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Accumulation de capital et industrialisation : clés de la croissance économique
La logique de l’aide est passée d’une approche quantitative à une approche qualitative. Dans les années 50, les sources de la croissance économique résident dans l’accumulation de capital et l’industrialisation. Selon la théorie de Roseinstein Rodan, Rostow et Lewis2, qui s’inscrit dans le cadre d’une approche quantitative, seul un apport massif de capital dans des secteurs lourds pouvait engendrer la croissance. Les problèmes financiers et humains qui handicapent les pays en développement se résoudraient ainsi grâce à des apports massifs de capitaux extérieurs lesquels leur permettent de brûler les étapes de la croissance3 et construction d’infrastructures lourdes (routes, aéroports, centrales électriques, etc.) et à la mise en place d’industries de base (extraction minière, métallurgique, etc.), censées avoir des effets d’entraînement sur les autres secteurs de l’économie (Brunel, 1995). Toutefois, malgré l’émergence de l’industrialisation fondée sur la substitution des importations et la valorisation des matières premières durant cette période, Hirschman (1964) émet des doutes quant à la possibilité de développement de l’économie au moyen d’investissements massifs et simultanés étrangers dans tous les secteurs sans aucune qualification des populations.
Autrement dit, dans la mesure où le nombre des personnes qualifiées est moindre, l’impact des capitaux étrangers sur la croissance économique est faible (Nafiou, 2009).
Réallocation sectorielle de l’aide
Force est de constater que les tentatives d’industrialisation des PED ont abouti à un échec. Autour des années 60, on observe que les inégalités se creusent de même que le cœur du problème des pays en développement concerne l’insatisfaction des besoins fondamentaux des pauvres dont la sonnette d’alarme était la grande famine survenue au Sahel au début des années 70 (Brunel, 1995). Dès lors, l’approche quantitative fait place à l’approche qualitative. Il apparait ainsi une grande évolution dans la politique d’aide. En fait, les bailleurs de fonds changèrent leur vision de l’aide, notamment la perception du secteur agricole. Par conséquent, les programmes d’aide se basaient sur le développement rural. Ceux-ci coordonnent une variété d’activités économiques et sociales tout en impliquant à la fois des ministères, des autorités régionales et locales, des bailleurs de fonds et des experts étrangers (Nafiou, 2009). Le monde agricole est désormais perçu comme le lieu de combat de la lutte contre la pauvreté. Johnston et Mellor (1961) soulignent également que « la modernisation doit se fonder sur le secteur agricole » (Blaise, 2004, p.9). Dans ce contexte, la priorité est accordée aux secteurs dont les populations pauvres sont concernées directement tels que les secteurs sociaux.
Endettement excessif des pays pauvres et ajustement structurel
La décennie 1980 est marquée par l’explosion de la dette des pays en développement. Déclenché par le défaut de paiement du Mexique en 1982, l’endettement prend une ampleur internationale menant à une crise du système financier international (Dembinski, 1989).
Suite à l’afflux de capitaux étrangers, les dettes des PED deviennent insoutenables et ceux-ci ont beaucoup de mal à honorer leur service de la dette lequel consomme d’importants volumes de devises que les pays concernés n’arrivent plus à réunir. Par conséquent, ceux-ci rencontrent une grande difficulté au niveau de leur balance de paiement auquel s’ajoutent les déséquilibres budgétaires.
Cette crise de la dette va modifier ainsi l’environnement de l’aide. En effet, soucieux d’améliorer la situation comptable du pays emprunteur, d’augmenter sa capacité à attirer les investisseurs étrangers et plus encore, de garantir le paiement du service de la dette, les pays donneurs accorderont plus d’importance à la stabilité et à l’équilibre macroéconomique. C’est dans cette optique que le Consensus de Washington a été mis sur pied. Celui-ci accorde une importance particulière à trois points essentiels dont l’allègement de la dette selon des recommandations stratégiques plus strictes, l’encouragement des pays à procéder à un ajustement structurel et la recherche des moyens pour limiter le rôle de l’Etat et des entreprises publiques (Kaberuka , 2011). Les PED ne bénéficient des ressources des bailleurs de fonds qu’en s’engageant à adopter un PAS. Dans ce nouveau concept, le marché occupe une place prépondérante tandis que le rôle de l’Etat est réduit au respect du bon fonctionnement de celui-ci.
La lutte contre la pauvreté redevient une priorité
L’adoption des PAS se révèle être un échec dans les PED. Leur situation s’est empirée et le niveau de vie de certains pays s’est dégradé, la croissance espérée n’a pas eu lieu (Nafiou, 2009). De sorte que suite aux nombreux échecs de ces politiques, les stratégies de lutte contre la pauvreté ont été révisées. Les thèmes majeurs pendant la décennie 1990 reposaient ainsi sur la lutte contre la pauvreté, la bonne gouvernance ainsi que la protection de l’environnement.
De nouvelles initiatives ont émergé à la fin des années 90 dont les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (D.S.R.P.), dans lesquels les pays en développement conçoivent leurs programmes de lutte contre la pauvreté (Cling, Razafindrakoto et Roubeaud, 2003). L’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) est également engagée par la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), en 1996, dans le but d’alléger le fardeau de la dette d’une quarantaine de pays les plus pauvres.
En 2000, les OMD des Nations Unies, que 191 pays se sont engagés à soutenir marquent l’émergence d’un nouveau consensus fondé sur l’évolution sociale de l’aide. En effet, quand bien même l’objectif principal est de réduire de moitié la pauvreté dans le monde en 2015, les OMD insistent également sur la satisfaction des besoins de base (éducation, santé) ainsi que sur la nécessaire mise en œuvre des stratégies de développement durable, à travers un partenariat global pour le développement. Révélateur de cette évolution, le concept même de pauvreté se modifie, pour passer de la simple notion de revenu à celle, plus générale, de « qualité de vie », en considérant la scolarisation, la santé, et plus récemment la vulnérabilité, ainsi que le manque de pouvoir et d’expression.
La pratique de la conditionnalité continue et s’appréhende autrement en termes de sélectivité (Blaise, 2004). En effet, seuls les pays ayant mis en place de bonnes politiques économiques bénéficieront des aides.
Généralités sur l’APD
L’APD représente les apports financiers en faveur du développement économique des pays en développement. Dans ce contexte, il importe de dresser les contours de l’APD dont cette partie fera l’objet.
Définition et objectifs de l’aide
Pour mieux appréhender le mécanisme de l’aide, il est important de le définir de même que de faire part des objectifs qui lui sont attribuée.
Définition de l’APD
De manière générale, l’APD traduit l’ensemble des efforts consentis par les pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) afin de favoriser le développement dans les pays moins avancés (PMA) et dans les pays à revenu intermédiaire (PRI), conformément aux règles du Comité d’aide au développement(CAD) 4 de l’OCDE.
L’APD peut être définie comme l’ensemble des dons et des prêts à conditions très favorables accordés par des organismes publics aux pays figurant sur la liste des bénéficiaires du CAD de l’OCDE.
Plus précisément,
Selon l’OCDE, « L’aide publique au développement est définie comme le montant net des dons et prêts accordés par des organismes publics aux pays et aux territoires figurant sur la liste des bénéficiaires du CAD de l’OCDE, à des conditions de faveur. Outre les apports financiers, l’aide englobe la coopération technique. »
Pour le CAD, l’APD se définit comme l’ensemble des apports de ressources qui sont fournies aux pays en développement et aux institutions multilatérales qui répondent aux critères suivants :
Provenir d’organismes publics y compris les Etats et les autorités locales ou de leurs agences d’exécution ou d’organismes agissant pour le compte d’organismes publics ;
Etre acheminée vers des pays ou territoires en développement ou à défaut à une institution multilatérale qui sera chargée d’acheminer cette aide vers de tels pays en leur octroyant des prêts à des conditions très préférentielles ;
Avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des populations dans les pays bénéficiaires ;
Comporter un élément de libéralité (élément dont) d’au moins 25%. l’élément don a été revu au taux de 35%)5.
L’APD représente également l’ensemble des financements alloués à des programmes de coopération technique, d’aide projet ou sectorielle, d’aide humanitaire, de remise de dette ou encore de soutien macroéconomique à des institutions internationales, apportés par les pays membres de l’OCDE (Olivier, 2004).
L’APD revêt deux formes dont l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. L’aide bilatérale concerne l’aide apportée par des Etats à d’autres Etats. Elle émane des pays industrialisés dont la majorité est membre du CAD6. Pendant longtemps, l’aide allouée par les pays riches se dirigeait particulièrement vers leurs « alliés » jusqu’à ce que le CAD établisse la liste limitative des pays vers lesquels l’aide peut être considérée comme APD (Olivier, 2004). S’agissant de la répartition de l’APD, les deux tiers prennent la forme de transferts bilatéraux. Ces fonds sont régulièrement gérés par les organismes d’aide à l’instar de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’Overseas Development Administration (ODA) britannique, etc.
L’aide multilatérale, quant à elle, constitue les apports transitant par les institutions financières internationales ainsi que les organisations multilatérales de coopération au développement. Dans ce cas, l’Etat donateur verse des ressources à des organismes internationaux rattachés à l’ONU, qui sont par la suite chargés de les allouer aux pays bénéficiaires en vue de promouvoir le développement de ceux-ci. Parmi les donateurs multilatéraux, on peut citer les banques régionales de développement, le PNUD, l’UNICEF, le PAM, etc. Il est à noter que l’aide multilatérale représente environ un tiers de l’APD totale et entre 2000 et 2009, l’APD multilatérale est passée de 26,6% milliards USD à 36,2% milliards USD (OCDE, 2011). Toutefois, l’aide multilatérale a tendance à se concentrer sur des groupes d’organismes multilatéraux7 dont le FED, l’IDA, le Fonds Mondial, etc. et laissant ainsi pour compte les autres organisations multilatérales8 (plus de 200) qui œuvrent dans les domaines de l’assistance technique ou de la définition de normes et standards (OCDE, 2011).
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 L’AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT(APD) ET LES DEBATS SUR SON EFFICACITE
Chapitre 1 : L’APD : principales ressources fournies aux pays en développement
Section 1 : Contexte historique de l’aide
1. Plan Marshall à l’aide internationale
2.Evolution des paradigmes de l’aide
2.1Accumulation de capital et industrialisation : clés de la croissance économique
2.2Réallocation sectorielle de l’aide
2.3Endettement excessif des pays pauvres et ajustement structurel
2.4La lutte contre la pauvreté redevient une priorité
Section 2 : Généralités sur l’APD
1.Définition et objectifs de l’aide
1.1Définition de l’APD
1.2Les objectifs de l’aide
2.Les principaux instruments de l’aide en tant que dons
2.1L’aide projet
2.2L’aide programme
2.3La coopération technique
2.4La remise de dette
3.Les parties prenantes à l’APD
3.1Les pays contributeurs et les montants en jeu
3.2La classification des pays bénéficiaires de l’APD
Chapitre 2 : L’aide, une efficacité controversée
Section 1 : Les grandes tendances de l’APD
1.Evolution des flux de l’aide
1.1La reprise des financements motivée par les OMD
1.2Les principaux chiffres de l’aide en 2012
1.3Les effets de l’APD
2.Les secteurs prioritaires
2.1Les axes prioritaires selon les pays membres du CAD
2.2Les critiques portées à l’encontre des priorités des donateurs
3.L’aide liée, une pratique prisée par les pays de l’OCDE
3.1L’aide bilatérale et l’aide multilatérale liées
3.2Justification du caractère lié de l’aide
3.3Impacts de l’aide liée sur les pays bénéficiaires
3.4Les efforts de déliement de l’aide
Section 2 : Une efficacité conditionnée par plusieurs critères
1.Rôle clé de la politique économique
1.1Une efficacité fondée sur des politiques économiques de qualité
1.2Le principe de sélectivité des pays donneurs
2.Réaction à l’égard de la thèse de Burnside et Dollar
2.1La capacité d’absorption de l’aide
2.2Vulnérabilité aux chocs internes
2.3L’efficacité de l’aide repose sur l’instabilité socio-politique
3.Revue de littérature sur l’efficacité de l’aide
PARTIE 2 LES CONSTATS DES IMPACTS DE L’AIDE DANS LES PAYS BENEFICIAIRES
Chapitre 1 : Bien utilisée, l’aide peut favoriser le développement : cas du Taïwan
Section 1 : Des apports massifs extérieurs, condition nécessaire au démarrage
1.Situation du pays
1.1Des conquêtes à l’aide
1.2Contexte actuel du pays
2.Etat des lieux de l’aide dans les années 1950 et 1960
Section 2 : Les impacts de l’aide dans le pays
1.Une croissance spectaculaire
1.1L’agriculture aux prémices de cette croissance
1.2Effet d’entrainement
1.3L’aide a préservé le Taiwan de la contrainte externe
2.Discussions sur l’efficacité de l’aide
2.1Une forte capacité d’absorption
2.2Une forte présence du pays donateur
2.3Le Taiwan en tant que pays donateur
Chapitre 2 : Une efficacité en dessous des résultats escomptés : Cas de Burkina Faso
Section 1 : Environnement de l’aide dans le pays
1.Evolution de l’APD au Burkina Faso
1.1Vue d’ensemble de l’économie du pays
1.2Les tendances de l’aide pour le développement
2.Impacts de l’aide
2.1De modestes impacts sur la croissance
2.2Bilan satisfaisant dans certains secteurs
Section 2 : Discussions sur les effets de l’aide
1.Les maux de la mauvaise gouvernance
1.1La corruption réduit l’efficacité de l’aide
1.2Incapacités des ressources humaines à concevoir de bonnes politiques
1.3Les difficultés au niveau de la gestion de l’aide
2.Défaillances des politiques entreprises
2.1Les résultats lamentables des PAS et du CSLP
2.2L’endettement excessif du pays
Chapitre 3 : Analyse des impacts de l’aide dans les deux pays concernés
Section 1 : Relation entre l’aide, politiques économiques et institutions
1.Relation non significative entre croissance et politiques économiques
2.L’efficacité de l’aide ne dépend pas uniquement de la bonne gouvernance
Section 2 : Appropriation de l’aide
1.L’importance du volume d’aide ne rime pas toujours avec efficacité
2.Le caractère lié de l’aide détermine son efficacité ou non
Conclusion
– Bibliographie
– Liste des tableaux
– Liste des graphiques
– Annexes
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