L’aristocratie laïque du Glamorgan et l’abbaye de Margam (1147-1283)

En 1188, Giraud de Barri accompagnait Baudouin de Forde, archevêque de Cantorbéry, dans un voyage à travers le pays de Galles afin de prêcher la croisade lancée l’année précédente par Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste . Faisant le récit de ce périple dans son Itinerarium Cambriae, il relate leur séjour en Glamorgan. Après avoir traversé la rivière Rhymney, les deux ecclésiastiques s’arrêtèrent à Cardiff, puis à Llandaff où un sermon fut prêché par l’archevêque :

Alors, le lendemain, nous fîmes une pause pour exposer publiquement la croix à Llandaff, les Anglais se tenant d’un côté et les Gallois d’un autre ; des deux peuples, beaucoup prirent la croix […] .

La société double qui se dessinait devant les yeux de Giraud de Barri, dont il était luimême issu, était née d’un siècle de confrontation entre Gallois et Anglo-normands; entre les élites aristocratiques galloises et anglo-normandes, certes chrétiennes, mais « étrangères », en Glamorgan. Une présence anglo-normande est effectivement attestée aux portes du Glamorgan une centaine d’années auparavant, lorsqu’en 1072, Maredudd ab Owain ab Edwin, roi de Deheubarth, fut tué par Caradog ap Gruffudd aidé par « les Français sur les bords de la Rhymney » . La rivière Rhymney formait la limite entre le Glamorgan et le Gwynllŵg qui appartenait au royaume de Morgannwg. En 1081, la mort de Caradog ap Gruffudd, considéré comme le dernier roi de Morgannwg, à la bataille de Mynydd Carn conduisit le royaume gallois à une grande confusion politique . Ayant perdu soudainement un de ses clients les plus importants au pays de Galles, Guillaume le Conquérant, roi d’Angleterre mena une expédition le long du littoral gallois jusqu’à Saint-David’s dans le royaume de Deheubarth afin d’imposer son autorité sur le sud du pays de Galles. Ce serait à cette occasion qu’une forteresse anglonormande aurait été construite à Cardiff . L’année 1093 impulsa un nouveau souffle à l’avancée anglo-normande au pays de Galles marquée par la mort de Rhys ap Tewdwr, roi de Deheubarth, des mains des hommes de Bernard de Neufmarché envahissant le royaume de Brycheiniog (Brecon). Les hommes de Roger de Montgomery avancèrent, quant à eux, à travers les montagnes jusque dans le Dyfed et le Ceredigion depuis la frontière du Shropshire. Ignorée par les chroniques, la campagne menée dans le Morgannwg par Robert fils-Hamon († 1107), dapifer royal et seigneur de Creully en Normandie, accompagné selon une légende bien postérieure par ses « douze chevaliers » depuis Gloucester ou Bristol fut probablement accomplie dans ce mouvement d’invasion , qu’il s’agira d’explorer en lien avec sa longue tradition historiographique.

Le Glamorgan et la Marche galloise 

En l’absence de sources primaires relatant les incursions anglo-normandes en Glamorgan, l’historiographie fut particulièrement tributaire du récit rédigé par Edward Stradling de SaintDonat’s au milieu du XVIe siècle . Ralph A. Griffiths, qui analysa la tradition historiographique de la « conquête normande » du Glamorgan, présenta Edward Stradling de la manière suivante : « Avec son stock de manuscrits et d’archives médiévaux, Stradling était la personne manifeste pour fournir à la reine Élisabeth dans les années 1560 un arsenal d’arguments historiques pour combattre les revendications du comte William de Pembroke aux pouvoirs considérables comme seigneur de Cardiff […] » . À Londres, il rencontra le principal secrétaire et conseiller de la reine, Sir William Cecil. « Cecil était principalement soucieux d’acquérir une ascendance qui aurait soutenu des origines beaucoup plus obscures que celles de Stradling. Sa nouvelle connaissance, avec un savoir en histoire, une bibliothèque d’archives à Saint-Donat’s et la recherche historique qu’il avait juste entreprise pour la reine étaient certainement en mesure d’aider ». Entre 1561 et 1566, Stradling forgea une ascendance plus prestigieuse à Cecil accompagnée d’un traité sur la « conquête du Glamorgan » par Robert fils-Hamon et ses douze chevaliers intitulé The Winning of the Lordship of Glamorgan out of the Welshmen’s hands . Plusieurs copies circulèrent immédiatement en anglais. David Powel publia une de ces copies dans son Historie of Cambria en 1584 aux côtés d’une version de la conquête écrite en 1559 par Humphrey Llwyd. La même année, la traduction galloise fut terminée par ou pour John Gwyn de Llanidloes en Arwystli dont l’épouse, Joyce Gamage, était une cousine de Stradling .

Le concept d’européanisation et l’historiographie britannique 

Toutes ces idées ne sont pas sans évoquer le concept d’européanisation défini par Robert Bartlett à partir du modèle géographique de centre-périphérie en l’appliquant à la Chrétienté latine des Xe et XIVe siècles. Robert Bartlett considéra le processus d’homogénéisation – ou « l’européanisation de l’Europe » – comme le transfert de caractéristiques communes au cœur de l’Occident chrétien, c’est-à-dire à la France, à l’Allemagne, au nord de l’Italie, et à l’Angleterre, vers ses confins, à savoir les régions celtiques, la Scandinavie, l’Europe centrale et l’Espagne. Cette « Europe concentrique » se structurait autour d’ « un axe urbain politiquement décentralisé, au milieu d’une large zone arable, où des États solides émergeaient parfois, entouré d’un cordon de sociétés pastorales, qui pouvaient mener des raids avec succès, mais qui étaient elles-mêmes souvent vulnérables aux offensives coordonnées depuis le cœur arable […] ». Ce paradigme de l’européanisation de la Chrétienté latine était l’héritage d’une historiographie britannique profondément marquée par la question de la naissance de l’Empire britannique, dans laquelle s’inscrivait également Rees Davies considérant l’ « anglicisation » comme le pendant insulaire de l’européanisation .

Longtemps, le combat entre les barons anglo-normands et les princes gallois pour le contrôle des populations et des territoires au pays de Galles constitua le point de convergence des réflexions historiographiques. Héritée des premiers ouvrages historiques du XVIe siècle, la perception de l’impact des Anglo-normands dans l’histoire galloise n’évolua guère jusqu’à la fin du XXe siècle. Au début du règne d’Élisabeth Ire, en 1559, Humphrey Llwyd terminait la rédaction en anglais du plus ancien ouvrage d’histoire du pays de Galles intitulé Cronica Walliæ. Après une description géographique du pays, il y fit le récit des princes et des rois gallois à partir de Cadwaladr au VIIe siècle jusqu’à Llywellyn ap Gruffudd, prince du Gwynedd mort en 1282. Humphrey Llwyd suivit le récit des origines troyennes du peuple gallois écrit dans la première moitié du XIIe siècle par Geoffroy de Monmouth dans son Historia regnum Britanniae, et arrêta son récit à la conquête édouardienne à la fin du XIIIe siècle. La publication de son ouvrage en 1584 par David Powel sous le titre de The Historie of Cambria mit l’histoire galloise dans la lumière. Cet ouvrage influença fortement l’historiographie britannique jusqu’au début du XIXe siècle en particulier du point de vue des préférences chronologiques. La trame chronologique par excellence se basait en effet sur les règnes des rois et des princes gallois, la conquête anglo-normande n’étant pas perçue comme un changement historique par Humphrey Llwyd et David Powel. Pour eux, l’histoire galloise était marquée par la fin du gouvernement breton sur l’île de Bretagne après les invasions anglo-saxonnes et par la fin du gouvernement des princes gallois causée par Édouard Ier en 1282. Jusqu’au XIXe siècle, ce découpage chronologique domina l’historiographie dans laquelle l’invasion anglo-normande était clairement minimisée.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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