« L’enseignement des mots, le vocabulaire et de leur mise en relation, la syntaxe et la sémantique, est vraiment fondamental en maternelle. Qu’il passe par le truchement d’échange oraux, de lectures oralisées de textes, qu’il fasse l’objet d’une étude spécifique et organisée, toutes les voies pour atteindre l’objectif de l’extension du stock lexical et le développement de son usage méritent d’être explorées » (Bentolila, Germain, Sprenger-Charolles, & Tachon, 2014, p. 60).
Dans l’apprentissage d’une langue, l’une des étapes incontournables est l’acquisition du lexique. A l’école maternelle, le plus souvent, l’apprentissage est contextualisé par une activité consistant à construire une représentation mentale stable formée du signifiant et du signifié d’un mot (Denhière, Jhean-Larose, 2011). L’apprentissage lexical, dans ce contexte, repose souvent sur une image mentale représentant le mot de vocabulaire : un référent venant illustrer le propos. En effet, l’utilisation d’images peut contribuer à l’acquisition du langage (Denhière, JheanLarose, 2011). Les manières de « traduire » ce mot encore inconnu, que ce soit via un référent réel, une image, ou encore un geste, vont permettre d’associer le mot (le signifiant), à son référent réel, existant (le signifié). On peut alors penser qu’une activité ritualisée (à savoir, une activité qui se répète dans le temps) peut favoriser l’acquisition de mots provenant d’un répertoire encore inconnu.
Le sujet de l’acquisition du lexique en bilan d’ateliers s’est dessiné à la suite d’un travail de recherche réalisé à l’INSPE en première année de master. J’ai travaillé sur le rôle des activités ritualisées dans l’appropriation du lexique en langues vivantes au cycle 2.
Je suis cette année enseignante stagiaire dans une classe de maternelle double niveau, moyenne section et grande section. La classe est rythmée par des activités en petits groupes sur des temps d’ateliers, regroupés par domaines d’apprentissage. En fin d’ateliers, les temps de bilans permettent de revenir sur les activités réalisées et les apprentissages mis en jeu. Ce temps de regroupement me donne l’occasion de prendre conscience de l’appropriation du vocabulaire par les élèves en fonction de leur vécu en temps d’atelier. Lors de la première période, j’ai pu réaliser l’enjeu immense de l’appropriation d’un nouveau vocabulaire au quotidien, lié aux activités de classe. J’ai de surcroit passé quelques jours de compagnonnage dans la classe de toute petite section / petite section de ma professeure des écoles maître formatrice, dans laquelle un élément de travail s’est nettement construit et sur lequel je me suis attardée : l’appropriation du lexique en situation. Cette piste d’interrogation fait écho à mon travail de recherche en première année de master ainsi qu’à l’observation faite de ma propre expérience professionnelle. L’étude de l’acquisition du lexique s’est donc imposée comme évidente à mes yeux. Suite à des discussions avec les formateurs de l’Institut National Supérieur du Professorat et de Education, il était judicieux de laisser de côté l’appropriation du lexique en langue vivante au profit de celle en langue française si l’on prend en compte le niveau de classe dans lequel j’évolue : le cycle 1. Bien que très important dans cette tranche d’âge, l’éveil aux langues représente une partie minime des programmes dans le premier domaine intitulé « Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions ». Ainsi, l’étude du lexique dans la langue maternelle m’est apparu tel un sujet très riche et stimulant à développer, tant dans le cadre théorique que dans le cadre pratique.
Regards théoriques
Les programmes
L’apprentissage du vocabulaire dans les programmes de l’école maternelle
Cette recherche est en lien avec un document constituant notre cadre institutionnel: le programme du cycle 1, publié au BO n°31 du 30 juillet 2020, dans lequel sont précisés les cinq domaines d’apprentissages essentiels aux différents enseignements dispensés à l’école maternelle. Le premier domaine, intitulé « Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions », nous concerne tout particulièrement, le premier objectif visé étant le langage oral. Le domaine s’articule autour de quatre objectifs visés et d’éléments de progressivité : oser entrer en communication, comprendre et apprendre, échanger et réfléchir avec les autres, commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique. L’accroissement, l’ajustement du vocabulaire et l’attention portée sur ce vocabulaire sont largement interrogés dans ce domaine au cycle 1. Pour autant, l’exposition au lexique spécifique ne se cantonne pas au domaine en lien avec la mobilisation du langage. En effet, il s’articule à travers tous les domaines du programme de cycle 1. L’utilisation d’un vocabulaire adapté, approprié dans chaque domaine du programme est préconisé dans les attendus de fin de cycle du programme de maternelle. Le deuxième domaine, intitulé « Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique » offre un cadre propice à l’acquisition d’un vocabulaire spécifique, tout autant que le troisième domaine appelé « Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques » et que le quatrième domaine nommé « Construire les premiers outils pour structurer sa pensée ». Le cinquième domaine du programme de cycle 1, « Explorer le monde », et notamment l’objectif visé « Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière», permet une utilisation très riche d’un lexique nouveau et approprié, manipulable et réutilisable. Les programmes rappellent aussi que ce sont la répétition et la régularité, voire la ritualisation d’activités quotidiennes, qui permettront à l’élève de progresser dans tous les domaines. L’appropriation d’un lexique spécifique n’y échappe pas. C’est ce que nous nous attacherons à démontrer dans ce travail de recherche.
L’apprentissage du vocabulaire afin de préparer l’entrée dans la lecture au CP
Bien que l’apprentissage lexical à l’école maternelle soit d’une importance cruciale sur la vie sociale de l’enfant en termes de communication avec autrui et de compréhension des autres, cet apprentissage est également décisif sur la vie scolaire d’un enfant à la sortie du cycle 1. Son bagage lexical aura un impact sur sa disposition à la lecture. « Dans la mesure où les mots connus par l’élève conditionnent ses capacités de compréhension orale, ils conditionnent également sa capacité future d’apprentissage de la lecture et de compréhension à l’écrit. » (Ministère de l’Éducation Nationale, 2020). Ainsi, un élève de grande section ayant été exposé à un répertoire lexical satisfaisant pourra appréhender un apprentissage de la lecture plus évident en classe préparatoire.
Le lexique et le vocabulaire
Une définition : qu’est-ce qu’un mot ?
Premièrement, clarifions la définition du « mot ». Un mot est un « élément de la langue composé d’un ou de plusieurs phonèmes, susceptible d’une transcription écrite individualisée et participant au fonctionnement syntacticosémantique d’un énoncé » (Larousse, 2020). Cette unité de langue est porteuse de sens, et il convient donc de s’intéresser au sens des mots pour s’approprier un langage : repérer un mot jamais entendu, essayer de comprendre un mot nouveau en contexte, interroger l’enseignant sur le sens d’un mot afin d’enrichir son lexique .
La distinction entre le lexique et le vocabulaire
Précisons maintenant ce qui est entendu par « lexique ». Il est à différencier du «vocabulaire ». En effet, le lexique regroupe tous les mots d’une langue, que l’on pourrait trouver dans un dictionnaire par exemple. Le vocabulaire désigne, quant à lui, l’ensemble des mots disponibles pour une personne donnée. Le vocabulaire a un sens plus restreint que le lexique, puisqu’il ne désigne qu’une partie du lexique. Pour les plus jeunes, le vocabulaire correspond donc à tous les mots qu’un enfant peut mobiliser, et qu’il peut donc comprendre (ce qu’on appelle « vocabulaire passif») et produire (ce qu’on appelle « vocabulaire actif »). L’une des finalités de l’enseignement du langage à l’école maternelle est d’enrichir le vocabulaire d’un élève grâce à un répertoire offert au fil des domaines. La terminologie « lexique » est d’ailleurs celle utilisée dans les ouvrages scientifiques et documents institutionnels. Agnès Florin, rappelle que « le développement lexical porte à la fois sur la taille du vocabulaire disponible, en compréhension et en production, le second étant toujours plus réduit que le premier, et sur les représentations sémantiques » (Florin, 2016, p. 43). La psychologue insiste donc sur l’idée que, par rapport au vocabulaire passif (en compréhension), le vocabulaire actif (en production) est toujours bien plus réduit, les opérations mentales réalisées pour reproduire un vocabulaire appris demandant plus de temps de d’expériences.
Le signifiant et le signifié
Comme rappelé en introduction de ce mémoire, l’association entre le mot et son référent imagé contribue à faciliter l’entrée dans le vocabulaire (Denhière, JheanLarose, 2011). Philippe Boisseau propose une situation dans laquelle l’enseignant découvre, en interrogant un élève attaché à un mot un peu difficile, qu’il n’a pas compris le sens d’un mot. « Il n’a retenu que le signifiant, par exemple pour sa phonologie étrange, non le signifié » (Boisseau, 2020, p. 211). Ainsi, l’appropriation du signifiant (le son du mot, sa forme sonore et lisible) ne peut aller sans le signifié (qui correspond au sens, à l’image du mot). Pour rapprocher le mot de son sens, de son signifié donc, l’élaboration de référents est indispensable. « Les images, dessins, photographies, reproductions d’œuvres d’art, représentations ou témoignages visuels des événements vécus sont efficaces lorsque l’on aborde un vocabulaire plus complexe » (Ministère de l’Éducation Nationale, 2020, p. 37). Agnès Florin (Florin, 1999 rééd. 2016), quant à elle, établit à travers ses recherches les stratégies enfantines pour découvrir le sens des mots. La psychologue en conclut que le développement sémantique est peu réalisable lorsque le référent est absent de l’environnement familier de l’enfant.
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Table des matières
Introduction
1. Regards théoriques
1.1 Les programmes
1.2 Le lexique et le vocabulaire
1.3 Le bilan d’ateliers : une activité ritualisée
1.4 L’apprentissage du lexique
1.5 L’évaluation de l’acquisition du lexique à travers le bilan d’ateliers et les limites d’une telle modalité
1.6 Conclusion des regards théoriques
2. Partie pratique
2.1 Présentation
2.2 Les données recueillies
2.3 L’analyse des données
2.4 Conclusion de la partie pratique
3. Regards critiques
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Programmation des ateliers scientifiques période 2
Annexe 2 : Séquence sur les objets roulants
Annexe 3 : Transcription n°1
Annexe 4 : Transcription n°2
Annexe 5 : Grille d’observation version n°1
Annexe 6 : Grille d’observation version n°4
Annexe 7 : Extrait du livret de suivi des élèves – page concernant les compétences communicationnelles
Annexe 8 : Echantillon d’élèves
Annexe 9 : Transcription n°3