« By and large, they picked oil on canvas as their medium, and they applied representational, relatively conservative western styles to African subjects ». Susan Vogel. « Dans le paysage de l’art global, l’art contemporain africain, ce syntagme figé, constitue une espèce en voie d’apparition ».
L’art contemporain africain sřoffre au monde ! Par un cheminement long et chaotique, il a su peu à peu pénétrer, à travers de grands évènements artistiques, le système occidental de lřart. Ce nřest pas une première, en effet, depuis environ cinq siècles, il existe une sorte de mouvement ; un va-et-vient, une communication entre lřart africain et lřOccident. Au fil de lřhistoire, il y eut des influences entre les deux continents africain et occidental à travers la colonisation, pendant lřépoque moderne. Durant cette longue période, les perceptions esthétiques se sont mutuellement enrichies de la vision de « lřautre ». Des formes plastiques, des concepts, des visions se sont enchevêtrés pour faire apparaître une esthétique plastique africaine contemporaine dont on ne peut nier aujourdřhui les influences tant elles sont évidentes. Lřart contemporain africain naît dans un environnement où la division entre authenticité et modernité perdurent. Certains curators adoptent dans les œuvres africaines une authenticité, une preuve de lřaltérité dans les conceptions artistiques et dřautres curators recherchent des positionnements artistiques qui sřintègrent dans le marché de lřart sans tenir compte des influences ethniques ou ethnologiques. Ils veulent voir en lřœuvre des influences esthétiques, plutôt que lřexpression dřune quelconque aire géographique ou ethnique. La pénétration du marché, par les artistes contemporains africains, reste difficile du fait de leur origine ; en effet vivant pour la plupart dans des « périphéries », ils sont souvent obligés de se déplacer vers les « centres » dřimpulsion pour participer à lřaventure artistique même si depuis une vingtaine dřannées celle-ci rentre progressivement dans un processus de globalisation. La mondialisation ou globalisation suscite de nouveaux paradigmes que les artistes intègrent aujourdřhui quelle que soit leur origine. Le déplacement des centres dřimpulsion vers les périphéries, les déplacements de population, lřémergence des études postcoloniales et le développement des technologies de lřinformation et de la communication entrainent une lecture différente des notions dřaltérité et de modernité dans le monde. Les études postcoloniales sont aujourdřhui très ancrées dans le discours des curators dřorigine africaine qui comme Okwui Enwezor ou Simon Njami, refusent de considérer la démarche des artistes africains comme mystique ou naïve. La mondialisation crée également de nouveaux enjeux au niveau du marché qui sřest élargi, depuis la chute du mur de Berlin et lřessor économique de lřest asiatique. De nouvelles places de marché se sont ouvertes avec lřespoir pour les artistes du continent africain de pouvoir étendre leur champ dřexploration.
Ces nouveaux phénomènes, notamment le marché global, introduisent ils une uniformisation culturelle où les artistes contemporains africains, seront dans un processus de repli identitaire ? La question mérite dřêtre posée si nous souhaitons connaître et comprendre les enjeux qui se profilent, face à lřémergence du marché globalisé.
On observe aujourdřhui une mutation majeure dans le domaine de lřart. En effet, les périphéries aimantent les centres donnant ainsi naissance à dřautres « petits centres». Cela implique de nouveaux enjeux relatifs à la question du marché qui de fait se relocalise et crée ainsi des marchés locaux qui offrent aux artistes un nouveau public et de nouvelles perspectives. Ces nouveaux enjeux et les perspectives quřils sont susceptibles dřoffrir, aujourdřhui, se dessinent sous le regard des curators qui sřappuient sur des études postcoloniales, avec des auteurs comme Edward Saïd, Homi K. Bhabha, Gaytari Spivak et des auteurs français de la French Theory comme Gilles Deleuze, Jaques Derrida, Michel Foucault, Félix Guattari, Jean Baudrillard, etc. qui ont fortement contribué à lřapparition des postcoloniales studies.
Nos différents terrains de recherche nous ont montré lřimportance de la mise en place de dispositifs permettant lřutilisation des techniques de lřinformation et de la communication pour des enjeux dřinfluence (en termes dřusages). Les TIC deviennent un véritable outil de travail et un médium pour les artistes. Ces technologies, de plus en plus utilisées par les populations en général et les artistes en particulier, nécessitent la mise en place de diverses infrastructures qui font souvent défaut. Or le tournant du numérique est inévitable dans lřart contemporain. Pour affirmer cale, nous nous réferons aux propos dřHortense Volle qui reprend les réflexions du critique sénégalais Iba Ndiaye Djadji et affirme :
« Internet dans ce qu’il est le réseau des réseaux pour développer le dialogue audiovisuel à une dimension planétaire semble ainsi paradoxalement être fait pour cette culture nègre friande d’images fortes, et d’échanges visuels. Et les artistes africains ont là une opportunité pour offrir une production riche du caractère altruiste de l’art africain, forte de sa variété plastique. Pourvu qu’ils fassent l’effort dřêtre africains et hommes de leur temps. Car, en offrant des possibilités de dialogue avec une humanité sans frontières, en utilisant le numérique pour bousculer les horizons de l’imaginaire et du possible, Internet est une opportunité de jouvence pour l’Afrique artistique».
Internet et les nouvelles technologies semblent donc avoir un rôle à jouer sur la production artistique africaine et lřenjeu pour le continent est, peut-être, de pouvoir intégrer les artistes africains dans cette dynamique. Dans le cadre de leur promotion, les artistes africains ont également de plus en plus accès aux biennales et à des expositions collectives dans des rencontres internationales qui constituent pour eux un tremplin vers le marché de lřart. Bien que les artistes africains y accèdent maintenant, on pourrait se demander si cette visibilité entraîne un réel accès au marché de lřart. Les mutations engendrées dans le domaine de lřart contemporain africain sont pour une grande part, la résultante de discours établis par les curators et les galeristes. Ces éclairages permettent de mieux comprendre les artistes, leurs démarches et leurs positionnements idéologiques et esthétiques. En effet, le début des années 1990 a vu émerger des expositions internationales qui offraient une vision que les curators africains, vivant sur le continent européen ou américain, considéraient comme ethnographique parfois exotique. Pour pallier ce quřils considéraient comme étant une erreur, ils commencèrent à mettre en place des expositions justifiées par des théories dites « postcolonialistes ». Cette prise de position favorisa lřapparition dřun autre type dřartiste, plus proche dans sa conception et dans sa démarche, de lřartiste occidental. Leur action permit également aux collectionneurs de structurer leur réflexion et aux artistes dřêtre parfois mieux perçus ou intégrés dans des circuits auprès desquels leur engagement esthétique trouvait désormais un écho.
On peut observer de nos jours que les institutions en faveur de la promotion de lřart contemporain africain se diversifient sur le continent. Les années 1990 avaient vu émerger la biennale de lřart contemporain africain de Dakar, les Rencontres africaines de la photographie de Bamako et celle de Johannesburg, mais aussi, un peu plus tard, les triennales de Douala et Maputo. Elles faisaient suite aux manifestations identitaires des années 1960-1970, période durant laquelle les pays africains eurent la volonté dřaffirmer leur culture à travers leurs arts. Cřest ainsi que naquirent le Festival mondial des arts nègres (FESMAN) en 1966 à Dakar et le Festival des Arts et de la Culture du Monde Noir (FESTAC) en 1977 à Lagos. Comme nous lřexplique Cédric Vincent, les festivals jouent un rôle important en Afrique du fait du manque de structures et de dispositifs susceptibles dřaccueillir les artistes africains durant lřannée mais aussi de leur assurer une visibilité et un marché. Il affirme en parlant des festivals :
« Leur rôle demeure sous-estimé, souvent cantonné à la seule fonction d’exposition, de concerts ou de spectacles. C’est oublier que dans un espace artistique à l’échelle de l’Afrique où il n’y a pas de monde de l’art constitué (à l’exception de l’Afrique du Sud et peut-être de l’Egypte), les festivals jouent un rôle important dans les constructions de scène artistiques et génèrent une attente et un espoir très fort chez les artistes. C’est pour eux un support essentiel pour dé-provincialiser leur scène et structurer leur profession, au point qu’ils en sont souvent les initiateurs».
Durant les années 2000, des institutions participant au développement et à la promotion de lřart contemporain africain virent le jour, comme la Fondation Zinsou qui ouvrit ses portes en 2005, le Centre for Contemporary Arts qui fut inauguré à Lagos en 2007 et de nombreuses autres institutions qui participent aujourdřhui à la diffusion et à la valorisation du travail des artistes sur le continent africain. Nous tenterons dřanalyser dans ce travail, les nouvelles mutations et initiatives qui surgissent dans le monde de lřart contemporain africain pour en comprendre les enjeux et en dégager les perspectives.
|
Table des matières
I. INTRODUCTION GÉNÉRALE
PROBLEMATIQUE
CONTEXTE DE LA RECHERCHE
L’intérêt du travail de recherche
JUSTIFICATION SCIENTIFIQUE
OBJECTIFS ET MOTIVATIONS SCIENTIFIQUES
INTERET DU SUJET
HYPOTHESES
II. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
LE PARADIGME CONSTRUCTIVISTE
Méthodologie de recherche
L’APPROCHE SYSTEMIQUE
CHOIX EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIQUE
RECUEIL DES DONNEES
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
L’apport des SIC
L’apport des autres disciplines
III. CHOIX DE L’ORIENTATION THEORIQUE DANS LE CHAMP DES SIC ET DES AUTRES DISCIPLINES
APPORTS THEORIQUES SUR LA NOTION DE MONDIALISATION
DEFINITIONS ET APPROCHES DES CONCEPTS DE CULTURE ET DE MONDIALISATION
Une mondialisation culturelle
La culture dans la mondialisation : approches des sciences humaines et sociales
L’approche anthropologique
L’anthropologie française
L’anthropologie britannique
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet