L’articulation : structure et fonction
Structure globale
Une articulation se compose de deux os en regard, recouverts à leurs extrémités de cartilage articulaire, tissu conjonctif élastique. Il assure la lubrification des surfaces de contact entre les deux extrémités osseuses, permettant ainsi leur glissement l’une contre l’autre (Figure 1). Les deux épiphyses osseuses du tibia et du fémur sont reliées en périphérie par la capsule articulaire, tissu conjonctif fibreux assurant la stabilité de l’articulation. Ce tissu est doublé par les ligaments, les tendons et les muscles de l’articulation et délimite avec les surfaces cartilagineuses la cavité articulaire. Cette dernière est tapissée par la membrane synoviale, composée des synoviocytes, capable de sécréter le liquide synovial qui permet de nourrir et de lubrifier le cartilage (Blalock 2015). Au niveau des épiphyses du tibia et du fémur, se trouvent les ménisques qui sont des structures fibrocartilagineuses développées notamment dans l’articulation du genou. Ils jouent un rôle important dans la stabilité des articulations, la répartition des contraintes et l’amortissement de l’articulation (Blalock 2015). Par conséquent, une déstabilisation du ménisque peut entraîner une augmentation des contraintes mécaniques subies par l’articulation et une perte de l’intégrité du cartilage articulaire.
Les différents tissus de l’articulation sont étroitement interdépendants et liés entre eux par une communication constante afin d’assurer la mobilité de notre squelette et l’amortissement des contraintes mécaniques liées aux mouvements.
Cartilage articulaire
Structure et composition du cartilage articulaire
Le cartilage est un tissu conjonctif hautement spécialisé. Il recouvre les deux extrémités osseuses d’une articulation afin de leur permettre de glisser l’une contre l’autre avec un minimum de frictions. Chez l’homme, son épaisseur varie selon l’articulation, de 2 à 4 mm pour la hanche contre 6-7 mm pour le genou. Il permet, grâce à sa structure originale et ses propriétés viscoélastiques, d’amortir et de distribuer les chocs mécaniques appliqués sur l’articulation (Zhang et al. 2015). Contrairement à la plupart des tissus, il est ni vascularisé ni innervé. Il se compose majoritairement d’une matrice extracellulaire (95%) et d’une unique population cellulaire, les chondrocytes (Zhang et al. 2015) (Figure 2). Son architecture et sa composition sont strictement réglés par les chondrocytes en réponse à des changements chimiques et mécaniques (Glyn-Jones et al. 2015).
Les chondrocytes
Les chondrocytes sont des cellules résidentes du cartilage articulaire de 10 à 30 µm de diamètre représentant environ 2% du volume total du cartilage articulaire (He et al. 2014). Leur forme, nombre et taille varient en fonction de la zone du cartilage (Sophia Fox et al. 2009). Ils sont généralement arrondis ou polygonaux sauf aux limites des tissus où ils peuvent être aplatis (Archer et Francis-West. 2003). Ils dérivent des cellules souches mésenchymateuses au cours du développement embryonnaire. Le facteur de transcription Sox9 est l’un des premiers marqueurs exprimés lors de cette différenciation. Il est indispensable pour l’expression du collagène de type II ainsi que d’autres protéines spécifiques de la matrice (COL11A2 et CD-RAP) (Goldring et al. 2006). Les chondrocytes sont isolés au sein de la matrice extracellulaire. En raison de l’absence de vascularisation au sein du cartilage, ils sont en conditions d’hypoxie (Murphy et al. 2009). Sans apport direct des nutriments par des vaisseaux sanguins ou lymphatiques, les chondrocytes dépendent principalement du métabolisme anaérobie (Sophia Fox et al. 2009).
Dans les conditions physiologiques, les chondrocytes maintiennent l’équilibre entre la synthèse et la dégradation des composants de la matrice extracellulaire, régulant de cette manière l’intégrité structurelle et fonctionnelle du cartilage (Musumeci et al. 2011, Houard et al. 2013). Ils jouent aussi un rôle dans la mécano-transduction permettant de modifier leur métabolisme en réponse aux modifications physico-chimiques dans le microenvironnement (Abramson et Attur. 2009). Ils détectent les contraintes mécaniques et les changements dans la MEC, essentiellement par des récepteurs pour les composants de la MEC. Les récepteurs aux intégrines, par exemple sont capables de répondre aux stimuli mécaniques ou inflammatoires entraînant une régulation positive des protéases matricielles (aggrécanases et collagénases) (Houard et al. 2013).
La matrice extracellulaire cartilagineuse :
La matrice extracellulaire cartilagineuse (MEC) se compose majoritairement d’eau (60-80% du poids total), des fibres du collagène (~15%), de protéoglycanes (~9%) et des glycoprotéines (~5%) (Zhang et al. 2015) :
– Les collagènes représentent le composant le plus abondant de la MEC. Le collagène de type II représente 90 à 95% de l’ensemble des collagènes. On retrouve aussi les collagènes de types I, IV, V, VI, IX et XI avec une proportion mineure mais qui assurent la stabilisation de réseau des collagène de type II (Sophia Fox et al. 2009). L’ensemble de ces collagènes forment un réseau tridimensionnel qui confère au tissu sa résistance et sa rigidité face aux déformations (Aigner, Sachse et al. 2006).
– Les protéoglycanes sont des protéines fortement glycosylées constituées d’un noyau protéique auquel s’attachent plusieurs chaines de glycosaminoglycanes (GAG) de façon covalente (He et al. 2014). L’aggrécane est le protéoglycane le plus abondant possédant plus de 100 chaines de chondroitine sulfate et de kératane sulfate. Il est caractérisé par sa capacité à interagir avec l’acide hyaluronique par le biais de protéines de liaison (Sophia Fox et al. 2009). L’aggrécane avec l’acide hyaluronique contribuent à la lubrification et la viscoélasticité du tissu (Dudhia 2005). Le cartilage articulaire contient d’autres protéoglycanes tels la décorine, le biglycane et la fibromoduline caractérisées par leur capacité d’interagir avec le collagène (Sophia Fox et al. 2009).
– Les glycoprotéines, comme la fibronectine sont aussi présentes dans la MEC. Elles sont capables de se fixer aux collagènes et aux protéoglycanes (Bosman et Stamenkovic 2003) permettant ainsi d’augmenter la résistance du tissu.
– -Les protéines non collagéniques comme COMP (cartilage oligomeric protein) existent dans la MEC. Cependant, leurs fonctions restent mal connues. Malgré cela, COMP est utilisé actuellement comme un biomarqueur sanguin, urinaire et synovial reflétant la dégradation du cartilage (Valdes et al. 2014, Hunter et al. 2007).
L’ensemble des composants de la MEC contribuent à la rétention d’eau, indispensable pour maintenir les propriétés mécaniques de la matrice (Sophia Fox et al. 2009).
Organisation du cartilage articulaire
Le cartilage articulaire est organisé en différentes couches en fonction de leur composition et leurs propriétés mécaniques :
♦ La couche superficielle représente environ 10 à 20% de la hauteur du cartilage. C’est la couche en contact avec le liquide synovial et responsable de la protection des autres couches profondes du cartilage contre les forces de cisaillement engendrées lors du mouvement, grâce à sa richesse en fibres de collagènes (principalement de type II et IX). Cette couche contient un grand nombre de chondrocytes aplatis (Sophia Fox et al. 2009).
♦ La couche moyenne ou de transition représente 40 à 60% du volume total du cartilage. Elle contient des protéoglycanes et des fibres plus épaisses de collagènes organisées dans un réseau entrecroisé et non orienté. Les chondrocytes de cette couche sont de forme sphérique et en faible densité. Fonctionnellement, cette zone est la première ligne de résistance aux forces de compression (Sophia Fox et al. 2009).
♦ La couche profonde représente 30 % de la totalité du cartilage. Elle assure une plus forte résistance aux forces de compression, grâce à sa composition. Elle est riche en protéoglycanes et en fibres de collagènes dispersées perpendiculairement à la surface articulaire. Les chondrocytes y sont typiquement disposés en colonnes parallèles aux fibres de collagène (Sophia Fox et al. 2009).
♦ La couche calcifiée représente 5 à 10% de la hauteur du cartilage. Elle est séparée de la couche profonde par la tide-mark, front de calcification du cartilage, et permet l’ancrage du cartilage à l’os sous-chondral. Les chondrocytes de cette couche sont hypertrophiques.
Homéostasie du cartilage articulaire
L’homéostasie du cartilage est assurée par le renouvellement de sa matrice dépendant du turnover des molécules qui la composent. La demi-vie de collagène de type II est estimée à plusieurs centaines d’années (Eyre et al. 2006). Ce n’est pas le cas des protéoglycanes dont la demi-vie est plus courte, son renouvellement est donc hautement régulé par les chondrocytes. L’homéostasie de la MEC est assurée par le maintien de l’équilibre entre la dégradation des différentes macromolécules et leur remplacement par des produits nouvellement synthétisés. Sa dégradation est assurée par la synthèse des enzymes protéolytiques, comme les métalloprotéases matricielles (MMP). La physiologie des chondrocytes et le renouvellement de la matrice peuvent être influencés par de nombreux facteurs environnementaux, y compris la composition de la matrice, des médiateurs solubles (les facteurs de croissance et des cytokines) et des facteurs biophysiques engendrés par un stress mécanique appliqué sur l’articulation (Wilusz et al. 2014). Le chondrocyte est responsable de ce renouvellement (Sherwood et al. 2014). Il maintient l’équilibre entre l’anabolisme et le catabolisme afin de maintenir l’homéostasie du cartilage .
Quand il est soumis à un stress mécanique, le cartilage articulaire acquiert un phénotype viscoélastique. Cette capacité mécanique est liée à la composition de la MEC, notamment l’eau (Mow et al. 1984), les protéoglycanes et les fibres de collagène (Hayes et Bodine. 1978).
Le mouvement, lorsqu’il est cyclique et modéré, est bénéfique pour le cartilage. Il permet de maintenir le métabolisme du cartilage intact. En effet, lorsqu’une contrainte physique est exercée, le cartilage se déforme et la pression de l’eau augmente immédiatement. Ceci provoque l’expulsion des molécules d’eau hors de la MEC. Lorsque la pression est levée, l’eau rentre de nouveau dans le cartilage en apportant l’oxygène et les nutriments nécessaires pour le tissu. En revanche, un stress mécanique de forte intensité, excessif ou statique sera délétère pour le cartilage (Gosset et al. 2006).
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Table des matières
Introduction
Données bibliographiques
A. L’articulation : structure et fonction
1. Structure globale
2. Cartilage articulaire
2.1. Structure et composition du cartilage articulaire
2.2. Organisation du cartilage articulaire
2.3. Homéostasie du cartilage articulaire
3. Os sous-chondral
3.1. Structure et Fonction
3.2.1. La matrice osseuse
3.2.2. Les cellules osseuses
B. L’arthrose
1. Définition, prévalence et incidence
2. Facteurs de risque
3. L’arthrose est une maladie multi-tissulaire
4. Modèles animaux arthrosiques
5. Tissus articulaires arthrosiques
5.1. Cartilage articulaire arthrosique
5.1.1. Modifications macroscopiques et histologiques
5.1.2. Modifications matricielles
5.1.3. Modifications cellulaires
5.1.4. Rôle des enzymes protéolytiques dans la dégradation du cartilage
5.2. L’os sous-chondral arthrosique
5.2.1. Caractéristiques de l’os sous-chondral arthrosique
5.2.2. Effet du stress mécanique sur l’os sous-chondral
6. Communication entre l’os sous-chondral et le cartilage: rôle dans l’arthrose
6.1. Mise en évidence des interactions entre os sous-chondral et cartilage au cours de l’arthrose
6.1.1. Lien entre le remodelage osseux et la dégradation du cartilage
6.1.2. Lien entre la formation des œdèmes médullaires, des kystes sous-chondraux et des ostéophytes et la dégradation du cartilage
6.2. Interactions mécaniques entre os et cartilage
6.3. Interactions biochimiques entre os et cartilage
6.4. Modèles d’étude de la communication os/cartilage
6.4.1. Modèles de co-culture directe ostéoblastes/chondrocytes
6.4.2. Modèle de co-culture indirecte ostéoblastes/chondrocytes
6.5. Structures impliquées dans la communication biochimique entre os et cartilage
6.6. Médiateurs identifiés dans la communication os/cartilage
C. Les protéines 14-3-3
1. Structure
2. Fonctions intracellulaires
3. Régulation
4. Implications pathologiques
5. Les protéines 14-3-3 extracellulaires
5.1. Mécanisme de sécrétion des protéines 14-3-3
5.2. Les fonctions des protéines 14-3-3 sécrétées
D. CD13/APN
1. Structure et mécanismes d’action
1.1. Structure
1.2. Mode d’action
1.3. Fonctions biologiques
1.3.1. Fonction enzymatique
1.3.2. Fonction de récepteur et de transduction du signal
2. Implications pathologiques
2.2. CD13/APN : une cible thérapeutique
2.2.1. Anticorps bloquants et inhibiteurs pharmacologiques
2.2.2. Modèles in vivo de CD13/APN : Souris invalidées pour CD13/APN
Interaction entre CD13/APN et 14-3-3 (Etudes in vitro)
Article : “The pro-inflammatory cytokine 14-3-3ε is a ligand of CD13 in cartilage”
Injection intra-articulaire de 14-3 3 chez les souris WT et CD13-/- (Etudes in vivo)
A. Objectifs
B. Matériels et méthodes
1. Animaux
2. Culture primaire et stimulation de chondrocytes articulaires provenant de souriceaux CD13 -/- ou de souriceaux WT
3. Extraction-RT-qPCR
4. Injection intra-articulaire de 14-3-3ε aux souris
5. Analyses histologiques
6. Tests statistiques
C. Résultats
1. Phénotype des souris CD13-/-
2. Etude de l’expression de MMP-13, après stimulation par 14-3-3ε, dans les chondrocytes articulaires provenant des souris CD13-/-
3. Evaluation de l’effet de l’injection intra-articulaire de 14-3-3ε chez les souris WT
4. Evaluation de l’effet de l’injection intra-articulaire de 14-3-3ε chez les souris CD13-/-
Discussion
A. Interaction directe entre 14-3-3ε et CD13/APN in vitro
B. Rôle de 14-3-3ε dans un modèle murin : Injection intra-articulaire in vivo
C. Les protéines 14-3-3 sécrétées dans les pathologies articulaires humaines : nouveaux biomarqueurs ?
D. 14-3-3ε serait-elle une nouvelle alarmine sécrétée au cours de l’arthrose?
Revue: “The danger from within: alarmins in arthritis”
Conclusions
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