L’archéologie dans la glace

L’archéologie dans la glace

Types de sites

Les sites archéologiques susceptibles de préserver des matériaux organiques par le froid se divisent en quatre types principaux : les terrains de chasse que constituent les ice patches de Norvège et du continent nord-américain ; les contextes d’altitude (accidents et cols de montagne) ; certains habitats semi-souterrains en zone de permafrost ; et les contextes funéraires (d’altitude ou dans le permafrost). Les vestiges des expéditions historiques en Arctiques et Antarctiques constituent un dernier groupe de sites gelés, qui ne sera pas abordé dans ce travail.

Les milieux d’enfouissement peuvent ainsi se répartir en deux groupes principaux : le permafrost, où le mobilier archéologique est inhumé dans un sol gelé ; et les glaciers et ice patches, dans lesquels les artefacts sont piégés à même la glace. L’existence de tels milieux étant elle-même dépendante du climat atmosphérique, ces sites se concentrent sous de hautes latitudes ou en haute altitude.

Le permafrost. le terme permafrost (ou pergélisol) désigne tout terrain (sol ou roche) de subsurface dont la température reste inférieure à 0◦C l’année durant. Un permafrost présente une couche inférieure gelée en permanence et une couche active (ou mollisol), tranche supérieure du sol affectée par le dégel estival, qui supporte l’ensemble de l’activité biologique. Les zones de permafrost s’étendant sur environ un cinquième des terres émergées de l’hémisphère nord, il existe de nombreux contextes archéologiques en sol gelé en Alaska, au Canada, au Groenland et en Sibérie.

Constitution des matériaux organiques – quelques généralités

Avant d’aborder la préservation / dégradation des matériaux organiques pris dans la glace, il me paraît nécessaire de préciser la nature et composition des substances organiques. Bien que seuls les artefacts constitués de matériaux d’origine biologique soient considérés dans ce travail, la variété de formes que comporte cet ensemble est énorme : plantes, bois, graines ou fruits, os, cornes et andouillers, peaux, fourrures et cuirs, textiles de fibres animales ou végétales, etc. En outre, les combinaisons possibles entres plusieurs de ces produits de base sont multiples. S’ajoute encore à ce large panel la diversité de traitements / modifications que peuvent subir les substances brutes. Il est impossible de détailler ici les compositions particulières des matériaux organiques, et je limite la description à certaines caractéristiques générales.

L’unité fondamentale des organismes vivants est la cellule, qui consiste premièrement en une membrane qui la délimite, et dont la structure différencie les cellules végétales, qui possèdent une paroi cellulosique des cellules animales. Au cours de leur développement, les cellules se spécialisent et s’organisent entre elles pour former des structures fonctionnelles, les tissus qui sont parfois incorporés dans une matrice extracellulaire. Les tissus sont généralement classés selon leurs fonctions ; dans le monde végétal, les principaux groupes sont les tissus fondamentaux (les parenchymes), de soutien, de revêtement (ou épiderme), de réserve et les tissus conducteur ; chez les animaux, on distingue notamment les tissus conjonctifs (peau, ligaments et tissus adipeux), musculaires, et de soutien (tissus cartilagineux et osseux).

Les substances organiques consistent principalement en des polymères naturels (ou biopolymères), macromolécules pouvant comprendre plusieurs milliers d’atomes, à base de carbone (C), d’hydrogène (H) et d’oxygène (O), et qui incorporent d’autres éléments dont l’azote (N), le phosphore (P) et le soufre (S) notamment. Ces macromolécules constituent la majeure partie de la matière vivante et appartiennent à l’une des quatre classes biologiques que sont : les glucides, les lipides, les protéines et les acides nucléiques.

La glace comme milieu d’enfouissement – Préservation et dégradation

De même que la composition des matériaux organiques est abordée en termes généraux, les phénomènes de dégradation sont considérés ici de manière globale, sans entrer dans les détails des processus propres à un agent de détérioration, ou spécifiques à un matériau particulier. L’objectif principal est de synthétiser les caractéristiques du milieu d’enfouissement particulier que constitue la glace, les facteurs d’altération en présence ou susceptibles d’être réactivés, et les risques liés à la mise au jour des matériaux.

La dégradation des substances organiques résulte de causes à la fois diverses et interdépendantes: il s’agit d’un processus multifactoriel. On considère généralement que la dégradation dépend de :  la nature du matériau ;  les conditions du milieu dans lequel il se trouve. Comme nous l’avons vu, la nature des matériaux organiques est variée : compositions chimiques, structures micro- et macroscopiques, modifications de la matière première, etc. Les conditions environnementales du milieu, et en archéologie, les conditions d’enfouissement plus particulièrement, incluent divers aspects dont : la chimie du milieu (présence / absence d’air, d’eau, acidité / alcalinité et concentration en diverses espèces chimiques) ; ses caractéristiques physiques (pression, température, lumière et surtout la stabilité / variabilité de ces paramètres) ; et l’activité biologique qu’il abrite.

Notes quant à la dynamique des objets dans la glace

Le phénomène de résurgence a pu se répéter plusieurs fois : les artefacts sont généralement exposés à la fin de l’été puis recouverts par les premières neiges. Les exemplaires les plus robustes peuvent ainsi avoir été exposés à l’air de nombreuses fois avant leur découverte par les chercheurs ; il est moins probable que des artefacts plus sensibles tels que les cuirs, les textiles ou les tendons survivent plus de quelques saisons au même traitement. Sur le Schnidejoch tous les artefacts en matériaux protéiques ont été découverts dans le banc de glace ou à sa proximité directe. Les bois et os ont quant à eux pu être retrouvés à des distances supérieures. Ces faits laissent supposer une couverture de glace / neige plus ou moins permanente pour les cinq derniers millénaires.

Un autre aspect est que dans la grande majorité des cas, les artefacts ont été retrouvés non pas dans mais sous la glace . Trois processus peuvent expliquer cet état de fait : la fonte totale de la glace à un moment particulier ; la fonte de la couche par le fond ; une dynamique verticale des artefacts qui, de part les matériaux qui les composent, accumulent plus d’énergie que la glace dans laquelle ils s’enfonceraient progressivement.

Implications pour le conditionnement des artefacts

Dans un article sur la conservation in situ dans l’arctique canadien paru en 1987, C. Hett a relevé les objectifs fondamentaux et enjeux du conditionnement sur des sites gelés :

Eviter le séchage incontrôlé par le maintien de l’humidité contenue dans un matériau ;

Prévenir le développement de micro-organismes par un stockage à basse température.

Ceux-ci demeurent aujourd’hui parfaitement valables et constituent à la fois les deux problèmes majeurs et les mesures les plus appropriées pour y répondre. La plupart des articles concernant le conditionnement de tels artefacts soulignent également la nécessité de procéder rapidement à ces opérations : ces objectifs constituent également deux des lignes directrices de mon travail. Il faut toutefois préciser quelques points : le premier concerne les objets très humides / gorgés d’eau pour lesquels le maintien de l’humidité est une option paradoxale au regard de la prévention du développement de micro-organismes. Le maintien des températures même légèrement supérieures à 0°C ne peut être considéré que comme une solution de stockage provisoire, avant traitement. Le seul avantage en est la réduction de la cinétique de développement des micro-organismes et non une solution à ce dernier. Il n’est toutefois pas question d’autre chose ici.

Un deuxième point est que l’adjonction de biocides n’est aujourd’hui plus recommandée en raison du risque de contamination que constituent ceux-ci. D’un point de vue théorique, deux alternatives peuvent être envisagées : un stockage à l’état gelé ; la réalisation d’un micro-environnement anaérobie par l’emballage des artefacts.

La première a notamment été utilisée par J. Vasquez pour le transport de blocs de terrain contenant du mobilier archéologique issu de zones de permafrost. Cette technique présente des avantages indéniables mais, sur un site tel que le Schnidejoch, les artefacts ne sont plus gelés au moment de leur découverte : leur état hydrique a déjà pu fortement évoluer au cours de la fonte et une recongélation doit alors être menée dans des conditions optimales, non réalisables en montagne. De même, la seconde option pourrait être jugée idéale mais est d’emblée rejetée pour des questions de difficultés techniques de réalisation in situ.

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Table des matières

Introduction
1 Contexte général et spécification du projet 
1.1 Lenk-Schnidejoch (BE) : un site “ gelé ” dans l’Oberland bernois
1.1.1 Situation géographique
1.1.2 Campagnes de fouilles 2004-2007
1.1.3 Quelques résultats
1.1.4 Recherches interdisciplinaires
1.2 Laboratoire de conservation-restauration
1.2.1 Position et responsabilités
1.2.2 Transport et conditionnement
1.2.3 Traitement des matériaux organiques
1.2.4 Recherches interdisciplinaires et logistiques
1.3 Description du projet 
1.3.1 Problématique : le conditionnement in situ et le transport des matériaux organiques issus de la glace
1.3.2 Méthodologie
2 Les matériaux organiques dans la glace 
2.1 L’archéologie dans la glace
2.1.1 Types de sites
2.1.2 Réchauffement climatique et préservation des sites
2.1.3 Prospection, découverte et surveillance des sites
2.1.4 Méthodes de dégagement
2.2 Constitution des matériaux organiques – quelques généralités 
2.2.1 Les polysaccharides
2.2.2 Les protéines
2.2.3 Les lipides
2.2.4 Les biominéraux
2.2.5 Eau et état hydrique
2.3 La glace comme milieu d’enfouissement – Préservation et dégradation 
2.3.1 De l’eau solide
2.3.2 Altérations chimiques
2.3.3 Altérations biologiques
2.3.4 Synthèse
2.4 Altérations post enfouissement 
2.4.1 Notes quant à la dynamique des objets dans la glace
2.4.2 Conditions de découverte
2.5 Implications pour le conditionnement des artefacts 
Conservation in situ (i) : objectif général
3 Etudes et analyses scientifiques – mesures de sécurisation des indices 
3.1 Un col alpin comme contexte archéologique 
3.1.1 Datation isotopique 14C/AMS
3.2 Une jambière de pantalon néolithique 
3.2.1 Première phase : le nettoyage d’investigation
3.2.2 Fibres végétales et animales
3.2.3 Les pollens
3.2.4 Analyse des lipides
3.2.5 Analyse de l’ADN ancien
3.3 Synthèse
Conservation in situ (ii) : mesures de sécurisation des indices
4 Emballage et protection des artefacts 
4.1 Objectif général : le maintien du statu quo 
4.1.1 Types d’artefacts
4.1.2 Scenarii de découverte
4.1.3 Maintien de l’hygrométrie
4.2 Sélection des matériaux d’emballage et de protection 
4.2.1 Quelques critères
4.2.2 Matériaux retenus
4.2.3 Contrôle de certains matériaux
4.3 Options d’emballage 
4.3.1 La solution Minigrip®
Conservation in situ (iii) : emballage et support pour artefacts plats / fragiles
4.3.2 Le trio Tyvek® / Dermotekt® / film PELD
Conservation in situ (iv) : maintien de l’hygrométrie
4.3.3 Protection externe des artefacts longs / volumineux
Conservation in situ (v) : réalisation d’une protection externe
4.3.4 Documentation
4.3.5 Et pour une momie ?
4.4 Synthèse 
5 Stockage in situ et transport 
5.1 Transferts thermiques : quelques notions de base
5.1.1 Conduction
5.1.2 Convection
5.1.3 Rayonnement
5.2 Un caisson isotherme : concept & réalisation 
5.2.1 Dimensions
5.2.2 Choix des matériaux
5.2.3 Réalisation
5.3 Tests, usage et modules complémentaires
5.3.1 Efficacité
5.3.2 Cushioning interne
5.3.3 Systèmes d’apport de froid
5.4 Bilan thermique
Conservation in situ (vi) : maintien de basses températures
5.5 Bilan pondéral 
Discussion
Conclusion

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