L’approche dynamique du contrôle moteur

Chacun d’entre nous dispose d’un répertoire moteur, nous permettant de nous mouvoir et de nous coordonner au sein d’un environnement. Le simple fait de se maintenir en position érigée semble être d’une simplicité absolue pour l’Homme sain (i.e. en bonne santé). En effet, dans la vie quotidienne, de nombreuses situations imposent à l’Homme de se tenir en position debout, sans aucune attention particulière de sa part, contrairement à une personne atteinte de handicap (e.g. patients cérébrolésés). Ainsi prendre les transports en commun, marcher, ou simplement discuter avec quelqu’un sont des exemples d’actions qui ne sont pas appréhendées de la même manière selon les individus. Il s’avère que maintenir cette position implique en réalité des processus sous-jacents infiniment complexes. En effet, le système sensori-moteur présente une multitude de degrés de liberté (i.e. nombreuses articulations : 102 et muscles : 103 ) offrant un nombre considérable de possibilités d’actions (Bardy, Marin, Stoffregen, & Bootsma, 1999). L’approche dynamique du contrôle moteur, dans laquelle s’inscrit cette thèse, a notamment pour but de caractériser le comportement de ce système (Kelso, 1995). Dans ce cadre, il est considéré que la coordination émerge d’un ensemble de contraintes (de tâche, d’organisme et d’environnement) (Newell, 1985, 1986) interagissant continuellement entre elles. Celles-ci limitent les possibilités d’actions du système et réduisent les degrés de liberté, permettant ainsi de restreindre l’étendue des coordinations disponibles (Bernstein, 1967).

L’approche dynamique du contrôle moteur

Le contrôle moteur

Positionnement de cette thèse

Dans le domaine du contrôle moteur, il existe actuellement deux grandes approches théoriques et conceptuelles qui s’opposent depuis plusieurs années : les théories cognitivistes, d’une part, et les approches complexes, d’autre part (Newell, 2003). En effet, la divergence de ces approches scientifiques du contrôle moteur provoque leur incompatibilité épistémologique. Dans le cadre de ce doctorat, nous avons fait le choix de nous appuyer uniquement sur les modèles dynamiques, notamment en raison de leur portée explicative concernant le maintien de la posture et les activités cycliques. Ainsi afin de ne pas alourdir le cadre théorique, nous ne présenterons pas les modèles théoriques cognitivistes du contrôle moteur (Adams, 1971 ; Keele, 1968 ; Schmidt, 1975 ; Wolpert, Ghahramani, & Jordan, 1995). Nous considérons ainsi la coordination comme un processus auto-organisé en fonction de l’interaction d’un ensemble de contraintes (selon Newell), et émergeant du couplage perception-action. En effet, l’étude d’un système neuro-musculo-squelettique ne peut se résumer à l’unique observation de ce système mais doit prendre en considération ce système au sein de son environnement et des différentes contraintes qui s’appliquent sur lui. Par conséquent, afin d’étudier la coordination d’individus évoluant sur un cheval mécanique, ces présents travaux s’inscrivent dans une approche dynamique du contrôle moteur.

L’approche dynamique

À partir de la seconde moitié du 20ème siècle, certains scientifiques se sont intéressés à la complexité en posant de nouvelles bases pour son approche (Newell, 1985, 1986). Parmi elles (i.e. approches complexes), plusieurs théories distinctes peuvent être détaillées. D’une part, la théorie écologique, qui s’intéresse à la relation sujet/environnement (Gibson, 1950, 1960, 1966, 1977). Au sein de cette théorie, le cerveau n’est pas comparé à un ordinateur permettant de traiter l’information mais c’est l’information issue de l’environnement, et disponible directement pour le sujet, qui stimule la perception émergeant des interactions permanentes entre le sujet et l’environnement. D’autre part, le courant des systèmes dynamiques inspiré par Bernstein (1967) et développé par Kelso (1981) ; Kelso, Tuller, & Harris (1983) ; Newell, Challis, & Morrison (2000) ; Newell (1986) ; Stoffregen &  Bardy (2001) ; Stoffregen, James, Bardy, & Pagulayan (1999), s’intéresse spécifiquement à l’analyse des coordinations inter-segmentaires. Cette théorie est basée sur la description, au niveau macroscopique, des systèmes complexes (i.e. ensemble composé de plusieurs éléments en interaction), et permet de répondre aux problèmes de la programmation et du contrôle des degrés de liberté du système.

Interactions, contraintes et auto-organisation d’un système sensorimoteur 

L’approche dynamique du contrôle moteur considère la production motrice comme étant auto-organisée (Haken, 1977, 1983). C’est alors l’interaction des divers composants constituant un système neuro-musculo-squelettique qui permet l’émergence d’une coordination stable sous l’effet d’un ensemble de contraintes (Newell, 1985, 1986). Les contraintes sont, quant à elles, définies comme des facteurs limitant mais aussi guidant les possibilités d’action du système, généralement liées à une réduction des degrés de liberté permettant ainsi de restreindre l’étendue des coordinations possibles. Newell (1985, 1986) propose et caractérise 3 types de contraintes particulières : les contraintes de tâche, les contraintes d’organisme et les contraintes environnementales .

Dans ce domaine, plusieurs publications ont été réalisées, aussi bien sur l’être humain que sur l’animal. Nombre d’entre elles ont porté sur la locomotion et leurs modes de coordination selon l’augmentation de la vitesse de déplacement (Beuter & Lefebvre, 1988 ; Diedrich & Warren, 1995 ; Hoyt & Taylor, 1981 ; Seay, Haddad, van Emmerik, & Hamill, 2006). Diedrich & Warren (1995) ont par exemple montré que l’homme passait de la marche à la course lorsque la vitesse de déplacement augmentait, caractérisant ainsi deux modes de coordination distincts. Il en est de même chez l’équidé. C’est ce qu’ont montré Hoyt & Taylor (1981), en plaçant le cheval sur un tapis roulant où la vitesse était augmentée. Leur étude a permis de révéler qu’une modification de la vitesse entraine une modification du patron (ou pattern) de coordination, spontanément adopté par l’animal : passant du pas au trot, puis du trot au galop .

De façon similaire, il a été montré que la fréquence d’oscillation des membres, lors de la locomotion, était liée à la longueur des membres impliqués dans le déplacement (Delignières, 2004). À partir de ce constat, il est possible de prédire la période naturelle de marche grâce à une équation pendulaire (Holt, Hamill, & Andres, 1990). Cela permet de réaliser un modèle prédisant ainsi la fréquence d’oscillation des membres lors de la locomotion chez de nombreuses espèces animales (Kugler & Turvey, 1987) .

Il faut également noter que l’étude des coordinations a porté sur de nombreux domaines tels que les modes de coordinations bi-manuelles (Kelso, 1984 ; Mechsner, Kerzel, Knoblich, & Prinz, 2001 ; Smethurst & Carson, 2001 ; Zanone & Kelso, 1992), inter-articulaires (e.g. entre l’articulation de la hanche et de la cheville) (Bardy, 2004 ; Bardy, Faugloire, Fourcade, & Stoffregen, 2006 ; Bardy, Marin, Stoffregen, & Bootsma, 1999 ; Bardy, Oullier, Bootsma, & Stoffregen, 2002 ; Oullier, Marin, Stoffregen, Bootsma, & Bardy, 2006 ; Stoffregen & Bardy, 2001) ou bien encore les coordinations inter-segmentaires (e.g. entre les deux avant-bras) (Baldissera, Cavallari, Marini, & Tassone, 1991 ; Donker, Beek, Wagenaar, & Mulder, 2001 ; Komar, Sanders, Chollet, & Seifert, 2014) .

La coordination, un comportement auto-organisé

Lors de la réalisation d’une tâche spécifique, la coordination correspond aux relations spatiotemporelles stables mises en place entre les différents segments du système. Il est alors possible de parler de couplage inter-segmentaire pour caractériser ce phénomène, comme l’a montré von Holst (1954). Dans ses travaux, ce biologiste allemand a étudié la coordination des nageoires d’un poisson, le labrus. Les observations de von Holst ont permis de distinguer la façon dont les nageoires agissent ensemble. Elles peuvent parfois osciller dans une harmonie rigide, représentant, dans ce cas, une coordination absolue car les nageoires ont la même fréquence d’oscillation. Mais elles peuvent également osciller avec des fréquences différentes et ne sont donc pas strictement coordonnées. Cependant, la plupart du temps les nageoires, qui possèdent une fréquence d’oscillation propre et différente entre elles, finissent par se coordonner selon une nouvelle fréquence qui résulte de l’attraction mutuelle des nageoires. Von Holst observe donc une nouvelle façon de se coordonner, différente de la coordination dite absolue, et représente une nouvelle organisation entre les nageoires des labrus, appelée coordination relative. Grâce à ces travaux, ce biologiste a défini les principes fondamentaux de coordination de deux oscillateurs ayant des fréquences d’oscillation différentes.

De ce fait, la coordination peut être définie comme un mode de couplage qui s’exerce entre les différents éléments d’un système sensori-moteur. Cependant, une question subsiste : comment les mouvements provenant d’un système sensori-moteur si complexe peuvent-ils être coordonnés ? L’explication de ce problème a été mis en avant par Bernstein (1967) en caractérisant la coordination comme la maîtrise et le contrôle des multiples degrés de liberté qui composent le corps humain. En effet, le système neuro-musculo-squelettique est un système complexe, disposant d’environ 800 muscles et 110 articulations, et par conséquent de nombreux degrés de liberté, qu’il est nécessaire de maîtriser. Suivant le niveau d’analyse utilisé, macroscopique (i.e. « pour observer l’infiniment complexe ») ou microscopique (i.e. « pour observer l’infiniment petit » (De Rosnay, 2014)), les degrés de liberté ne sont pas les mêmes. En effet, plus on descend dans le niveau d’analyse, plus on augmente les degrés de liberté. De ce fait, de multiples coordinations potentielles existent pour une même action. De plus, le contrôle des degrés de liberté se fait par auto-organisation qui converge vers des attracteurs (définis dans la section suivante).

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Table des matières

Introduction générale
Partie I. Cadre théorique
Chapitre 1. L’approche dynamique du contrôle moteur
I. Le contrôle moteur
1. Positionnement de cette thèse
1.1. L’approche dynamique
2. Interactions, contraintes et auto-organisation d’un système sensori-moteur
3. La coordination, un comportement auto-organisé
4. Etat d’équilibre et dynamique intrinsèque d’un système non-linéaire
4.1. Définition et représentations des attracteurs
4.2. Définition de la dynamique intrinsèque
4.2.1. La variable collective
4.2.2. La variable non-spécifique
4.3. Identification des modes de coordination bi-manuelle spontanés
5. Modéliser la dynamique intrinsèque : le modèle HKB
6. Synthèse
II. L’approche dynamique des coordinations posturales
1. Equilibre et stratégies posturales
2. Modes de coordinations posturales préférentiels et transitions
3. Influence des contraintes sur la coordination posturale
3.1. En position érigée
3.2. En position assise
4. Synthèse
III. L’apprentissage moteur
1. L’approche dynamique de l’apprentissage moteur
2. L’apprentissage par exploration : de la coordination débutante à la coordination experte
3. L’apprentissage guidé par la tâche
3.1. Le biofeedback : une aide à l’apprentissage
3.1.1. Les coordinations bi-manuelles
3.1.2. Les coordinations posturales
4. Synthèse
Chapitre 2. Lésions cérébrales et coordination posturale
I. Impact d’une pathologie sur la dynamique posturale
1. La pathologie : une contrainte intrinsèque ?
1.1. Modifications de la coordination dynamique : exemples de la locomotion
1.2. Marche et équitation : deux activités cycliques
2. Approche dynamique et rééducation
2.1. Rééduquer en manipulant les contraintes
2.2. Rééduquer en guidant
2.2.1. Le biofeedback : une aide à la rééducation
3. Synthèse
II. Les lésions cérébrales
1. Définition générale, causes et facteurs de la lésion
1.1. L’Accident Vasculaire Cérébral
1.1.1. Mécanismes de la lésion et physiopathologie d’un AVC
1.1.2. Les conséquences neurologiques et fonctionnelles
1.1.2.1. Suite à un AVC ischémique
a. Le territoire carotidien
b. Le territoire vertébro-basilaire
1.1.2.2. Suite à un AVC hémorragique
1.1.3. Evaluer la gravité d’un AVC
1.2. Le traumatisme crânien (TC)
1.2.1. Mécanismes de la lésion et physiopathologie d’un TC
1.2.1.1. Les lésions intracrâniennes traumatiques
a. Les lésions diffuses
b. Les lésions focales
c. Autres lésions
1.2.2. Evaluer la gravité d’un TC
1.2.3. Les conséquences fonctionnelles d’un TC
2. Synthèse
III. Rééducation posturale et plasticité cérébrale
1. La plasticité cérébrale
1.1. Evolution du concept de rééducation motrice
1.2. Prise en compte de la plasticité cérébrale dans la rééducation
2. Synthèse
Chapitre 3. Une rééducation par le cheval : l’équithérapie
I. L’équithérapie
1. Différentes terminologies
1.1. Définitions
1.2. Histoire des bienfaits de l’équithérapie
2. Intérêts de l’équithérapie au sein de la rééducation
2.1. Mouvements de l’animal et posture du cavalier
II. Synthèse
Chapitre 4. Une nouvelle forme d’équithérapie : l’équithérapie simulée
I. Le simulateur équestre
1. Outil de rééducation : cheval mécanique « Peteris Klavins »
1.1. Caractéristiques
1.2. Intérêts
II. Synthèse
Problématique et objectifs
Partie II. Cadre expérimental
Chapitre 5. Analyse des coordinations posturales et du coût énergétique des sujets sains
I. Etude 1
1. Introduction
2. Matériel et méthodes
2.1. Population
2.2. Dispositifs
2.2.1. Mesure des échanges gazeux respiratoires
2.2.2. Mesure de la coordination posturale
2.3. Procédure
2.4. Statistiques
2.4.1. Les échanges respiratoires
2.4.2. Les coordinations posturales
2.4.3. Les corrélations
2.4.4. Les cross-corrélations
3. Résultats
3.1. Les échanges gazeux respiratoires
3.1.1. Consommation d’oxygène VO2
3.1.2. Production de dioxyde de carbone VCO2
3.1.3. Fréquence Cardiaque FC
3.1.4. Quotient Respiratoire QR
3.2. La coordination posturale
4. Discussion
II. Synthèse et résumé de l’expérimentation 1
Chapitre 6. Coordination spontanée et apprentissage de nouveaux patterns posturaux
I. Etude 2
1. Introduction
2. Matériel et méthodes
2.1. Population
2.2. Conditions expérimentales
2.3. Procédure
2.4. Statistiques
3. Résultats
3.1. Coordination tronc/cheval
3.2. Variabilité de la coordination tronc/cheval
3.3. Evolution des coordinations tronc/cheval et de leur variabilité en fonction des séances pour chacun des groupes
4. Discussion
II. Synthèse et résumé de l’expérimentation 2
Chapitre 7. Rééducation posturale de patients cérébrolésés
I. Etude 3
1. Comité d’éthique
2. Introduction
3. Matériel et méthodes
3.1. Population
3.1.1. Groupe témoin
3.1.2. Groupe cheval mécanique
3.2. Conditions expérimentales
3.3. Procédure
3.4. Recueil des données
3.5. Statistiques
4. Résultats
4.1. Coordinations posturales : tronc/cheval, tête/cheval
4.1.1. Phases relatives tronc/cheval
4.1.2. Phases relatives tête/cheval
4.2. Evolution des coordinations posturales (post-test—pré-test) : tronc/cheval, tête/cheval
4.2.1. Evolution des PR tronc/cheval
4.2.2. Evolution des PR tête/cheval
4.3. Variabilités des coordinations posturales
4.3.1. Variance des phases relatives tronc/cheval
4.3.2. Variance des phases relatives tête/cheval
4.3.3. Evolution de la variabilité posturale (post-pré)
4.3.3.1. Variance de l’évolution des PR tronc/cheval
4.3.3.2. Variance de l’évolution des PR tête/cheval
5. Discussion
5.1. Modification des coordinations tronc/cheval et tête/cheval
5.2. Modification des coordinations en fonction des fréquences d’oscillation du cheval mécanique
5.3. Modification des coordinations selon le groupe et les fréquences d’oscillation
5.4. Evolution des coordinations posturales
5.5. Variabilité de ces coordinations et évolution de cette variabilité
5.6. Profils individuels et coordinations posturales
II. Synthèse et résumé de l’expérimentation 3
Discussion générale et perspectives
I. Discussion générale
1. Caractérisation de la dynamique posturale d’individus sains et pathologiques sur un cheval mécanique
2. Apport d’une méthode de biofeedback visuel dans l’apprentissage d’une nouvelle coordination posturale sur le cheval mécanique
3. Intérêt de l’utilisation de cet outil pour la rééducation posturale de patients cérébrolésés
4. Réflexions critiques et perspectives
4.1. Réflexions critiques
4.2. Perspectives
II. Apports techniques
Conclusions
Bibliographie
Annexes

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