L’ART ET L’ARTISANAT DES AUTOCHTONES DU QUÉBEC

L’ART ET L’ARTISANAT DES AUTOCHTONES DU QUÉBEC

Cadre d ‘analyse

L’objectif de ce chapitre est de proposer un cadre de référence théorique dans le contexte où s’inscrit la dynamique sociale et culturelle amorcée par le projet de développement et le projet de recherche. Par cela, il est essentiel de saisir l’étendue des liens qui subsistent entre ces concepts en relation avec les démarches entreprises par le biais du projet de développement amorcé par le CNA.Le contenu de cette partie est une synthèse de la documentation scientifique et professionnelle concernant le sujet exposé. Étant donné le sujet de recherche qUI concerne la création d’une coopérative des arts en milieu atikamekw, les recherches ont été orientées afin de mettre en contexte les fondements de la culture atikamekw en lien avec l’historique de son développement. Par ailleurs, les définitions de développement au sens large permettent de mieux cerner ses implications dans un tel projet. Sur ce point, il est facile de relier les différentes prémisses de l’économie sociale, base même des fondements et de la structure de l’entreprise coopérative, à l ‘hypothèse que ce modèle de développement convient au milieu à l’étude. De plus, le résumé du profil des entreprises coopératives autochtones au Canada, particulièrement le modèle de coopérative inuite, illustre la vigueur de la réussite de ce modèle d’entrepreneuriat.

L’art et l’artisanat des autochtones du Québec

À l’origine, l’art et l’artisanat autochtone n’étaient pas une question de mode, mais une question de mode de vie (Noël, 1977). Les autochtones ont toujours eu un attachement au territoire. Il y a encore un demi-siècle à peine, avant les grands bouleversements qu’a connu la majeure partie des populations autochtones au Québec et au Canada, ceux-ci comptaient exclusivement sur les ressources du territoire pour leur survie. La confection et la fabrication d’équipements de chasse (arcs, raquettes, traîneaux à chiens) ainsi que de vêtements et de couvertures, étaient pour tous les autochtones, une tâche vitale. En ce sens, le territoire offrait tout ce dont les autochtones avaient besoin pour vivre. À travers le cycle des saisons, les autochtones s’adaptaient à ce que le territoire pouvait leur fournir en ressources. Les fondements de l’ art et de l’artisanat reposent sur un savoir et des connaissances qui font appel à l’utilisation des ressources du territoire dans la conception et la fabrication d’objets utiles à la vie quotidienne des individus et des communautés. Devant un environnement en constante évolution et mutation, surtout dans un milieu comme le Québec et le Canada, les populations autochtones ont vite fait d’acquérir des savoirs et des techniques dans ce domaine. Les œuvres des autochtones d’hier à aujourd’ hui nous ramènent inévitablement à l’inspiration, à l’imagination, à la création et aux matières utilisées qui sont très différentes de celles des Occidentaux (Noël, 2001).

La culture matérielle des autochtones et des Atikamekws

Nous sommes maintenant conscients que traditionnellement, les autochtones se caractérisaient par leur adaptation à l’environnement où ils vivaient. Ici, cette notion apparaît propre à tous les humains et à toutes les cultures. Toutefois, le territoire est un concept qui se relie fortement à l’identité atikamekw. Sans nous étendre davantage sur l ‘historique géopolitique du Québec et du Canada, le mécanisme de dépossession des territoires et de la culture traditionnelle des autochtones forcé, par l’instauration de la Loi sur les indiens au Canada depuis 1872, illustre le clivage d’interprétation du caractère identitaire au territoire entre la culture occidentale « dominante » et celle des Premières Nations. Selon Georges Sioui (2004), les autochtones s’adaptent au territoire dans le sens où, selon leur conception spirituelle, le territoire englobe un tout. Dans cette idée, l’homme s’adapte au territoire et non l’inverse. Contrairement, certaines civilisations occidentales ont transformé le territoire pour l’adapter à l’homme.Des siècles et des siècles de vie dure façonnèrent ces hommes, au fil des générations, jusqu’à les faire vivre, un peu comme les arbres et les plantes, en fonction des saisons. On ne fabrique pas chez ces peuples un vêtement de fourrure selon telle ou telle mode, mais surtout pour se protéger du froid de l’hiver. Et ce n’est pas n’importe quand dans l’année qu’on fabrique ce vêtement, mais en hiver au moment où la fourrure des animaux est la plus épaisse . Dans ces pays d’eau, les bateaux sont essentiels comme moyen de locomotion: on les fabrique au printemps quand fondent les neiges et monte la sève dans les arbres ( .. . ) (Noël, 1977 p.72)L’utilisation des objets chez les autochtones était le résultat d’un savoir se reposant dans un contexte de subsistance en relation avec leur territoire de vie. Avec la peau •des animaux qu’ils tuaient et les produits du bois, ils fabriquaient les objets et les vêtements dont ils avaient besoin. Dans un contexte d’échanges SOCIaux, ils complétaient leurs besoins en commerçant avec les autres groupes autochtones des régions avoisinantes selon leur savoir-faire et selon les objets qui leur étaient propres. Par exemple, le savoir-faire des Atikamekws dans la fabrication des canots d’écorce est reconnu par les autres nations autochtones depuis longtemps.Aujourd’hui, l’héritage de la culture matérielle des Atikamekws se regroupe par groupes fonctionnels (Clermont, 1982) divisés comme suit:
• Les moyens de transport: La préparation et la fabrication des canots d’écorce, la fabrication des raquettes et de la traîne sauvage.
• L ‘habitation, les ustensiles et les articles de rangement : La confection de structure de perches recouvertes d’écorces (historiquement) ou de toiles (plus récemment), la fabrication et l’utilisation d’ustensiles (longues palettes à sirop, louches, gamelles d’écorce, etc.).
• Le Tekinakan (porte-bébé) et les jouets: Le tekinakan était considéré comme un article du mobilier traditionnel au même titre qu’un vêtement ou un moyen de transport. La fabrication d’ objets traditionnels miniatures, traîneaux, hochets et bilboquets destinés aux enfants.
• Les vêtements: La confection de vêtements en fourrure (lièvre, castor, ours, etc.) et en cuir d’ orignal (mocassins, mitaines, coiffes, etc.), l’utilisation d’ objets pour la fabrication (os, racines, etc.).
• Les objets de subsistance: Fabrication d’objets de pêche (le tressage des filets de pêche, la fabrication d’hameçons, de harpons), la cueillette (paniers d’écorce), la trappe et la chasse (l’arc et les flèches, les outils de piégeage).
• Les objets de culte : La fabrication du tambour, du totem et du masque et autres objets de culte.
• Les objets d’art: Fabrication d’éléments de décoration sur les objets (motifs décoratifs de gravure, de sculpture, de peinture, de perlage et de broderie).
En somme, la culture matérielle des Atikamekws y découlera par la suite et se manifestera aujourd’hui par les produits d’artisanat. Cependant, le concept d’« artisanat » ou de « métier d’art» n’existait pas dans l’esprit des autochtones. Il se traduisait par les choses que les femmes ou les hommes « Indiens» fabriquaient (Noël, 2001). Aujourd’hui, le terme approprié serait « art traditionnel ». Pour en découvrir davantage sur cet aspect, nous vous invitons à visionner les capsules vidéo sur l’artisanat atikamekw (Les fondements et l’artisanat d’aujourd’hui – www.ihc-atikamekw.org).

Les origines de la commercialisation de l ‘artisanat autochtone

Les Européens, à leur arrivée sur le continent, ont manifesté rapidement un intérêt pour l’artisanat autochtone. Grâce à cela, les autochtones ont très vite pris conscience de l’attrait de leurs productions face à ces nouveaux arrivants. Devant ce potentiel de commerce et d’échanges avec les Européens, les autochtones ont immédiatement « mis en marché » leurs produits. Ces ventes ou ces trocs étaient effectués, évidemment, au hasard des rencontres, de façon individuelle et sans organisation au préalable (Noël, 1977). Ces clients, les non autochtones, achetaient ou échangeaient surtout des pièces utiles à la vie au quotidien, mais certains voyageurs se procuraient également des pièces artisanales originales et plus exotiques qu’ils ramenèrent avec eux en Europe. Michel Noël (1977), dans son ouvrage consacré à l’artisanat autochtone Artisanat québécois, Indiens et Esquimaux, rapporte qu’un certain monsieur Peter Kalm, lors de son voyage
en 1749, avait décrit que « des Indiens vendaient aux Blancs des paniers en lamelles de frêne. » D’ailleurs, d’importantes collections d’art et d’artisanat autochtone très anciennes ont été constituées puis se sont retrouvées à l’étranger. Par la suite, Noël fait état, dans les années 1970, de vieux artisans et artisanes autochtones qui se souviennent de leurs voyages en canot à Maria (en Gaspésie), à Pointe-Bleue (au Lac St-Jean), à Maniwaki (en Outaouais) et ailleurs, où ils allaient vendre leurs pièces d’artisanat aux citadins ou au poste de traites de la Baie d’Hudson. Selon les témoignages recueillis par Noël, les autochtones y échangeaient alors leurs produits contre du sel, de la farine, outoute autre marchandise qui leur était essentielle. Plusieurs récits des travailleurs de la Baie d’Hudson, qui ont vécu à proximité des réserves indiennes, évoquent le souvenir de ces Indiens artisans qui circulaient de maison en maison pour vendre leurs paniers d’écorces, leurs canots miniatures ou leurs mocassins en cuir d’orignal brodés. De par ces souvenirs et ces récits, nous pouvons maintenant croire et situer le début de la commercialisation de l’artisanat autochtone à cette époque. L’historique du développement de l’artisanat autochtone nous témoigne encore aujourd’hui que les nombreuses tentatives de développement de ce secteur de l’époque ne sont pas si différentes de celles d’aujourd’hui et que le contexte auquel font face les artisans dans ce domaine n’a pas réellement évolué depuis 40 ans.

L’art et l’artisanat atikamekw

L’originalité de l’art et de l’artisanat atikamekw puise sa source dans les saVOIrs traditionnels qui ont évolué au travers des époques 6. Comme toutes les autres populations autochtones, les Atikamekws se démarquaient par une façon particulière de décorer leurs vêtements (Noël, 1979). La description du Père Guinard lors de ses missions chez les Atikamekws, reprise par Serge Bouchard (1980), nous renseigne sur l’artisanat atikamekw qui subsiste encore aujourd’hui:
Quel spectacle en effet que d’observer l’Indien fabriquer un canot d’ écorce de bouleau, de le voir déterrer des racines fines pour coudre les morceaux d’ écorce et s’appliquer à recueillir la gomme d’épinette pour gommer les coutures ! Quel émerveillement que de réaliser les mille fins auxquelles on destinait l’usage du couteau croche! Quelle surprise d’observer une première fois quelqu’un qui rase le poil des peaux avec un os fendu avant de les tanner et de les fumer ( … ) Comment rester indifférent devant ces belles femmes au teint bronzé, aux traits réguliers, cachant leur épaisse chevelure sous des mouchoirs rouges, emmaillotant leurs petits enfants dans la mousse, les portant sur le dos, lacés sur une planche. On aimait les voir coudre les mocassins avec des aiguilles triangulaires avant de les broder de soie, lacer les filets, les raquettes, tenir les lanières gluantes entre leurs dents ( … ) (Bouchard, 1980, p. 134)
Aujourd’hui, on reconnaît les œuvres artisanales atikamekws surtout par les paniers et les canots d’écorce de bouleau, ornés de magnifiques dessins. D’ailleurs, on surnomme 6 Voir Capsule vidéo sur les fondements de l’artisanat atikamekw, 2010 – www.ihc-atikamekw.org amicalement les Atikamekws « le peuple de l’écorce ». Les techniques artisanales sont toujours transmises de génération en génération si bien qu’aujourd’hui à l’ère moderne, elles sont toujours pratiquées tout en s’étant accentuées et adaptées à de nouvelles matières et de nouvelles techniques modernes. L’artisanat à base d’écorce de bouleau est moins pratiqué à Opitciwan comparativement aux autres communautés comme Manawan. Le territoire à Obedjiwan étant surtout caractérisé par la présence de la forêt boréale, leur spécialité réside surtout dans la confection du cuir d’orignal et dans la fabrication des objets qui s’y rattachene. Les artisans atikamekws ont le souci de préserver cette tradition. Les artisans atikamekws pratiquent l’artisanat surtout comme un passe-temps, mais pour beaucoup, c’est aussi un moyen de faire vivre leur culture traditionnelle. Cette pratique culturelle est majoritairement transmise par la famille et est surtout acquise par observations. Par ailleurs, selon l’étude effectuée par le groupe de consultants St-Marketing en 2009, les artisans interrogés ont manifesté à plus de 70 % de leur intérêt à transmettre leur savoir aux plus jeunes. Les autorités atikamekws dans le secteur de l’éducation ont bien compris les besoins de transmission des savoir-faire atikamekws et pour cela, tous les établissements scolaires dans les communautés atikamekws offrent à même le programme scolaire des cours en art traditionnel9.
L’importance de la transmission de l’artisanat à la relève atikamekw est réelle, une façon de ne pas oublier les vestiges du passé, de le faire retentir dans le présent et dans le futur.

Retour en perspective sur la notion de développement

Force est de constater que, les lois macro-économiques préconisées depuis plus d’un siècle définissent trop hâtivement que la forme la plus avancée de développement passe par la prospérité économique et que la crise économique que vivent actuellement plusieurs sociétés nous force à redéfinir impérativement les finalités de cette approche de développement (Vachon, 1993). Certes, dans un contexte actuel où la survie des communautés doit impérativement passer par la survie économique, peut-on se fier seulement à un développement économique favorable pour espérer une meilleure qualité de vie des communautés? Honorablement, les théories du développement local viennent répondre beaucoup plus adéquatement aux réelles préoccupations et aux enjeux auxquels font face les communautés issues des milieux urbains, mais d’autant plus celles issues des milieux ruraux. Ici, les individus et les groupes sont appelés à jouer un rôle plus important dans leur développement communautaire, ce qui vient faciliter la maîtrise des ressources de leur collectivité (Tremblay & Fontan, 1994). Le développement local devient ainsi une solution adaptée qui vise à accroître la capacité des collectivités de s’adapter à l’insécurité économique et sociale qui cause le changement, mais aussi, à encourager et à appuyer une nouvelle approche de développement eI1trepreneurial.

Le concept de développement local

Le concept de développement local a fait son apparition en France et supposait, au départ, une idée de développement de « rattrapage» dans un territoire en perte de vitesse économique (Mengin, 2002). Suite aux multiples exemples de revitalisation des territoires et des collectivités sous l’angle du développement local, Bernard Vachon (1993), propose une critique et une réflexion du développement adapté à la réalité contemporaine. Selon lui, nous assistons aujourd’hui à une véritable mutation sociale. Il mentionne qu’il y a eu davantage de changements durant les deux dernières générations que pendant toutes les autres périodes de l ‘humanité réunies.
Les conceptions traditionnelles de l’économie, du travail, de la vie collective, des valeurs morales, etc., ont ,été violemment bousculées devant les nouvelles possibilités qui nous étaient offertes. Le progrès opéré grâce aux dernières techniques de communication et à la révolution biologique dessine un tableau social, économique et culturel totalement différent. Plus rien n’est et ne sera comme hier: une société inédite est en train de naître. (Vachon, 1993, p. 71-72)
Pour Vachon (1993), le développement local est l’évolution la plus adaptée face au développement. Ce concept renvoie aux initiatives et aux projets qui visent à dépasser les objectifs de croissance économique d’une société tout en y corrigeant les effets et les retombées négatives de ceux-ci. Cette nouvelle dynamique du local, où entreprendre un développement dans un territoire qui constitue un espace de solidarité impliquant des individus attachés au milieu qui partagent une histoire commune et qui ont envie de construire un avenir collectif, devient le fondement de la notion de développement local (Joyal,2002) .

 Les caractéristiques du développement local

En général, les auteurs s’entendent pour dire que le développement local est reconnu comme une pratique et que dans cette pratique, l’accent est porté sur la valorisation du caractère identitaire et sur la singularité des territoires concernés en tant que facteurs de développement (Pequeur, 2000). Selon Klein (2006), le développement local renvoie davantage à une vision multidisciplinaire du développement, car il englobe tout autant les dimensions politiques, sociales, culturelles et économiques de ces territoires.
Les réflexions de Vachon (1993) dans son ouvrage Le développement local, Théorie et pratique sont très intéressantes. Pour lui, le développement local apporte une solution plus humaine aux préoccupations de développement des communautés issues de régions fragilisées et marginalisées, un contexte dans lequel se consignent inévitablement les communautés autochtones . Selon Vachon (1993), le développement local s’ appuie sur trois principes fondamentaux:
~ Le développement ne découle pas uniquement de la fonction ni de la valeur économique des activités et de l’organisation sociale des individus;
~ Le développement ne relève pas seulement des grands systèmes macro-économiques ni des institutions centralisées. Il est aussi largement lié aux micro-initiatives;
~ La personne constitue la force motrice du développement.
Par ailleurs, pour Vachon (1993), le développement local n’a pas de « modèle» qui lui est propre puisque chaque expérience est façonnée de façon unique par le milieu où elle se déroule et par les acteurs qui en font partie. Le développement local est plutôt une stratégie appliquée dans la mise en valeur d’un territoire donné où les acteurs sont les bénéficiaires. En somme, l’idée de développement que nous présente Vachon fait appel à un processus plus global et propose des éléments de solution valables face aux problématiques qui découlent de la « mésadaptation » ou du « mal développement» des individus ou des communautés vulnérables. Mais avant tout, le développement local doit avoir une assise territoriale importante qui dicte des valeurs et des préoccupations propres à la communauté qui l’abrite pour ainsi trouver des solutions davantage adaptées à son contexte et son environnement précis. Vachon (1993) insiste beaucoup sur ce point en affirmant :
C’est en misant sur les ressources, les compétences, les entreprises et les initiatives locales plutôt que sur les injections d’activités industrielles dans une région et les politiques d’intervention venues de l’extérieur que les acteurs du développement local décident de participer au redressement économique et social de leur collectivité. Les pratiques du développement local supposent l’identification à un espace et l’appropriation de celui-ci; elles sont donc profondément ancrées dans un territoire, c’est-à-dire qu’elles sont intimement liées à l’environnement. dans lequel elles ont cours. (p.93)
Cette affirmation vient consolider le rapport existant entre les valeurs ancrées des communautés atikamekws envers leur territoire. Comme si les Atikamekws possédaient déjà cette notion d’ancrage pour leur territoire exprimée par leur épanouissement identitaire, culturel, social et économique. En somme, Vachon affirme que la notion de développement local repose avant tout sur la reconnaissance des individus et des collectivités ancrées dans leur territoire, en accord sur ce point à la philosophie traditionnelle des Atikamekws. Or, les pratiques de développement local doivent d’abord s’amorcer avec une prise de conscience locale en s’appuyant par des démarches de concertation entre les résidents d’une même collectivité. Selon Prévost (1993), cette prise de conscience réfère au concept de « décristallisation ». Cette notion correspond à la période où un système de personnes, individuel ou collectif, commence à remettre en question ses perceptions, ses habitudes ou ses comportements. Ainsi, Prévost (1993) soutient l’idée que pour arriver à une amélioration des conditions sociales et économiques des communautés par l’instauration d’un changement à caractère collectif, il est nécessaire d’avoir la crédibilité nécessaire pour un leadership de concertation. Le développement local repose ainsi sur une mise en commun de l’interprétation du potentiel des communautés à assurer leur développement. Nous pouvons relier cette caractéristique à la notion d’autonomisation ou d’autodétermination (empowerment) des populations qui est « le processus par lequel un individu ou une collectivité s’approprie le pouvoir ainsi que sa capacité à l’exercer de manière autonome» (Ninacs, 2002, p. 22).
Pour Ninacs et pour les visées inhérentes du projet de coopérative atikamekw, l’enjeu principal de ce contexte de développement local se situe indubitablement au niveau du pouvoir pouvant être exercé par les groupes d’individus sur leur situation économique et sociale. Le développement local endosse ainsi la capacité et la volonté des communautés à prendre en main leur développement, ce qui sera mieux adapté et reflétera davantage les besoins du milieu. Cette notion de pouvoir et de maîtrise collective en tant que valeurs démocratiques amène une autre caractéristique incontournable du développement local. La particularité démocratique de cette approche de développement encourage la participation et la responsabilisation des personnes envers le développement de leur communauté (Vachon, 1993).

Le « maldéveloppement » chez les Atikamekws

Autrefois, les Atikamekws avaient leur propre structure territoriale et sociétale. Il existait une dizaine de clans (ou grandes familles) répartis sur le territoire traditionnel.
Chaque clan avait son chef de clan. Celui-ci était choisi pour son sens du partage, sa sagesse, mais surtout, pour ses qualités de chasseur et ses connaissances du territoire familial (Audy & Lemay, 2009). Ces populations étaient libres, autonomes et autosuffisantes. Elles vivaient dans la nature, ~n utilisant les ressources du milieu sans les surexploiter. Le développement de la région de la Mauricie a eu des conséquences très néfastes sur les collectivités atikamekws ainsi que sur leur mode de fonctionnement traditionnel. L’exploitation forestière, l’aménagement de barrages hydroélectriques sur la rivière Saint-Maurice ainsi que la construction du chemin de fer au courant du siècle dernier sont parmi les multiples exemples de ce développement dans la région. Pour les aînés atikamekws, ce développement a été effectué sans leur consentement et sans leur implication. Vestiges des bouleversements historiques (Proclamation royale de 1763, Loi sur les Indiens de 1876) et du développement de la Mauricie, les Atikamekws ont perdu à peu près tout pouvoir au niveau géopolitique. Certes, ces faits se traduiront par ce « maldéveloppement10 » qui touchera l’ensemble des peuples autochtones. Les actions des gouvernements découlant de la Loi sur les Indiens, à l’origine du déracinement au territoire traditionnel où les familles autochtones, durant les années 50 et 60, se sont vues obligées d’envoyer la majorité de leurs enfants dans des pensionnats, sont parmi les faits marquants qui ont contribué à une réforme sociale et culturelle forcée des sociétés autochtones et qui n’ a pas favorisé leur développement social et culturel. C’est pourquoi aujourd’ hui, on peut expliquer comment la majorité de la population autochtone, dont les Atikamekws, a une perception assez négative de la notion de développement.
Historiquement, la société canadienne et des intérêts économiques ont détruit notre mode de vie traditionnel et nous ont ainsi privés d’une base économique sur laquelle fonder notre avenir. La société canadienne nous considère comme des ratés parce que nous ne nous conformons pas à ses valeurs, et la pauvreté de notre peuple l’ a conduit à l’ alcoolisme et à d’ autres tragédies , comme la criminalité , la mortalité infantile et le manque de confiance en soi . C ‘ est plutôt le Canada et surtout le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui ont raté leur coup en créant et perpétuant une relation de dépendance qui nous prive de notre dignité, ainsi qu ‘ en sabotant les efforts que nous faisons pour créer une situation économique dont notre peuple a besoin pour exploiter les richesses naturelles de nos réserves et des terres de la Couronne contiguës à celles-ci. (Rapport du Comité spécial sur l’autonomie politique des Indiens, 1983, p.79)

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE
1.1 PROFIL SOCIAL ET CULTUREL DE LA NATION ATIKAMEKW
1.1.1 Profil des communautés atikamekws
1.2 LE CONSEIL DE LA NATION ATIKAMEKW (CNA)
1.2.1 Historique des travaux réalisés par le CNA touchant la culture
1.2.2 Historique des travaux réalisés par le CNA dans le secteur de l’artisanat
1.3 LA POLITIQUE NATIONALE DE LA RURALITÉ ET L’ORIGINE DU PROJET DE COOPÉRATIVE ATIKAMEKW
1.3.1 Mesure des laboratoires ruraux du MAMROT
1.3.2 Projet de coopérative de développement socioculturel et économique atikamekw et la mesure de laboratoire rural
1.3.3 Les résultats et les retombées attendues
1.4 OBJECTIF GÉNÉRAL ET QUESTIONS DE RECHERCHE
CHAPITRE 2 – CADRE D’ANALySE
2.1 L’ART ET L’ARTISANAT DES AUTOCHTONES DU QUÉBEC
2.l.1 La culture matérielle des autochtones et des Atikamekws
2.1.2 Les origines de la commercialisation de l’artisanat autochtone
2.1.3 L’art et l’artisanat atikamekw
2.2 RETOUR EN PERSPECTIVE SUR LA NOTION DE DÉVELOPPEMENT
2.2.1 Le concept de développement local
2.2.2 Les caractéristiques du développement local
2.2.3 Le « maldéveloppement » chez les Atikamekws
2.2.4 Les prémisses du développement dans un contexte d’économie sociale en lien avec le projet du CNA
2. 3 LA NOTION DE COOPÉRATION CHEZ LES PREMIÈRES NATIONS .
2.3.1 La coopération chez les Atikamekws : un contexte historique
2.3.2 Portrait des coopératives en milieu autochtone au Canada
2.3.3 Le modèle coopératif inuit
2.3.4 Le mouvement coopératif atikamekw
2.4 LE MODÈLE D’ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
2.4.1 Les principes coopératifs: Vecteurs du développement des collectivités ..
2.4.2 Les caractéristiques de l’entreprise coopérative
2.4.3 Les étapes de création d’une coopérative
CHAPITRE 3 – LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 LA RECHERCHE PARTENARIALE
3.2 LA STRATÉGIE DE RECHERCHE
3.3 POPULATION ET ÉCHANTILLON
3.4 L ES OUTILS DE COLLECTE DE DONNÉES
3.5 RESPECT DES DROITS ET LIBERTÉS DES PARTICIPANTS
CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS
4.1 D ESCRIPTION ET ANALYSE DU PROCESSUS DE CRÉATION DE LA COOPÉRATIVE ..
4.1.1 Phase 1 – Élaborer le projet coopératif
4.1.2 Phase 2 – Coordonner les activités de la pré-coopérative
4.2.3 Phase 3 – Démarrer les activités d’ opération de la coopérative ..
4.1.4 L’état actuel d’avancement au projet de coopérative atikamekw depuis la tenue de l’assemblée de fondation en juillet 2010
4.2 A NALYSE DES RÉSULTATS DU VOLET« ACTION» DE LA RECHERCHE
4.2.2 Participation à l’élaboration d’un plan de formation destiné à la relève ..
4.2.3 Production et réalisation de capsules audio-vidéo
4.2.4 Rencontre «intercoop» à Obedj iwan (27-28 avril 2010)
4.2.5 Participation aux congrès (2009-2011) ..
4.3 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 5 – INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ET DISCUSSION .
5.1 RETOUR SUR LES PRINCIPALES COMPOSANTES DE LA RECHERCHE
5.2 SYNTHÈSE DU PROCESSUS D’ IMPLANTATION DE LA COOPÉRATIVE
5.3 C ARACTÉTISTIQUES DE L’ÉCONOMI E SOCIALE APPLICABLES AU CAS À L’ÉTUDE
5.4 M ÉCANISME ET LIMITES DE LA MISE SUR PIED DE LA COOPÉRATIVE
5.5 ÉLÉMENTS ET PARTICULARITÉS DU DÉVELOPPEMENT LOCAL EN CONTEXTE ATIKAMEKW
5.5.1 Contexte historique et identité atikamekw
5.5.2 Valorisation et protection du patrimoine culturel de la Nation Atikamekw 194
5.5 .3 Le processus d’ affirmation identitaire et culturelle des communautés autochtones en relation avec la notion de développement
5.5.4 Les contraintes de développement
5.6 LIMITES DE LA RECHERCHE
CONCLUSION 
R ÉFÉRENCES
APPENDICE A – FICHE D E PROJET (2008)
APPENDICE B – DOCUMENTS DE TRAVAIL
APPENDICE C – FORMATION PRÉ-COOPÉRATIVE (2009)
APPENDICE D – PLAN DE FORMATION
APPENDICE E – PRODUCTION ET RÉALISATION DES CAPSULES WEB

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