L’aquaculture, une industrie de l’avenir

Depuis de nombreuses années, les débarquements mondiaux de poissons, mollusques et crustacés destinés à la consommation humaine se maintiennent à environ 60 000 000 tm/an (New 1997; FAO 2006). Par contre, l’augmentation de la population mondiale et l’ accroissement de la consommation per capita accentuent la demande pour les organismes aquatiques destinés à la consommation humaine. L’aquaculture est perçue comme une activité pouvant permettre de combler en tout ou en partie ce déficit entre la demande des consommateurs et les débarquements mondiaux.

En 2005 la production aquicole mondiale se situait aux environs de 47 800 000 tm/an, résultat d’ une croissance annuelle soutenue (F AO 2006). Selon des projections de l’ Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), le marché potentiel pour les produits aquacoles sera équivalent à celui des débarquements de la pêche pour consommation humaine, soit 60 000 000 tm/an, en 2035. L’ économiste de renommée mondiale Peter Drucker a déclaré au Globe and Mail « fish farming is going to be the growth industry of the next 30 years » (Anonyme 1999).

Selon les statistiques de la F AO pour l’année 2005, la mariculture ne représentait que 17,6 % de la production mondiale destinée à la consommation humaine (FAO 2006). L’ aquaculture des poissons marins pour sa part générait en 2004 une production annuelle ne représentant qu’environ 0,7 % de la production aquacole mondiale. Par contre on note que les poissons plats étaient en forte croissance parmi les espèces maricoles passant de 35 513 tm en 2002 à 109 342 tm en 2004, soit une croissance annuelle moyenne de 75% (F AO 2006). Toujours selon ces statistiques de la F AO, le Canada ne produisait en 2005 que 153 995 tm (espèces d’ eau douce, diadromes et marines) soit 0,32% de la production aquacole mondiale ou 1 % de la production mondiale en excluant la Chine qui éclipse l’ ensemble des autres pays par sa production piscicole d’ eau douce. Au Québec, la mariculture n’en est qu’ à ses débuts avec une production annuelle de 915 tm en 2005 (MAPAQ 2007) résultat d’ une croissance annuelle moyenne de 32% au cours des dix dernières années.

Le contexte mondial est donc favorable au développement de l’ aquaculture et notamment . de l’ aquaculture marine. On doit cependant garder à l’ esprit que ce développement devra se réaliser dans le respect des écosystèmes marins.

Au Canada, l’ aquaculture des poissons marins est actuellement basée principalement sur l’ élevage des salmonidés notamment du saumon de l’Atlantique (qui représente plus de 85% de la production), du saumon Chinook et de la truite arc-en-ciel. Au cours des dernières années, la compétition mondiale a eu pour effet de réduire les prix pour ces espèces sur les marchés et de rendre ce type de production moins profitable. Jumelée au déclin des stocks sauvages de poissons marins, cette situation incite à une diversification des espèces destinées à l’aquaculture marine. Au Canada Atlantique, plusieurs espèces de pOissons manns font l’objet d’activités de recherches et de développements depuis plusieurs années et pourraient bientôt être produites à une échelle pilote ou industrielle. C’est le cas notamment de la morue franche, du flétan de l’Atlantique, du loup tacheté et de l’aiglefin.

Actuellement, au Québec, l’aquaculture en eau marine, ou mariculture, est essentiellement axée vers la conchyliculture et basée sur l’élevage de la moule bleue et sur celle du pétoncle géant. Certaines autres espèces en sont à l’étape du développement au niveau industriel notamment la mye et le pétoncle d’Islande. En ce qui a trait aux poissons marins et compte tenu des conditions climatiques dans nos régions, on visera des espèces résistant aux températures froides tout en offrant une croissance relativement rapide. Toutes les espèces de poissons marins offrant un certain potentiel n’en sont encore qu’ à l’étape de la recherche scientifique.

Parmi les espèces d’intérêt offrant un potentiel commercial au niveau mondial on retrouve les poissons plats. À titre d’exemple, l’Europe produit annuellement plusieurs milliers de tonnes de turbot (Scophthalmus maximus) (Howell 1998) vendu notamment à l’état vivant sur le marché asiatique. Sur la côte Atlantique canadienne, la plie rouge (Pseudopleuronectes americanus, Walbaum) a d’ores et déjà été ciblée comme une espèce offrant un grand intérêt maricole (Litvak 1994, 1996, 1999) en raison notamment de sa rusticité et de sa capacité à survivre et à croître en eau froide.

La plie rouge, une espèce candidate pour l’industrie maricole québécoise 

La plie rouge est un poisson plat de la famille des Pleuronectidés. Il s’ agit d’ une espèce necto-benthique côtière commune (Bigelow & Shroeder 1953, Scott & Scott 1988) et très valorisée le long de la côte atlantique de l’Amérique du Nord. Après l’étape de la métamorphose, les deux yeux se retrouvent du côté droit de l’ animal. Ainsi le côté gauche, non pigmenté, se trouve en contact avec le substrat du fond alors que le côté droit, pigmenté, est orienté vers la surface .

Étant une espèce commune le long de la côte atlantique de la Georgie au Labrador (Scott & Scott 1988; Bigelow & Schroeder 1953), sa biologie est abondamment décrite dans la littérature scientifique. Les caractéristiques biologiques des plies rouges fréquentant l’ estuaire du Saint-Laurent dans la région de Saint-Fabien-sur-mer ont été décrites par Vaillancourt (1982) et par Vaillancourt et al. (1985).

Il s’ agit d’ une espèce euryhaline capable de supporter une large gamme de salinités. Dans sa synthèse sur la biologie des stocks de cette espèce sur la côte Atlantique américaine, Klein-MacPhee (1978) signale qu’on la retrouve communément dans des eaux dont la salinité varie de 4%0 à 30%0. Les spécimens conservés en bassin à la Station aquicole de Pointe-au-Père vivent dans une eau atteignant 30%0 en été, mais supportent aussi très bien une eau saumâtre de 10%0 dans lesquels ils sont parfois maintenus à titre curatif pour éliminer certaines maladies dues à des myxobactéries.

L’ une des caractéristiques les plus remarquables de la plie rouge est sa capacité à supporter un grand éventail de températures, notamment des températures très froides. Bigelow & Schroeder (1953) rapportent qu’on la retrouve dans des eaux de température variant de 21°C à O°C et même _1°C. Cette résistance à l’eau très froide est due à sa capacité de synthétiser une protéine plasmatique antigel (Fletcher 1980; Sicheri & Yang 1995). Le déclenchement de cette synthèse protéique est associé à la photopériode et plus exactement à la diminution de la période lumineuse. L’intérêt suscité par la découverte de cette protéine a mené à des travaux visant l’implantation du gène de la plie rouge responsable de cette synthèse chez d’ autres espèces d’eau froide qui en sont démunies (Fletcher et al. 1988; Anonyme 1999).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
L’aquaculture, une industrie de l’avenir
La plie rouge, une espèce candidate pour l’industrie maricole québécoise
L’élevage de la plie rouge, état de situation
La phase larvaire, une étape critique
Les besoins nutritionnels des stades larvaires de poissons
Le rotifère, une microcapsule vivante
La densité d’élevage larvaire, facteur de risque et de rentabilité
Un rotifère indigène à l’habitat de la plie rouge
Les objectifs de cette thèse
CHAPITRE 1 
IMPORT ANCE DE LA DIÈTE EN ACIDES GRAS POUR LES
PREMIERS STADES DE DÉVELOPPEMENT CHEZ LA PLIE
ROUGE (PSEUDOPLEURONECTES AMERICANUS) 
Introduction
Materials and Methods
Rearing procedures
Experimental design
Sampling and biochemical analysis
Data analysis
Results
Biochemical composition of prey
Growth indicators in controllarvae
Biochemical composition and larvallength
Juvenile survival
Discussion
CHAPITRE 2 
EFFET DE LA DENSITÉ D’ÉLEVAGE SUR LA CROISSANCE, LA
SURVIE ET L’ÉTAT PHYSIOLOGIQUE DE LARVES DE PLIE
ROUGE (PSEUDOPLEURONECTES AMERICANUS) 
Introduction
Matériel et méthodes
Incubation des œufs et élevage larvaire
Échantillonnage et analyses biochimiques
Analyse des données
Résultats
Densité larvaire et survie des juvéniles
Taille des larves et indicateurs de croissance
Discussion et conclusion
CHAPITRE 3 
ISOLEMENT, IDENTIFICATION ET PARAMÈTRES D’ÉLEVAGE
D’UN ROTIFÈRE INDIGÈNE À L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT .
Introduction
Matériel et méthodes
Obtention d ‘une souche de rotifères indigènes
Concept expérimental
Analyse des données
Résultats
Classification taxonomique de l ‘organisme
Maintien d ‘un élevage à long terme
Paramètres des conditions d ‘élevage
Discussion et conclusion
CONCLUSION GENERALE

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