L’architecture paramétrique au delà de la morphogénèse visuelle

 » On ne peut plus penser l’architecture stéréotypée, rigide comme le cube, le cylindre ou la pyramide. Notre vision de l’architecture et de l’urbanisme, se compose d’éléments qui doivent devenir variables, malléables grâce à des paramètres. Elle ne doit pas être générée par une combinaison d’éléments formés grâce à des axes, des symétries et des proportions, mais par quelque chose de beaucoup plus organique, plus ouvert, des réseaux apparents plus riches, différenciés et complexes, comme une ambiance naturelle riche qui ne se répète jamais, en trouvant la voie grâce à des transformations. Ce modèle s’inspire pleinement de la biologie et des systèmes naturels». « Patrick Schumaker » architecte chez ZAHA Hadid, interrogé lors de la biennale de Venise 2012. Comme l’explique Patrick Schumaker, l’architecture paramétrique est liée à une volonté de repenser totalement l’architecture dans sa vision spatiale, mais aussi et surtout dans sa vision constructive. L’étude portée dans ce mémoire se concentrera sur deux points : d’abord sur la naissance de ses formes numériques qui se construisent généralement sur des modèles vivants, puis dans un deuxième temps sur la retranscription de ses formes en une réalité constructive. Nous essayerons de comprendre comment une idée qui se génère numériquement peut aboutir à un principe physique véridique. Pour cela l’étude dans ce mémoire se basera sur des réalisations de maquettes numériques et de bâtiments en cours de réalisation ou déjà achevés. La difficulté du propos, comporte deux ambiguïtés. Premièrement, le modèle de l’architecture paramétrique instruit par certains théoriciens est une idée loin d’être partagée par l’ensemble des architectes. On se devra donc de critiquer la vision qu’offre cette architecture, positivement ou négativement. Deuxièmement, cette vision est encore à ses prémices et propose peu d’exemples réellement aboutis en termes structurels. La documentation en détail est donc naissante et sans cesse en évolution. L’architecture paramétrique n’est pas uniquement une l’architecture non standard, c’est une architecture basée numériquement sur le principe de fonctionnalisation de paramètres. Les dimensions, les domaines d’espaces, la construction se base sur la définition de paramètres qui sont manipulables en temps réels. On ne prend donc pas en considération la création de formes – basée sur le façonnage de l’objet numérique pas à pas, comme pourrait le faire un sculpteur – mais bien une création globale régie par une multitude de paramètres combinés entre eux.

Création de forme

Naissance d’une architecture

Pour mieux cerner le sujet du mémoire et s’intéresser uniquement à l’architecture paramétrique, qui n’implique pas seulement toute forme produite via les logiciels informatiques, il convient d’en faire une première définition, à partir de la manière dont elle est produite et non sur ce qu’elle produit. La paramétrisation est la capacité de gérer des modèles complexes et géométriquement très rigoureux. La spécificité d’un modèle paramétrique est de construire un modèle systématique d’un objet qui met en relation des variables indépendantes et des variables dépendantes, de diverses natures (valeurs numériques, entités géométriques, entrée vidéo, image, son…) que l’on appelle les paramètres du modèle. Le modèle paramétrique permet de produire différentes morphologies pour un même objet en faisant varier ses paramètres. Ce que produit réellement, un modèle paramétrique, est appelé une « instance ». Au delà de cette simple définition sur la conception paramétrique, ce que produit l’architecture paramétrique intrinsèquement est bien plus difficile à définir, et ne pourrait se résumer en quelques lignes. La recherche de la forme idéale à longtemps préoccupé nombres d’architectes au cours de l’histoire. Cette maitrise rigoureuse du dessin sous entendait implicitement une architecture jouant sur les mesures afin d’obtenir les meilleurs proportions. Nous ne nous attarderons pas d’avantage sur la naissance même du raisonnement conduisant à la maitrise des proportions. Nous développerons plutôt la recherche sur l’architecture paramétrique numérique. Le paramétrisme sous entend réellement une vaste approche sur l’architecture contemporaine. Certains théoriciens y voient un changement radical dans la manière de pensée l’architecture. Cette architecture qui serait plus malléable, moins élémentaire dans ses formes, devient alors un nouveau courant de pensée, en pleine rupture avec le modernisme initié dans les années 1950 avec Le Corbusier. Robert Schumacher, Architecte du studio de Zaha Hadid, nous expose dans son livre intitulé « The Autopoiesis of Architecture » son entière vision de cette nouvelle source de conception basée sur le paramétrisme. A travers plusieurs petites thèses concises, 60 au total, reparties en deux volumes de 1000 pages au total, l’auteur, parvient à dresser clairement sa théorie sur ce qu’il a appelé « l’autopoiesis de l’architecture», fruit d’un travail de trente ans avec Zaha Hadid. Pour lui « le paramétrique offre finalement une réponse soutenable « sustainable », et crédible pour couvrir la crise du modernisme sur la recherche de style qui résulte depuis 30 ans». Le point de départ de sa pensée est de démontrer que pour lui, le paramétrisme n’est pas simplement le fait de manipuler des scripts et des algorithmes, c’est avant tout un raisonnement construit. De ce fait le paramétrisme est pour lui « le grand style après le Modernisme. Le Post Modernisme et le Déconstructiviste étaient des périodes de transition, comme l’Art Nouveau ou l’Expressionniste. » (p 644 VII). Pour lui « Frei Otto est le seul précurseur du paramétrisme » p619. Il utilisait des processus physiques et des simulations dites« design engine » pour trouver des formes plutôt que de dessiner des formes inventées ou conventionnelles. Cette rigueur et cette élégance étaient cependant inaccessibles numériquement à cette époque pour Frei Otto. Son expérimentation consistait à placer dans de l’eau des aimants et des boules de polystyrène. Sous l’effet de l’attraction magnétique entre les billes de polystyrène et les aimants, et de la répulsion des aimants entre eux, le système est sans cesse en recherche d’équilibre. Les aimants se repoussent à une certaine distance les uns des autres pendant que les billes proposent des trajectoires elliptiques ou paraboliques à la manière des planètes du système solaire. Frei Otto distingua alors trois modèles types, des trajectoires, des territoires et des longues distances. Il distingua également trois types de configuration fondamentale, des trajectoires directes, minimales ou minimisées. La morphologie résultant du paramétrisme apparaît donc comme un phénomène naturel organique ou inorganique qui est le résultat du processus d’auto organisation et d’évolution. Cette expérience physique simple est la base de la pensée du paramétrisme. Ainsi, si l’on voulait reproduire cette expérience numériquement on définirait deux systèmes : l’un générant les interactions inter aimants et l’autre générant l’interaction aimant / billes de polystyrène. mène naturel organique ou inorganique qui est le résultat du processus d’auto organisation et d’évolution. Cette expérience physique simple est la base de la pensée du paramétrisme. Ainsi, si l’on voulait reproduire cette expérience numériquement on  définirait deux systèmes : l’un générant les interactions inter-aimants et l’autre générant l’interaction aimant / billes de polystyrène. C’est grâce à ces expériences de recherche de forme que Frei Otto définit la notion surface minimale entre deux géométries, qu’il appliqua par ailleurs sur le toit de stade Olympique de Munich en 1972. En alliant la modélisation classique aux outils digitaux, il dessina, bien plus tard avec l’agence NOX la piscine olympique The Water Cube de JO de Pékin en 2008. Avant cette remarquable maîtrise des logiciels pour parvenir à un dessin tridimensionnel, l’architecture paramétrique a réellement pris naissance numériquement dans la conception aéronavale. Les notions élémentaires de l’architecture navale reposent sur les contraintes dynamiques lors de l’avancée du navire et sur la poussée verticale générée par l’eau mise en évidence par Archimède. La surface de coque est donc le résultat d’un ensemble de contraintes physiques. Ainsi pour une esquisse la génération de la surface 3d de la coque peut se résumer à une vingtaine de paramètres uniquement. Parmi eux, la longueur, la hauteur et la largeur bien sûr mais aussi, la forme de l’avant et de l’arrière du bateau définis simplement par une courbe. Dans le plugin nommé t-splines installé sur rhino, on peut se rattacher aux paramètres déjà prédéfinis, pour générer une coque. Le bulbe avant et arrière étant la clé de la poussée, il est défini de façon précise avec plus de paramètres que pour le reste du bateau. Le modèle créé à parti du fichier Grasshopper permet au projeteur de faire varier ces paramètres et de visualiser sous Rhino ce que l’on appelle une instance de la forme. C’est donc une génération de formes purement contrôlées par un ensemble de paramètres initiaux qui sont ensuite mises en relation pour aboutir à une seule et unique forme. Ce pré modèle conduit plus tard à une conception plus poussée mise sous simulation numérique, qui possède encore intrinsèquement des paramètres définis pour chaque type de mer. En effet, les grands porte-conteneurs sont particulièrement sensibles au phénomène physique de roulis en raison de la conception de leur coque : un vaste arrière plat et un dévers de l’étrave prononcé.

Les mathématiques de l’espace

Comment mathématiquement une forme complexe est-elle définie ? Avec quels outils travailler ? Les Mathématiques purement logiques, invisibles spatialement et impalpables sont profondément une discipline abstraite, incomprise. Les logiciels de design les rendent presque entièrement transparentes. On ne se pose désormais plus la question mais dès lors que l’on clique sur une commande ou sur une icône, un script sous-jacent renvoi soit une information (exemple coordonnée du point) soit nous demande des informations afin de réaliser une fonction (centre et rayon) pour dessiner un cercle etc. En prenant des opérations simples, on comprend facilement les commandes menées par l’ordinateur. Cependant, si l’on s’intéresse aux mathématiques et au script derrière chaque fonction de Grasshopper, alors cela se révèle totalement abstrait pour un dessinateur. Les ordinateurs voilent la présence des mathématiques implicites et cachées et les mathématiques sont alors noyées dans le langage informatique et sont désormais uniquement accessibles pour les aux personnes possédant ce langage informatique. Le dessin paramétrique et génératif a donc un prix. Celui du décalage entre mathématique de l’espace et langage de code (C++, rhino script…). Nous ne croyons plus en la figure idéale du cercle, comme le visualisait Palladio 1508-1580, nous choisissons des coordonnées cartésiennes ou polaires non plus avec un compas ou une règle mais avec un pointeur contrôlé par une souris. La création de formes ne se résume donc plus à de simples opérations cognitives telles que la symétrie, l’homothétie ou la rotation. On se référera désormais à des gradients des suites de nombres complexes ou des fonctions polynomiales, pour générer des données. La génération de formes, via des opérations, se construit maintenant avec la gravité, la collision, la relaxation, le draper, en minimisant une surface, en faisant croitre une surface et en la contraignant par des obstacles… Autant de fonction certainement envisageable manuellement mais qui étaient des opérations cognitives jusqu’à présent inconnu nunumériquement. Cette illustration montre la relation entre géométrie et architecture qui a sans cesse été continue dans l’histoire. Aujourd’hui, certes les ordinateurs, ont réconcilié l’architecture avec les calculs. Pour la première fois, les architectes peuvent réellement jouer avec le temps comme avec l’espace. Ils peuvent générer des flux de manière à transformer les formes architecturales en gelant ces flux à un instant. Mais ce rapprochement grâce aux programmes développés par « l’industrie » ne renvoie absolument aucune notion très complexe de mathématique. La conséquence directe de ce modèle opérationnel ou les principes mathématiques sont souvent cachés derrière les effets sur l’écran, n’a pas abouti plus loin vers un nouvel imaginaire mathématique. Plusieurs raison expliquent cette vision. D’abord, les designers traitent les objets mais également les relations entre eux. C’est ce de quoi la paramétrisation est faite : considérer les relations bien plus abstraites que ce que le dessin des objets implique habituellement. Cette tendance est renforcée par l’utilisation des scripts et des algorithmes. La notion de conception via la paramétrisation est donc une nouvelle façon d’aborder les interactions entres objets, via des opérations plus poussées et moins géométriques qu’auparavant. Cependant elle n’a pas encore créé un nouvel imaginaire ou de nouvelles bases de projection future, mathématiquement parlant.Un Mathématicien est simplement un inventeur, à l’opposée d’un chercheur scientifique s’approchant de la découverte. Le mathématicien établit des connexions et des descriptions de formes, mais ne décrit pas les faits. En 1931 Kurt Gödel montre qu’un système cohérent axiomatique (défini par des axes), soit un système sans contradictions, caractérise des solutions, qui ne peuvent pas être prouvées vraies ni fausses. Les mathématiques à la base du dessin architectural ne sont donc ni prouvées vraies ni prouvées fausses pour quelconques opérations. Elles obéissent entièrement à la volonté du projeteur. C’est ce qui explique l’incapacité à ouvrir d’autres voies mathématique, car la conception architecturale n’est ni vraie ni fausses. Les mathématiques à la base du dessin architectural ne sont donc ni prouvées vraies ni prouvées fausses pour quelconques opérations. Elles obéissent entièrement à la volonté du projeteur. C’est ce qui explique l’incapacité à ouvrir d’autres voies mathématique, car la conception architecturale n’est ni vraie ni fausse, mais repose sur d’autres fondements moins logiques.

Les logiciels paramétriques

De manière à percevoir quelles sont les opérations cognitives dans la conception de forme spatiale, il convient d’étudier les possibilités des logiciels qui ont poussé l’imaginaire paramétrique. Aujourd’hui trois logiciels de conception 3d se détachent et proposent une nouvelle approche pour dessiner des projets : Grasshopper plug in de Rhino, Digital Project développer par Ghery Technologie et Générative Component (Bentley System).

Grasshopper (le Scripting visuel) 

Le noyau ou cœur de rhinocéros est programmé en langage C++. A partir de là, Rhino propose plusieurs échelles pour élaborer des formes. La base du logiciel fonctionnant en C++ Rhinoceros offre un kit de développement en C++ nommé SDK : System Development Kit qui donne accès à l’ensemble des objets qui le composent : les objets géométriques, les outils de visualisation, d’interaction, etc. Avec ce SDK on peut atteindre le cœur du logiciel et développer des applications très sophistiquées. Cependant, C++ est un langage de relativement bas niveau et demande des connaissances avancées en programmation et une gestion fine de la mémoire. Son usage est donc plutôt réservé aux informaticiens.

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Table des matières

Introduction
I Création de forme
I – Naissance d’une architecture
II- Les mathématiques de l’espace
a Les logiciels paramétriques
b Différentes manières d’aborder l’archi tecture
III la paramétrisation à plusieurs échelles
a- la recherche d’une élégance
b– la genèse de la forme
c – le problem solving
d – Vision d’une nouvelle architecture libérée
II De la forme à la matière
I – Epouser constructivement une forme
a Sculpter la matière
b Imprimer la matière
c L’assemblage
d Le tressage
e Le tissage
II – Les éléments finis à la base de la génération du modèle constructif
a Les éléments finis
b La science de l’ingénieur
III Nouvelles visions du paramétrisme
I La pensée selon l’axe paramétrique
II Concevoir l’architecture en mouvement
a l’art source de paramétrisation visuelle
b Le mouvement à travers l’architecture cinétique
III Le passage d’un modèle 3d à la matière physique sans l’utilisation d’un support papier
IV L’architecture paramétrique libre de droit ?
Conclusion
Bibliographie

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