L’application de l’enseignement contextualisé aux sciences médicales

L’enseignement contextualisé

Apprendre se définit dans le Petit Robert comme le fait d’ « acquérir un ensemble de connaissances par un travail intellectuel ou par l’expérience ».
Dans Le Larousse, l’apprentissage est défini comme « un ensemble de processus de mémorisation mis en œuvre par l’animal ou par l’homme pour élaborer ou modifier les schèmes comportementaux spécifiques sous l’influence de son environnement et de son expérience ».
L’expérience dans ses deux définitions prend une dimension importante lorsque l’on sait que, sans elle, dans certaines situations, l’apprentissage est impossible ; on ne peut pas apprendre à faire du vélo si on ne monte pas dessus pour l’expérimenter.
C’est à partir de cette notion d’expérimentation nécessaire à l’apprentissage que l’on peut essayer d’expliciter l’enseignement contextualisé.

Définition

L’enseignement contextualisé fait référence à tout contexte d’apprentissage permettant à l’étudiant de mobiliser ces connaissances théoriques et de les mettre en application, c’est-à-dire de les expérimenter dans leur contexte. Cette « contextualisation » des connaissances, comme stratégie d’enseignement et d’apprentissage, semble contribuer à un transfert efficace des connaissances de l’enseignant à l’apprenant (1), par une meilleure mémorisation et intégration des notions théoriques.

Bref historique

Les sciences cognitives, dont les neurosciences et la psychologie cognitive, ont permis, dès 1956, à partir d’un travail effectué sur le thème de « la mise en œuvre de l’intelligence artificielle », une connaissance plus grande des « mécanismes cérébraux » et ont ainsi mis en exergue le processus cérébral de traitement de l’information et de sa mémorisation.
C’est à partir de ces connaissances que vont s’élaborer progressivement les méthodes d’apprentissage contemporaines, notamment par le modèle « socioconstructiviste », qui, nourri des apports de la psychologie cognitive et enrichi d’une dimension sociale, domine la réflexion pédagogique depuis une vingtaine d’années (2). L’enseignement contextualisé, basé sur ce modèle, sera rendu populaire dans le monde francophone par l’Université de Sherbrook au Québec dès la fin du XXème siècle.

Principes

La mémoire

Tout apprentissage demande un effort de mémorisation. Les neurosciences ont permis de distinguer deux grands types de mémoire :
– La mémoire à court terme ou mémoire de travail. On pourrait la comparer avec la mémoire vive d’un ordinateur ; elle stocke temporairement un ensemble limité de données pour les traiter. Elle est la voie de passage obligatoire entre le monde extérieur et la mémoire à long terme
– La mémoire à long terme est une mémoire de stockage de données ; elle contient en elle-même une série de mémoires différentes qui sont les mémoires sensorielles (relatives à nos sens : le goût, l’odorat, l’olfaction,..), la mémoire affective (plus un évènement est émotionnel, mieux il est mémorisé), la mémoire non déclarative et la mémoire déclarative, sur lesquelles nous reviendrons.

L’apprentissage

L’apprentissage est une acte individuel, actif, constructif, cumulatif (2).
Pour acquérir de nouveaux éléments (un geste, une nouvelle information), l’apprenant va utiliser ses différentes mémoires pour :
– traiter la nouvelle information et lui donner un sens
– modifier la structure de ses connaissances pour y intégrer la nouvelle information en l’ajustant aux connaissances antérieures
Cette opération est progressive et s’accompagne toujours d’un processus de sélection : « apprendre c’est éliminer » (3).
Mais l’apprentissage semble être bien plus complexe que cela ; d’autres éléments interviennent dans le processus d’intégration, notamment, et de façon reconnue aujourd’hui :
– la mémoire affective qui augmente l’imprégnation du souvenir
– le contexte dans lequel se manifeste le processus d’apprentissage (2).
C’est sur ce dernier point que va se baser l’enseignement contextualisé.

L’application de l’enseignement contextualisé aux sciences médicales

Pourquoi ?

Dans les études médicales, l’acquisition de l’autonomie est un objectif principal (4) ; l’étudiant en sciences médicales, incapable de faire un diagnostic, restera les bras ballants et s’en réfèrera à un collègue ou à son supérieur.
Par ailleurs, les enseignants sont souvent surpris et déroutés devant un étudiant, pourtant bon et bien noté en connaissances théoriques, ne sachant pas ou peu les utiliser devant un problème nouveau (2).
C’est pour ces deux raisons que l’enseignement contextualisé est indiqué : une appropriation par l’étudiant des connaissances transmises par l’enseignant et l’acquisition de l’autonomie de l’étudiant en sciences médicales par l’expérimentation répétitive du raisonnement clinique.

Comment ?

Différents contextes peuvent se prêter à l’enseignement contextualisé :
– La formation en milieu de stage: l’étudiant est en relation directe avec des situations réelles dans lesquelles il n’a pas droit à l’erreur ; ses marges d’exercice autonome sont alors très restreintes. Il est ceci dit reconnu que si le stage est bien organisé et l’étudiant bien encadré, les progrès effectués par ce dernier sont significatifs.
– Les travaux pratiques: ils correspondent à l’illustration d’un cours théorique, sont souvent utilisés pour la démonstration et l’acquisition d’un geste. Ils peuvent également être utilisés pour stimuler la réflexion stratégique de l’étudiant, lorsqu’ils sont placés avant le cours qu’ils sont censés illustrer.
– Les enseignements dirigés : ils permettent l’analyse et la compréhension de problèmes donnés, engagent la réflexion stratégique, motivent l’étudiant dans son processus d’apprentissage, car ils le placent pour cela dans un contexte, une situation fictive où il a, par ailleurs, droit à l’erreur (or l’erreur n’est-elle pas source d’apprentissage ?).
L’enseignement contextualisé entre dans ce registre, et particulièrement deux méthodes qui font le palmarès actuel de l’enseignement des sciences médicales :
– L’apprentissage par compréhension de situation (CS)
– L’apprentissage par raisonnement clinique (ARC)
Le sujet de ce mémoire se limitera pour l’enseignement contextualisé à ces deux dernières méthodes.

Concepts

Il est généralement admis que l’enseignement théorique doit nécessairement précéder l’enseignement pratique, ce qui n’est pas forcément le cas dans l’enseignement contextualisé qui suscite la curiosité de l’étudiant, le motive pour aller chercher l’information et mettre en place ainsi son propre « programme » d’apprentissage.
L’enseignement médical en France consacre des années aux enseignements fondamentaux, les faisant suivre de 2 ou 3 ans les enseignements cliniques. Dans la pratique, le fameux socle de connaissances scientifique s’est désagrégé lorsque les étudiants arrivent enfin à la clinique.
En revanche si, pour un sujet donné on fait un enseignement d’anatomie en 1 ère semaine et celui de physiologie en 2 ème semaine, l’étudiant abordera, mieux armé, les enseignements cliniques.
A l’enseignant de faciliter le transfert des connaissances et de guider l’étudiant par le biais d’un enseignement dirigé.

Application de l’enseignement contextualisé aux études de sages-femmes

Les études de sage-femme

Bien que la profession de sage-femme n’intéresse que les états physiologiques, elle comprend le rôle important du dépistage et du diagnostic de la pathologie au cours de la surveillance de la grossesse, du travail, de la pratique de l’accouchement et de la surveillance des suites de couche aussi bien pour la mère que pour le fœtus ou le nouveau-né. Aussi le programme des études de sage-femme comporte-t-il également l’enseignement du raisonnement clinique (10).
A l’heure actuelle, les études de sage-femme sont en remaniement ; la licence maïeutique vient d’être créée et le master en cours de création. Pour plus de clarté dans la suite de ce mémoire, nous nous astreindrons à diviser le processus de ces études en deux catégories :
– l’apprentissage de la physiologie pour les étudiants de L2 et L3* ; la L1 correspondant à la première année de médecine (L1)
– l’apprentissage de la pathologie pour les étudiants de 4 ème et 5 ème année.

Modalités d’application de l’enseignement contextualisé selon le niveau des étudiants 

Les étudiants de L2 et L3 

Les étudiants de L2 sortent d’une année pleine d’enseignement purement théorique et n’ont pas encore été confrontés au milieu médical (l’hôpital, les patients, les différents services) ; aussi leur corpus de connaissances est-il assez limité en matière d’obstétrique. La méthode de l’ACS est indiquée dans leur cas, notamment avec des situations physiologiques.
Les étudiants en L3 sortent d’une année d’enseignement théorique, de stages médicaux (en service de pathologie générale et en service d’obstétrique : maternité et salle d’accouchement). Leurs connaissances en obstétrique sont déjà plus élaborées et bien qu’ils n’aient encore aucunement abordé les situations pathologiques, en fin d’année, grâce aux stages, ils sont à même de distinguer certains cas de pathologie (mais restent encore très malhabiles quant au dépistage et au diagnostic).
La méthode de l’ACS est également indiquée pour ces étudiants et les situations évoquant des pathologies simples peuvent déjà être abordées. En fin d’année, il peut leur être proposé des ARC lorsque la pathologie est simple.

Les étudiants de 4 ème et 5 ème année

A ces étudiants nous proposerons de préférence des situations d’ARC avec différents niveaux de difficulté (11).

Résultats de la mise en application d’une situation clinique à l’école de sagesfemmes de Papeete selon la méthode d’Apprentissage par Compréhension de Situation (ACS)

Deux séances ont été planifiées avec les étudiants de L3 ; nous rappelons que ces étudiants n’ont pas encore abordé la pathologie obstétricale mais ont eu des cours magistraux sur la pathologie générale et ont déjà été confrontés au cours de leurs stages à des situations pathologiques.
Ils étaient au nombre de huit.
Lors de cette mise en application, ils terminaient l’année scolaire et entraient en période de révision pour les examens de passage en 1 ère année phase 2.

Discussion

Les objectifs de l’étude (rappel)

Notre objectif principal était de créer un outil pour les enseignants en obstétrique sous forme de recueil de situations cliniques.
L’objectif secondaire était l’application de l’enseignement contextualisé en école de sages-femmes, avec comme hypothèses de départ :
– l’amélioration du transfert des connaissances de l’enseignant à l’apprenant.
– l’amélioration de l’utilisation des connaissances théoriques en situation pratique par l’étudiant.
– l’acquisition rapide de l’autonomie en matière de réflexion stratégique clinique.

La méthode

Nous avons pris le soin avant tout de définir les objectifs pédagogiques ainsi que les compétences visées, le but étant de ne pas nous perdre dans une matrice d’enseignement trop disparate.
La multitude d’éléments à prendre en compte pour la réalisation de la matrice d’enseignement n’a pas rendu cette opération simple; or, il était important d’avoir une matrice d’enseignement cohérente, car d’elle découlait la définition des situations à rédiger.
La rédaction des situations se voulait fluide, simple, claire, détaillée et agréable pour l’étudiant ; ce qui l’a rendu fastidieuse et longue. Leurs relectures se sont donc avérées absolument nécessaires.
La mise en application d’une situation à l’école de sages-femmes de Papeete et son évaluation avait pour principal but d’appréhender les objectifs de l’étude.

Les résultats

Les objectifs et compétences visées

Les objectifs retenus et compétences sont appropriés à l’enseignement prévu car au regard de la matrice d’enseignement chacun d’eux est visé par l’une ou l’autre situation. En effet, la physiologie et la pathologie seront abordées dans chaque période de la maternité : grossesse, travail, accouchement et suites de couches. La réflexion stratégique clinique sera amplement stimulée (en regard de la situation-type n° 1 des compétences : conduire une consultation prénatale).

La matrice d’enseignement

Elle obéit aux objectifs retenus et compétences visées ; elle reste cependant généralement axée sur la pathologie et la période de la grossesse, ce qui restreint quelque peu le choix des situations, notamment en ce qui concerne l’accouchement et les suites de couches. Par ailleurs, une seule situation évoque le fœtus, et deux le nouveau-né ; ce qui est peu.

Les situations cliniques

Elles découlent de la matrice d’enseignement et ont donc la même répartition.
Les commentaires des relecteurs nous ont permis de vérifier le fait que chaque situation se doit d’être simple, complète et réaliste (comme décrit précédemment) et que surtout elle doit devenir un modèle mental pour l’étudiant sur lequel il pourra à nouveau se pencher lorsqu’une situation similaire se présentera à lui.

La mise en application d’une situation en ACS auprès des étudiants de L2 à l’école de sages-femmes de Papeete et son évaluation

Le déroulement des séances

L’ambiance était détendue et les étudiants disponibles ; ce qui a grandement facilité les échanges. Le rôle de l’enseignant a surtout été de faciliter la progression dans les étapes et de gérer le temps.
L’essentiel du travail a été effectué par les étudiants au travers de discussions, réalisations de schémas au tableau et synthèses.
Le niveau de difficulté était bas pour eux, car ils avaient déjà eu des cours magistraux sur l’anémie en pathologie générale ; mais cela leur a permis de réviser toute l’hématologie et d’apprendre des éléments nouveaux quant à l’anémie associée à la grossesse.
Le point négatif était du fait de l’enseignant qui était quelque peu «stressé » par le temps imparti (1heure seulement, alors que deux sont prévues) et qu’une impression de survol restait après chaque étape.

L’évaluation par les étudiants

La réponse qui atteint le meilleur score est celle concernant l’atteinte des objectifs (7,46/10), pourtant la moitié des étudiants seulement l’ont jugé efficace.
La réponse qui atteint le score le plus bas (4,78/10) est celle concernant le désir de voir ce type d’enseignement s’étendre jusqu’à 50% de l’enseignement général. Trois étudiants préfèrent les cours classiques, magistraux.
Ces résultats sont malheureusement ininterprétables. Ils peuvent être jugés positifs tout comme négatifs.
La pertinence des questionnaires serait à revoir probablement.
Une seule évaluation par huit étudiants n’est certainement pas suffisante.
Il est à noter que les étudiants n’ont pas été formés à ce type d’enseignement.

L’évaluation par l’enseignant

L’enseignant a jugé le niveau de l’enseignement difficile et ces objectifs à moitié atteints seulement (5,5/10).
L’enseignant non plus n’avait pas été formé à ce type d’enseignement, bien qu’il en connaisse parfaitement les ficelles théoriques.
Le manque d’expérience en la matière est certainement une des principales causes de ce semi échec.

Perspectives

De nombreuses études ayant démontré l’efficacité de l’enseignement contextualisé en médecine, nous continuons à penser sans réserve qu’il est parfaitement adapté à l’apprentissage du métier de sage-femme, étant donné qu’il concerne avant tout le raisonnement clinique. Cependant, il requiert d’unepart, une préparation minutieuse (comme le montre cette étude) et d’autre part, une formation préparatoire des enseignants.
Cette étude nous donne l’élan et le désir de mettre en application ces méthodes d’apprentissage à l’école de sages-femmes de Papeete durant l’année scolaire 2012 – 2013.
Nous aurons auparavant pris soin de préparer une grille d’évaluation de cet enseignement, afin d’en corriger progressivement les imperfections et de trouver le « ton »juste pour les situations.
Ainsi à terme, nous espérons arriver à utiliser de façon optimale les principes de l’enseignement contextualisé, dans un cadre de petites promotions, où la sage-femme enseignante, naviguant entre les situations rédigées d’une part et les « cas » cliniques rencontrés dans les services d’autre part assureront une bonne part de la formation médicale sous forme d’enseignement contextualisé.

CONCLUSION

L’objectif principal de notre étude a été atteint, à savoir que les enseignants en obstétrique trouveront en annexes 15 situations cliniques prêtes à être utilisées en enseignement contextualisé.
L’objectif secondaire n’a été que partiellement atteint ; une mise en application a été réalisée en école de sages-femmes et évaluée, mais elle n’a pas permis de tester correctement et de vérifier une amélioration du transfert des connaissances, l’acquisition de l’aptitude à utiliser ces connaissances théoriques en situation clinique, l’acquisition d’une autonomie de réflexion clinique.
D’une part, la méthode d’évaluation n’était certainement pas assez pertinente, d’autre part, le contenu des séances aurait été plus profitable au transfert des connaissances s’il s’était uniquement concentré sur l’association « anémie et grossesse ».

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
1. L’enseignement contextualisé
1.1. Définition
1.2. Bref historique
1.3. Principes
1.3.1.La mémoire
1.3.2.L’apprentissage
1.4. L’application de l’enseignement contextualisé aux sciences médicales
1.4.1.Pourquoi ?
1.4.2.Comment ?
1.4.3.Concepts
1.5. Les méthodes d’apprentissage
1.5.1.L’apprentissage par compréhension de situation (ACS)
1.5.2.L’apprentissage par raisonnement clinique (ARC)
2. Application de l’enseignement contextualisé aux études de sages-femmes
2.1. Les études de sage-femme
2.2. Modalités d’application de l’enseignement contextualisé selon le niveau des étudiants
2.2.1.Les étudiants de L2 et L3
2.2.2.Les étudiants de 4 ème et 5 ème année
3. Méthode
3.1. Les objectifs et compétences attendues
3.2. Réalisation d’une matrice d’enseignement
3.3. Rédaction et validation des situations
3.4. Mise en application d’une situation à l’école de sages-femmes de Papeete, et évaluation
4. Résultats
4.1. les objectifs et compétences attendues
4.1.1.Les objectifs
4.1.2.Les compétences attendues
4.2. Matrice d’enseignement
4.3. Les situations validées
4.3.1.Tableau de répartition des situations selonleurs indications
4.4. Résultats de la mise en application d’une situationclinique à l’école de sages-femmes de Papeete
4.4.1.L’enseignement
4.4.2.Résultats de l’évaluation de l’enseignementpar les étudiants
4.4.3.L’évaluation par l’enseignant
5. Discussion
5.1. Les objectifs de l’étude (rappel)
5.2. La méthode
5.3. Les résultats
5.3.1.Les objectifs et compétences visées
5.3.2.La matrice d’enseignement
5.3.3.Les situations cliniques
5.3.4.La mise en application d’une situation en A CS à l’école de sagesfemmes de Papeete et son évaluation
6. Perspectives
CONCLUSION

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