La réalisation de ce mémoire de recherche, s’est effectuée non pas sur deux années tel que prévu initialement dans la maquette issue du Livret Pédagogique (proposée par l’ESPE de l’Académie de Nantes en 2017) ; mais sur une seule. Celle de ma deuxième année de master MEEF, Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation du second degré, parcours Histoire- Géographie. En effet, j’ai effectué ma première année sur le site de l’ESPE (École Supérieure du Professorat et de l’Éducation) au Mans. Durant cette année, l’unité d’enseignement « Recherche » n’a pas eu vocation à être un travail préparatoire dans lequel un sujet d’étude aurait été choisi et les recherches concernant le cadre théorique réalisées. Je me suis donc trouvée au dépourvu lorsque pour ma deuxième année j’ai été affectée sur le site de l’ESPE d’Angers à la suite de l’obtention du CAPES et de mon établissement d’affection qui se trouve à Saumur. Il a donc fallu à ce moment commencer de zéro.
L’évaluation : concept et enjeux
La nécéssité de distinguer évaluation et contrôle
Tout d’abord, il convient de rappeler en quoi consiste le concept d’évaluation afin d’en montrer ses spécificités et ses enjeux dans le but de percevoir la place qu’est accordée aux appréciations de l’enseignant à destination des élèves dans cette dernière.
Dans un premier temps, il importe de distinguer évaluation et contrôle, car comme le dit G. DE VECCHI dans son ouvrage paru en 2016, « dans l’enseignement, l’évaluation est souvent confondue avec le contrôle ». En effet, l’évaluation est un concept utilisé en pédagogie et en science de l’éducation depuis les années 1980 qui suscite selon J.P NOSSENT , « de nombreux malentendus » du fait « d’un contenu tellement imprécis qu’il se prête à une pluralité de significations, en fonction des attentes, des rôles et des fonctions qu’on veut lui assigner ». Ainsi, il convient de réintroduire les définitions et divers points de vue des scientifiques et chercheurs sur ces termes afin de dépasser « ce caractère ambigu du terme évaluation ».
Le contrôle : un moyen de sélectionner
Tout d’abord, par « contrôle », il faut comprendre que l’objectif de ce dernier et sa « finalité est la sélection » (G. DE VECCHI). Il s’agit par ce biais de « mesurer le degré de conformité ou l’écart à une norme de référence » (J.P. NOSSENT). De fait, contrôler revient à réaliser comme le dit DE VECCHI, « une comparaison entre les résultats d’un élève et les objectifs du maître ». Il s’agit par ce biais de transmettre et de reproduire. A travers cela, le contrôle est de fait, un instrument « de mesure qui n’est qu’un constat quantitatif ». Ainsi, si la finalité du contrôle est de sélectionner les élèves par le biais d’une série d’épreuves au terme desquelles ils sont classés selon une finalité et des attendus précis, G. DE VECCHI précise que « l’évaluation, ce n’est pas que cela ! ». Le contrôle fait partie de l’évaluation, mais il en est seulement qu’une composante. L’évaluation englobe et dépasse le contrôle en un sens ou elle privilégie le qualitatif sur le quantitatif.
L’évaluation : un moyen de valoriser dans le but de former …
Étymologiquement, si l’on suit la définition qu’en donne le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), esvaluer, au milieu du XIVème siècle, c’est « déterminer la valeur, le prix de quelque chose » . G. DE VECCHI le comprend ainsi comme étant un moyen de « faire apparaitre de la valeur », c’est à-dire valoriser ce que sait faire l’élève et l’encourager à progresser. Ainsi, J.P. NOSSENT nous dit que « l’évaluation vise à identifier la valeur ainsi que la non valeur » dans un but de progrès. « L’évaluation est là pour stimuler et accompagner la construction des savoirs : il faut pousser les individus à user de leur propre intelligence car il faut l’expérimenter pour découvrir son pouvoir ».
C.HADJI, dans son ouvrage Évaluation, les règles du jeu paru en 1990 définit l’évaluation comme tel : « évaluer consiste à mettre en relation des éléments issus d’un observable ou référé et un référent pour produire de l’information éclairante sur l’observable, afin de prendre des décisions. ». Ainsi, il vient par-là, compléter la tentative de définition ci-dessus en ajoutant deux composantes à l’évaluation : celle de référent et de référé. Par référé, F. CAMPANALE, enseignante à l’ancien IUFM de Grenoble, en 2001 nous dit qu’il s’agit de « l’observable », c’est-à-dire, la production de l’élève « constituée par un certain nombre de données concrètes considérées comme représentatives de la réalité que l’on désire évaluer », sa démarche en fonction de la tâche prescrite par l’enseignant. Pour ce qui est du référent, J. ARDOINO et G. BERGER le définissent comme tel : « ce à quoi se rapporte pour devenir intelligible un matériel donné ». Il faut comprendre à travers cette phrase que pour évaluer l’observable (le référé) – ici définit comme le matériel donné – il faut s’appuyer sur le ou les objectifs de l’action, à savoir les compétences visées et les critères prédéfinis.
Au travers de l’évaluation, un message est transmis à l’élève, notamment par le biais d’appréciations sur son travail, sur ce qu’il reste à améliorer et ce sur quoi il convient de progresser. J. CARDINET , fondateur du Service de recherche de l’Institut de recherche et de documentation pédagogique (IRDP), qui a notamment joué un rôle majeur pour les sciences de l’éducation, en particulier le domaine de l’évaluation, souligne dans ses ouvrages publiés dans les années 1980, qu’il « n’est pas possible d’assigner un niveau à un élève car la performance naît de l’interaction avec soit le professeur (en situation de classe) ou l’examinateur (en situation d’évaluation ». Ainsi, l’évaluation, a pour objectif et finalité la progression et la progressivité des acquis des élèves qui au fur et à mesure des « conseils » que l’enseignant peut donner au travers des appréciations, s’améliorent et comprennent ce qui a ou n’a pas fonctionné.
… qui n’est pas toujours perçu comme tel
Pour autant, l’élève ainsi que les parents n’ont pas forcément toujours conscience que l’évaluation a pour vocation à aider et faire progresser les élèves. Cela peut être dû à un « problème de communication », du nom de l’ouvrage dirigé par J. WEISS en 1991 dans lequel plusieurs chercheurs européens ont contribué par leurs réflexions à comprendre la complexité et l’ambiguïté qui peut exister dans la communication entre évaluateurs – ici les enseignants – et évalués – les élèves -. En effet, pour J.F PERRET et M.WIRTHNER qui sont deux des chercheurs ayant contribué à la réflexion et l’ouvrage mentionné ci-avant, les pratiques évaluatives sont un jeu de questions-réponses, dans lequel s’instaure des malentendus entre ce que comprend l’élève (le sens de la question) et les attendus du professeur, ce qui peut engendrer des incompréhensions. De plus, on peut soulever une autre dimension à l’évaluation, qui est celle de « la négociation ». Y. CHEVALLARD, didacticien en mathématiques considère que l’évaluation est perçue comme une transaction durant laquelle l’élève et le professeur vont « négocier » en poursuivant chacun un but précis. P. MERLE, sociologue et enseignant à l’ESPE de Bretagne revient sur cette dimension de la négociation. « Ces formes de négociation sont le produit dû face à face physique qui nuit, nivelle et oppose tout à la fois le maître et l’élève. Cette sorte de symétrie – asymétrique des situations institutionnelles des élèves et des professeurs impose une négociation obligée entre eux. ». Ainsi pour lui, l’évaluation est un enjeu socialement biaisé dans lequel sont mis en place des arrangements évaluatifs plus ou moins implicites entre l’enseignant et ses élèves. Le premier cherchant à tenir sa classe, et les seconds à passer en classe supérieur.
Les fonctions pédagogiques de l’évaluation
En France, ce sont les enseignants qui évaluent les élèves. O.REY, responsable du service Veille et Analyses de l’Institut français de l’éducation (IFE) à l’ENS de Lyon ajoute que ces derniers évaluent « sous les formes prescrites par l’Institution, bien que chaque enseignant ait une certaine forme de liberté ». Il convient donc à présent de voir quels sont les différents outils dont disposent les enseignants afin d’évaluer les élèves. Attention, il faut toutefois noter que l’on n’évalue pas un élève mais « quelque chose de lui » à travers une activité, et ce dans un contexte donné.
« Lorsque l’on parle d’outils d’évaluation, on ne parle que de la note et il y a beaucoup d’amalgames » nous dit C. HADJI. Selon lui, « il y a trois sortes d’outils qui se succèdent dans la démarche d’évaluation : d’abord, l’enseignant déclenche un comportement chez l’élève puis l’observe ; ensuite, il y a la lecture analytique du produit ou de la prestation ; enfin, il y a l’outil de communication, qui ici peut être la note et le bulletin que l’on donne aux parents ». Il s’agira dans un premier temps de traiter de la première étape en analysant les différentes formes que peut prendre l’évaluation en fonction des objectifs ciblés et de l’avancée des apprentissages. Dans un second temps, mon propos sera axé sur la deuxième étape à savoir la lecture analytique qui s’effectue selon des critères précis. Et enfin, la troisième étape, qui est l’outil de communication aux élèves et aux parents fera l’objet de mon II et III.
Les différentes formes d’évaluations
O.REY distingue deux grands types d’évaluation à l’école « l’évaluation des apprentissages, que l’on peut appeler « sommative » ; et l’évaluation pour les apprentissages « formative » ».
Tout d’abord, l’évaluation formative. Pour P. MEIRIEU, « c’est simplement le fait de prendre le pouls des élèves ». En effet, il résume à travers cette phrase toute l’essence de cette évaluation. Cette dernière intervient pendant la phase d’apprentissage qui a lieu durant les séquences d’enseignement. G.DE VECCI nous dit « elle s’intègre pleinement dans le processus d’apprentissage car elle aide chaque élève à apprendre et à progresser. Les « erreurs » apparaissant dans les activités de résolution d’un problème sont considérées comme des indicateurs et non comme des faiblesses ». C.HADJI dit « l’évaluation formative sert à faciliter les apprentissages, à aider les élèves en permettant par exemple d’obtenir des informations sur ce qu’ils savent et surtout ne savent pas. L’évaluation est ici informative ». Ainsi, cette forme d’évaluation est utile à l’élève dans un sens ou cela l’aide à comprendre où se trouvent ses difficultés afin de pouvoir y remédier. Mais elle est également utile à l’enseignant qui peut ajuster son enseignement et individualiser les parcours des élèves afin d’éviter l’échec. Ainsi, cette évaluation formative que l’on retrouve et utilise en cours d’apprentissage doit permettre à l’enseignant de répondre à la question : L’élève est-il en voie d’atteindre l’objectif P. PERRENOUD , en 1991, à propos de cette forme d’évaluation nous dit « l’idée d’évaluation formative a un certain sens même dans le cadre d’un enseignement frontal totalement indifférencié. Un professeur d’université qui s’adresse à plusieurs centaines d’étudiants, têtes anonymes dans un immense auditoire, peut pratiquer un part d’évaluation formative s’il prend la peine d’ajuster le contenu et le rythme de son enseignement aux réactions ou aux acquis partiels de son public ». De fait, à chaque fois que cette évaluation est utilisée, G.DE VECCHI nous dit « qu’elle doit déboucher sur un remédiation et une différenciation » afin que les élèves puissent atteindre l’objectif final. Ainsi « elle est construite sur une pédagogie de la réussite et d’une valorisation du travail des élèves ».
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE THÉORIQUE
I. L’ÉVALUATION : CONCEPT ET ENJEUX
A. La nécéssité de distinguer évaluation et contrôle
a. Le contrôle : un moyen de sélectionner
b. l’évaluation : un moyen de valoriser dans le but de former
c. qui n’est pas toujours perçu comme tel
B. Les fonctions pédagogiques de l’évaluation
a. Les différentes formes d’évaluation
b. Les critères d’évaluation
> La grille d’évaluation
> Les échelles descriptives
II. LA NOTE : UN OUTIL DE COMMUNICATION ANCRE DANS L’IMAGINAIRE COLLECTIF QUI SOULEVE DE NOMBREUSES QUESTIONS
A. Quelle signification pour la notation scolaire ?
a. Du point de vue institutionnel
> Définition
> Historique
> Ce qu’en disent les textes du ministère aujourd’hui
b. Différences de perception entre enseignants, élèves et parents
> Chez les enseignants : une pratique rébarbative
> Chez les élèves : une finalité, non un moyen de progression
> Chez les parents : une source de tensions et de jugement ?
B. Les problèmes posés par la note aujourd’hui
a. « Les effets potentiellement négatifs de la note sur les élèves »
> La note induit un classement, une hiérarchie, une compétition
> L’importance du regard que l’enseignant porte sur ses élèves : l’Effet Pygmalion
> La note parasite les apprentissages
b.Un outil de communication qui renseigne mal les élèves et les parents
> Un outil non fiable car dépendant de plusieurs facteurs
> « Un mauvais indicateur des progrès et des efforts des élèves »
III. L’APPRECIATION : « UNE BONNE INTENTION PARFOIS MAL MAITRISEE »
A. Les appréciations comme levier des apprentissages auprès des élèves
a. Distinguer correction, appréciations et annotations
b. Un outil au service des élèves, à la recherche de la progression et des apprentissages
B. Un outil mal approprié par les élèves
a. D’un point de vue technique
> Une difficulté de lecture et de compréhension
> Des difficultés liées à une surabondance
b. Une « grande » place accordée à l’erreur
DEUXIEME PARTIE : PROTOCOLE DE RECHERCHE ET DISPOSITIFS MIS EN PLACE POUR L’EXPERIMENTATION EN CLASSE
I. METHODOLOGIE DE MA RECHERCHE
A. Méthodologie initiale
B. Protocole de recherche
a. De quoi s’agit-il ? Comment le construire pour être efficace ?
b. La conception de mon protocole de recherche
II. DISPOSITIFS / OUTILS
A. L’observation
a. De quoi s’agit-il ?
b. A quel moment elle intervient ?
B. Le « recueil d’impression »
C. Le questionnaire d’enquête
a. De quoi s’agit-il ? Quel intérêt ?
b. La conception du questionnaire
III. LIMITES
TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES RECUEILLIES PENDANT ET APRES LES DIFFERENTES PHASES DE MON PROTOCOLE DE RECHERCHE
I. PHASE 1 : DES COMPORTEMENTS DIFFERENTS FACE A LA REMISE TARDIVE DES COPIES
A. Une distinction de niveau
B. Une distinction selon le genre au sein d’une même classe
C. Des copies qui paraissent nécéssaires à l’approche d’un futur devoir
II. PHASE 2 : DES APPRECIATIONS COMME JUSTIFICATION DE LA NOTE ?
A. Une appréciation pour comprendre ses points forts et points faibles
B. Une appréciation comme reconnaissance du travail fourni
C. La grille d’évaluation, une plus-value pour les élèves ?
III. PHASE 3 : UNE NOTE QUI RESTE INDISPENSABLE MALGRE DES APPRECIATIONS ET UNE GRILLE D’EVALUATION ?
A. Des élèves mis à mal dans leurs habitudes
B. Des appréciations qui permettent aux élèves de s’auto-noter ?
IV. PHASE 4 : QUEL BILAN ?
A. Lien entretenu par les élèves avec l’évaluation et son vocabulaire
B. Quelle place pour l’appréciation ?
C. Quel rapport de force (ou pas) entre note et appréciation ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE