L’informatique, La culture numérique ? Quelle est cette discipline que je ne saurais voir, que je ne saurais apprendre ou que je ne saurais enseigner. Une culture, une science, une matière, un outil ou un concept technique ? “Le numérique impose une réflexion sur le développement d’une culture technique qui ne soit pas celle d’un simple usage, mais celle d’une connaissance éprouvée et testée qui s’inscrit dans le projet des Lumières et de l’Encyclopédie” (Le Deuff, 2011, page 10) . L’histoire du numérique – de la culture numérique – est associée à celle, récente, de l’informatique. Son appropriation dans la société civile est donc jeune, tout autant que sa prise en compte dans l’éducation. L’objectif de ce projet de recherche sur la culture numérique est de dissocier enseignement des usages et enseignement de ces “connaissances éprouvées”. De dissocier les habitudes prises récemment, liées, par exemple, aux réseaux sociaux et aux moteurs de recherche, et les changements profonds de communication entre les personnes. L’objectif est également d’identifier cet enseignement par l’étude des programmes proposés aux élèves et d’analyser l’activité éducative de l’élève concernant la culture numérique via les usages, les connaissances et les apprentissages.
La Culture Numérique
A travers l’histoire de la culture numérique dans l’enseignement, puis sa place dans les missions des enseignants et dans les programmes des élèves, nous allons pouvoir définir notre cadre théorique pour ce projet de recherche.
Histoire
A partir du concept de “digital natives” de Marc Prensky ou encore du découpage générationnel de Strauss et Howe et leur “génération Y” (Génération Why), la culture numérique est trop vite associée à une partie de la population née en même temps que l’introduction massive de l’informatique grand-public, au début des années 1980. Selon Le Deuff, “cette vision est d’autant plus dangereuse qu’elle ne peut aboutir au final qu’à une décrédibilisation de l’institution scolaire et des enseignants, considérés comme inaptes, marquant le sommet de la crise de l’autorité. La formation est désignée comme dépassée”. (Le Deuff, 2011, page 57).
Retraçons l’introduction de l’informatique et du numérique dans l’enseignement, en France particulièrement. En 1970, l’Education Nationale organise “une opération expérimentale dans l’enseignement secondaire à partir des trois idées suivantes :
– L’informatique est la science du traitement de l’information caractérisée par une démarche de pensée nouvelle, modélisante, algorithmique, organisationnelle.
– L’informatique peut être introduite dans l’enseignement secondaire en tant qu’élément de culture générale et pour sensibiliser les élèves à cette démarche de pensée, mais sans créer une discipline supplémentaire.
– Les problèmes posés par l’introduction de l’informatique dans le secondaire […] sont essentiellement d’ordre pédagogique, leur solution est l’affaire des enseignants.” (Dzepina, Peyrot, 1982, page 9) .
En 1981, les objectifs ministériels sont toujours ambitieux et tâchent déjà de dissocier culture et technique, numérique et informatique. “Le rôle de l’éducation dans le contexte social et économique actuel est considéré comme primordial. La population concernée ne se limite pas aux jeunes en formation initiale mais à ceux qui ont quitté l’école sans qualification […]. Les objectifs poursuivis sont les suivants :
– Eveiller les esprits à la discipline et au contexte informatique.
– Appliquer ces moyens à l’assimilation des connaissances, la formation de l’esprit logique, la réflexion personnelle ou collective, la documentation pédagogique, l’information sur l’éducation et le passage à la vie active.
– Les appliquer en particulier aux jeunes en difficulté scolaire […]
– Permettre à l’enseignant de les adapter facilement à sa classe et aux circonstances.” (Dzepina, Peyrot, 1982, page 15).
En 1985, un nouveau plan d’équipement des écoles est lancé “afin d’initier les élèves à l’outil informatique, offrant à de nombreux élèves et enseignants une première approche de la programmation et de l’utilisation d’un ordinateur.” (Lazard, Mounier-Kuhn, 2016, page 223) . La culture n’est alors plus à l’ordre du jour. On parle d’outils et d’usages. “Ce sera malheureusement la dernière grande initiative gouvernementale, pendant une vingtaine d’années, visant à introduire le numérique dans l’éducation nationale.” (Lazard, Mounier-Kuhn, 2016, page 223). D’autres initiatives ont malgré tout participé à la prise en compte de la culture numérique jusqu’à nos jours. Mais ce fut de manières localisées à travers les lois de décentralisation et de déconcentration qui ont confiées aux conseils généraux et départementaux la responsabilité des investissements scolaires. Mais il s’agit alors uniquement la partie visible de cette culture, c’est-à-dire le matériel.
La réforme du collège, entrée en vigueur en 2016, a instauré l’éducation aux médias et à l’information (EMI) et doit être prise en charge par tous les enseignements. Des réformes récentes et en cours se mettent en place dans l’enseignement général au lycée : option ICN (Informatique et création numérique), option ISN (Informatique et sciences du numérique). Et dans le cadre de la réforme du “Bac 2021”, un nouvel enseignement devrait apparaître pour la rentrée 2019, en classe de seconde, intitulé “sciences numériques”.
Selon Gérard Berry, entre une description fine de l’histoire de l’informatique et une extrapolation experte de l’avenir du numérique, une seule chose est certaine, c’est la “jeunesse de son histoire” (Lazard, Mounier-Kuhn, 2016, page 6). Cette jeunesse et ce manque de maturité du numérique n’empêchent pas de décrire plus précisément cette culture. Comme par exemple lors de conférences dans le cadre du salon Educatec-Educatice du 17 novembre 2016. “Dans le domaine de l’éducation et de la formation, il existe une tension entre 3 attracteurs : ce qui a vocation à devenir un objet d’enseignement et de culture ; ce qui relève de l’outil des maîtres (la technologie éducative) ; ce qui instrumente les apprentissages et est susceptible de changer le rapport aux savoirs (les ressources et outils des élèves et des apprenants).” (Ligue de l’Enseignement, 2016) . Pour Eric Guichard, “en gardant en souvenir le fait que l’écriture est une technique, et que la culture de l’écrit renvoie à la maîtrise collective de cette technique (qui fonctionne assez mal) et à une réflexion sur ses usages, nous pouvons alors définir la « culture numérique » comme une culture de l’écrit contemporain.” (Semaine de l’enseignement, 2016) .
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Table des matières
Introduction
1. La Culture Numérique
1.1 Histoire
1.2 Définition
1.3 Les missions des enseignants
1.4 Les programmes des élèves
1.4.1 Les cycle 3 et 4
1.4.2 La voie professionnelle
1.4.3 La voie générale
1.4.4 La voie technologique
1.4.5 L’évaluation des TIC et de la culture numérique
1.4.6 Dans les écoles du monde
1.5 Le cadre théorique du projet de recherche
2. Hétérodidaxie et Autodidaxie
2.1 L’apprentissage par les enseignants
2.2 L’apprentissage par soi-même
3. Méthode de recueil de données
3.1 Hypothèses de recherche
3.2 Audit auprès des enseignants
3.3 Recueil auprès des élèves
4. Recueil de Données
4.1 Présentation
4.2 Contexte
4.3 Description des activités
4.3.1 Recherche sur le Web
4.3.2 Lecture et écriture 2.0
4.3.3 ENT – Environnement Numérique de Travail
4.4 Analyse du recueil de données
4.4.1 Recherche sur le web
4.4.2 Lecture et écriture 2.0
4.4.3 Environnement Numérique de Travail
5 – Synthèse
5.1 Synthèse du recueil de données
5.1.1 Recherche sur le web
5.1.2 Lecture et écriture 2.0
5.1.3 Environnement Numérique de Travail
5.2 Généralisation
5.3 Application
Conclusion
Bibliographie