimentation liée à une série de mutations d’ordre économique, politique et technoscientifique (Mormont, 2009).

Accompagné par les états et par la CEE, le secteur agricole s’organise professionnellement et économiquement, à travers des filières et des organisations agricoles telles que les syndicats et les coopératives. La CEE joue un rôle essentiel puisqu’elle intègre l’agriculture dans un marché européen unique basé sur la solidarité financière (Deverre et Marie, 2008). Elle instaure un protectionnisme et une politique de soutien de la production grâce à des aides financières destinées aux agriculteurs et à différentes mesures sécurisant les marchés et incitant à produire. Cette politique s’appuie sur un contexte national et international favorable aux innovations technoscientifiques et un appareil d’encadrement professionnel et technique qui permettent de mettre à disposition des agriculteurs des matériaux biologiques plus productifs et résistants étroitement dépendants d’apports de fertilisants chimiques et de pesticides (Rieutort, 2009). En effet, à travers des parcelles expérimentales mises en place dans des « laboratoires », les scientifiques améliorent et créent de nouvelles semences capables d’assurer de meilleurs rendements. Mais en contrepartie, les semences nécessitent un apport d’intrants en raison de leur fragilité, ce qui provoque un recours accru aux produits phytosanitaires, engrais chimiques et à l’irrigation permettant de les protéger et de maintenir les conditions de cultures. Aisément mécanisables et conduites en ne semant qu’une espèce par parcelle pour simplifier la sélection, ces nouvelles variétés entraînent progressivement une spécialisation et une mécanisation des exploitations qui se dotent de nouveaux engins agricoles plus grands, plus lourds et plus efficaces. Les structures foncières fortement morcelées se trouvent alors inadaptées et des opérations de remembrements se multiplient, entraînant un agrandissant les parcelles et une destruction des éléments semi-naturels comme les haies, les murets, les espaces boisés ou encore les arbres isolés à l’origine d’une simplification et d’une homogénéisation des paysages. En France, c’est 15 millions d’hectares qui ont été remembré depuis 1945. Ces opérations de remembrement ont entraîné la suppression de 4,4 millions d’hectares de prairies naturelles entre 1970 et 1999 et la destruction de 750 000 haies entre 1960 et 1980 (Pointereau et Coulon, 2006).

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Table des matières

INTRODUCTION
MÉTHODOLOGIE
PARTIE 1 : LE PASSAGE D’UNE AGRICULTURE CONVENTIONNELLE A UNE AGRICULTURE ÉCOLOGIQUE A L’ÉCHELLE LOCALE
1.1 LA RÉVOLUTION AGRICOLE FACE À SES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
1.1.1 Une révolution agricole qui bouleverse les paysages et le rapport des agriculteurs à la nature
1.1.2 La montée des préoccupations environnementales liées à la révolution agricole et l’arrivée progressive de la notion de biodiversité
1.1.3 La biodiversité : bien public mondial à préserver
1.2 UNE VOLONTÉ D’ÉCOLOGISATION DES PRATIQUES AGRICOLES QUI S’INSCRIT DANS UNE DYNAMIQUE DE TRANSFORMATION DE LA VOCATION DES CAMPAGNES
1.2.1 Le verdissement de la Politique Agricole Commune
1.2.2 Les espaces ruraux : espaces multifonctionnels façonnés par l’agriculture
1.3 L’AGRICULTURE DANS LA SIXIÈME PLUS GRANDE EXTINCTION DES ESPÈCES
1.3.1 Une prise de conscience des services écosystémiques rendus par la biodiversité
1.3.2 Le paysage comme échelle de préservation de la biodiversité
1.4 LES COLLECTIVITÉS LOCALES FACE AUX PROBLÉMATIQUES AGRICOLES ET DE BIODIVERSITÉ : COMPÉTENCES, INSTRUMENTS
ET OUTILS MOBILISABLES
1.4.1 Une montée en puissance des intercommunalités depuis les lois de décentralisation
1.4.2 Compétences obligatoires et outils mobilisables par les communautés de communes dans la prise en compte des enjeux agricoles et de biodiversité
1.4.3 Une large palette de dispositifs à destination des intercommunalité
PARTIE 2 : LA MOBILISATION DES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES POUR PRENDRE EN COMPTE LES ENJEUX DE BIODIVERSITÉ ET D’AGRICULTURE SUR LEUR TERRITOIRE
2.1 DES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES RURALES OÙ AGRICULTURE ET BIODIVERSITÉ TIENNENT UNE PLACE MAJEURE
2.1.1 Des communautés de communes majoritairement récentes à faible densité
2.1.2 Des intercommunalités structurés par des paysages agricoles et montagnards
2.1.3 Des orientations technico-économiques essentiellement tournés vers l’élevage
2.2 UNE DIFFICILE ARTICULATION ENTRE BIODIVERSITÉ ET AGRICULTURE DANS LA STRUCTURATION MÊME DES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES
2.2.1 Des compétences touchant peu à la biodiversité et au domaine agricole
2.2.2 La biodiversité, enjeu transversal ?
2.2.3 La prise en compte de l’agriculture dans les communautés de communes
2.3 LES PROJETS MIS EN OEUVRE DANS LES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES BÉARNAISES
2.3.1 Une mobilisation accrue des outils d’urbanisme et de planification territoriale
2.3.2 Une large palette de dispositifs saisis par les communautés de communes
2.3.2 Des intercommunalités qui construisent progressivement leurs projets
CONCLUSION

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