L’architecte, homme pragmatique, fait de compromis

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S’intéresser à l’architecture, avoir une vision fantasmée de la profession ?

Historiquement, l’architecte a affirmé son statut de travailleur libéral, principalement centré autour de la maîtrise d’oeuvre. Cette figure de l’architecte concepteur s’est donc ancrée au sein de la société, à tel point que la fiction s’en est servi à multiples reprises pour conférer un statut social à ses personnages. Si la fiction n’est pas la seule à jouer de cette figure, les architectes participent à leur propre image et encouragent donc une valorisation de leur profession. Dès lors, il peut être intéressant d’analyser la manière dont l’architecte est représenté dans l’esprit collectif et notamment chez les candidats aux écoles d’architecture afin de déterminer ce qui a pu influencé la construction de leur vision de la profession. En effet, ceux-ci présentent un intérêt particulier pour ce domaine au point de l’étudier et se sont donc construit une image « positive » de l’architecte, les ayant convaincus de le devenir à leur tour. Il serait donc intéressant de confronter cette image établie de questionnaire reste anonyme. Ainsi, l’influence du cercle familial et culturel des individus est abordée par la présence ou non d’un architecte dans son entourage, ayant alors eu une éventuelle influence dans ce choix de parcours.
Je vais alors à la rencontre des visiteurs présents à cette journée portes ouvertes, le 27 janvier 2018.
Badge « ENSA NANTES » en évidence, mon statut d’étudiante est un avantage pour aborder les visiteurs : un sentiment de confiance s’installe rapidement, les personnes acceptent sans soucis de répondre à mon étude, sans trop parfois, s’interroger sur le fond de mon travail mais en s’imaginant plutôt une étude déterminant si oui ou non, ils sont « aptes » à étudier l’architecture. Néanmoins mon statut d’étudiante me porte souvent préjudice dans le sens où la discussion est « donnant-donnant » : les visiteurs répondent à mes questions mais en retour, je me dois de répondre aux leurs. Le problème est que la proportion de leurs réponses est moindre comparée à leurs interrogations concernant leur possible entrée à l’école. Une fois la discussion lancée sur la vie à l’école, l’organisation des études… Il est difficile de dévier sur les motivations et l’intérêt de l’élève pour ces études. De plus, les personnes interrogées, pour la plupart en première ou terminale, sont relativement timides et plutôt fermées à la discussion, les réponses sont par moments peu précises. Finalement, le temps passé par visiteur est assez long, déviant souvent sur la vie étudiante en architecture, et limitant ainsi mon nombre de résultats à quinze. Toutefois, leurs inquiétudes reflètent souvent une part de leur vision de l’architecte et restent donc des données pertinentes à analyser.
Dans la continuité de cette enquête lors de la JPO, il m’était possible de participer aux jury d’admission des futurs élèves de licence de l’ENSA Nantes en avril 2019. J’ai donc fait partie d’un jury auprès de Pétra Marguc et Jean-Louis Violeau. L’idée était de cerner l’image de l’architecte présente dans l’esprit des candidats et de venir ainsi enrichir les résultats déjà obtenus lors de la JPO. Dans un premier lieu, il était question d’assister à quelques entretiens afin de libérer du temps pour questionner les personness dans un cadre plus détendu et où ils seraient plus alaise de s’exprimer plutôt que face à un jury. Seulement, déjà lors de la JPO, les jeunes visiteurs émettaient des réticences à répondre au questionnaire, comme évoqué précédemment.
Loin de moi l’idée de les effrayer et de les prendre de court à la sortie de leurs entretiens encore sous l’émotion, j’ai finalement décidé d’appuyer l’enquête sur l’ensemble des oraux du jury.
Ce format de sélection est certes très formel, exercice difficile pour de jeunes lycéens mais il présente quelques intérêts. En effet, dans un temps très restreint de quinze minutes, la personne doit convaincre que son profil correspond aux études en architecture et de ce fait, elle construit un discours en lien avec sa propre image de l’architecte. Elle met donc en avant des qualités qu’elle juge nécessaires aux études et à la pratique de l’architecture ou encore elle cite d’éventuels monuments, architectes qu’elle connaît et qu’elle souhaite mettre en avant afin de justifier d’une éventuelle « culture architecturale ».
Ainsi, les candidats répondent en partie aux réponses posées lors de la journée portes ouvertes mais de manière moins guidée et plus condensée, rythmée d’interventions du jury. Sans stratégie pré-définie, l’idée était de procéder de manière empirique plutôt que méthodiquement. En tant que simple observatrice, j’ai pu prendre des notes lors des différents entretiens et puis en dégager rapidement des « catégories » de réponses faisant écho au questionnaire de la JPO et révélant alors une part de leur image de l’architecte.
Au total, quinze personnes sont interrogées lors des JPO et seize candidats parmi les dix-sept appelés se rendent aux entretiens. Ces chiffres restent peu élevés pour émettre des affirmations mais présentent cependant des résultats significatifs amenant à différentes hypothèses. L’objectif est donc de croiser l’ensemble de ces résultats interrogeant l’image de l’architecte aux yeux des groupes interrogés mais sous deux formats et situations distincts : l’une où les individus se renseignent sur le domaine d’études lors de la visite de l’école et l’autre où ces personnes ont été sélectionnées, jugées comme ayant le « profil » pour étudier l’architecture. Les individus n’ont donc pas la même position : l’un interroge davantage qu’il ne répond et l’autre doit convaincre de sa place au sein de l’école.

Une vision restreinte des études et de l’architecture

La créativité, la technicité et le sens du collectif, des compétences préalables à détenir ?

Le premier constat se dégageant des deux enquêtes est la filière d’origine des visiteurs et des candidats : 67% des personnes de la JPO ont un baccalauréat scientifique ou sont en voie de l’obtenir, de même que 65% des candidats contre moins de 7% pour les autres filières telles qu’Economie et Social (ES), Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable (SI2D), Sciences de l’Ingénieur (SI), Sciences et Techniques du Design et des Arts (STD2A) pour les deux enquêtes. Le jury d’admission présente une plus grande diversité de filières d’origine avec notamment 11% des candidats issus d’un baccalauréat littéraire, 6% en filière professionnelle dans le bâtiment, 6% en Mise A Niveau en Arts Appliqués (MANAA) et 6% en classe préparatoire scientifique. Globalement, les résultats sont similaires et témoignent de l’importance du critère scientifique dans l’esprit collectif. En effet, en ayant une majorité de personnes issues de la filière scientifique, cela laisse entendre que la conaissance scientifique serait éventuellement nécessaire à l’entrée en école d’architecture et que par conséquent, davantage d’individus issus du baccalauréat scientifique postulent, imaginant être dans une position d’avantage en comparaison aux autres filières.
Cette observation se confirme aux fils des différents échanges. D’un côté, à la JPO, les questions posées et les inquiétudes quant aux études abordent souvent le sujet de la technicité : la question la plus fréquente est « faut-il être bon en maths ? », autant posée par les élèves que par les parents. Et la réussite dans les matières scientifiques est mise en avant par certains interrogés, comme s’il s’agissait d’un critère déterminant dans l’aptitude aux études en architecture. A l’inverse, lorsqu’un élève considère avoir un niveau insuffisant en mathématiques et physique, l’inquiétude se fait ressentir dans ses propos. Et si les sciences sont mises en avant, il n’en est pas moins pour les « arts ».

« L’architecture se situe au carrefour des sciences et de l’art »

75% des candidats du jury d’admissions partagent une vision de l’architecture comme une discipline alliant à la fois la technique et l’art et ne manquent pas de valoriser leurs expériences et leurs compétences dans ces domaines afin de convaincre de leur admission au sein de l’école. A plusieurs reprises et dès les premières minutes des entretiens, nous entendons des termes tels que : qu’« une alliance entre l’art et la technique », ou « avoir de la créativité et les bases de la technique ».
D’ailleurs, cela fait fortement écho aux résultats obtenus lors de la JPO : à la question « Par quoi êtes-vous intéressé(e) dans les études d’architecture ? », 67% des candidats répondent « les sciences et techniques en lien à l’architecture » et 67% les « ateliers manuels ».
« C’est vrai qu’elle est à la fois très créative et très scientifique… On a fait un test d’orientation sur internet et tout de suite le résultat a été architecte, ç’a été une évidence »3
D’ailleurs, selon une mère et sa fille, les critères scientifique et créatif seraient indispensables chez tout architecte, révélant clairement l’idée qu’un architecte serait le mélange d’un créateur et d’un scientifique.
De ce fait, ces résultats sont à mettre en lien avec l’image de l’architecte et la construction de sa profession. Comme nous avons pu l’évoquer, la profession s’est construite autour de ces valeurs et ce, dès la Monarchie avec l’Académie Royale.
Nous pouvons donc constater que ces compétences associées à la pratique de l’architecte sont toujours présentes dans l’imaginaire collectif, poussant davantage d’individus de filière scientifique à postuler auprès des écoles.
Par ailleurs, une des autres qualités requises selon les candidats est abordée à multiples reprises : l’esprit collectif. Plus de la moitié des candidats pratiquent une activité sportive et chacun d’entre eux a mis en avant ses expériences collectives en les considérant comme valorisantes et indispensables au métier d’architecte. A nouveau, cela n’est pas surprenant en comparaison des résultats de la journée portes ouvertes où 67% des personnes

Dires d’une mère à propos de sa fille lors de la JPO.

S’intéresser à l’architecture : avoir une vision fantasmée de la profession ? interrogées se disent intéressées par les études en architecture pour le travail collectif. Ce résultat est peut-être à mettre en lien avec le travail en agence qui est majoritairement représenté dans la fiction et que les architectes eux-mêmes aiment valoriser, le présentant comme lieu d’effervescence et d’échanges, entre les différents acteurs.

Les sciences humaines et le projet, les grands oubliés ?

Si les sciences et les arts semblent ancrés dans l’esprit des candidats, il n’en est pas autant pour les sciences humaines. En effet, seuls 13% des personnes interrogées à la JPO se disent intéressées par ce domaine durant les études d’architecture et seuls 12% des candidats les abordent. Cela questionne donc la valeur que les individus donnent aux sciences humaines dans le monde de l’architecture. De la même manière, l’association de l’architecte au monde politique n’a été faite par seulement 6% des individus ce qui peut révéler une méconnaissance du rôle que peut porter l’architecte dans des domaines plus élargis à l’architecture.
Aussi, durant les entretiens, il n’a été question de géographie et d’urbanisme par seulement 12% des candidats, laissant penser que la pratique de l’architecture, aux yeux des individus, ne concerne que le cadre stricte du bâtiment. A nouveau, cela est sans doute à mettre en lien avec leur arrivée tardive – remontant aux réformes de la fin des années 70 – au sein de l’enseignement de l’architecture.
Néanmoins, si ces changements au sein de la formation datent d’il y a près de cinquante ans, comment expliquer qu’elles soient peu voire pas du tout abordés par les personnes aspirant à ces études ?
Par ailleurs, il est intéressant de noter que la notion de « projet » n’est pas évidente pour tout le monde.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I Se représenter l’architecte, figure aux multiples portraits
L’architecte, figure caricaturée par la fiction
Entre charisme et réussite sociale
Une créativité débordante
L’architecte, homme pragmatique, fait de compromis
L’agence : lieu d’effervescence créative et intellectuelle
Quand l’architecte se met en scène
Du XVIIe siècle à aujourd’hui : la place du portrait dans la représentation de l’architecte
L’affirmation de codes de représentation
Entre représentation sociale et star-system : la construction médiatique des architectes
CHAPITRE II Comprendre l’histoire d’une profession instaurée, en perpétuelle mutation
L’institutionnalisation d’une profession et la protection de son titre
L’Académie Royale : le fondement de la profession
L’instauration d’une profession de groupe
Le monopole de l’architecte
De l’Ecole Nationale des Beaux Arts en passant par l’ère industrielle puis Mai 68 : la remise en cause d’un modèle historiquement intégré
Les architectes, attachés à des valeurs passées ?
Le bouleversement d’un enseignement institutionnalisé ou une nouvelle façon d’envisager l’architecture
Un changement de la composition des étudiants en architecture et une augmentation des effectifs
CHAPITRE III S’intéresser à l’architecture : avoir une vision fantasmée de la profession ?
Une vision restreinte des études et de l’architecture
La créativité, la technicité et le sens du collectif, des compétences préalables à détenir ?
Les sciences humaines et le projet, les grands oubliés ?
L’avenir professionnel en tant qu’architecte : entre imprécision et travail libéral
Une connaissance architecturale moindre, centrée autour des grands projets et des grands noms
Se familiariser à l’architecture : entre modes d’acquisition restreints et influence du cercle familial
L’émergence du numérique aux dépens de la lecture et des visites culturelles
L’influence du cercle familial : la valeur symbolique d’une profession valorisée
Existe-t-il un « profil » pour étudier l’architecture ?
CHAPITRE IV Étudier l’architecture : découvrir la réalité d’une profession
Une ouverture vers d’autres champs disciplinaires
Une vision plus élargie de l’architecte
Des trajectoires professionnelles centrées autour de la conception architecturale mais s’ouvrant aussi à d’autres domaines
Des trajectoires vers la « conception architecturale », pour quelle(s) pratique(s) ?
Un rôle au-delà de la maîtrise d’oeuvre ?
Un sentiment de désillusion pas totalement présent
CHAPITRE V Devenir architecte : questionner la valeur d’un titre
La place de l’architecte au sein du champ architectural
Le champ architectural : comprendre un changement profond de la production urbaine et architecturale
Un multi-positionnement au sein du champ architectural
Entre formation généraliste et spécialisation que choisir ?
Vers une spécialisation de la formation ?
L’assurance d’une valeur symbolique forte
Entre prise de position et croyance sociale : quelle valeur apporter à ce titre ?
L’ambiguïté d’un titre
La valeur d’une étiquette dans la société
La notion d’engagement chez l’architecte
CONCLUSION
ANNEXE MÉTHODOLOGIQUE
BIBLIOGRAPHIE

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