S’il arrive quotidiennement aux professeurs des écoles de se questionner sur les difficultés de certains élèves à l’école élémentaire, d’en observer les origines pour appliquer des remédiations efficaces, les solutions apportées sont souvent proches les unes des autres. Modifier les situations d’apprentissage en proposant aux élèves en difficulté, des activités qui leur permettront de surmonter leurs obstacles. Utiliser de nouveaux outils, se confronter à de nouveaux supports pour renouveler les approches. De nombreuses démarches de différenciation pédagogique qui demandent du temps et de l’investissement de la part des enseignants et pourraient amoindrir leur sentiment d’efficacité si elles ne s’avèrent pas concluantes. Pour pallier à certaines problématiques de notre système éducatif, dont celles observées ci-dessus, le Ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, énonce lors d’un discours à l’Assemblée nationale le 12 Février 2019, un projet pour une nouvelle École : “L’École de la Confiance, c’est cette communauté unie des adultes qui fera progresser collectivement l’École et permettra à notre société d’être plus sereine et plus heureuse”. Une noble ambition qui prône la justice sociale, l’équité, le renforcement de l’accueil des élèves en situation de handicap ou encore une plus grande liberté d’expérimentation pédagogique. Une telle École a besoin d’un pilier central pour s’édifier: la communication. Un mot originaire du latin “communicare” et signifie “mettre en commun”. Comme l’exprime Roland Barthes: “Le langage étant un moyen de communication exclusif de l’homme, tout refus de langage est une mort”. Qu’elle soit verbale, comportementale ou virtuelle comme c’est le cas aujourd’hui, elle est primordiale aux échanges, aux débats, à l’évolution humaine.
Cependant, c’est une autre dimension de la communication qui peut s’avérer bénéfique à tout individu. Il ne s’agit plus de se focaliser sur notre langue d’enseignement en France, travaillée sous de nombreux angles, à la demande des programmes scolaires des cycles 2 et 3, mais de se pencher sur les possibilités que nous donnent les langues vivantes étrangères. Il serait pertinent de voir si leur apprentissage peut se révéler être une aide aux élèves en difficulté à l’école élémentaire.
En effet, c’est grâce à des expériences personnelles d’études dans des pays étrangers et des témoignages issus de mon entourage, que je me suis également rendu compte de leur importance. Leur influence sur notre épanouissement personnel grâce aux richesses des échanges culturels, sur notre perception du monde, notre rapport à “l’autre” et notre confiance en nous. Dans mon cas, c’est la finalité d’un apprentissage d’une langue vivante étrangère qui a eu un impact sur le développement de mes capacités. J’ai pu retirer un profit conséquent de cette aptitude.
Les langues vivantes étrangères sont un outil de communication propice à la transdisciplinarité et aux échanges entre adultes et élèves. De nos jours, la diversité culturelle est importante dans les classes. Les langues étrangères pourraient puiser dans cette richesse et générer des situations motivantes pour les élèves. Faire en sorte que des temps de classe deviennent des moments de vie.
Rappel historique et évolution de l’institution
L’introduction d’un apprentissage des langues vivantes étrangères à l’école
L’enseignement des langues vivantes étrangères est introduit pour la première fois en 1829, mais n’est pas accueillie avec une grande considération. Les maîtres étant peu formés au 19ème siècle pour cette discipline. C’est après la seconde guerre mondiale qu’une première expérience des langues vivantes étrangères a été introduite dès l’école maternelle, “dans un soucis de meilleure compréhension entre les peuples”. En 1950, des premiers essais sont tentés à l’école élémentaire. C’est en 1954 avec l’instauration de cours en français et en anglais dès la maternelle, au sein de l’Ecole Active Bilingue Jeannine Manuel à Paris, qu’une intégration concrète des langues étrangères est réalisée. 10 ans plus tard, des échanges ont été établis entre des enseignantes de Bordeaux et de Munich, sous l’impulsion de A. Delaunay, alors Inspectrice Générale des écoles maternelles. L’objectif était clair: un enseignement précoce afin d’amener les élèves de maternelle à un bilinguisme Franco-Allemand une fois l’année de CM2 terminée. Une initiative qui s’est propagée dans toute la France, atteignant 700 classes différentes. Un essai pourtant avorté par manque d’accompagnement, de financement et d’homogénéisation des apprentissages entre les classes .
Évolution depuis 1989
Après une multiplication des tentatives, c’est à partir de 1989, sous l’initiative de M. Lionel Jospin, alors ministre de l’Education nationale, qu’un enseignement d’initiation aux langues étrangères (EILE) est programmé à partir du niveau CM2. Enseignants et intervenants sont sollicités pour répondre à ce besoin naissant, lié au renforcement des relations au sein de l’Union européenne . L’année suivante, le dispositif mis en place sera appliqué aux élèves de CM1. Une expérience qui s’étalera jusqu’en 1991 et s’achèvera sur un bilan mitigé. Les propositions des ministres de l’Education nationale se succèdent, François Bayrou privilégiant l’initiation à l’apprentissage des langues étrangères à partir de 1993. M. Claude Allègre viendra inverser cette tendance au cours de son mandat de 1997 à l’an 2000, suivi par M. Jack Lang dont l’ambition a été de généraliser la pratique à l’intégralité des classes des cycles 2 et 3 . Malgré les différentes visions politiques de ces hommes, ces derniers tendent à faire évoluer la qualité des apprentissages en langues vivantes étrangères et la quantité des élèves qui y ont accès. On peut ainsi visualiser grâce au graphique ci-dessous, la progression du nombre d’élèves des classes de CM1/2 et CE2 qui ont été introduits à cet apprentissage au cours de leur scolarité, de 1999 à 2003.
Ainsi, il semble évident que les actions gouvernementales concernant l’éducation aient abouties à une augmentation visible de l’accès aux langues étrangères à l’école primaire. Par lecture graphique, on constate qu’en 2003, 95.6% des élèves du cours moyen, à l’école publique, sont sujets à cet enseignement, lui accordant une place importante au sein des autres disciplines (les chiffres sont de 90.1% pour les élèves de ce niveau à l’école publique). Cette même année, 56% des élèves en classes de CE2 sont également, concernés. Un résultat 4 fois plus élevé que lors de l’année scolaire 2000-2001, pour ce niveau.
Alors que les langues vivantes étrangères sont durablement intégrées au système éducatif français, certaines problématiques se sont révélées au cours de son développement. Nous allons constater dans la partie suivante, l’influence politique et sociale qui est exercée sur l’insertion des langues dans les salles de classe.
L’influence politique et sociale sur l’intégration des langues vivantes étrangères à l’école
Des enjeux politiques et économiques
La place des langues étrangères à l’école primaire est dépendante de certains enjeux politiques . La France est un pays riche en langues régionales ou minoritaires comme l’occitan, le corse, l’alsacien, le basque etc… Sur un plan géographique, sa présence sur le continent européen lui offre une diversité culturelle et langagière exceptionnelle. Au demeurant, l’enseignement des langues vivantes étrangères à l’école primaire et très rapidement associé à l’anglais. En effet, considérée comme le premier choix parmis les langues vivantes étrangères, son apprentissage est placé en priorité, dans le système scolaire français. Les statistiques ci-dessous ne contestent pas cette affirmation.
A l’échelle européenne, des chiffres similaires ressurgissent, comme le démontrent les statistiques pour l’année scolaire de 2013, publiées en 2015 par Eurostat. Sur 17.7 millions d’élèves scolarisés dans le premier degré, lors de la rentrée de 2013, en Europe, 16.7 millions d’entre eux étudiaient l’anglais, soit 94.3% . Une massification de l’enseignement des langues étrangères qui mène à une uniformisation de cette pratique . Une décision liée aux enjeux politiques et économiques. Depuis 30 ans, les intérêts des politiciens pour l’enseignement des langues étrangères et principalement l’anglais à l’école primaire est orienté. L’objectif est de préparer au mieux les futurs citoyens européens au marché du travail, impacté par la mondialisation et la domination de l’anglais dans les échanges. Une dynamique qui vient ternir l’identité des pays qui accordent autant d’importance à cette langue à l’École. Comme l’exprime Dominique Groux, dans son ouvrage Enseigner une langue étrangère à l’école : “On risque d’assister au recul progressif de la langue la moins prestigieuse socialement au profit de la langue qui correspond à celle du groupe dominant sur le plan économique”.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
Chapitre I : La place accordée aux langues vivantes étrangères à l’école élémentaire française
I°) Rappel historique et évolution de l’institution
a°) L’introduction d’un apprentissage des langues vivantes étrangères à l’école
b°) Évolution depuis 1989
II°) L’influence politique et sociale sur l’intégration des langues vivantes étrangères à l’école
a°) Des enjeux politiques et économiques
b°) Un contexte social
Chapitre II : Les limites auxquelles se confrontent les enseignants dans la pratique des langues étrangères et la gestion des élèves en difficulté aux cycles 2 et 3
I°) Les limites des enseignants quant à l’enseignement des langues étrangères
a°) La faiblesse de leur formation
b°) Une exposition aux langues étrangères insuffisante dans la culture française
II°) La gestion des élèves en difficulté à l’école primaire
a°) Une augmentation de leur effectif depuis 2012
b°) Un manque de formation des enseignants dans la gestion d’élèves en difficulté : L’exemple des élèves dyslexiques
III°) Des dispositifs pour encadrer les élèves en difficulté
a°) Le RASED
b°) D’autres dispositifs d’intervention auprès des élèves en difficulté
Chapitre III : Les bénéfices liés à un apprentissage des langues vivantes étrangères à l’école élémentaire
III°) L’importance de la communication et de l’apprentissage des langues
a°) Introduction : l’âge des élèves de cycle 2 et 3, un facteur d’influence sur l’acquisition du langage
b°) Des avantages cognitifs
II°) Des exemples encourageant l’enseignement des langues vivantes étrangères
a°) L’Ecole active bilingue Jeannine Manuel
b°) L’école bilingue rue de Tanger à Paris
III°) Quelles solutions pourrait apporter l’apprentissage des langues vivantes étrangères, aux élèves en difficulté ?
a°) L’utilisation des ressources issues de la diversité culturelle des classes
b°) Une différence entre l’enseignement des langues étrangères et celui des autres disciplines ?
c°) Les approches didactiques des langues étrangères auprès des élèves en difficulté
d°) La pédagogie de l’erreur
Chapitre 4: Plan de recherche.
I°) Présentation des documents de recherche et du panel
a°) Description du premier document : le questionnaire
b°) Description du second document : la grille d’évaluation comparative
c°) Le panel
II°) Les hypothèses
a°) Introduction
b°) Hypothèses envisagées
II°) Les résultats des deux documents de recherche
a°) Compte rendu de la participation du panel
b°) Les résultats de la grille d’évaluation
b°) Les résultats du questionnaire
Conclusion
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