L’architecture du sommeil
L’alternance entre sommeil lent et paradoxal forme un cycle, appelé cycle ultradien. Il commence par une succession linéaire des stades 1 à 4 du sommeil lent, et se poursuit par une rapide rétrogradation jusqu’au stade 1, suivie d’une période de sommeil paradoxal. Ce cycle dure approximativement 90 minutes, il se répète entre trois et cinq fois par nuit. Des phases de réveil peuvent s’insérer entre deux cycles. Plus la nuit avance, plus les épisodes de sommeil paradoxal tendent à s’allonger (Marieb & Hoehn, 2010, p. 519-520 ; Gordon et al., 2013, p. 17-21). L’éveil est caractérisé par une activité musculaire importante, des mouvements oculaires, des fréquences cardiaques et respiratoires élevées, et un seuil de réponse aux stimuli très bas. Sur le tracé EEG, des ondes rapides bêta et gamma peuvent être observées (Luppi, 2012, p. 11). L’endormissement constitue la première phase du sommeil lent. La fréquence cardiaque, le tonus musculaire et la température centrale sont diminués (Luppi, 2012, p. 12). Au niveau électrique, des ondes alpha sont présentes et le dormeur peut être réveillé facilement (Marieb & Hoehn, 2010, p. 519).
Au cours de la deuxième phase, appelée sommeil lent léger, l’activité cérébrale ralentit et des ondes en forme de fuseaux apparaissent, accompagnées de quelques ondes lentes. Le sommeil de cette phase est un peu plus profond que le précédent, mais le dormeur peut encore être réveillé facilement (Gordon et al., 2013, p. 18 ; Luppi, 2012, p. 12). Vient ensuite le sommeil lent profond, caractérisé par la survenue d’ondes delta (stade 3 et 4) et d’ondes thêta (stade 3) (Marieb & Hoehn, 2010, p. 519). Certains auteurs ne distinguent toutefois pas les stades 3 et 4 du sommeil lent profond (Luppi, 2012, p. 12). Durant ce sommeil lent profond, les paramètres vitaux et le tonus musculaire continuent de diminuer et le dormeur est difficilement réveillable. Cette période de sommeil est considérée comme la plus réparatrice : « plus il dure longtemps, plus on a l’impression d’avoir bien dormi et d’être reposé » (Gordon et al., 2013, p. 18). Pour terminer, le dernier stade de sommeil est appelé paradoxal par Michel Jouvet en 1962, en référence au paradoxe chez les chats qu’il étudie entre atonie musculaire et intense activité cérébrale électrique accompagnée de mouvements rapides des yeux (Luppi, 2012, p.12). Les ondes alpha réapparaissent, rapides et de bas voltage, qui rappellent les tracés EEG de l’éveil. Les yeux et certains muscles de la face bougent rapidement, tandis que tous les autres muscles squelettiques sont atoniques. Les paramètres cardiorespiratoires deviennent irréguliers. On observe également chez l’homme une érection pénienne et une dilatation vaginale chez la femme (Luppi, 2012, p.12). C’est durant cette période que les rêves sont les plus nombreux (Gordon et al., 2013, p. 18).
Sommeil et vieillissement
Le sommeil a tendance à se fragiliser avec l’âge. Les personnes âgées se plaignent souvent : « de mal dormir la nuit et d’être fatiguées durant la journée » (Voyer, 2013, p. 306). Concrètement, plusieurs changements physiologiques se produisent. Le sommeil de la personne âgée est globalement plus court et devient moins continu, fragmenté par de plus nombreux éveils (Billiard & Dauvilliers, 2012, p.5). Au niveau de l’architecture du sommeil, la phase de sommeil lent profond tend à se réduire (Billiard & Dauvilliers, 2012, p.5), ce qui constitue un problème puisque cette phase est considérée comme la plus réparatrice. La diminution du sommeil paradoxal est quant à elle plus débattue (Billiard & Dauvilliers, 2012, p. 5). Ces modifications conduisent à une altération de la qualité du sommeil de la personne âgée qui peut engendrer une diminution importante de la qualité de vie : « Les mauvais dormeurs sont manifestement incommodés par le manque de sommeil et se plaignent de divers problèmes : fatigue physique et psychologique plus élevée durant la journée, somnolence diurne plus importante, difficultés d’attention et de mémoire plus marquées que chez les bons dormeurs. Les activités quotidiennes ainsi que les relations sociales et familiales sont également perturbées. » (Voyer, 2013, p. 306). Les personnes âgées présentent également de nombreux facteurs qui les prédisposent à une détérioration de la qualité du sommeil comme la douleur, l’anxiété ou les maladies (par exemple la dépression ou la maladie de Parkinson) (Voyer, 2013, p. 306). Les aînés sont donc particulièrement vulnérables face à l’insomnie, dont la prévalence s’accroît continuellement avec l’âge (Ohayon, 2012, p. 132).
L’insomnie L’insomnie est le plus fréquent des troubles du sommeil (APA, 2013, p. 365 ; Bélanger & Morin, p. 155). Dans les études épidémiologiques qui mesurent la fréquence hebdomadaire des symptômes d’insomnie, la prévalence varie entre 16% et 21% dans la population générale (Ohayon, 2012, p. 132). Lorsque les études épidémiologiques intègrent les conséquences diurnes (somnolence, irritabilité, troubles de l’humeur), la prévalence décroît et se situe entre 8,5% et 13% (Ohayon, 2012, p. 132). Le problème de l’insomnie est plus fréquent avec l’âge (APA, 2013, p. 365 ; Ohayon, 2012, p. 132) et peut concerner jusqu’à 50% des personnes de plus de 65 ans (Ohayon, 2012, p. 132). La difficulté à s’endormir est plus souvent observée chez les jeunes tandis que la difficulté à maintenir le sommeil est plus répandue chez les personnes âgées (APA, 2013, p. 365). L’augmentation de la prévalence de l’insomnie chez les personnes âgées peut être reliée à la présence d’autres pathologies qui perturbent le sommeil, comme la dépression, les douleurs chroniques ou la maladie de Parkinson (APA, 2013, p. 365 ; Voyer, 2013, p. 306).
Le sexe est également un facteur important, puisque les femmes souffrent plus d’insomnie que les hommes (APA, p. 366 ; Bélanger & Morin, p. 155). Pour les femmes, l’apparition du problème est souvent reliée à la naissance d’un enfant ou au début de la ménopause (APA, 2013, p. 366). Les femmes âgées constituent donc une population particulièrement vulnérable face à l’insomnie, ce qui pourrait expliquer pourquoi en Suisse et en 2012, 8.4% des hommes et 22.4 % des femmes de plus de 65 ans consomment tous les jours des somnifères (www.bfs.admin.ch). Dans le DSM V (APA, 2013, p. 362), l’insomnie est définie à l’aide de plusieurs critères. Il s’agit d’une plainte concernant la qualité ou la quantité du sommeil, associée avec une difficulté à initier le sommeil, ou à le maintenir, ou avec des réveils précoces. Le trouble affecte la personne dans ses activités quotidiennes. Il doit se produire au moins trois nuits par semaine, sur au moins trois mois, même si les conditions pour bien dormir sont réunies. De plus, il faut garder à l’esprit que le sommeil et les besoins en sommeil demeurent éminemment subjectifs et variables selon les individus : « Alors que certaines personnes peuvent se sentir reposées après seulement 5-6 heures de sommeil, d’autres, ayant besoin de 9-10 heures, peuvent se plaindre d’un sommeil inadéquat lorsqu’elles n’atteignent pas cette durée de sommeil » (Bélanger & Morin, 2012, p. 161).
Le temps d’endormissement est une donnée importante dans l’étude de l’insomnie, avec un seuil de trente minutes considéré comme cliniquement significatif (Bélanger & Morin, 2012, p. 161 ; APA, 2013, p. 364). Un autre paramètre apparaît régulièrement dans les études, l’efficacité du sommeil. Cette mesure représente le rapport entre le temps passé au lit et le temps de sommeil effectif. Pour interpréter ce paramètre, le seuil clinique est habituellement fixé à 85 % (Bélanger & Morin, 2012, p. 161). Le diagnostic de l’insomnie repose sur l’évaluation clinique du patient, à l’aide des critères du DSM-V. Il comprend également l’agenda du sommeil, dans lequel le patient indique les heures du coucher et du lever, l’estimation du temps d’endormissement, la fréquence et la durée des éveils nocturnes, la durée et la qualité du sommeil (Bélanger & Morin, 2012, p. 165). Des examens complémentaires peuvent également être envisagés, comme la polysomnographie, qui permet d’analyser l’architecture du sommeil (Bélanger & Morin, 2012, p. 165 ; APA, 2013, p. 363).
Mesurer la qualité du sommeil ? Plusieurs outils ont été élaborés pour estimer la qualité du sommeil, paramètre subjectif mais essentiel dans la compréhension et dans le diagnostic de l’insomnie. L’un des questionnaires d’autoévaluation les plus fréquemment utilisés (Jespersen et al., 2015, p. 15) est le Pittsburgh sleep quality index (PSQI) (Buysse, Reynolds, Monk, Berman, & Kupfer, 1989). Cet outil comprend 19 questions d’autoévaluation qui sont combinées pour former sept composantes : qualité subjective du sommeil, temps d’endormissement, temps de sommeil, efficacité du sommeil, perturbation du sommeil, utilisation de somnifères, et perturbation du fonctionnement diurne. Pour chaque composante, les valeurs obtenues varient de 0 à 3, et la somme de toutes ces composantes forme un score maximum de 21.
Le chiffre 0 indique une très bonne qualité du sommeil tandis qu’un résultat supérieur ou égal à 12 révèle de sévères troubles du sommeil dans toutes les composantes. Un total de 5 constitue un seuil qui permet de distinguer ceux qui se considèrent comme de bons dormeurs et les autres, avec une sensibilité* de 89.6% et une spécificité* de 86.5 %, et un coefficient alpha* de 0.83 (Buysse et al., 1989, p.193). Un autre instrument couramment utilisé pour mesurer la qualité du sommeil est l’échelle de Verran et Synder-Halpern, élaborée et testée en 1987. L’instrument de Verran et Synder se présente sous la forme d’une échelle visuelle analogique, qui teste huit composantes du sommeil : le nombre de réveils durant la période de sommeil, les mouvements durant le sommeil, le temps total de sommeil, le temps d’endormissement, la profondeur estimée du sommeil, la sensation d’être reposé au réveil, la spontanéité du réveil le matin, la satisfaction au sujet du sommeil. Le score s’étend de 0 à 100 pour chaque item. Plus le score total est élevé, plus la qualité du sommeil est estimée bonne. Le questionnaire est un instrument valide, avec un coefficient de fiabilité thêta de 0.83 (Verran & Snyder-Halpern, 1987).
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Table des matières
1 Résumé
2 Remerciements
3 Déclaration
4 Introduction
4.1 Problématique
4.2 Question de recherche
4.3 But de la recherche
5 Cadre théorique
5.1 Le sommeil
5.1.1 L’horloge circadienne
5.1.2 L’architecture du sommeil
5.1.3 Sommeil et vieillissement
5.2 L’insomnie
5.2.1 Mesurer la qualité du sommeil ?
5.3 Musique et sommeil
5.3.1 Musique relaxante
6 Méthode
6.1 Devis de recherche
6.2 Collecte des données
6.3 Sélection des données
6.4 Analyse des données
7 Résultats
7.1 Description de l’Etude 1
7.1.1 Validité méthodologique
7.1.2 Pertinence clinique
7.2 Description de l’étude 2
7.2.1 Validité méthodologique
7.2.2 Pertinence clinique
7.3 Description de l’étude 3
7.3.1 Validité méthodologique
7.3.2 Pertinence clinique
7.4 Description de l’étude 4
7.4.1 Validité méthodologique
7.4.2 Pertinence clinique
7.5 Description de l’étude 5
7.5.1 Validité méthodologique
7.5.2 Pertinence clinique
7.6 Description de l’étude 6
7.6.1 Validité méthodologique
7.6.2 Pertinence clinique
7.7 Synthèse des principaux résultats
8 Discussion
8.1 Discussion des résultats
8.1.1 Le type de musique
8.1.2 La quantité de musique
8.1.3 La population
8.2 Discussion de la qualité et de la crédibilité des évidences
8.3 Limites et critiques de la revue de la littérature
9 Conclusions
9.1 Propositions pour la pratique
9.1.1 Une liste de musique classique
9.1.2 Une liste de musique jazz
9.2 Propositions pour la formation
9.3 Propositions pour la recherche
10 Références bibliographiques
11 Annexes
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