L’apprentissage des élèves lors d’un travail autonome

S’interroger sur le déclenchement de l’interaction orale

                Tout d’abord, Nathalie Francols3 définit le déclencheur de l’aide comme étant une action de l’élève, verbale ou non verbale : il peut s’agir d’une demande d’aide, une validation ou un comportement de l’élève que l’enseignant interprète comme étant un besoin d’aide (inactivité ou découragement). Ainsi, l’initiative de l’ouverture de l’échange peut venir de l’élève ou de l’enseignant, bien que l’élève formule rarement une demande d’aide directe : son besoin d’aide est généralement exprimé par une question en lien avec le travail qu’il est en train d’effectuer, mais très peu sous la forme “pouvez-vous m’aidez ?”. Nathalie Francols distingue deux types d’initiatives de l’échange, première étape de la demande d’aide : les « interventions dans lesquelles les élèves produisent d’abord un signal pour solliciter l’enseignant (lever le doigt, se déplacer, appeler, attendre son tour dans une file) » et les « interventions dans lesquelles les élèves produisent en même temps le signal et l’objet de leur demande (« maître, vous pouvez répéter ? »). ». Finalement, pour Nathalie Francols, l’initiative de l’échange s’effectue parce que l’élève a demandé de l’aide, mais le déclenchement de l’interaction orale peut venir de l’enseignant ou de l’élève : en effet, si l’élève produit un signal pour solliciter l’enseignant, c’est ce dernier qui démarre l’interaction orale ; dans le deuxième cas, l’échange est déclenché par l’élève.  Ensuite, Nathalie Francols s’intéresse aux procédés utilisés par l’élève pour demander de l’aide. Ils sont variés et peuvent ne pas aboutir à une réponse aidante de l’enseignant :
– Un simple appel quand l’enseignant circule dans la classe.
– Des questions pour surmonter un blocage, mais certaines questions peuvent être des questions formelles (pragmatiques) afin de reculer le début de l’activité.
– Une demande de permission pour utiliser des ressources d’aide.
– Des demandes de validation.
– L’expression d’une ignorance ou d’une incompétence, le problème étant plus ou moins précisé. Il peut s’agir d’un simple “je ne comprends pas”.
– Une mise en cause de la difficulté de l’activité. Pour Nathalie Francols, ce type de demande est généralement rejeté par l’enseignant car il n’interprète pas cette intervention comme une demande d’aide.
De plus, Michel Perraudeau5 montre que la demande d’aide par l’élève peut être différente en fonction de la posture de l’enseignant. En effet, Michel Perraudeau distingue la posture de tutelle de la posture de médiation. Dans la position de tutelle, le professeur passe de groupe en groupe alors que dans une position de médiation, le professeur laisse les élèves rechercher seuls pendant un temps dont il précise la durée. Dans la position de tutelle, les élèves peuvent lui poser des questions durant la phase de travail et le professeur y répond tandis que dans la position de médiation, le professeur est observateur, n’intervenant pas, ni ne répondant aux questions à propos de la tâche. Le professeur semble selon Perraudeau utiliser les deux postures, l’une étant privilégiée sur l’autre en fonction des objectifs pédagogiques. Les élèves doivent être informés du choix du professeur. Ainsi, en fonction du choix de posture de l’enseignant, le contexte du déclenchement d’un échange n’est pas la même : a priori, il n’y a pas d’interaction orale entre l’élève et l’enseignant lorsque ce dernier fait le choix d’être en position de médiation.

Quand l’élève est demandeur d’aide

             Afin de définir comment et pourquoi un élève demande de l’aide, nous avons utilisé les éléments proposés par Nathalie Francols. Parmi les procédés utilisés par l’élève pour demander de l’aide qu’elle met en avant, seulement deux sont visibles dans nos verbatims : il s’agit d’un appel de l’élève, généralement en levant la main, et d’une question posée sans appel essentiellement lorsque l’enseignant débutant se trouve à proximité de l’élève. Le premier cas est visible dans les verbatims 3 et 5, bien que les situations ne soient pas les mêmes. En effet, le verbatim 3 concerne un travail de groupe tandis que dans le verbatim 5, les élèves sont en travail individuel. Dans ces deux types de travaux autonomes, les élèves font le choix d’interpeller l’enseignante débutante pour lui demander de l’aide en levant la main. Ce procédé de demande d’aide est celui que nous avons le plus remarqué en stage, en lien avec le contrat didactique et les règles passées avec les élèves selon lesquelles ces derniers doivent lever la main pour prendre la parole et/ou poser une question à l’enseignant. Néanmoins, la régulation orale du verbatim 4 a été engagée par un élève sans appel : il a posé une question à l’enseignante débutante sans lever la main parce qu’elle se trouvait à proximité de lui. Il s’agit donc bien d’une question sans appel, mais qui ne déroge pas nécessairement à la règle établie dans la classe dans la mesure où son intervention n’a pas perturbé le reste de la classe. En ce qui concerne les autres procédés de demande d’aide mentionnés par Nathalie Francols, nous avons rencontré en stage celui de la demande de validation mais il ne nous semblait pas pertinent de le transcrire en verbatim car l’échange aboutissait rarement sur une réelle réponse aidante et donc, il nous semblait peu utile pour la suite de nos analyses. La demande de validation est donc plutôt un acquiescement de la réalisation de l’activité, plutôt qu’une véritable réponse aidante, d’autant plus qu’elle sert surtout à rassurer l’élève sur sa bonne exécution de l’exercice, la demande de validation étant surtout effectuée par de bons élèves. Enfin, Nathalie Francols évoque comme procédés de demande d’aide la demande d’utilisation de ressources et la mise en cause de la difficulté de l’activité : il s’agit de deux éléments que nous avons peu, voire pas rencontré dans nos stages. Globalement, plutôt que de mettre en cause la difficulté de l’activité, les élèves posent une question sur un mot de vocabulaire ou un élément de l’activité. C’est peut-être lié au fait que, comme l’évoque Nathalie Francols, ce type d’intervention est généralement rejeté par l’enseignant. Pour la demande d’utilisation des ressources, nous en avons eu quelques-unes, notamment pour utiliser la carte du monde située au fond de la classe, mais nous ne l’avons pas relevé puisque, pour nous, cette demande aboutit rarement à une réponse aidant, l’enseignant débutant se contentant de répondre positivement ou négativement à la demande de l’élève. Finalement, lorsque l’élève souhaite demander de l’aide à l’enseignant, nous constatons qu’il fait généralement le choix d’appeler l’enseignant en levant la main comme nous le montre deux de nos verbatims. De plus, pour les autres procédés de demande d’aide (demande de validation, demande d’utilisation de ressources, mise en cause de la difficulté), nous pouvons remarquer que les élèves lèvent la main afin d’effectuer cette demande. Ainsi, en lien avec les règles établies dans la classe, un simple appel de l’enseignant par l’élève semble être le moyen majoritairement utilisé par les élèves pour demander de l’aide. Néanmoins, une interaction orale entre un enseignant débutant et un élève peut aussi être démarré par l’enseignant.

Une volonté première de faire acquérir des apprentissages amenant à des savoirs

                En comparant les différents verbatims au sein du tableau, nous pouvons remarquer que l’objectif d’apprentissage principal d’un enseignant débutant est l’apprentissage d’acquisitions de savoirs. Cela correspond à l’enjeu épistémique chez Vinatier qui s’apparente à l’apprentissage d’informations verbales et à l’apprentissage d’habilités intellectuelles de Gagné. Le premier correspond à l’apprentissage de noms, de faits et de corps de connaissances, comme par exemple des mots de vocabulaire tandis que le second est lié à l’apprentissage des concepts. Le tableau d’analyse de nos verbatims sur le modèle E-P-R de Vinatier nous permet de remarquer que l’enjeu épistémique est présent à chaque fois. Cela signifie donc que les savoirs sont donc essentiels dans un échange entre un enseignant et des élèves. En effet, dans le premier verbatim, dans l’intervention [3], ce qui est recherché par l’enseignante est l’acquisition des notions de ressource et de contrainte avec : Enseignant : Dans le document, tu montres si c’est une contrainte ou une ressource qui est présenté. Par exemple, ça (l’enseignant montre le document), à ton avis, c’est une contrainte ou une ressource ? (silence) D’avoir des hôtels ?. Dans le troisième verbatim, ce qui est recherché est l’acquisition de connaissances avec la définition de terminaux à l’intervention [2] Enseignant : C’est de nouveaux espaces dans le port pour que … euh… les bateaux partent mais aussi de concept avec dynamiques dans l’intervention [7] Et du coup dans les dynamiques vous parlez de quoi ?. Ce même concept est recherché à être acquis dans le quatrième verbatim dès l’intervention [3] : Enseignant : Dynamiques, c’est comment ça transforme le territoire mais aussi le concept d’atout à l’intervention [6] : Cela peut mais les atouts c’est ce qui est déjà sur le territoire et qui apporte quelque chose au pays … avec les dynamiques je veux voir qu’est-ce que la mondialisation a apporté sur le territoire ?. Dans les verbatims 5, 6 et 7, l’enjeu d’apprentissage principal est l’acquisition de vocabulaire avec l’or noir comme le montre l’intervention [3] dans le cinquième verbatim : Enseignant : Alors l’or noir c’est le pétrole. Ok ? , l’intervention [9] dans le sixième : Enseignant : Et c’est quoi l’or noir ? et dans le septième [10] : Enseignant : L’or noir c’est le pétrole oui donc du coup, (à l’élève 1) tu peux juste écrire pétrole, ça sera plus simple, parce que sinon tu vas… Donc écris pétrole oui. Et ça veut dire quoi ruée ?. Nous pouvons aussi voir dans cette intervention qu’il y a une volonté dans ce verbatim de faire comprendre ce qu’est une « ruée vers ». Ainsi, dans une interaction orale entre une enseignante débutante et un élève, nous remarquons ici que l’objectif de l’enseignante débutante est principalement de faire acquérir le vocabulaire et les concepts importants de l’activité. Nous pouvons aussi constater que même si l’objectif d’apprentissage de savoirs n’est pas celui qui est d’abord recherché, il le devient durant une interaction assez longue avec un élève au cours d’un travail autonome. C’est en effet visible dans le verbatim 2 où ce n’est pas l’apprentissage de connaissances qui est d’abord recherché mais il devient un enjeu au fil de l’interaction avec la volonté de vérifier si l’élève connaît bien les concepts de contrainte ou de ressource comme le montre les interventions [24] à [27] : Enseignant : C’est un volcan. C’est une ressource du coup un volcan ou une contrainte ? ; Elève : Contrainte. Ah les deux ! ; Enseignant : Pourquoi c’est les deux ? ; Elève : Parce que ça peut-être bien mais ça peut être pas bien ; Enseignant : Pourquoi ça ne peut pas être bien ?. L’enjeu épistémique n’est pas la priorité dans le début du verbatim. Il devient important à partir de l’intervention [30] où l’élève est face à une difficulté. L’élève a besoin du professeur pour comprendre donc il n’est plus dans le rejet. Il y a également un enjeu épistémique parce que l’élève cherche à élucider ce qu’il n’a pas compris. Cette volonté de faire chercher à acquérir des apprentissages liés plus au savoir pour les enseignants débutants correspond donc bien à l’hypothèse que nous avions fait après avoir posé notre cadre théorique. Les apprentissages d’informations verbales et les apprentissages d’habilités intellectuelles se retrouvent de manière équivalente dans nos verbatims.

Une volonté encore peu présente de faire acquérir des savoir-faire

                   Dans les tableaux, il y a aussi la volonté chez l’enseignante débutante de faire acquérir des savoir-faire aux élèves. Ceci se remarque à travers l’acquisition d’apprentissages de stratégies cognitives, désignant les moyens que met en œuvre un individu pour diriger ses processus d’attention, ses processus d’apprentissage et sa manière de résoudre les problèmes. Cela correspond également à l’enjeu pragmatique chez Isabelle Vinatier. Les apprentissages de savoir-être sont visibles dans les interactions présentes dans les verbatims 2, 4 et 7. Ainsi dans le verbatim 2, il y a la volonté chez l’enseignante débutante de faire naître un processus de réflexion chez l’élève notamment avec l’intervention [34] : Enseignant : J’ai mis le document 2 avec le document 6, à ton avis, pourquoi ?. L’idée de l’enseignante débutante n’est donc pas de faire réfléchir l’élève sur les éléments des documents, mais sur l’articulation entre les deux documents afin d’en comprendre la logique. En se mettant à la place de l’enseignant, l’élève peut comprendre ainsi l’objectif d’apprentissage. Le savoir-faire est donc un moyen d’arriver au savoir. C’est aussi visible dans le verbatim 4 avec les interactions [19] à [20] : Enseignant : Cela te sert à argumenter dans ta partie sur les dynamiques oui … ; Elève 2 : pour donner un exemple ? L’enseignante débutante cherche ainsi à faire comprendre la méthodologie de l’argumentation aux élèves. Dans le verbatim 7 à l’intervention [15], Enseignant : Oui mais il ne suffit pas de recopier ce qu’il y a dans le document, il faut que tu comprennes, il y a une volonté de faire comprendre le sens de l’activité à l’élève, de lui faire comprendre un processus d’apprentissage. Toutefois, l’apprentissage de savoir-faire n’est jamais, dans l’analyse de nos verbatims, l’enjeu principal d’apprentissage recherché par l’enseignante débutante même s’il est présent à trois reprises. Nous pouvons donc remarquer que dans les apprentissages souhaités et réalisés dans les interactions analysées, ceux portant sur des savoirs semblent être ceux les plus recherchés par les enseignants débutants. La volonté de faire acquérir des apprentissages liés aux savoir-faire et aux savoir-être sont moins mis en avant. Or, si les savoirs sont importants, l’acquisition de savoir-faire et de savoir-être doit être aussi recherchée par un enseignant pour la réussite totale de l’élève en situation d’apprentissage. Cela revient alors à l’idée d’harmonie du modèle E-P-R de Vinatier pour le bon fonctionnement d’une interaction orale entre un enseignant débutant et un élève.

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Table des matières

Introduction
I. Une interaction orale en plusieurs actes pour entraîner un apprentissage
A. S’interroger sur le déclenchement de l’interaction orale
B. Quels sont les apprentissages qui peuvent être entrainés lors d’une interaction orale ?
C. Les procédés d’aide mis en place au cours de l’interaction orale
D. Développement de nos hypothèses de travail
II. Quelle méthodologie mettre en place pour mener nos observations ?
A. Une étude dans quel contexte ?
B. Avec quelles données ?
C. Comment analyser les données ?
III. Quels déclenchements de l’interaction orale chez un enseignant débutant ?
A. Une posture de tutelle pour l’enseignante débutante
B. Quand l’élève est demandeur d’aide
C. Quand l’enseignant est l’élément déclencheur de la régulation orale
D. Les limites de notre cadre théorique
IV. Les apprentissages recherchés par les enseignants débutants lors d’une interaction avec un élève
A. Une volonté première de faire acquérir des apprentissages amenant à des savoirs
B. Une volonté de faire acquérir des savoir-être mais qui reste fragile
C. Une volonté encore peu présente de faire acquérir des savoir-faire
V. Quels procédés permettent d’amener un apprentissages ?
A. Les procédés d’aide utilisés par l’enseignante débutante pour amener l’élève à un apprentissage
B. La vérification de l’efficacité de ces procédés d’aide pour l’apprentissage des élèves
VI. Conclusion
Bibliographie
Annexes
A. Verbatims
B. Données d’élèves
C. Tableaux utilisés pour l’analyse des données
D. Activité faite par les élèves de 3ème
E. Activité faite par les élèves de 4ème
F. Activité faire par les élèves de 6ème

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