Choix du contenu d’enseignement
Dans le cadre des programmes, issus du bulletin officiel de novembre 2015, l’objectif, en tant qu’enseignante, est de faire acquérir aux élèves la compétence « S’exprimer devant les autres par une prestation artistique et/ ou acrobatique ». Les attendus de fin de cycle 2 précisent que les élèves doivent savoir « Mobiliser le pouvoir expressif du corps, en reproduisant une séquence simple d’actions apprises ou en présentant une action inventée » et « S’adapter au rythme, mémoriser des pas, des figures, des éléments et des enchainements pour réaliser des actions individuelles et collectives ». A partir, de l’activité danse, je me suis alors demandée, quels éléments de la danse enseigner pour faire acquérir aux élèves cette compétence ? Tizou Pérèz a identifié différents savoirs fondamentaux, qui s’articulent, dans la pratique de la danse : la mobilisation corporelle, l’utilisation de l’espace, la structuration du temps, la mobilisation de l’énergie, la relation entre les danseurs. Un des éléments chorégraphiques qui mobilisent à la fois la structuration du temps, de l’espace, la mobilisation de l’énergie et la prise en compte des autres est la réalisation d’un unisson en danse. Il s’agit de réaliser un même mouvement en même temps dans le même sens et la même direction. Cette activité représente une tache complexe pour les élèves. En effet, cette réalisation nécessite une collaboration, des prises de décisions à plusieurs, une réflexion commune sur les mouvements utilisés et la mise en place de stratégies pour se coordonner et être capables de réaliser le même mouvement en même temps. Cette compétence implique donc le corps, à la fois dans le temps et dans l’espace mais aussi la prise en compte des autres. J’ai donc choisi de réaliser ma recherche sur : comment faire acquérir aux élèves la capacité à réaliser un unisson en danse ? Nous chercherons ainsi à comprendre quelles stratégies les élèves peuvent-ils mettre en place pour se synchroniser à la fois dans le temps, dans l’espace, et entre eux ?
La construction des apprentissages
La problématisation repose ainsi sur des temps de langage et une confrontation aux autres pour construire de nouveaux savoirs. Ce processus renvoie au modèle socioconstructiviste développé par Vygotsky. Celui-ci considère en effet que l’apprentissage est une construction sociale et non individuelle. Ainsi l’individu apprend en confrontant son opinion aux autres, ce qui l’oblige à argumenter, à approfondir son raisonnement, parfois à revoir son jugement. Ainsi, en étant confrontés à un problème, les élèves construisent leurs savoirs eux-mêmes, ce qui donne sens aux apprentissages. Cette théorie constructiviste de l’apprentissage a été développée en amont par Piaget. Celui-ci a montré que, les élèves retiennent et comprennent mieux un savoir qu’ils ont construit eux-mêmes, en passant par des pédagogies actives. En effet, confrontés à un problème, les élèves essayent dans un premier temps de le résoudre en mobilisant des schèmes utilisés dans une situation similaire, ce qu’il appelle les schèmes assimilateurs. Pour autant, si ces schèmes assimilateurs sont mis en échec, l’élève rencontre alors un obstacle. Ce déséquilibre va l’obliger à modifier ses schèmes, voire à en créer de nouveaux. C’est ce que Piaget nomme l’accommodation. Cette phase est vectrice d’apprentissages. Ainsi, dans le cadre de problématisation, les élèves vont construire leurs apprentissages en passant par le langage et la confrontation aux autres, les obligeant à argumenter et à élaborer de nouvelles stratégies pour dépasser les obstacles qu’ils rencontrent. La problématisation s’appuie ainsi sur des schèmes existants, les schèmes d’assimilation, pour en créer de nouveaux.
Résultats
Les moments de parole institutionnalisés ont permis des échanges riches entre les élèves. Ces derniers ont réussi, grâce à ces moments, à identifier progressivement les éléments de problématisation pour construire le problème qui leur était donné. Les élèves ont d’abord établi une donnée liée au positionnement des danseurs : « Si on ne voit pas les autres, on ne peut pas être en même temps ». Ils en ont découlé différentes hypothèses. La nécessité en lien avec ces hypothèses, « les élèves doivent tous être dans la même direction », tirée de la définition même de l’unisson n’a pas été identifiée par le groupe. Les élèves se sont par la suite retrouvés confrontés au problème du départ de la chorégraphie, ce qui les a amenés à établir comme nécessité le fait de devoir partir en même temps et à chercher des solutions. Grâce au visionnage des vidéos, les élèves ont ensuite défini comme donnée que, si on ne fait pas le même mouvement on ne peut pas être en même temps et que par conséquent il fallait faire le même mouvement. De la même manière, le visionnage des vidéos a permis aux élèves de se rendre compte de l’importance de la vitesse d’exécution des mouvements sur la réalisation de l’unisson. Cela leur a permis, à partir d’une hypothèse, d’établir des données et la nécessité en lien : « Il faut faire les mouvements au même rythme ». Enfin, de manière décousue, les élèves ont identifié la nécessité de faire des mouvements que tout le monde soit capable de faire. Grâce à l’analyse s’appuyant sur l’argumentation de Grize, on a également pu observer que les élèves ont réussi à faire des liens entre les divers éléments de problématisation. Cela leur a permis de faire avancer leur réflexion et de les amener à différentes hypothèses qu’ils ont réussi à transformer en tentatives. En effet, la confrontation entre les dialogues et les vidéos a permis de montrer une réelle mise en pratique par les élèves des hypothèses et des stratégies qu’ils avaient émises, ce qui a contribué à leur acquisition du savoir-moteur en jeu. Enfin, la comparaison entre le losange a priori et le losange a posteriori a montré que les élèves avait réussi à établir un certain nombre d’éléments de problématisation anticipés. Les élèves ont également identifié la nécessité de faire le même mouvement, à partir de leur constat : « si on ne fait pas le même mouvement on ne peut pas être en même temps » , ce qui a permis de compléter les éléments de problématisation. On remarquera également que les élèves ont tendance à formuler leurs données plus en terme de contraintes que de ressources. Par ailleurs, nous avons pu observer que l’utilisation de la vidéo a été un support réellement bénéfique pour l’apprentissage, qui a favorisé les discussions entre les élèves. La vidéo a permis de revoir un passage à plusieurs reprises pour pouvoir observer les difficultés. Elle a également eu l’avantage d’être un élément incontestable qui a évité des conflits entre les danseurs et les observateurs sur ce qui a été fait ou non. Le visionnage des vidéos a donc été un élément essentiel pour confronter les élèves à leur prestation, ce qui les a aidés à identifier les difficultés et donc les éléments de problématisation. Par exemple, le fait de ne pas faire le même mouvement était bien visible dans la vidéo. Il aurait été peut-être plus difficile de le démontrer en utilisant uniquement des observateurs. La confrontation à une situation d’apprentissage par problématisation, pour acquérir la capacité à réaliser un unisson en danse a donc permis aux élèves de progresser dans leurs capacités motrices et donc d’avancer dans l’acquisition de la compétence « S’exprimer devant les autres par une prestation artistique ».
Discussion
Nous avons ainsi pu observer que confronter les élèves à une situation de problématisation leur a permis d’acquérir des savoirs moteurs autour de la réalisation de l’unisson en danse. Cette mise en activité permet de placer l’élève au centre de ses apprentissages. L’élève est acteur de la construction de ses savoirs puisque c’est le groupe d’élèves qui construit luimême les éléments de problématisation pour arriver à des solutions, qu’ils testent et expérimentent. Cette pratique a aussi permis d’observer l’importance du langage dans l’acquisition des savoirs moteurs et les liens qu’ont su faire les élèves entre leur réflexion orale et la mise en pratique de ces éléments. Les situations de problématisation correspondent ainsi à une réelle mise en place de la théorie socioconstructiviste, invitant les élèves à confronter leurs opinions et à argumenter pour construire une réflexion et faire avancer leurs connaissances. Le langage oral a, par conséquent, une véritable importance dans les apprentissages moteurs et a aidé les élèves à acquérir la compétence « S’exprimer devant les autres par une prestation artistique ». Les élèves ont donc développé des capacités motrices dans la réalisation de l’unisson, mais ont également acquis une capacité de réflexion et des compétences sociales, dans le travail de groupe par exemple, mais aussi des compétences langagières grâce aux échanges et à l’argumentation. Néanmoins, j’ai réalisé mon expérience dans ma propre classe, endossant à la fois le rôle d’enseignante de la classe et le rôle de chercheuse. Le fait de ne pas pouvoir se consacrer uniquement à la recherche a été une difficulté qui ne m’a pas permis d’observer autant les élèves que je l’aurais souhaité ; la gestion de la classe et des conflits demandant beaucoup d’attention en EPS De plus, l’identification des éléments de problématisation a nécessité l’étayage de l’enseignante lors des temps d’échange. En effet, après avoir essayé lors de la deuxième séance de les laisser échanger entre eux en laissant uniquement un micro, je me suis rendue compte que les élèves n’étaient pas capables de rester concentrés sur le sujet et se dispersaient très vite. Au vu de leur âge, il était donc important que l’enseignante soit présente lors de la discussion pour recentrer les élèves et les questionner afin de faire avancer leur réflexion. Ces inducteurs de problématisation sont essentiels pour aider les élèves à avancer. Pour autant, les différents questionnements et remarques, que j’ai pu apporter en tant qu’enseignante ont aussi pu influencer les propos des élèves. Ainsi, des questions très ciblées ont pu amener à comprendre ce que j’attendais d’eux. L’étayage des élèves est donc nécessaire mais ne doit pas leur apporter de réponses. J’ai ainsi pu remarquer en analysant mes propos, que j’avais involontairement apporté une nécessité aux élèves, qui n’avait pas encore été établie. Un questionnement aux élèves aurait pu permettre qu’ils la formulent seuls. Par ailleurs, lors de l’analyse des propos des élèves, j’ai pu remarquer l’importance qu’ils accordaient au fait de devoir apprendre les mouvements. Cet élément est revenu à de nombreuses reprises dans leurs propos. Les élèves ont ainsi insisté sur le fait d’être concentrés, de s’entrainer, d’apprendre les mouvements. Ces réponses ont aussi pu être conditionnées par l’environnement scolaire et l’enregistrement des échanges qui a pu influencer les élèves à donner des réponses qu’ils pensaient attendues d’eux. Enfin, certaines limites peuvent être posées sur la mise en place de l’expérience. En effet, celle-ci a été réalisée avec une quantité de matériel limitée. Ne disposant que d’une caméra et d’une tablette, certains visionnages des vidéos ont été réalisés en classe avant ou après la séance d’EPS. De la même manière, les temps de réaction après ces visionnages ont été enregistrés en classe, afin de pouvoir plus facilement prendre un temps avec un petit groupe. De plus, la salle de gymnastique étant très bruyante, les enregistrements étaient difficilement audibles. Nous avons donc conservé principalement les enregistrements effectués en classe. Ainsi, la situation d’apprentissage par problématisation a permis à mes élèves d’acquérir des compétences motrices en étant véritablement acteurs de leurs apprentissages. Au niveau de ma pratique professionnelle, cette recherche m’a permis de prendre du recul sur ma pratique en prenant notamment le temps d’observer mon positionnement et l’évolution du savoir chez mes élèves. J’ai également pu prendre conscience de l’importance du langage dans l’apprentissage, même dans l’acquisition d’un savoir-moteur. Je continuerai donc à proposer à mes élèves des temps d’échange institutionnalisés pour les aider à mener une réflexion. Enfin, l’apprentissage à travers une situation de problématisation a permis de rendre les élèves acteurs et d’impliquer l’ensemble des élèves de la classe dans la réflexion mais aussi d’augmenter leur motivation. Je mettrai donc en place plus de situations problèmes dans ma pratique enseignante. Ce mémoire m’a ainsi permis de développer des compétences professionnelles du référentiel telles que « S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » et « Organiser et assurer un mode de fonctionnement favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves » mais aussi « Evaluer les progrès et les acquisitions des élèves ».
Conclusion
J’ai choisi d’effectuer ma recherche sur l’acquisition des savoirs moteurs en EPS. Il s’agit en effet de la seule discipline de l’école qui prend en compte le corps. Je connaissais l’enseignement de la danse dans ma pratique personnelle, mais je ne savais pas comment celle-ci pouvait être enseignée en tant qu’APSA (Activité Physique Sportive et Artistique) dans le cadre scolaire. De plus, la danse est une discipline qui me semble extrêmement riche tant au niveau de l’expression corporelle que de la création. Aussi, je me suis demandée : comment pouvait-on enseigner la danse à l’école élémentaire ? Mes lectures m’ont apporté différents éléments théoriques sur les composantes de la danse et m’ont permis de sélectionner une capacité plus précise qui permet de travailler à la fois la mobilisation corporelle, l’utilisation de l’espace, la structuration du temps, la mobilisation de l’énergie et la relation entre les danseurs. J’ai donc choisi de travailler sur la capacité à réaliser un unisson en danse. Après m’être questionnée sur comment enseigner cette capacité à mes élèves, j’ai choisi de m’orienter vers une situation d’apprentissage par problématisation. En effet, les différentes théories de l’apprentissage que j’ai pu étudier m’ont appris que face à une situation problème, l’élève est acteur et construit ses savoirs par lui-même. De plus, des théories montrent que cette construction de la solution est plus porteuse d’apprentissages pour les élèves que la solution elle-même. J’ai choisi d’ajouter à ma réflexion l’intérêt du numérique dans la construction des savoirs moteurs. En effet, le numérique est un nouvel outil que les élèves utilisent quotidiennement. Je me suis demandée comment celui-ci pouvait aider les élèves dans l’acquisition de la capacité à réaliser un unisson. J’ai ensuite effectué des lectures pour approfondir mes connaissances sur les situations d’apprentissage par problématisation ainsi que sur le cadre de problématisation de Michel Fabre, qui m’a servi de cadre d’analyse. Par la suite, j’ai construit ma méthodologie. J’ai commencé par réaliser un modèle a priori pour pouvoir plus tard comparer les éléments. Puis, j’ai construit ma séquence d’apprentissage, que j’ai réalisée dans ma classe de CE2. Lors de cette séquence, j’ai effectué mon recueil de données, que j’avais planifié en amont. J’ai enregistré les échanges entre mes élèves et filmé leurs réalisations. Ainsi, j’ai réalisé ensuite mon analyse de données. J’ai commencé par organiser mon corpus, puis j’ai identifié les données, les nécessités et les hypothèses selon le cadre de problématisation ainsi que les liens qu’ont pu établir les élèves entre ces éléments. J’ai également réalisé une comparaison entre les hypothèses émises et les tentatives réalisées par les élèves. Enfin, j’ai réalisé un modèle a posteriori que j’ai comparé avec celui réalisé en amont. Ces analyses m’ont ainsi permis de voir comment la capacité à réaliser un unisson en danse a évolué chez mes élèves grâce à une situation d’apprentissage par problématisation. A la fin de cette recherche, j’ai pu conclure que la confrontation de mes élèves à une situation de problématisation leur avait permis, d’entamer une réflexion qui les a amenés à faire évoluer leur pratique et à progresser dans la réalisation de l’unisson, sans atteindre pleinement cette capacité. Cette pratique a permis de rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages. Celle-ci nécessite néanmoins un accompagnement et un étayage important pour des élèves de cycle 2. Il serait intéressant de voir comment des élèves de cycle 3 ayant déjà été confrontés à cette pratique réussiraient à construire les éléments du problème.
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Table des matières
Introduction
1. Les fondements théoriques
1.1. Choix du contenu d’enseignement
1.2 Un cadre théorique pour penser les apprentissages
1.3 La construction des apprentissages
1.4 La didactique de la problématisation
2. La méthodologie de la recherche
2.1 Le contexte d’étude
2.2 Modèle a priori
2.3 Description de la séquence proposée à la classe
2.4 Recueil des données
2.5 Méthodologie d’analyse
3. Résultats
3.1 Identification des données, des nécessités et des hypothèses
3.2 Identification des liens
3.3 Comparaison entre les hypothèses et les tentatives mises en place
3.4 Réalisation du losange de problématisation
3.5 Résultats
3.6 Discussion
4. Conclusion
Bibliographie
Annexes
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