L’apprentissage par les relations humaines
Les familles d’accueil au Québec, une ressource importante
C’est en 1971 que la Loi sur les services de santé et les services sociaux créa l’entité juridique nommée famille d ‘accueil, et c’est à partir de 1993 que fut introduit l’appellation ressource de type familial comportant deux entités distinctes : la famill e d’accueil pour enfants et la résidence d’accueil pour les adultes et les personnes âgées. La famille d’accueil (FA) dont il sera question dans la présente étude est constituée d’ une ou deux personnes qui reçoivent chez elles des enfants en difficulté.
Ces jeunes leur sont confiés par un établissement public (CLSC ou Centre jeunesse) afin de répondre à leurs besoins (et/ou à ceux de leur famille) et leur offrir des conditions de vie favorisant une relation de type parental dans un contexte familial (Québec, 2003).
Les données du Ministère de la santé et des services sociaux (Québec, 2003) attestent qu’au 31 mars 200 1, on trouvait 9 713 enfants québécois âgés de moins de 18 ans placés dans 6 057 familles d’accueil. Ces statistiques demeurent assez constantes depuis les vingt dernières années. Selon Simard, Vachon et Tard (1991), le placement en FA durant une période plus ou moins longue se justifie pour des motifs de deux ordres. D’une part, on retrouve des enfants qui présentent des difficultés qui surpassent la capacité des parents et d’autre part, dans la plupart des cas, c’ est un problème à l’intérieur de la famille qui empêche les parents d’assumer leurs responsabilités parentales. Dans certains cas, les deux problèmes cohabitent en même temps. Les services de protection de la jeunesse privilégient le maintien de l’enfant dans sa famille d’origine. Cependant, selon Cloutier, Drapeau et Saint-Jacques du groupe de recherche JEFET, il appert que la moitié des mesures aboutissent à un placement en milieu substitut, et trois fois sur quatre, c’est une ressource de type familial qui accueillera l’enfant. Dans ce contexte, les FA représentent une ressource importante, voire incontournable.
Les FA, objet de controverses
Malgré son utilité manifeste dans le réseau des Services sociaux, la FA fait pourtant l’objet de controverses. En effet, si certains croient à l’importance de cette ressource, d’autres la mettent en doute. Selon Steinhauer (1996), plusieurs modèles alternatifs de placement d’accueil, adaptés aux besoins des enfants d’ aujourd’hui, ont été développés et évalués dans des conditions expérimentales. Ces modèles gardent la famille comme milieu d’accueil, mais lui fournissent des ressources de soutien.
Mentionnons par exemple: Parent-Therapist Program réalisé au Centre Chedoke- McMaster, Hamilton, Ontario; Alberta Parent Counsel/ors Program réalisé par Child Welfare Branch, en Alberta; Kent Special Family Placement Projeet ainsi que Foster Care Researeh Projee! réalisé par l’Université de Toronto. Ces expériences ont démontré l’aptitude remarquable de la FA à servir de parent-thérapeute si on lui fournit le cadre et le support approprié.
D’autre part, les avantages du placement en famille d’accueil font l’objet d’un sérieux questionnement. Invoquant plusieurs facteurs, certaines figures très en vue l’ont mis en doute. « … Les difficultés se rencontrent à la fois dans le recrutement des familles d’accueil et le maintien de ces ressources; la fréquence des ruptures de placement; le nombre important d’enfants placés qui ont besoin de traitements en milieu institutionnel; le nombre d’échecs thérapeutiques chez les jeunes … » Il en est même résulté de sérieux appels enfaveur d’un retour à l’institutionnalisa/ion. (Steinhauer, 1996).
Les FA, une ressource en difficulté
En plus d’être l’objet de controverses, les familles d’accueil sont aux prises avec plusieurs problèmes qu’elles vivent dans le silence et dans l’ombre, sans savoir si elles en sont la cause ou les victimes. Plusieurs indices nous suggèrent que tout n’ est pas facile dans ce milieu.
A considérer d’abord, le taux élevé de rupture des placements. Selon le groupe de recherche Jeunes et familles en transition (JEFET), les placements souffrent d’ une grande mobilité. En effet, sur 109 enfants placés, seulement 10 % ne séjourneront que dans une seule FA. Les autres vivront plusieurs placements, et même 24% d’entre eux passeront chez plus de 5 FA.
On observe également un taux de récidive élevé lors du retour dans la famille naturelle. Selon le Groupe de travail sur la politique de placement en famille d’accueil (2000), le taux de réussite après le placement est faible. Ainsi dès la première année qui suit le retour en famille naturelle, on fait face à un échec dans 40% des cas. Ce rapport indique également que les FA, pour la plupart, ne font pas longue carrière.
En effet, sur 152 familles répertoriées, 25,2% ont trois ans et moins d’expérience; et une autre étude rapporte que 66% d’entre elles abandonnent avant cinq (5 ) ans à compter du jour d’accréditation. Le taux de roulement élevé chez les FA, aggravé par la fréquence de récidives chez les enfants placés, suscite une autre ombre au tableau : la difficulté de recruter de nouvelles FA.
Chaque semaIne, on fait appel à la générosité de la population pour solliciter de nouvelles FA. « … nous venons frapper à votre porte pour vous présenter des jeunes dont les histoires de vie nous font toujours réagir, même après toutes ces années à travailler auprès des jeunes en besoin de protection. » (Journal Le Soleil, 3 oct. 2002). Le rapport du Groupe de travail (2000) souligne que, dans la plupart des Centres jeunesse, le recrutement de nouvelles FA est difficile. Phénomène qui n’est pas propre au Québec: on fait le même constat dans les autres provinces du pays. Selon ce rapport, cette difficulté semble tenir à l’alourdissement de la tâche, à l’aggravation des difficultés rencontrées chez les jeunes, aux changements sociaux qui ont perturbé le modèle des familles traditionnelles, à une image sociale peu reluisante des FA ainsi qu’à la modicité des compensations monétaires anachroniques. En réalisant l’ampleur de la tâche qui les attend et le soutien qu’on leur offre, plusieurs postulants renoncent à devenir FA. La plupart des intervenants du milieu admettent que la clientèle s’alourdit et complique ainsi la tâche des FA. Les enfants confiés aux FA se rangent pour la plupart dans la catégorie à risque, ce qui représente une préoccupation pour la société; voilà pourquoi on s’intéresse à eux de toute part. Certains chercheurs (Chalon, 1988; David, 1989; Sans, 1991,1994; Gennain et al, 1994) ont reconnu l’ampleur de cette tâche et ont adressé une mise en garde aux FA devant les risques du métier. On affinne que l’épuisement attend celles qui ne savent pas gérer leurs forces, qu ‘ il faut prendre la vraie mesure de leur tâche et qu’on ne peut d’aucune façon voir la fonction de la FA réduite à un rôle uniquement nourricier.
Comment parler d’ accueil, lorsqu’ il s’agit de prendre en charge?
Certains (Steinhauer, 1996; Bouchard, 1999; Lemay, 2000) ont déploré pareil alourdissement de la tâche en dénonçant le virage-milieu engendré par la dés institutionnalisation; ce mouvement, selon eux, s’est fait sur le dos des familles d’ accueil. Pierre Boily (2001), président de la Fédération du personnel de la santé et des services sociaux, fait remarquer que cette situation est due à un sous-financement chronique, à des effectifs insuffisants et à la réduction des places en centre jeunesse.
« C’est l’impératif économique qui a dominé la vision. Il s’avère que le dollar n’a pas suivi le patient. »
Avec pareil passif, la FA traîne dans l’opinion publique un renom peu favorable. Nous observons que la FA sert de dépannage transitoire, en bout de ligne , pour combler un besoin d’ extrême urgence. Quelques auteurs pourtant, sans minimiser les effets des placements fâcheux, en attribuent plusieurs lacunes au système de placement familial lui-même; entre autres à l’inconscience de nos milieux devant les changements survenus dans la clientèle d’enfants qui ont besoin de placement, et devant les moyens nécessaires pour faire face à cette nouvelle réalité (Steinhauer, 1996). Le rapport du Groupe de travail (2000) affinne que «… socialement, les familles d’ accueil n’ont pas droit à toute la reconnaissance qu’elles méritent. Lorsqu ‘ il est question d’elles dans les médias, c’est habituellement pour dénoncer une situation d’abus sur des enfants ». David (1989) affinne que l’époque de la charité est révolue et que les FA ont besoin de fonnation et d’un statut. Quant à Sans (1991), il soutient que l’ accueil est une activité thérapeutique et qu’elle doit donc exclure le bricolage et le bénévolat.
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Table des matières
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
AVANT-PROPOS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
Première partie : les assises de cette recherche
CHAPITRE I
PROBLÉMATIQUE
1. Un sujet de recherche d’intérêt général
2. Les familles d’accueil au Québec, une ressource importante
3. Les FA, objet de controverses
4. Les FA, une ressource en difficulté
5. L’objet de notre étude
CHAPITRE II
CADRE THÉORIQUE
1. Le concept du savoir caché
2. Les théories et modèles
3. Les travaux de Racine
4. Les travaux de Dyke
5. Une épistémologie de l’action
CHAPITRE III
MÉTHODOLOGIE
1. Type de recherche
2. Échantillonnage
3. Le choix de la population
4. Caractéristiques de la population
5. Collecte des données
6. Méthode de collecte
7. Orientation des rencontres
8. Stratégie d’analyse des données
A. La classification préliminaire
B. La classification distinctive
C. La classification définitive
D. La classification finale
10. Les limites et la validité de cette étude
Deuxième partie: les résultats de cette recherche
CHAPITRE IV
LE POINT DE DÉPART
1. Histoire d’une décision
2. Trois thèmes
A. Un besoin d’accomplissement
B. Un héritage
C. Les sollicitations
D. Synthèse et réflexion
CHAPITRE V
LES DIFFICULTÉS
1. Les situations problématiques évoquées
2. Les difficultés d’ordre fonctionnel
3. Les difficultés d’ordre personnel
4. Les difficultés d’ordre social
5. Synthèse et réflexion
CHAPITRE VI
LES SATISFACTIONS
1. Les satisfactions basées sur l’atteinte d’objectifs
2. Les satisfactions basées sur le don de soi
3. Synthèse et réflexion
CHAPITRE VII
LES RELATIONS
1. L’apprentissage par les relations humaines
2. L’environnement humain, lieu de ces
3. Trois perceptions différentes et leurs significations
4. Nature des propos recueillis, répartis par groupes
5. Synthèse et réflexion
CHAPITRE VIII
LES APPRENTISSAGES
1. L’ uni vers de l’apprentissage
2. Les objets d’apprentissage: résultats
3. Trois dimensions
A. La dimension éducative
B. La dimension psychothérapeutique
C. La dimension sociale
4. Les niveaux dans l’acte d’apprentissage
A. Les niveaux d’apprentissage expérientiel
B. L’acquisition de la connaissance
C. L’amélioration de la connaissance
D. La démonstration de la connaissance
5. Juxtaposition des dimensions et des niveaux d’apprentissage
CHAPITRE IX
ET L’AVENIR?
Troisième partie: l’ interprétation des résultats
CHAPITRE X
INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
1. Des personnes typiques
2. Des ardents, à la poursuite d’ utopies
3. Des personnes compétentes
4. Des personnes en réflexion sur leur expérience de vie
5. Des personnes engagées 10.2 Des entités familiales typiques
6. Des gens de talent qui prennent des risques
7. Des familles branchées sur des valeurs sociales
8. Des parents substituts, une nouvelle manière d’être en relation
9. Des familles où les hommes sont impliqués
10. Des familles cherchant l’unité et ouvertes à la diversité
11. Une communauté en quête d’ identité 136
12. Éléments de compréhension
13. Éléments de définition: des artisans-guides
14. Une espèce menacée
15. Des ponts dans un monde cassé
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
APPENDICE A Lettre de demande pour rencontrer des FA
APPENDICE B Autorisation relative à une recherche
APPENDICE C Formulaire de consentement
APPENDICE D Description de la FA 164
APPENDICE E Guide d’entrevue 165
APPENDICE F Codes d’entrevue 167
APPENDICE G Lettre de remerciement adressée aux répondants
LISTE DES FIGURES
1. Figure Page
2. Répartition des 512 unités de sens 37
3. Répartition des trois perceptions (N-P-R) à l’égard des cinq différents groupes
4. Répartition des perceptions à l’égard des cinq groupes après avoir regroupé les énoncés Recherche avec les Positifs
5. Illustration des trois niveaux de connaissance (acquisition,
6. amélioration et démonstration) tels que perçus dans les unités de sens. L’axe des ordonnées représente le nombre d’ énoncés
7. Illustration des trois dimensions (éducation, psychothérapeutique et sociale) telles que perçues dans les unités de sens.
8. L’ axe des ordonnées représente le nombre d’énoncés
LISTE DES TABLEAUX
Tableau Page
1. Profil des familles d’accueil rencontrées
2. Schéma d’entrevue
3. Répartition des unités de sens en six catégories substantives selon
4. chaque répondant (classification préliminaire)
4.1 Codes et mots-clés représentant le point de départ
4.2 Répartition des mots-clés par sujet
4.3 Regroupement des mots-clés par thèmes
5.1 Regroupement sous des mots-clés codés, des énoncés représentant les situations problématiques évoquées
5.2 Répartition des énoncés codés, selon les sujets
5.3 Regroupement des mots-clés par thèmes
6.1 Regroupement des énoncés représentant les satisfactions évoquées, sous des mots-clés codés
6.2 Répartition des énoncés codés selon les sujets
6.3 Regroupement des mots-clés par thèmes
7.1 Codification des perceptions des FA dans les relations qu’elles entretiennent avec les différentes composantes de leur environnement .
7.2 Répartition des mots-clés dans les trois perceptions: N, P, R
7.3 Répartition des trois perceptions (N-P-R)
7.4 Importance accordée, par sujet, à l’aspect des relations
7.5 Classement des énoncés touchant les relations avec les cinq groupes, par ordre d’affinités
8.1 Mots-clés exprimant le sens accordé aux propos des répondants en rapport avec les apprentissages accomplis au cours de leur engagement
8.2 Répartition tridimensionnelle des mots-clés regroupant les apprentissages
8.3 Taxonomie des niveaux d’apprentissage (domaine cognitif) selon Bloom
8.4 Répartition en six niveaux d’apprentissage, selon Bloom (1956) et Prégent (1990), du sens donné aux énoncés et regroupement en trois nIveaux
8.5 Répartition des dimensions et des niveaux par sujet
8.6 Conciliation des énoncés des 18 sujets réunis quant à la dimension et au niveau représenté
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