Quelle place pour le jeu ?
Dans les programmes du cycle 1… au cycle 3
La place du jeu dans les programmes du cycle 1
La loi de refondation de l’école de 2013 a donné à l’école maternelle une dimension unique et fondamentale. En effet, la maternelle fait maintenant partie d’un cycle unique, le cycle1, lui donnant une place centrale dans le parcours scolaire de l’enfant. Les nouveaux programmes de 2015 concernant la maternelle définissent celle-ci comme une école qui tient compte du développement de l’enfant. Pendant les trois années du cycle, l’enfant va progresser dans le domaine de la socialisation, le langage, la motricité, et de ses capacités cognitives. Afin de développer cela, il a besoin d’un univers stimulant et favorisant sa curiosité, notamment par le jeu qui fait partie d’un des besoins fondamentaux de l’enfant. Effectivement, le jeu relève des modalités spécifiques d’apprentissage organisées par l’école maternelle. Le jeu permet à l’enfant de faire de nouvelles expériences, notamment en imitant l’autre, ce qui crée donc des interactions entre eux. En ce sens, le jeu a une dimension culturelle et a pour objectif de diminuer les écarts entre les enfants. Aussi, en imitant, en faisant semblant mais avec beaucoup de sérieux, l’enfant agit sur le réel tout en développant leur imaginaire et en exerçant leur autonomie. Le jeu leur permet de se socialiser puisqu’ils vont expérimenter différents rôles sociaux en respectant toutes sortes de règles ce qui peut entrainer une certaine frustration indispensable à la construction de la personnalité de l’enfant. Il s’agit pour lui de respecter les règles en maitrisant ses désirs et en entrant en relations avec les autres. En outre, cette socialisation favorise aussi la communication avec les autres tissant des liens forts entre eux.
L’école maternelle différencie plusieurs sortes de jeux : les jeux libres où l’enseignant peut observer l’enfant pour mieux le connaitre et le jeu structuré où il vise des apprentissages spécifiques. Le jeu a donc une place très importante dans les programmes de maternelle puisqu’un paragraphe entier « Apprendre en jouant » lui est consacré et qu’il participe au développement de l’enfant. Nous allons maintenant nous pencher brièvement sur la place du jeu au cycle 2 puis au cycle 3.
La place du jeu dans les programmes du cycle 2 et 3
Les programmes de novembre 2015 pour le cycle 2 (CP, CE1 et CE2) et le cycle 3 n’a pas de paragraphe dédié à l’apprentissage par le jeu comme pour le cycle 1. On pourrait donc penser que le jeu a totalement disparu des modalités d’apprentissage à partir du CP. Mais si l’on regarde de plus près ces programmes, nous pouvons nous apercevoir que la notion de jeu est mentionnée de multiples fois. En revanche, le jeu a-t-il réellement une place centrale aux cycles 2 et 3 comme pour le cycle 1 ?
Les premières mentions faites au jeu sont dans les programmes d’Éducation Physique et Sportive. En effet, la place du ludique en EPS est très importante puisqu’on aborde entre autres les jeux collectifs. Les élèves peuvent donc expérimenter différents rôles, se familiariser avec la notion de gain, ou encore de stratégie. En revanche, dans les autres disciplines, le jeu n’est pas encore totalement ancré même s’il commence à prendre sa place. Effectivement, la notion de jeu est principalement nommée dans les exemples de situations et d’activités pour les élèves.
Par exemple, en français ou en enseignement moral et civique on retrouve l’idée de « jeu de rôle, de voix » ou encore « jeu théâtral » où l’enfant peut apprendre en s’exerçant de façon ludique. Aussi en arts plastiques, les programmes soulignent que cette discipline explore et invente en gardant le « gout du jeu, de l’imaginaire ». En mathématiques, l’idée de jeu est principalement présente en géométrie notamment pour les jeux de portrait ou d’associations. En conclusion, la notion de jeu est citée de nombreuses fois pour faire référence à des exemples de situations dans lesquelles l’enseignant peut impliquer les élèves. Mais l’incitation à utiliser des jeux nous semble encore relativement timide.
Dans l’apprentissage des langues étrangères
L’éveil à la diversité linguistique par le jeu au cycle 1
Dans les programmes de maternelle, les langues étrangères sont inscrites dans un paragraphe nommé « l’éveil à la diversité linguistique ».
Dès la moyenne section, les élèves vont être confrontés à l’existence de langues différentes de la langue française. Parfois, cette confrontation va s’effectuer par la découverte de la langue maternelle de certains de leurs camarades de classe ou encore par l’initiative de l’enseignant.
En outre, l’éveil à la diversité linguistique à l’école maternelle se fait seulement de façon ludique, par l’intermédiaire de jeux ou de comptines. Les élèves prennent conscience que la communication peut s’appuyer sur d’autres langues que celle(s) qu’ils connaissent. Cet éveil doit se forger en relation avec une activité ayant un sens pour eux, qui puisse les ramener vers leur réalité, ce qu’ils connaissent. En ce sens, les différents jeux ou comptines sont de parfaits moyens pour éveiller la curiosité des élèves concernant un nouveau langage. En effet ces activités leur permettent de « jouer avec les mots et les sonorités de plusieurs langues » selon un document de l’académie de Rennes sur l’éveil à la diversité linguistique.
Par ailleurs, les programmes incluent également que cet éveil linguistique favoriserait un éveil culturel pour les élèves . Ceux-ci pourraient créer un lien avec une sensibilisation aux différents pays, cultures et pluralité des langues.
L’apprentissage des langues étrangères par le jeu aux cycles 2 et 3
A l’inverse de l’école maternelle, l’enseignement des langues vivantes devient obligatoire à partir du cycle 2. Les programmes d’enseignement pour les langues étrangères au cycle 2 (2015) nous indiquent que « l’entrée dans la langue étrangère ou régionale se fait naturellement en parlant de soi et de son univers, réel et imaginaire ». Pour l’expression orale, ces mêmes programmes préconisent d’utiliser les chants, comptines, albums ou jeux pour amener l’élève à utiliser des expressions et des phrases simples dans une langue étrangère. Aussi, il est intéressant de passer par des jeux de rôles afin de faire entrer l’élève dans une conversation avec un pair. En revanche, les programmes d’enseignement pour les langues étrangères au cycle 3 ne fait plus mention du jeu. L’objectif de ce cycle est de faire acquérir aux élèves le niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) dans les cinq activités langagières et le niveau A2 dans au moins deux activités langagières. Mais cet apprentissage ne se fait plus forcément par le jeu selon les programmes. En contrepartie, il est possible de lier langues vivantes et jeux lors d’un croisement entre les disciplines. Effectivement, lors d’un jeu, une rencontre sportive ou un spectacle, les consignes peuvent être données dans une langue vivante étrangère afin de mettre en place des projets interdisciplinaires. Afin de trouver des arguments explicites au jeu pour l’enseignement de l’anglais, nous pouvons nous référencer au document d’accompagnement des programmes par Éduscol qui affirme que l’élève apprend en jouant et que « les situations de jeu peuvent être construites comme vecteur d’apprentissage » (2016 : 3).
Nos hypothèses et intérêts de l’apprentissage par le jeu
Le jeu est une source de motivation
Qu’est-ce que la motivation ?
Nous avons précédemment donné une définition générale du jeu ainsi que les différents types de jeux existants. Afin de développer cette hypothèse, il faut ensuite définir le terme de motivation.
D’abord, selon le dictionnaire le Larousse, la motivation correspond aux “raisons, intérêts, éléments qui poussent quelqu’un dans son action ; fait pour quelqu’un d’être motivé à agir”. En d’autres termes, la motivation se réfère à ce qu’une personne veut ou ne veut pas faire ou encore à une certaine “force” influençant l’accomplissement d’activités. Pour comprendre ce phénomène motivationnel, il est important de s’appuyer sur quelques théories sur le sujet.
Selon Deci & Ryan (1985), la motivation serait d’origine intrinsèque et extrinsèque. Dans la motivation intrinsèque, l’élève est motivé par l’activité elle-même, par le plaisir qu’elle procure.
Il n’attend en ce sens, aucune récompense en retour de cette activité. L’élève est intéressé, curieux du contenu de l’activité qu’il réalise et qui lui apporte satisfaction. Cela lui permet donc d’acquérir des apprentissages. En effet, “par sa curiosité, l’enfant manifeste sa motivation à apprendre” selon Germain Duclos (2010: 39). Cette motivation est peu présente dans le système scolaire selon G. Duclos car si l’élève est motivé par la lecture, il ne le sera pas forcément par les livres lus en classe. La motivation intrinsèque est donc celle où “ l’individu se fixe ses propres objectifs, construit des attentes, et le renforcement est obtenu par l’atteinte des objectifs qu’il s’est lui-même fixés” selon RAYNAL F. et RIEUNIER A (1997). Cette motivation permet ainsi de satisfaire sa curiosité.
En contrepartie, la motivation extrinsèque vient de l’extérieur. L’élève est motivé non pas par l’activité elle-même mais par la conséquence de celle-ci, qui se traduit par exemple par une récompense, une non culpabilité ou une approbation. Dans le système scolaire, cette motivation est très présente : avoir de bonnes appréciations, un bon livret scolaire, faire plaisir aux parents ou encore aux professeurs. La motivation est donc plus ou moins renforcée en fonction des feedbacks, des récompenses, des punitions, de l’aspect ludique d’une leçon, des supports pédagogiques utilisés. En ce sens, nous observons bien que le jeu (aspect ludique) ou le fait de gagner à un jeu, est une source de motivation. En revanche Germain Duclos (2010: 40) souligne que “des études ont démontré que pour que l’enfant ait envie d’apprendre, le plaisir est une meilleure garantie que n’importe quelle course aux résultats”.
Les sources de la motivation
Quels sont alors les éléments qui induisent la motivation chez un élève ?
G. Duclos (2010: 43) accentue les propos de Roland Viau et Paul Darveau (1997) en montrant que les perceptions que l’enfant a de lui-même sont la base de la motivation. En effet, l’enfant doit être persuadé de sa valeur personnelle, de ses habiletés et compétences, ce qui entrainera une bonne estime de lui-même. Cette estime de soi engendrera la motivation qui elle même déclenchera un engagement et une persévérance dans l’activité puis un sentiment de fierté et d’efficacité. Les études de ces mêmes auteurs ont effectivement mis en évidence le fait que les élèves acteurs dans leurs apprentissages obtiennent de meilleurs résultats que ceux positionnés en tant que spectateurs. Aussi, la motivation est induite par la perception de l’utilité de la matière scolaire. Cette utilité est divisée en buts d’apprentissage et en buts de résultats.
Les élèves ont des buts d’apprentissage lorsqu’ils sont motivés pour l’activité en vue d’acquérir de nouvelles connaissances. Mais ce que l’on observe le plus chez les élèves sont les buts de résultats. Ils ne travaillent donc pas pour le plaisir d’apprendre mais pour obtenir des gratifications (motivation extrinsèque). En ce sens, nous voyons l’importance de donner un sens aux apprentissages pour que l’élève perçoive l’utilité de l’activité. La perception que l’élève a de sa propre intelligence est aussi facteur de motivation. A l’école, selon G. Duclos (2010) on évalue la compétence d’un élève selon sa réussite. Les élèves associent donc de faibles résultats à un manque d’intelligence. Or, tout élève a des capacités intellectuelles et est capable de progresser. De plus, la motivation des élèves est très influencée par le sentiment d’avoir la capacité de faire ce qu’il faut pour réussir et apprendre. Il n’hésitera pas à s’engager dans l’activité s’il sent qu’il a la maitrise suffisante pour la réaliser.
La communication et participation active
L’implication dans les apprentissages par le jeu se fait aussi par une meilleure oralisation. Effectivement, le développement de l’expression et de la communication est l’un des avantages associés au jeu selon Haydée Silva. Le jeu appelle sans arrêt aux capacités de communication de l’élève puisqu’il utilise son corps, sa sensibilité et son intellect selon la même auteure. L’oralisation passe aussi par le fait que les élèves font l’expérience d’un travail en commun ce qui leur permet de rentrer dans différents rôles et notamment celui du leader qui peut les impliquer d’autant plus dans l’activité. La parole et l’initiative viennent de l’élève et non de l’enseignant ce qui incite et favorise une participation accrue de ceux-ci dans un cadre ludique et favorable aux apprentissages. D’ailleurs Haydée Silva (2008 : 27) indique que « Il (le jeu) peut permettre aussi bien le temps de parole individuelle et personnalisée des apprenants que leur temps de réflexion et de travail… ». Ceci montre donc bien que le jeu favorise l’implication des élèves dans les apprentissages par une augmentation de la communication.
En revanche, en cours de langue, les élèves peuvent ressentir certaines difficultés à exprimer par la parole ce qu’ils veulent dire. Il existe en effet un écart entre le vouloir et le pouvoir dire.
En ce sens, l’implication de l’élève peut souvent être perçue comme faible. C’est-à-dire que si l’élève veut exprimer sa réponse mais qu’il n’a pas le pouvoir de le dire à l’oral, l’enseignant peut percevoir cela comme une difficulté ou une incompréhension de l’élève alors que ce n’est pas forcément le cas. En outre, l’élève peut participer de manière non verbale pour montrer que telle ou telle compétence et/ou connaissance est acquise. C’est ici que l’activité ludique entre en jeu : elle va apporter à l’élève différentes possibilités pour exprimer son vouloir dire.
L’enfant pourra alors s’exprimer non seulement par la parole mais aussi par les gestes, le mime ou encore le chant, autant de possibilités qu’il y a de sortes de jeu. L’implication ainsi que la motivation de l’élève seront alors plus importantes. Le jeu viendra réduire l’écart qu’il existe entre le vouloir et le pouvoir dire de l’élève.
Les limites de la pédagogie du jeu dans l’enseignement des langues vivantes
Le jeu bénéficie d’une place différente selon la culture éducative propre à chaque pays. La culture éducative française se base principalement sur une dissociation entre le jeu et les apprentissages. Bien que cela constitue une première limite à la mise en place d’une pédagogie du jeu, nous nous concentrerons ici sur les limites intrinsèques au jeu.
Les difficultés liées à l’enseignement
Les difficultés liées au contexte pédagogique
L’utilisation de jeux pour l’enseignement des langues vivantes peut être source de contraintes importantes pour l’enseignant. Le décalage entre un mode traditionnel d’enseignement et une pédagogie du jeu peut être déstabilisant pour les enseignants. Or, l’enseignant est un acteur important dans la pédagogie du jeu. Il est responsable de cadrer les interactions pour mener les élèves vers les apprentissages concernés. Plusieurs obstacles et précautions afin d’y remédier sont à prendre en compte. Tout d’abord, l’enseignant doit être à l’aise avec le jeu qu’il choisit d’exploiter afin de transmettre son engagement à ses élèves. Le choix du jeu est crucial dans la mesure où ce n’est pas dans le jeu en soi que l’on exploite des compétences mais la manière dont il est mis en œuvre et pensé par l’enseignant. Il doit mettre en place des règles claires et définies afin de faire figurer le jeu dans le contrat d’apprentissage établi entre l’enseignant et les élèves (Haydée, 2008 : 28). Parallèlement, le recours au jeu implique une gestion importante de la part de l’enseignant qui doit non seulement s’assurer que le temps de déroulement est productif mais aussi éviter la lassitude des élèves.
Comme nous l’avons dit précédemment, le jeu ayant une position différente selon les cultures éducatives, son utilisation peut poser un problème de légitimité pour l’enseignant. En effet, le clivage jeu/apprentissage encore présent aujourd’hui peut donner l’impression aux parents d’élèves ou encore aux représentations institutionnelles qu’il est basé sur le plaisir et sans apprentissage sous-jacent. Afin d’éviter cela, le jeu doit pleinement être intégré à la séquence pédagogique selon Haydée (2008 : 29). Une autre difficulté est de canaliser l’effervescence que peuvent provoquer les jeux auprès des enfants. Il est important que les élèves n’assimilent pas ce domaine à un moment récréatif.
Afin de contrecarrer cet effet, l’enseignant doit s’interroger sur la nature du jeu proposé ainsi que de ses objectifs. De ce fait, il serait préférable de considérer le jeu comme un instrument pédagogique d’approfondissement et d’appropriation. Il doit être au service des apprentissages et ne peut être isolé des autres outils éducatifs.
Les difficultés d’ordre technique
La mise en place de jeux comme outils pédagogiques peut être freinée par les conditions matérielles. En effet, le matériel peut être très limité selon les classes et la configuration de la classe peut être un obstacle. Par exemple, une classe organisée en îlots sera plus avantageuse pour certains jeux de groupe tandis qu’une classe organisée en « U » impliquera un jeu en groupe-classe lors d’une différente phase d’apprentissage, ce qui peut engendrer d’autres difficultés telles que le volume sonore.
Quelle place pour l’écrit ?
Implicitement, l’écrit a une place très restreinte lors des jeux. Cependant, Howard Gardner (1994) a mis en avant la multiplicité des élèves dans sa théorie des intelligences multiples. Il est nécessaire pour l’enseignant de prendre en compte le fait que les élèves ont des besoins et des réactions différentes face aux activités et apprentissages proposés. Certains élèves seront donc plus visuels qu’auditifs. Dès lors, la place de l’écrit doit être une réflexion intrinsèque aux pratiques enseignantes lors du recours au jeu. Les programmes officiels de 2015 mettent en avant l’importance de l’oral dans l’enseignement des langues mais ne donnent pas de précision quant à la place de l’écrit. Toutefois, les instructions officielles de 2002 confirment l’importance de l’écrit et la nécessité de son introduction après l’oralisation « Le recours à l’écrit doit comporter deux conditions : rester très limité ; n’intervenir qu’après une présentation orale des éléments concernés ». Le second aspect (intervention après une présentation orale) nous semble particulièrement important dans la mesure où l’écrit peut biaiser et fausser la prononciation ou l’accent des élèves de cycle 2 et 3.
De quelle manière mettre en place le jeu en classe d’anglais ? Avant, pendant et après le jeu : l’aspect pratique
Les conditions favorables au jeu
Comme nous l’avons vu précédemment, le jeu peut susciter quelques difficultés et donc certaines réticences de la part du professeur. Afin de diminuer le plus possible les difficultés ainsi que les doutes du professeur, il est nécessaire de mettre en place des conditions préalables au jeu. Avant même de décider d’organiser un jeu pour répondre à des apprentissages, il est important de vérifier si une démarche ludique peut convenir aux élèves ciblés et si elle peut atteindre les objectifs visés. Si tel est le cas, le professeur peut encore être amené à hésiter sur le choix d’un jeu car il existe d’autres activités moins contraignantes au niveau du temps, de l’espace ou encore de la gestion du bruit à mettre en place. Dans le cas où le choix d’une démarche ludique est arrêté, il est alors indispensable de préciser les raisons de ce choix afin de mieux répondre aux besoins de la classe (par exemple, diversifier les modalités de travail ou dynamiser un groupe). En conséquence, il faut s’interroger sur la pertinence de notre choix de jeu pour la classe.
Une fois le jeu sélectionné, il conviendra de vérifier s’il concorde avec les objectifs de la séance ou de la séquence que l’on veut mettre en place. Si, comme annoncé précédemment, le but est de dynamiser la classe, un jeu calme ne répondra pas forcément aux attendus. En revanche, cet approfondissement de la réflexion peut nous amener à revoir les besoins observés au départ ou encore à les préciser. Par exemple, dynamiser un groupe peut vouloir dire impliquer chacun des élèves dans l’activité et donc dans les apprentissages. Ici, l’identification de la catégorie du jeu choisi sera alors déterminante pour répondre à ces questions (on peut d’ailleurs reprendre les 4 catégories de R.Caillois (1967) : jeux de hasard, d’imitation, de vertige ou de compétition). Aussi, il sera nécessaire d’identifier les compétences, les activités langagières ou encore les aptitudes mises en œuvres par le jeu afin de mieux l’analyser.
Une fois cette étape réalisée, Haydée Silva (2008 : 37) propose de « s’interroger sur la mise en œuvre du jeu ». Il conviendra donc de l’interroger sur le temps (durée du jeu, à quel moment de la séquence le mettre en place), l’espace (comment les joueurs sont-ils placés ?), le matériel nécessaire ou encore le rôle des participants (enseignant et élèves).
Pendant : une atmosphère propice au jeu et à l’apprentissage de la langue
Les conditions préalables au jeu étant toutes réunies, trois phases sont alors fondamentales pour permettre des conditions favorables pendant le jeu. Haydée Silva (2008) énonce d’abord une première étape qui est de créer une atmosphère propice au jeu. Le professeur doit dans un premier temps prendre en compte toutes les variables de la situation d’enseignement. La première variable étant l’activité préalable à la situation de jeu : était-ce une activité fatigante physiquement (gymnastique) ou intellectuellement ? Le professeur pourra alors choisir en connaissance de cause un jeu approprié. La seconde variable à prendre en compte est la façon d’amener le jeu par un signal approprié dans le but de créer une ambiance favorable au jeu.
La seconde étape explicitée par la même auteure est la présentation du jeu. Il s’agit d’abord de justifier son choix d’une démarche ludique pour remplir les objectifs de la séquence ou de la séance. Ensuite, le professeur présentera le jeu en lui-même (consigne, règle, but, durée).
Lors de cette étape, l’objectif principal est d’attirer les élèves, de les faire entrer dans l’activité avec une attitude propice au jeu.
Selon Haydée Silva (2008), la dernière phase est l’animation du jeu. Celle-ci se déroule en plusieurs temps : d’abord, l’attribution des rôles de chacun des participants. Ensuite, vient une étape déterminante, le lancement du jeu. Ici, les joueurs sont pour ainsi dire « les maitres du jeu ». L’enseignant prendra alors le rôle qu’il s’était fixé auparavant et veillera surtout à observer attentivement le déroulement. Cette observation aura deux objectifs : repérer des difficultés éventuelles du jeu en lui-même afin de le modifier et de l’adapter aux élèves ; et identifier les difficultés d’apprentissage de certains élèves afin de les reprendre avec eux plus tard.
Après : Bilan / Oralisation
La fin du jeu ne signifie pas le passage immédiat à une autre activité. Il faut d’abord dresser un bilan du jeu. Ce bilan se compose de deux parties : un bilan du ressenti des élèves sur la démarche ludique et un bilan de leur implication dans les apprentissages. Celui-ci se fera au regard des objectifs fixés au début de séquence. Pour cela, l’enseignant favorisera l’oralisation par les élèves de ce qu’ils ont appris (leurs acquis) afin de les consolider. Dans le cas où les objectifs visés n’ont pas été atteints, le professeur veillera à comprendre pourquoi avec l’aide des élèves afin de pouvoir y remédier dans un second temps.
Une fois le jeu terminé, les élèves devront ranger le matériel. Ceci permettra de vérifier s’il est complet et de préparer les parties de jeu à venir. Enfin, selon Haydée Silva (2008 : 40) l’enseignant se servira de son observation pendant le jeu ainsi que du bilan après celui-ci pour « s’interroger sur les améliorations à apporter aussi bien à la démarche ludique, qu’à la démarche pédagogique. ».
Formulation de la problématique
En début d’année scolaire, j’ai pu remarquer dès la première séquence d’anglais que les élèves de CM1 à qui j’enseigne cette langue vivante, n’étaient pas très motivés et étaient très agités pendant la séance. L’évaluation de cette première séquence avait aussi été réalisée avec beaucoup de difficultés et avait été donc peu réussie. En effet, seulement 2 ou 3 élèves avaient acquis les compétences et les connaissances testées par cette évaluation dont le thème était : « se présenter ».
C’est donc de cette observation qu’est née ma volonté de m’interroger sur les différentes manières d’améliorer la motivation ainsi que l’implication des élèves dans les apprentissages en classe de langue. Suite à mes diverses lectures concernant la motivation et l’implication dans les apprentissages en classe d’anglais, il en est ressorti que le jeu était un excellent moyen d’améliorer ces deux variables. En effet, comme nous l’avons évoqué plus tôt, la motivation est suscitée par la curiosité de l’élève durant l’activité et le plaisir que cela lui procure. Le jeu, en tant qu’activité ludique semble donc entrainer la motivation chez les élèves. Aussi, si l’élève est motivé, s’il a le désir d’apprendre, il sera donc plus impliqué dans ses apprentissages. Enfin, le jeu est un excellent moyen de développer les compétences orales des élèves et d’autant plus en classe de langue. Il leur permet de communiquer entre eux avec la parole et les gestes, ainsi que de mettre des mots sur ce qu’ils ont appris, c’est-à-dire pour faire sens aux apprentissages et faire passer un message pour traduire leur « vouloir dire ».
La problématique est donc née d’un croisement de regards entre mes observations en classe ainsi que mes différentes lectures. Le jeu semble effectivement être un bon outil pour améliorer la motivation des élèves et les impliquer dans les apprentissages. Il devrait leur permettre de pouvoir acquérir de nouvelles compétences et connaissances et de le constater par eux-mêmes.
Il me permettra aussi en tant qu’enseignante de repérer plus facilement les difficultés des élèves et d’adapter en fonction de celles-ci, l’organisation des séances et les jeux mis en place.
Ainsi, la question qui me semble intéressante à étudier est la suivante : dans quelle mesure le jeu est-il un vecteur d’apprentissage d’une langue étrangère ?
Pour répondre à cette question, j’ai mis en avant deux hypothèses dont les termes sont définis auparavant. D’abord, le fait que le jeu soit une source de motivation chez les élèves. La seconde hypothèse permet de s’interroger sur le fait que le jeu permet l’implication des élèves dans les apprentissages ce qui amènerait donc l’acquisition de nouvelles compétences et connaissances. Nous verrons dans une seconde partie si ces hypothèses sont validées au regard des résultats de l’expérience.
Les élèves
L’étude s’est portée sur une classe de CM1. En effet, ma classe est composée de 11 CE2 et 15 CM1 ainsi qu’une inclusion ULIS en CM1. Mais l’anglais se faisant en décloisonnement pour la classe de CE2 par une autre enseignante, j’enseigne donc l’anglais seulement à mes élèves de CM1 ainsi qu’à l’élève de l’ULIS. Parmi ces élèves de CM1, se trouvent 9 filles et 7 garçons qui ont tous entre 9 et 10 ans. Ils ont donc tous déjà été en contact avec l’anglais et pour certains d’entre eux ont déjà quelques bases. En revanche, peu d’entre eux semblent intéressés par cette langue et ils sont donc peu motivés par les apprentissages que cela implique.
L’étude s’est portée à l’échelle de la demi-classe. L’enseignement de l’anglais à ces élèves se fait le mardi après-midi juste après le décloisonnement d’anglais des CE2. Pendant ce temps d’anglais avec les CM1, les CE2 sont donc en autonomie sur des apprentissages différents qui ne nécessitent pas mon aide.
L’espace classe
L’espace de notre classe est un petit peu particulier puisque celle-ci se trouve au dernier étage de l’école (3 ème étage), sous les toits. La classe est séparée par un « poteau » ce qui empêche une utilisation optimale de tout l’espace. En effet, nous ne pouvons installer les élèves que sur un peu plus de la moitié de la classe car sinon ils ne verraient pas le tableau à cause de l’obstacle cité auparavant. Les élèves de CM1 sont installés sur la gauche et les CE2 sur la droite à côté de l’espace moins utilisé. Sur l’autre moitié de classe, se trouve les placards des fournitures et du matériel d’arts plastiques, ainsi qu’une grande table permettant de séparer les groupes pendant un travail en ateliers ou pendant une séance d’Arts Plastiques qui requiert de la place. Cette table permet aussi de faire travailler les élèves en difficulté pour une aide plus personnalisée.
Pendant l’enseignement de l’anglais, je ne dispose donc que de la partie où se trouvent les CM1 (annexe 6) ce qui permet difficilement des travaux en groupe sauf si on utilise l’espace de l’autre côté de la classe, mais cela implique de ne pas utiliser le tableau que ces élèves ne verraient pas. En revanche, cet espace est très utile pour mettre en place divers jeux en anglais.
Résultats de l’étude au regard des hypothèses
Les questionnaires avant et après la séquence, quel impact sur la motivation des élèves ?
Les différents outils présentés précédemment m’ont permis de recueillir un certain nombre de données nous donnant des indices concernant l’évolution de la motivation des élèves dans l’apprentissage d’une langue étrangère grâce aux activités ludiques.
Les graphiques suivants vont présenter l’évolution des réponses aux questionnaires des élèves avant et après la séquence mise en place.
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Table des matières
Introduction
Apprentissage de l’anglais par le jeu, mythe ou réalité ?
1. Qu’est-ce que le jeu ?
1.1. Définition
1.2. Les différentes classifications du jeu
1.3. Les usages du jeu en classe
2. Quelle place pour le jeu ?
2.1. Dans les programmes du cycle 1… au cycle 3
2.1.1. La place du jeu dans les programmes du cycle 1
2.1.2. La place du jeu dans les programmes du cycle 2 et 3
2.2. Dans l’apprentissage des langues étrangères
2.2.1. L’éveil à la diversité linguistique par le jeu au cycle 1
2.2.2. L’apprentissage des langues étrangères par le jeu aux cycles 2 et 3
3. Nos hypothèses et intérêts de l’apprentissage par le jeu
3.1. Le jeu est une source de motivation
3.1.1. Qu’est-ce que la motivation ?
3.1.2. Les sources de la motivation
3.2. Le jeu permet l’implication de l’élève dans ses apprentissages
3.2.1. De la motivation à l’implication
3.2.2. La communication et participation active
4. Les limites de la pédagogie du jeu dans l’enseignement des langues vivantes
4.1. Les difficultés liées à l’enseignement
4.1.1. Les difficultés liées au contexte pédagogique
4.1.2. Les difficultés d’ordre technique
4.2. Quelle place pour l’écrit ?
4.3. Comment évaluer ?
5. De quelle manière mettre en place le jeu en classe d’anglais ? Avant, pendant et après le jeu : l’aspect pratique
5.1. Les conditions favorables au jeu
5.2. Pendant : une atmosphère propice au jeu et à l’apprentissage de la langue
5.3. Après : Bilan / Oralisation
6. Formulation de la problématique
Le jeu en classe de langue dans la classe
1. Méthodologie de l’expérience
1.1. Présentation du contexte d’étude
1.1.1 Présentation de l’enseignante stagiaire
1.1.2 L’école
1.1.3 Les élèves
1.1.3.1 L’espace classe
1.1.3.2 Le comportement des élèves et leur implication dans les apprentissages de l’anglais
1.2 Matériel et mise en œuvre d’une séquence basée sur l’apprentissage par le jeu
1.2.1. Les outils utilisés
1.2.2. Description des séances
2 Résultats de l’étude au regard des hypothèses
2.1. Les questionnaires avant et après la séquence, quel impact sur la motivation des élèves ?
2.2. Les questionnaires avant et après la séquence, quel impact sur l’implication des élèves ?
3 Discussion et conclusion
3.1. Discussion des résultats obtenus
3.2. Limites et perspectives
3.3. Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Plan de séquence Anglais : Les parties du corps et du visage
Annexe 2 : Questionnaire 1 CM1 (avant séquence)
Annexe 3 : Questionnaire 2 CM1 (après séquence)
Annexe 4 : Évaluation sommative de la séquence (partie 1)
Annexe 5 : Évaluation sommative de la séquence (partie 2)
Annexe 6 : Plan de la classe