Le numérique a suscité, et suscite encore de nombreuses recherches pour découvrir et évaluer ses bienfaits dans telle ou telle Activité Physique Sportive et Artistique (APSA). Par outils numériques, on entend les Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement (TICE). M.MORIEUX a fait une thèse au sujet de ces dernières : “Dispositifs technologiques en EPS et convergence numérique: quel corps dans une pédagogie augmentée depuis 1985? Intégration des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) dans l’enseignement de l’EPS”. Il explique que de plus en plus de professeurs utilisent le numérique dans leurs cours d’EPS, que les enseignants cherchent à innover par l’usage des outils numériques. D’autres recherches ont été faites quant à l’utilisation des TICE par les élèves sur des APSA différentes, en acrogym, en athlétisme… Il existe maintenant des applications “tablettes” comme “Skitch” en escalade, pour créer des blocs à réaliser par et pour les élèves en coopération/confrontation, ou encore “Hudl”, qui permet d’analyser l’activité de l’élève, sur une activité d’athlétisme par exemple. L’élève peut se voir et commenter sa performance, ainsi que comparer sa course à celle d’un autre coureur. En Éducation Physique et Sportive (EPS), le numérique est devenu au fil des années un enjeu de plus en plus présent au sein de la classe. C’est un véritable support de l’apprentissage pour les élèves “Utiliser des outils numériques pour observer, évaluer et modifier ses actions” ; “Utiliser des outils numériques pour analyser et évaluer ses actions et celles des autres” (Compétences travaillées cycle 3 et 4, BO du 26/11/2015). Cet enjeux prend une dimension supérieure encore dans les nouveaux programmes d’EPS du lycée (BO spécial n°1 du 22 janvier 2019) où tout un paragraphe est consacré au numérique : « Exploiter les usages du numérique dans les apprentissages en EPS. » Ainsi, dans ce paragraphe, l’usage du numérique n’est plus seulement fortement recommandé mais, devient obligatoire : « L’enseignement de l’éducation physique doit s’appuyer sur les plus-values qu’apportent les usages du numérique. » De plus, il est directement rattaché à la notion d’apprentissage : « Les outils numériques permettent le recueil d’indices et d’informations dont l’analyse et l’exploitation favorisent les apprentissages. » .
Le numérique fait donc partie intégrante du cours d’EPS, c’est un outil pédagogique et didactique de plus en plus prisé par les enseignants. La pédagogie est une méthode d’enseignement. P.PARLEBAS en 1981 la définit comme « une pratique d’intervention normative qui recherche une influence auprès d’autrui dans une perspective explicite de formation ». La didactique, elle, est définie par A.HEBRARD en 1986 comme « l’étude des processus d’élaboration et d’acquisition (chez les élèves) et de transmission (chez l’enseignant) des savoirs et savoir-faire d’une discipline ». Ces deux notions sont liées, elles s’intéressent aux processus de transmission et d’acquisition des connaissances. C’est-à-dire que la pédagogie comme la didactique s’intéressent aux mêmes acteurs : le savoir comme objet d’étude, et le couple élève/enseignant. On peut donc se poser la question de l’impact des choix pédagogiques et didactiques de l’enseignant sur l’apprentissage des élèves, comment les articuler pour favoriser l’acquisition de savoirs par les élèves de manière stable et efficace ? Sur quelles variables est-il possible de jouer pour permettre aux élèves d’apprendre de manière efficace ? L’enseignant doit-il transmettre des connaissances ou faire acquérir des connaissances ? Il semble intéressant de se demander quel rôle peut être donné à l’élève dans son processus d’apprentissage, et à quel type de situation on peut le confronter pour l’amener à construire du savoir.
Les théories de l’apprentissage
Nous venons de parler du numérique et de son potentiel impact sur notre étude, à présent il nous faut parler de la manière dont les élèves apprennent et acquièrent des connaissances, compétences et capacités. Le processus d’apprentissage de l’élève est un élément déterminant dans le métier de l’enseignement de l’EPS. Il existe plusieurs théories d’apprentissage en EPS qui décrivent différemment ce qu’est l’action d’apprendre. Selon les approches ce sont des mécanismes différents qui entrent en jeu dans l’apprentissage. D’une théorie à l’autre, l’action de l’élève va être différente et le rôle de l’enseignant aussi. Nous proposons de détailler quelques théories d’apprentissage puis nous préciserons et détaillerons celle qui nous intéresse pour notre objet d’étude. Il existe des théories cognitives, qui affirment qu’il existe des bases, des connaissances, des schémas stockés en mémoire qui permettent de guider et orienter l’action de l’individu, et des théories “écologiques”, qui supposent que l’action découle plutôt d’une adaptation de l’individu à un environnement. Ce sont des réponses temporaires à des demandes environnementales. Pour SCHMIDT (1982) , il existe des Programmes Moteurs Généralisés (intégrés en nous), des schémas qui existent en l’individu, et qui vont commander les muscles pour répondre à une situation. C’est un “quelque chose” interne à l’individu, préexistant, qui détermine son action comme le programme moteur généralisé « course » dans notre situation. Le béhaviorisme, basé sur la méthode expérimentale, est une théorie avancée en 1913 par J.WATSON qui émet l’hypothèse selon laquelle le comportement peut être prédit et contrôlé. L’apprentissage s’explique mieux à partir de facteurs externes ou environnementaux plutôt que par des facteurs internes à l’individu. L’action est donc une réponse à un stimulus provenant de l’extérieur, de l’environnement.
La théorie de l’action située avancée par J.SAURY, elle, s’oppose à la théorie de l’action « exécution d’un plan », elle prône l’idée selon laquelle l’individu construit, dans et par l’action, une signification personnelle de la situation qu’il vit. Penser revient à construire des significations. La cognition est donc incarnée dans cette théorie, qui suscite de nombreuses recherches concernant l’intérêt de cette dernière dans l’enseignement et la formation en EPS. Dans notre situation, cela peut s’observer dans le cadre de nombreuses répétitions de l’exercice pour les élèves, avec un retour vidéo qu’ils vont commenter pour construire du sens sur leur performance.
Enfin, il existe des théories qui s’intéressent à l’apprentissage entre pairs. L’une d’elle est le socioconstructivisme. Il évoque le fait que par l’intermédiaire des “débats d’idées” (Gréhaigne, 2007) le groupe classe participe ainsi à l’émergence et à la reconstruction collective d’un savoir d’ordre technique. Darnis, Lafont et Menaut (2007) , démontrent l’importance des interactions verbales dans les apprentissages décisionnels en EPS. Ils expliquent que le conflit socio-cognitif qui se rapproche de cette théorie, qui est l’idée que l’on apprend en confrontant ses idées, et d’autant mieux si la dyade est dissymétrique, est l’une des deux modalités les plus favorables à l’apprentissage de règles d’actions tactiques. Dans notre situation de recherche, les élèves vont devoir améliorer le résultat de leur tentative en se mettant d’accord sur comment s’est déroulée la course et surtout comment l’améliorer. Ils vont confronter leurs idées dans le but d’atteindre l’objectif qui est de battre le coureur seul. Nous nous appuierons donc sur cette théorie pour notre recherche. C’est ce que l’on peut observer dans notre situation, les élèves doivent confronter leurs points de vues, leurs idées et ressentis à propos de leurs prestations. Ils doivent dire ce qu’ils ont pu observer, les difficultés rencontrées, ce qu’il convient de faire pour être efficace dans la transmission du témoin.
Cadre théorique : La problématisation
Afin d’analyser le cheminement des contenus chez les élèves, nous utiliserons le cadre théorique de la problématisation développé par M. FABRE (2016) . Il explique que « problématiser consiste à mobiliser des opérations mentales pour traiter et résoudre des problèmes » (FABRE, 2005) . Selon lui, toute question n’est pas problème, et donc tout questionnement n’est pas problématisation. Pour éclaircir cela, celui-ci définit la problématisation selon cinq critères: a) l’examen d’une question; b) en articulant doute et certitude; c) en mettant en rapport données et conditions du problème, dans un cadre déterminé; d) par une pensée qui se surveille elle-même; e) dans une perspective heuristique. Précisons maintenant ces critères.
Tout d’abord, la problématisation c’est l’examen d’une question (a). Comme il est dit juste au-dessus, pour FABRE, toute question n’est pas problème. Il explique qu’une question est un problème si sa réponse ne peut être immédiate, qu’elle exige ‘’du temps pour être résolue’’ (M. FABRE. 2016). La solution est à construire. L’examen d’une question se fait par un jugement problématique qui est différent du jugement apodictique et assertorique. Lors de l’examen d’une question, il ne s’agit pas de tomber dans la précipitation en répondant trop vite à la question (jugement apodictique) par une réponse qui renvoie à une vérité nécessaire, ni de tomber dans l’excès de prudence en expliquant que les faits sont constatés mais non prouvés (jugement assertorique). Il s’agit d’un jugement non dénué de fondement mais qui reste à vérifier (problématique).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. PARTIE THEORIQUE
1.1. Les théories de l’apprentissage
1.2. Cadre théorique : La problématisation
1.3. Problématiser en EPS
1.4. Problématiser en relais-vitesse
1.5. Question de recherche
2. METHODOLOGIE D’ANALYSE
2.1. Situation d’apprentissage support à l’étude
2.2. Problème posé aux élèves dans la situation et savoirs associés
2.3. Recueil de données
2.4. Outils permettant le recueil
2.5. Méthodologie d’analyse des données
3. RESULTATS
3.1. Bilan des données, hypothèses et conditions identifiées
3.2. Comparaison des espaces de contrainte a priori et a postériori
3.3. Impact de la vidéo sur la problématisation des élèves
3.4. Impact de l’intervention de l’enseignante dans la construction des apprentissages des élèves
4. DISCUSSION
4.1. Les mises en lumière de cette recherche
4.2. Les zones d’ombre de cette recherche
5. CONCLUSION
6. BIBLIOGRAPHIE
7. ANNEXES
QUATRIEME DE COUVERTURE