L’apprentissage de la lecture littéraire en classe de français : la nécessité de moyens didactiques appropriés

Une position intermédiaire : la didactisation du sujet-lecteur

Afin d’éviter les malentendus liés à la lecture littéraire, selon Daunay il est important de penser une didactisation du sujet-lecteur : « Eviter les effets de censure que peut engendrer une certaine conception distanciée de la lecture littéraire, ce n’est pas nier la distance que crée toute approche scolaire de la lecture. Mais le sujet-lecteur qu’il s’agit de réintégrer, c’est le sujet didactique – dont la subjectivité est un aspect inhérent à l’apprentissage » (Daunay, 2007, p. 48). On part alors de la lecture subjective préconisée par Rouxel et on apprend à aller vers une lecture plus distanciée à partir d’elle.
La réception personnelle et sensible des textes lus est donc nécessaire. Il s’agit là d’une des conditions pour une implication réelle et avoir une vraie prise sur le texte. Pour autant, on ne s’arrête pas là. Si la « réintégration » du sujet est nécessaire, les impressions subjectives doivent être un point de départ vers une interprétation critique du texte.
Pour recouvrir les différents aspects de cette lecture littéraire et mettre en perspective les différentes notions qu’elle mobilise, nous pouvons citer Louis Dufays qui envisage la lecture littéraire sous trois orientations différentes. D’un premier point de vue didactique : il convient d’enseigner une lecture littéraire distanciée, analytique rendue possible et nécessaire par cet aspect exigeant de la lecture, évoqué plus haut chez Tauveron, pour qui « la lecture littéraire est conçue comme l’activité d’un lecteur exigeant, désireux de vivre une expérience esthétique ouverte sur l’écart, le symbole, la polysémie, respectueuse des « droits du texte » et de certaines règles interprétatives communes » (2013, p78). D’un second point de vue didactique, la lecture littéraire mobilise également les affects du lecteur, il s’agit de la deuxième approche évoquée par Dufays qui présente une lecture qui met l’accent sur « la participation psychoaffective, la lecture libre, l’appropriation personnelle, c’est-à-dire l’activité du lecteur « ordinaire », qui donne la priorité aux émotions, aux processus d’identification et de reconfiguration subjective ». La réception subjective devient alors l’interprétation.
Pour autant, ces deux approches ne sont pas obligatoirement opposées puisque la troisième théorie, celle que promeut Dufays, réunit les deux approches dans un « va-et-vient » (2013, p.79) et voit le lecteur comme étant « complet », c’est-à-dire qui réfléchit et comprendautant qu’il ressent. L’activité du lecteur apparait alors au centre du processus.
La lecture littéraire n’est pas seulement une consommation passive, c’est une activité du lecteur qu’il est possible d’apprendre et qu’il faut donc enseigner. C’est pourquoi il apparait essentiel de réfléchir à la place à lui accorder. En effet, l’une des missions du professeur de français est de former un lecteur capable de donner du sens à ce qu’il lit. Pour autant, il ne doit pas lui offrir une lecture programmée. Il doit s’agir de son sens à lui. Il doit participer à la construction du sens de l’œuvre. On peut alors se demander comment favoriser cette expression d’affects personnels dans le champ de lecture littéraire en classe. Le recours à des écrits inventifs au collège, puis d’appropriation au lycée, semble être une des solutions proposées.
Ainsi, « l’écriture d’invention, quant à elle, peut être considérée comme la réactivité scripturale de la lecture littéraire et ainsi être appréhendée dans ce qu’elle révèle de la réception d’un texte.
Elle représente alors une voie indirecte et créative pour exprimer un regard personnel sur un personnage, une situation, un style » (Rouxel,2007, p.68). Ici, l’écriture intervient en réaction au texte. On peut aussi se demander comme on pourrait mobiliser cette écriture subjective et la mettre au service de la compréhension d’un texte réticent. Car quelle que soit la définition que l’on retient de la lecture littéraire ; la résolution de l’énigme d’un texte réticent (le second point de vue sur la lecture littéraire) et donc, un engagement authentique et subjectif face au texte, ou alors ce fameux « va-et-vient dialectique » qui mêle la distanciation de Tauveron et l’engagement de Rouxel, on se rend compte que ce mouvement d’engagement subjectif n’est pas inné. Il convient alors de mettre en place des stratégies didactiques pour le déclencher et l’accompagner. En tant que professeur, il convient alors de didactiser cette pratique au mieux et de penser à l’écriture pour didactiser la lecture littéraire. Une fois cette posture de sujetlecteur construite, on peut alors imaginer partir de la réception première et des impressions spontanées des élèves pour aller vers une lecture plus experte, plus distanciée, ces impressions premières pouvant s’exprimer par le biais de l’écriture de forme littéraire. Si la place à accorder à ce sujet-lecteur dans le « va-et-vient dialectique entre des postures de lecture complémentaires » (2013, p. 77) diffère en fonction des chercheurs, elle n’en demeure pas moins un élément important du processus. Réfléchir à cette place à lui accorder apparait comme essentiel pour penser les moyens didactiques à mettre en œuvre pour l’enseigner dans le cadre du cours de français.

L’importance de l’écriture et d’une articulation entre les deux pratiques

Les relations entre lecture et écriture : une relation à sens unique ?

Lorsque Jacques Crinon évoque les liens entre lecture et écriture il évoque un principe simple reposant sur une croyance traditionnelle : les processus de lecture et d’écriture seraient étroitement liés. Cette croyance, que l’on peut qualifier de partagée par le plus grand nombre, met en avant que « pour écrire, il faut beaucoup lire afin de s’imprégner de modèles de bons auteurs » (2006, p. 33). Ce sont les bons lecteurs qui deviennent de bons auteurs, cela se retrouve dans bons nombre d’autobiographies d’auteurs : tous ont commencé par la lecture.
Néanmoins, si lecture et écriture ont un lien indiscutable dans l’enseignement du français, c’est sur la manière dont se construit ce lien que se posent des questions majeures. L’un des principaux préjugés étant que si la lecture aide à l’écriture, l’inverse n’est pas forcément vrai dans l’esprit de beaucoup. Cette idée est développée par Yves Reuter, notamment dans son article de 1995 qui porte sur « les relations entre lecture et écriture dans le champ didactique ».
Il parle alors d’un « a priori, central dans la tradition culturelle-scolaire, partagé par école, parents, enfants et même écrivains, qui consiste à postuler des effets positifs de la lecture sur l’écriture (c’est, en revanche, beaucoup moins net en ce qui concerne les effets de l’écriture sur la lecture) » (p. 5). La lecture apparaitrait alors comme un réservoir de connaissances, photographies de mots pour améliorer l’orthographe ou « imprégnation-imitation pour le style et les textes » (1995, p.6). Il est intéressant de noter que cette « ingurgitation serait inconscienteet nullement le résultat d’une action ou d’une volonté de l’élève ». La lecture aurait des effets bénéfiques en elle-même. Ce postulat va à l’encontre de la définition même de la lecture littéraire qui la présente comme un processus actif d’interprétation et de recherche du se ns et non pas comme une simple influence intangible. Pour l’auteur, il s’agit là d’une tradition qui pose problème puisqu’elle entraine de la part des professeurs une attente implicite de résultats naturels de la lecture : « il faudrait ainsi s’imprégner pour reproduire des textes qui, dans le cas des modèles littéraires, sont posés comme non-reproductibles « par essence » ; il faudrait aussi s’imprégner pour reproduire, tout en manifestant son originalité, alors que la possibilité de cet écart est rarement construite » (1995, p.6). De même, cette attente implicite est source de confusion chez les élèves lecteurs qui ne comprennent pas leurs difficultés à écrire, après tout si lire aide à écrire et qu’ils lisent, pourquoi ne parviennent-ils pas à répondre aux exigences d’écriture de leurs professeurs ?

Viser une lecture « experte » : favoriser une lecture distanciée

La lecture distanciée définie par Tauveron semble a priori peu motivante pour l’élève (qui est peu investi subjectivement) et donc difficile à mettre en place, car on l’a vu, l’élève ne dispose pas encore de tous les outils d’analyse littéraire qui pourrait l’aider à mettre en place cette opération. Ce n’est pas pour autant qu’il faut renoncer à introduire cette approche auprès de l’élève. En effet, une fois cette lecture subjective mise en place grâce à des exercices d’écriture, on peut espérer partir de la réception première et des impressions spontanées des élèves exprimées par l’écriture pour aller vers une lecture plus experte, plus distanciée. Cette opération d’écriture permet autant de développer leur culture littéraire que leur capacité d’interprétation des textes. En devenant à leur tour auteurs, ils deviennent capables d’appréhender toutes les subtilités de l’écriture et donc des textes littéraires puisque « c’est au moment où il écrit que l’enfant peut comprendre comment fonctionnent les systèmes énonciatifs des œuvres qu’il a lues : Quelle est la place du narrateur ? Quels sont les points de vue défendus dans le texte, dans l’image, et dans leurs relations ? Il peut ainsi choisir consciemment entre les diverses positions possibles du narrateur qu’il aura rencontrées dans ses lectures : narrateur omniscient, récit à focalisation interne, récit à focalisation externe » (Polsianec, 2003. p56).
Dans le cadre scolaire, la capacité interprétative du lecteur peut être encouragée et améliorée grâce à des dispositifs didactiques, notamment par des activités de transposition, changer la nature du texte, le point de vue employé ou encore le contexte moderniser l’histoire par exemple). « L’avantage pédagogique de ce type d’activité, c’est que la transposition n’est possible que si l’on maîtrise la structure de la forme initiale et celle de la forme finale. […]
Quand on propose aux élèves de transposer un texte, ils le conçoivent comme un jeu et c’en est un ! Mais pour réaliser cette activité, ils doivent réellement approfondir la composition de l’œuvre source, et s’informer sur la structure de la forme qu’ils vont construire » (Polsianec, 2003, p.15).

Tendre vers le va-et vient dialectique

Pour Sorin (qui s’appuie sur les travaux de Tauveron et Reuter), « sans être le pendant exact de la lecture littéraire, l’écriture littéraire aurait pour spécificité les effets esthétiques créés parl’élève scripteur. Elle serait orientée par les plaisirs de la lecture dont le texte est la condition. Ce mode d’écriture implique la conscience des enjeux de la relation entre le sujet producteur animé par une intention artistique et le sujet récepteur appliquant une attention esthétique. » (Sorin, 2004, p.5). Pour Sorin, l’écriture littéraire semble être un espace privilégié pour mêler ces deux dispositifs de la lecture littéraire. En effet, l’espace de l’écriture suppose une distanciation du scripteur « qui aménage des espaces de non-dit favorisant l’interprétation, des espaces de « plaisir du texte » liés principalement au travail sur la langue. L’écriture littéraire aurait donc une dimension interprétative. En relation privilégiée avec la lecture littéraire, l’écriture littéraire engendrerait également des jeux intertextuels, des jeux de langage, des jeux narratifs. Elle aurait alors une dimension culturelle » (Sorin, 2004, p.5).
Elle comporte également « des enjeux passionnels ». Il faut alors que l’élève se sente en confiance pour oser s’impliquer subjectivement. L’écriture peut permettre cela. Si les élèves comprennent qu’en tant qu’auteurs, ils travaillent avec leurs émotions et leurs points de vue sur le monde (même si c’est aussi en cherchant comment l’écrire), ils peuvent peut-être comprendre qu’en tant que lecteurs, ils peuvent aussi travailler à partir de leurs émotions et leurs points de vue sur le monde. « Dans ses écrits de fiction, il réinvestit certaines expériences esthétiques, il témoigne de l’influence de ses lectures et crée des liens intertextuels » (Sorin, 2004, p.5).
L’élève écrit alors subjectivement, mais en se nourrissant de la culture qu’apporte l’enseignant.
Le texte littéraire proposé par l’enseignant apparait alors comme un modèle, modèle critiquable et plus encore un Jacques Crinon expose dans L’écriture littéraire et les genres : « Quoi qu’il en soit, écrire oblige à se situer, explicitement ou implicitement, par rapport à des genres de référence, pour s’y couler, les refuser ou les subvertir. L’écriture scolaire, historiquement, n’a pas échappé à cette nécessité. » (Crinon, 2006, p.18). La fréquentation de ces genres ne pouvant se faire que par la lecture on voit donc que la littérature offre un modèle à l’écriture. De même, il est important d’offrir à l’élève qui écrit un modèle, « des textes ressources » (Crinon, 2006, p.21) qui constitueront un réservoir dans lequel piocher et desquels s’inspirer ». Pour cela, il évoque les genres littéraires qui par leurs ressemblances ont permis de créer des catégories et des « modèles » sur lesquels s’appuyer sans pour autant imiter mécaniquement un texte que l’on érigerait en modèle intouchable. Il est nécessaire que ce modèle soit critiquable et perfectible.
Une étape peut alors être « l’écriture plagiat » (Reuter, 1996, p.71) qui peut être utilisée comme une étape avant l’écriture personnelle. Cependant, l’élève peut ne pas réussir à écrire autrement qu’en plagiant, ce qui annule l’effet bénéfique qu’aurait eu l’inspiration sur lui. Il convient alors de s’assurer que ces lectures ne nuisent pas à l’énergie créatrice du scripteur. A terme, il doit s’affranchir de ces lectures. De même, l’écriture peut bloquer la lecture ou la modifier et lui faire perdre son caractère divertissant, la lecture ne devenant alors qu’un simple prétexte à trouver l’inspiration. Sorin présente cette rencontre avec le texte littéraire comme essentielle dans l’écriture, car celui-ci « sert non seulement de modèle esthétique, de nourriture à l’imaginaire, mais aussi de référence permettant une certaine intertextualité. En effet, en fréquentant la littérature, l’élève s’inspire de ses lectures pour alimenter ses projets d’écriture. »
Il se construit un « référentiel personnel » qui se présente comme un réservoir d’inspiration.

Des bénéfices remarqués

Les pratiques pédagogiques actuelles ont pris en compte cette relation forte entre « écrire la littérature » et « lire la littérature » (Ana María Margallo González, 2009, p.201).
C’est d’autant plus le cas lorsque cette relation s’inscrit dans une pédagogie de projet. En effet, la mise en lien s’effectue d’autant plus facilement si on la pense dans une continuité et dans l a réalisation d’une production concrète. Néanmoins pour Reuter (1996) il demeure important de bien accompagner le projet de façon à ne pas négliger les apprentissages. Il ne faut pas que la volonté d’une belle production prenne le dessus. C’est dans cette optique qu’Ana MaríaMargallo González a cherché à déterminer quels effets la relation entre lecture et écriture peut avoir sur l’apprentissage littéraire. Le projet qu’elle rapporte met bien en lien cette idée d’articulation des deux compétences évoquées ci-dessus. Les élèves ont commencé par un apprentissage purement littéraire, en étudiant les genres et les éléments constitutifs du roman de chevalerie.
Jacques Crinon considère néanmoins que la notion de genre dans l’enseignement de la l’écriture de type littéraire a parfois des dérives : « Soit que l’absence de référence à la diversité des écrits et aux intentions du scripteur conduise à faire produire aux élèves des écrits incohérents ou guidés par la pure rhétorique de la rédaction scolaire. Soit qu’un enseignement des genres ou des types de textes conçus comme des formes et ramenés à quelques stéréotypespousse à la production de scénarios assez pauvres plus qu’à de véritables textes » (JacquesCrinon, 2006, p.17).
On observe que cette dérive est ici évitée par la pédagogie de projet qui permet, dans un travail sur la durée, de créer des textes riches et donc les auteurs ont conscience des règles de genre et des procédés d’écriture. Pour cela, on leur présente des textes « modèles » qui fondent un genre littéraire, ici celui de la chevalerie. L’intérêt de ce projet était principalement d’élargir le champ des apprentissages en mélangeant à cette matière littéraire des connaissances procédurales leur permettant à terme de rédiger collectivement un roman de chevalerie. On s’inspire alors des lectures et des analyses littéraires qui en découlent pour pouvoir à son tour écrire de la littérature. Ici, les lectures nourrissent l’écriture. Se pose alors une question fondamentale qui est de savoir ce que les élèves apprennent. L’écriture permet-elle vraiment de fixer des connaissances littéraires et d’améliorer ses compétences d’écriture ?
Pour l’auteure, les bénéfices de cette pédagogie sont réels. « L’écriture (ou « que ferontils ? ») constitue un stimulus pour la connaissance littéraire (ou « qu’apprendront-ils ? ») » (Ana María Margallo González, 2009, p.203). Le recours à un projet plus ambitieux que la simple étude littéraire de textes singulier permet de créer une tension entre savoirs (essentiels dans le cadre scolaire) et savoir-faire, ce dernier pourra être réappliqué plus largement par la suite.
L’élève est alors pleinement acteur de son apprentissage puisque c’est à lui d’adapter ces connaissances afin de réaliser cette tache finale d’écriture. La lecture servant ce projet, les deux pratiques ne font donc pas que coexister, mais permettent la formation d’un savoir plus large.
L’écriture apparait donc comme complémentaire de la lecture et non pas comme une simple activité périphérique. On peut noter que cette manière d’agir semble relativement nouvelle puisqu’ Ana María Margallo González semble l’opposer à une approche qu’elle qualifie de plus « traditionnelle » qui serait basée sur une simple transmission des contenus là où les projets cherchent à éveiller l’intérêt de l’étudiant pour l’apprentissage littéraire en articulant l’acquisition de contenus littéraires avec les pratiques de lecture et d’écriture (2009, p.203).
Nous pouvons également citer d’autres bénéfices évoqués par Reuter pour qui l’interaction de la lecture et de l’écriture littéraire « permet d’affiner des pratiques scolaires classiques en clarifiant avec et pour les élèves les ressemblances / dissemblances, convergences / divergences de la lecture et de l’écriture et les effets postulés de l’une sur l’autre dans telle ou telle activité mise en place. Elle permet encore d’élargir la palette d’exercices ou d’actions possibles dans l’enseignement-apprentissage. » D’un point de vue didactique, lier ces deux pratiques permet donc encore d’ouvrir le champ des possibles. On peut par exemple penser faire écrire des scènes en amont, « avant toute lecture, cette lecture ultérieure étant construite en fonction des difficultés rencontrées dans l’écriture » (Reuter, 1995, p.18). L’activité de création littéraire permet donc de mesurer les difficultés qui seront rencontrées dans la lecture littéraire, une lecture par essence difficile et « résistante ».

Des écueils à éviter pour la mise en place concrète de cette articulation

Ainsi, si cette articulation entre lecture et écriture apparait comme féconde, il existe néanmoins des tensions entre ces deux pôles. On peut noter que les liens entre lecture et écriture ne sont pas vus comme toujours bénéfiques par certains chercheurs. Pour Yves Reuter (1996, p.71), la lecture peut amener le sujet-scripteur à se forger des idées si hautes des auteurs, des textes et de l’écriture qu’elle va bloquer sa pratique de l’écriture. Ce préconçu des élèves doit alors être travaillé et il convient de mettre les choses au clair au sujet de ses attentes en tant qu’enseignant. On voit donc que cette mise en relation peut provoquer des dysfonctionnements et avoir des effets contre-productifs. . Il questionne alors l’ordre dans lequel réaliser chaque activité, ainsi la lecture peut se faire avant, pendant ou après le travail d’écriture, en fonction du résultat que l’on souhaite avoir, mais elle doit toujours avoir des objectifs définis et clairs pour les élèves en lien avec l’écriture. Il conviendra d’avoir ces dérives en tête lors de la conception et l’application du protocole.

Problématique

L’écriture et la lecture sont donc des dispositifs qui ont des liens forts. A partir de là, on peut se demander comment articuler ces dispositifs de manière à ce qu’ils soient le plus bénéfiques possibles pour les élèves. La littérature scientifique semble montrer que la lecture prépare l’écriture, mais ne peut-on aussi penser cette relation dans l’autre sens ? Des exercices d’écriture en amont et tout au long de l’étude d’œuvre littéraire peuvent-ils aider à mieux comprendre cette œuvre et ses enjeux et à avoir un regard interprétatif sur une œuvre littéraire ?
Pour résumer écrire peut-il aider à mieux lire les œuvres littéraires, et si oui, à quelles conditions de didactisation ?

Hypothèses

L’idée de la thématique de ce mémoire m’est venue lorsque j’ai voulu étudier Le Cid de Pierre Corneille avec mes deux classes de quatrième. On pourrait penser que cette œuvre est trop exigeante pour des élèves de ce niveau. S’agissant d’une œuvre qui répond aux exigences du programme de quatrième et qui est même citée dans les programmes, je me suis dit que cette œuvre pourrait pourtant être profitable à mes élèves qui, à de rares exceptions, ont un bon niveau. Je me suis alors demandée comment je pourrais aborder cette œuvre de manière accessible et profitable pour tous les élèves.
La recherche que j’ai présentée dans mon état de l’art a montré que la lecture pouvait aider l’écriture. En général, l’écriture intervient à la fin d’une étude littéraire et sert à vérifier les acquis. De même, elle fournit une source d’inspiration et un réservoir stylistique et générique pour l’écriture. Néanmoins, le rapport d’inspiration peut également marcher dans l’autre sens, et si le plaisir d’écrire vient naturellement prolonger celui de lire comme le disent les programmes, je me suis demandée si l’inverse ne pouvait pas être applicable.
Mon hypothèse est qu’il est possible de présenter des textes littéraires « résistants » afin d’offrir aux élèves un défi et qu’écrire en parallèle de cette lecture peut aider à mieux comprendre et interpréter ces textes, notamment en préparant un investissement subjectif. Je pense que cette supposée difficulté à saisir ces textes complexes ne vient pas forcément du niveau des élèves, mais plutôt d’un manque de projection dans les œuvres. Les élèves se sentent déconnectés des histoires qui leur sont racontées. Ils ont alors du mal à s’intéresser, puis à comprendre et interpréter ces œuvres. Je pense qu’il est alors important de les aider à se construire en tant que sujet-lecteur et que des exercices d’écriture en lien avec l’œuvre et ses thématiques pourraient aider à cette construction nécessaire. L’écriture doit alors avoir sa placetout au long de la lecture et pas seulement à la fin pour valider un acquis.

Méthode

Participants

Je suis en charge de deux classes de quatrième dans un collège d’une petite ville de Savoie. Il s’agit d’un collège plutôt rural et très hétérogène tant sur le plan des catégories socioprofessionnelles des parents que des niveaux et aspirations des élèves. Certains élèves étant très impliqués dans leur scolarité et d’autres visant une voie professionnelle ce qui affecte leur motivation dans des matières qu’ils jugent inutiles pour leur avenir. Il s’agit néanmoins, dans la majorité, d’élèves qui travaillent et font ce qu’ils pensent qu’on attend d’eux, sans forcément chercher à approfondir le travail. Ils sont, de plus, peu confiants en leurs capacités et estiment que la littérature n’est pas pour eux (c’est une remarque que j’ai aussi pu retrouver chez certains parents).
Afin de tester la validité de mon hypothèse, j’ai décidé de faire une étude comparée entre mes deux classes de quatrième, qui sont très comparables dans leur composition. En effet, ces deux classes comportent le même nombre d’élèves : vingt-quatre. Il n’y a pas de gros écarts de niveaux bien qu’une des classes (4A) comporte trois élèves très en difficulté. C’est pourquoi j’ai décidé que cette classe étudierait Le Cid en parallèle d’exercices d’écriture visant à les aider à mieux lire cette œuvre, tandis que les autres étudieraient cette même œuvre sans les exercices d’écriture afin que je puisse comparer les résultats d’une lecture littéraire avec et sans écriture.
J’ai remarqué que mes élèves écrivaient très volontiers tandis que la lecture en général semblait poser problème, notamment au niveau de la motivation ce qui entrainait un manque d’implication à la compréhension. L’écriture semble donc être un levier possible pour travailler sur cette implication.
Je pense que si les élèves ne comprennent pas ce qu’ils lisent, c’est parce qu’ils ne s’investissent pas intellectuellement dans leur lecture. Ils auraient alors besoin d’un stimulus extérieur et ce stimulus pourrait être l’écriture. On peut en effet se dire qu’ils trouvent peutêtre dans l’écriture un vecteur d’expressivité personnelle qu’ils ne trouvent pas dans la lecture (telle du moins qu’ils la comprennent et qu’on la leur a sans doute souvent enseignée…) d’oùl’intérêt de les aider à apprivoiser une position de sujet lecteur en se constituant comme sujetscripteur.

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Table des matières
Introduction 
1. État de l’art 
1.1 L’apprentissage de la lecture littéraire en classe de français : la nécessité de moyens didactiques appropriés
1.1.1 Lecture littéraire
1.1.2 Des textes réticents : la lecture distanciée
1.1.3 Un appui possible sur une lecture subjective
1.1.4 Une position intermédiaire : la didactisation du sujet-lecteur
1.2 L’importance de l’écriture et d’une articulation entre les deux pratiques
1.2.1. Les relations entre lecture et écriture : une relation à sens unique ?
1.2.2 Une volonté de lutter contre le cloisonnement
1.3 L’écriture scolaire et littéraire : un moyen efficace de préparer ou d’accompagner la lecture littéraire
1.3.1 L’écriture pour exprimer sa subjectivité de lecteur
1.3.2 Viser une lecture « experte » : favoriser une lecture distanciée
1.3.3 Tendre vers le va-et vient dialectique
1.3.4 Des bénéfices remarqués
1.4 Des écueils à éviter pour la mise en place concrète de cette articulation
2. Problématique 
3. Hypothèses 
4. Méthode 
4.1 Participants
4.2 Procédure
5 .Résultats 
5.1 Sentiment de compétence face à des textes littéraires
5.2 Conscience des liens existants entre lecture et écriture
5.3 Préparation à l’entrée dans l’œuvre (retenir les personnages)
6.Discussion 
6.1 Une aide pour le futur
6.2 Mise en lien avec les recherches antérieurs
6.3 Limites et perspectives
6.3.1 Des hypothèses à vérifier
6.3.2 Une aide pour le futur
Conclusion
Bibliographie 
Annexes

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