L’ART DE LA TRAGEDIE DANS ANDROMAQUE ET PHEDRE

L’INSPIRATION DE LA MYTHOLOGIE GRECQUE

   « Pour éviter la contamination des genres, la tragédie classique à ses sujets, empruntés à l’histoire ou à la légende, la comédie à les siens inspirés des fabliaux et des comiques latins ». Les trois années d’adolescences passées à Port Royal Des Champs, où il découvre les leçons brillantes de l’Helléniste Lancelot, les merveilles de la mythologie grecque, ont été déterminantes pour les gouts esthétiques de racine. Les tragiques grecs dont il apprend alors les textes par cœur et dont il annote les œuvres seront toujours ses modèles. Racine réfère dans la tragédie, les beautés de la mythologie aux certitudes de l’histoire. Sur ses onze (11) tragédies, quatre (04) seulement empruntent leur sujet à l’histoire : Alexandre, Britannicus, Bérénice et Mithridate. Lorsqu’il écrit Britannicus « la pièce des connaisseurs », puis Bérénice, c’est pour affronter corneille sur son propre terrain, celui de l’histoire romaine. Car pour Corneille, « brillant élève des jésuites, nourri de culture latine, l’histoire romaine offre un réservoir inépuisable de figures héroïques et de grands événements ». Racine faisait volontiers références aux sources antiques, car au XVIIe siècle les « grands genres » exigeaient de leurs auteurs l’utilisation de modèles puisés dans les littératures grecques et latines, que l’on enseignait seul à l’époque. C’est ce qu’on appelle l’usage d’imiter les anciens. Mais imiter ne signifie pas retranscrire ni même transposer de façon étroitement soumise aux modèles, il s’agit plutôt de s’en inspirer et à partir de là, d’apporter une part d’invention. Gustave Lanson dira justement que Racine « prit des sujets légendaires ou historiques et comme tels aussi invraisemblables que ceux de corneille sous le merveilleux et le grandiose des fables et des noms, il aperçoit, montre le fait commun ni héroïque, ni royal, mais humain » Dans Phèdre une de ses pièces auxquelles il a le plus longtemps travaillé : Racine mit plus de deux (02) ans à l’écrire. C’est encore Euripide qu’il imite ici dans son Hippolyte porte couronne. Si racine a modifié certains détails dans la conduite de l’action, il s’est contenté le plus souvent d’adapter et même de reproduire des passages entiers de la tragédie grecque. Certains vers de sa Phèdre ne sont que des transcriptions dans l’admirable cadence racinienne des vers d’Euripide, par exemple : « Que ces vains ornements, que ces voilent me pèsent » Ou « Dieux ! Que ne suis-je assise à l’ombre des forets ! Quand pourrai-je au travers d’une noble poussière, Suivre de l’œil un char volant dans la carrière » ou encore plus loin « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur » Tout ce qui n’appartient pas dans Phèdre d’Euripide n’est pas pour autant de l’invention de Racine. Il s’est également inspiré de la Phèdre de Sénèque. Là, il a trouvé non seulement la scène capitale de la déclaration de Phèdre qui n’est pas dans Euripide, mais le stratagème de l’épée qui sert ensuite à accuser Hippolyte. On peut donc dire que toute l’intrigue de racine est dans ces modèles anciens dont il se contente de transcrire à plusieurs reprises, les termes mêmes. Racine d’ailleurs ne s’est nullement caché et il commence la préface par ces mots : « Voici encore une tragédie dont le sujet est pris d’Euripide. Quoique j’aie suivi une route un peu différente de celle de cet auteur pour la conduite de l’action, je n’ai pas laissé d’enrichir ma pièce de tout ce qui m’a paru plus éclatant dans la sienne. Quand je ne lui devrais que la seule idée du caractère de Phèdre, je pourrais dire que je ne lui doit que ce que j’ai peut-être mis de plus raisonnable dans le théâtre » Ici cependant Racine exagère, le caractère de sa Phèdre lui appartient en propre. La Phèdre antique n’était qu’une malheureuse victime un instrument de la vengeance des dieux. La Phèdre de Racine est plus responsable et, si pour parler de sa passion elle dit : « ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachées ; c’est vénus tout entière à sa proie attachée » Ce n’est ici qu’une image car, l’excuse de Phèdre ce n’est pas l’intervention de vénus, c’est l’envahissement de la passion contre laquelle elle ne peut lutter. Mais si Phèdre est responsable et se considère comme telle c’est parce qu’elle n’obéit plus seulement comme celle d’Euripide aux contraintes sociales, au souci intéressé de son bonheur et de sa réputation ; c’est qu’au fond d’elle-même, elle considère sa passion comme criminelle. Elle a le sens de l’honneur du péché. Chateaubriand dans Le génie du christianisme, dit qu’il y a dans Phèdre « les orages d’une conscience toute chrétienne ». Aussi dans Andromaque, Racine emprunte encore ici la tragédie du dramaturge grec Euripide (484 ?406 av J-C.). On ignore la date ou elle fut écrite, mais elle est sans doute postérieur à 431, année ou commença la guerre du Péloponnèse, ce qui explique le ton hostile aux spartiates dont toute la tragédie est empreinte la date la plus probable, parmi toutes celles qu’ont proposé les critiques semblent être 423. L’épouse d’Hector, Andromaque comme butin à Néoptolème(Pyrrhus), fils d’Achille. L’ayant gardé auprès de lui comme concubine Néoptolème en a eu un enfant, Molosse, et l’a ensuite emmené avec lui à Phtie, dont est encore le vieux père d’Achille, Pelée. Cependant Néoptolème s’est mariée avec Hermione, princesse spartiate fille de Ménélas et d’Hélène. De cette union, aucun enfant n’est issu. Remplie de jalousie et d’orgueil humilié, Hermione prétend qu’Andromaque l’a envoutée et rendu stérile : en l’absence de Néoptolème (qui s’est rendu à Delphes pour se faire pardonner d’avoir demandé à Apollon pourquoi il avait tué son père), elle décide de tuer Andromaque et son fils. Mais Andromaque trouve une cachette pour son enfant et échappe à la mort, en se réfugiant dans le temple de Thésis, la nymphe que les Thessaliens vénéraient à cause de ses noces avec Pelée et la naissance d’Achille. Tout cela est évoqué dans le prologue par Andromaque elle-même. Elle déplore la destinée qui, après l’avoir privée de tout et livré au fils de l’ennemi et du meurtrier d’Hector, lui impute comme une faute même son malheur. Elle n’aime pas Néoptolème(Pyrrhus) ; dans son cœur elle appartient encore et seulement à Hector. Mais elle sait que si Néoptolème était présent, il éloignerait d’elle et de son enfant la mort qui les menace. En son absence, elle songe à demander recours au vieux Pelée et envoie en secret un de ses esclaves d’autrefois, maintenant sa camarade de captivité, pour apprendre au vieillard la menace qui plane sur le fils de Néoptolème. Le cœur entre : il est composé de femme de Phtie, qui, tout en exprimant leur pitié pour Andromaque, lui conseil de se soumettre à la volonté de ses maitres. La tragédie est constituée par trois intrigues parfaitement distinctes : le drame d’Andromaque qui échappe à la mort, et celui d’Hermione qui s’enfuit, et enfin celui de Néoptolème absent. Les personnages sont brossés avec un réalisme psychologique à tendance pessimiste, qui remplaçait chez Euripide l’intérêt pour la signification religieuse et morale du mythe. C’est ce sujet qui a été repris dans la tragédie en cinq (05) actes : Andromaque, de Jean Racine, et qui en est son premier chef  aussi son premier essai d’un théâtre d’analyse des passions et de réalisme psychologique. Toutefois Racine affirme dans sa préface qu’il a trouvé son sujet tout entier, action, lieu, caractères, dans quelques vers -admirables- de Virgile. Mais il omet de signaler que ces vers ne parlent pas d’Astyanax pièce maitresse pourtant de sa tragédie. Voltaire fut le premier à voir que c’était l’acte II de Pertharite (et le début du III) qui avait inspiré sur ce point Racine. Des détails frappent leur similitude par exemple Rodelinde y est en effet menacée, si elle refuse sa main, de voir son fils périr :
…tout le choix qu’on vous donne, c’est d’accepter pour lui la mort, ou la couronne. (…) Pour en délibérer vous n’avez qu’un moment.
Si le sujet présente dès le début une certaine complexité d’où découle ce mouvement alterné des personnages Ŕ celui des deux couples se repoussant tour à tour Ŕ le développement de l’action est admirable de vérité humaine, d’analyse profonde et fine, surtout des âmes féminines. Hermione véhémente et passionnée, est la première figure d’amoureuse peinte par Racine ; Andromaque donne au contraire à la tragédie une lumière de poésie, grâce à sa candeur virgilienne et aux souvenirs d’Illon que suscite sa seule présence, souvenirs qui éclairent l’action d’une lointaine splendeur d’épopée. La nouveauté d’Andromaque fut vivement ressentie de son temps et la pièce eu un succès considérable. On s’émerveilla devant la simplicité de l’action, et la comparaison fut aussitôt faite entre la nouvelle conception du drame qu’impliquerait la pièce et la conception cornélienne de la tragédie. Après l’amour cérébral des personnages de Corneille et les jeux galants de Quinault, c’était l’amour passion qui faisait son entrée sur la scène française. De plus, certains aménagements ont été apportés à Andromaque afin de ne pas choquer les bienséances. Dans la pièce, l’héroïne est un modèle de fidélité car elle honore la mémoire de son défunt mari et protège leur fils Astyanax. Dans la version antérieure, elle avait eu un fils avec Pyrrhus et Astyanax était mort pendant la guerre de Troie. Racine adapte une fois de plus les faits pour se conformer à l’image que l’on a conservé du personnage : « La plupart de ceux qui ont entendu parler d’Andromaque, ne la connaissent guère que pour la veuve d’Hector et la mère d’Astyanax. On ne croit point qu’elle doit aimer ni un autre mari ni un autre fils ». Il donne par la suite une autre explication en évoquant l’accueil du public si la version d’Euripide avait été conservée : « Et je doute que les larmes d’Andromaque eussent fait sur l’esprit de mes spectateurs l’impression qu’elles y ont faite, si elles avaient coulés pour un autre fils que celui qu’elle avait d’Hector ». Donc nous voyons à l’aune de notre analyse que Racine tirait ses sujets de la mythologie gréco-romaine comme la tradition le recommandait : l’imitation des anciens. Cependant il est important de souligner que la même tradition voulait que les personnages des œuvres tragiques soient des personnages héroïques et de noble lignée puisque le théâtre est destiné au gens de la cours et à la noblesse.

LA VRAISEMBLANCE

   La vraisemblance est, comme nous le savons l’une des règles essentielles de la tragédie classique ainsi que l’une des parties intégrantes de la conception racinienne de la tragédie. Les écrivains du XVIIe siècle n’ont pas manqué d’affirmer l’indispensable nécessité de la vraisemblance, et aussi de donner aux écrivains des principes qui leur permissent de faire régner dans leurs œuvres cette vraisemblance toute puissance. Pour Chapelain, la vraisemblance est l’ « objet immuable de la poésie ». Racine affirme avec plus de force encore : « il n’y a que la vraisemblance qui touche dans la tragédie ». Quant à l’Abbé D’Aubignac, il professe pour la vraisemblance un culte exclusif et jaloux ; la considération du vraisemblable lui dicte presque toutes ses idées, les plus ingénieuses les plus justes, les plus profondes et parfois les plus absurdes. Il suit la vraisemblance où elle le mène, et elle le mène fort loin. Il n’est guère de chapitre de La Pratique du Théâtre où la vraisemblance ne soit alléguée, souvent comme raison déterminante. Quand D’Aubignac en en arrive au chapitre spécialement consacré à ce sujet, le chapitre « De la vraisemblance », il commence par une déclaration d’absolutisme qui est un cri de triomphe : « Voici le fondement de toutes les pièces du théâtre, chacun en parle et peu de gens l’entendent ; voici le caractère général auquel il faut reconnaitre tout ce qui s’y passe ; En un mot la vraisemblance est s’il le faut ainsi dire, l’essence du Poème Dramatique, et sans laquelle il ne se peut rien faire ni rien dire de raisonnable sur la scène » la vraisemblance doit donc se trouver, non seulement dans l’action, mais dans « le temps, le lieux la personne, la dignité, les desseins, les moyens et la raison d’agir », bref, partout. « Jamais au spectateur n’offrez rien d’incroyable Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable » dit justement Boileau dans l’Art poétique. La tragédie pour avoir sur le public l’effet recherché qui est de lui inspirer pitié et peur, doit offrir aux spectateurs une histoire crédible, qui pourrait avoir lieu en réalité. Mais cela ne suffit pas : non seulement on doit bannir de l’intrigue des éléments fantastiques ou impossibles, mais l’on doit même éviter de présenter des situations qui, bien que théoriquement possibles dans la vie réelle, sont trop rares et extraordinaires. Il faut, en d’autres termes, que le public puisse s’identifier aux personnages et se reconnaitre dans les situations qu’ils vivent. Il faut donc que ces événements paraissent non seulement possibles, mais probables, courants. La vraisemblance comme les unités n’est pas une règle totalement artificielle : elle est esthétiquement le but même de la tragédie, qui est, selon Aristote, de provoquer compassion et terreur chez les spectateurs. Une histoire invraisemblable, précisément, ne saurait provoquer de tels sentiments. La vraisemblance est à l’origine de toutes les règles du théâtre classique. Elle correspond à ce qui parait vrai. La finalité n’est pas de représenter la vérité, mais de respecter les cadres de ce que le public considère comme possible. « Qu’en un jour, qu’en un lieu, un seul fait accompli Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli » Ces deux vers de Boileau résument la fameuse règles des trois unités. L’action doit se dérouler en vingt-quatre heures, un seul lieu, elle doit être constituée que d’une seule intrigue. Cette règle des trois unités est censé rendre possible la vraisemblance, notion étroitement liée à l’importance de la morale dans la littérature classique. L’objectif de l’œuvre classique est de réformer le public : lecteur ou spectateur, en l’emmenant à réfléchir sur leur propre passion. L’idéal esthétique du classicisme s’accompagne donc de l’idéal moral incarné dans la figure de l’honnête homme. L’expression résume toutes les qualités que l’on peut attendre d’un homme de cours : la politesse, la culture, l’humilité, la tempérance, le respect des règles, la capacité à s’adapter à son entourage. Toutes ces qualités correspondent aux opinions du public en termes de morale, de rapport social, du niveau de la langue utilisée etc. Le plus grand reproche qu’on ait fait au Cid de corneille, est de proposer une fin invraisemblable, car la morale ne peut accepter qu’une fille épouse le meurtrier de son père même si le fait est historique. La vraisemblance est la règle fondamentale dans l’esprit d’Aristote qui déclarait qu’il faut « préférer l’impossible vraisemblable au possible invraisemblable ». La vraisemblance ne se confond pas avec le vrai : il s’agit strictement de ce qu’on est disposé à croire vrai. La recherche du vraisemblable s’identifie donc à une transposition idéale du réel, qui, autorise et même oblige, selon D’Aubignac, les auteurs dramatiques à prendre quelques libertés avec la vérité historique : «C’est une pensée bien ridicule d’aller au théâtre pour apprendre l’histoire. La scène ne donne point les choses comme elles ont été, mais comme elles devraient être, et le poète y doit rétablir dans le sujet tout ce qui ne s’accommode pas aux règles de son art, comme fait un peintre quand il travaille sur un model défectueux (…) La vraisemblance est l’essence du poème dramatique, et sans laquelle il se peut rien faire ni rien dire de raisonnable sur la scène(…) Les moindres actions représentées au théâtre doivent être vraisemblables ou bien elles sont entièrement défectueuses et n’y doivent point être. » Dans cet effort d’être plus vraisemblable, Racine utilise le motif des retrouvailles ou d’une arrivée récente. C’est le cas d’Oreste qui est envoyé en Epire ou il trouve son ami Pylade, il lui demande donc des renseignements : « Toi qui connais Pyrrhus que penses-tu qu’il fasse ? » Dans Phèdre la question de la vraisemblance a un aspect encore plus dramatique. C’est en fait la fausse nouvelle de la mort de Thésée qui aboutit aux aveux initiaux d’Hyppolite et de Phèdre. Mais c’est dès le début de la pièce que les protagonistes paraissent accablés par le mal dont ils souffrent et veulent déjà parler. Pour Hyppolite il s’agit de se débarrasser d’un doute mortel et d’aller finalement chercher son père : « Depuis plus de six mois éloigné de mon pèreJ’ignore le destin d’une tête si chère » Et Phèdre cette femme mourante qui cherche à mourir, est déjà : « Atteinte d’un mal qu’elle s’obstine à traire » En somme la vraisemblance désigne la qualité de ce qui « semble vrai », qui imite le vrai et qui est acceptable comme tel même si cela n’est pas strictement vrai. Toutefois à coté de cette règle il existe une autre aussi importante que sont les bienséances.

LE POIDS FATAL DES DIEUX

   Le théâtre de Racine n’est pas uniquement constitué d’acteurs qui gesticulent et qui s’expriment abondamment sur la scène. Il est des personnages invisibles, mais connus des spectateurs et du peuple racinien et dont la fonction dans la tragédie est indiscutable. Ce sont tous ces dieux qui nous sont révélés dans leur puissance. L’être sans défense face à l’adversité réclame leur aide ou subit leur domination. La peur des dieux ne peut exister que si ces derniers ne ressemblent pas à des êtres humains. Ils sont donc des éléments immatériels et sans verbe car l’auteur ne leur prête pas la parole devant de simple profane. Dans certaines pièces « la machine infernale » fonctionne en deux temps : les dieux bourreaux torturent Phèdre, qui torture Hyppolite et Aricie. Racine a besoin de troubler la paix, l’ordre naturel de l’innocence par l’intrusion d’être sauvages qu’il va chercher dans le mythe et dans l’histoire. Il trouve les familles maudites. Il trouve aussi les dieux païens vindicatifs, déjà dénoncés par Euripide, attaqués par les apologistes chrétiens, vilipendés dans les préfaces des traités de mythologies du XVIIe siècle. D’ailleurs M. Night dira à ce propos que : « Dès l’instant ou une tragédie à sujet antique met en scène et met à mort un héros à demi-innocent (selon les préceptes d’Aristote), elle est acculée à dénoncer l’injustice des dieux ». La conception providentielle de l’histoire à laquelle se réfère la plupart des dramaturges classiques inscrit en effet au cœur de la tragédie la présence de divinité. Dans Phèdre, d’emblée, quelques instants après le lever du rideau, c’est Hyppolite, personnage misogyne qui détermine la part décisive que les dieux ont prise dans cet infernal règlement de compte : « cet heureux n’est plus. Tout a changé de face, depuis que sur ces bords les dieux ont envoyé la fille de Minos et de Pasiphaé ». Sans trop s’en rendre compte, Hippolyte lui-même, est déjà sous l’emprise d’une divinité qu’il méprise et dont il croit pouvoir éviter les atteintes. Les questions ironiques de son précepteur, Théramène, suggèrent la cause véritable du départ d’Hippolyte : « Vénus par votre orgueil si longtemps méprisée,Voudrait-elle à la fin justifier Thésée ? Et vous mettant au rang du reste des mortels, vous a-t-elle forcé d’encenser ses autels ? Aimeriez-vous, Seigneur ? » A ces questions si franches et si cruelles, Hippolyte n’a d’autres recours que celui d’opposer d’autres questions qui trahissent son désarroi de victime non consentante. Mentalement, il refuse de se prêter aux machinations des dieux : Et moi-même, à mon tour, je me verrais lié ? Et les dieux jusque-là m’auraient humilié. C’est Cocteau qui a conservé quelque chose du modèle racinien dans le choix d’un titre qui s’applique à la légende œdipienne et la résume : La machine infernale (1934), un titre aussi évocateur. Dans cette perspective, Racine est le plus grand des artificiers : les personnages sont dès le premier vers pour jouer une pièce, écrite d’avance selon les arrêts du destin. Les tragédies grecques de Racine, particulièrement, montrent l’homme face à son destin. Or, celui-ci est intimement lié avec les dieux, d’une part, pour l’ascendance généalogique, d’autre part, parce qu’ils sont les seuls à pouvoir manipuler la fatalité influant sur les passions des personnages ou en précipitant l’action tragique. Racine dans de nombreuses tragédies, campe des héros condamnés d’avance, parce qu’ils sont punis d’avance par les dieux. Avec l’Oreste d’Andromaque, nous avons l’un des premiers exemples avoués de cet abandon qui détend tous les liens de la conscience et de l’action. Il connait bien, d’avance, qu’il va à la rencontre de ce qu’il fuit. Il s’inscrit en tête de cette lignée romantique des grands désespérés dont l’astre est mauvais. Il a leur tristesse : « …Cette mélancolie/ Où j’ai vu si longtemps votre âme ensevelie », comme dit son ami Pylade. Il a leur frénésie de catastrophe, leurs sarcasmes de révolte et de défi, ce « sentiment de malheur » qui le suit, de la contagion qui rend son approche mortelle. Ainsi les dieux se révèlent être les instigateurs des passions. Ils exercent leur force sur les humains qui ne peuvent que se soumettre à leur volonté. La divinité tragique en dehors de son caractère caché vengeur et justicier dans les tragédies de la destinée, spectateur dans les tragédies du refus est le fait que ses exigences qui constitue la même du héros, sont aussi par rapport au monde irréalisable. Le héros tragique est donc un être qui vit sous le regard des dieux. Pour l’homme tragique épris de justice et de pureté toute action dans le monde est faute consciente ou inconsciente et dans l’univers sans degré et sans nuances de la tragédie cela signifie : péché mortel. Dans les tragédies où les dieux sont des acteurs suprêmes, Racine s’abstiendra de leur prêter une existence trop tangible. Le merveilleux gène le drame humain il l’écraserait, s’il était visible et saisissable sur la scène. Les dieux ne se montrent que dans les récits populaires, ou dans les songes, ou dans les vertiges de la folie. Oreste, halluciné voit les furies. A tout moment le drame divin double le drame humain et l’explique. Le châtiment qui frappe n’est pas seulement de la jalousie : c’est celui des dieux vengeurs du parjure. Le châtiment n’est pas seulement celui de l’amour : c’est celui des dieux hospitaliers car il a été sacrilège. C’est devant les autels que Thésée a maudit Hippolyte, qu’Hippolyte à donner son suprême rendez-vous, que Phèdre accomplit ses sacrifices pour retrouver la raison. Les dieux sont présents par leur oracle ; par leur vigilance qui déjoue nos subterfuges, par l’horreur sacré qui nous saisit à leur approche, l’horreur de tout contact avec le malheur ou avec le crime dont il faut fuir la contagion ; et l’autre horreur aussi, celle de la joie, du ravissement, la « sainte horreur qui nous rassure tous ».

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA SOUMISSION AUX REGLES DE L’ART TRAGIQUE
1.1 L’inspiration de la mythologie grecque
1.2 L’évocation des héros légendaires
1.3 La vraisemblance et les bienveillances
1.4 Le conflit tragique
CHAPITRE II : LA FATALITE TRAGIQUE RACINIENNE
2.1 Le poids fatal des dieux
2.2 L’amour une passion fatale
2.3 La fatalité d’une malédiction héréditaire
2.4 La fatalité du destin de l’homme racinien
CHAPITRE III : L’ART DU LANGAGE ET DE L’ECRITURE TRAGIQUE
3.1 La noblesse du langage
3.2 La tragédie de la parole
3.3 Le vers racinien
3.4 Un art des images et de réseaux d’images
CONCLUSION

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