L’AP SE MODIFIAIT AU COURS DE LA GROSSESSE.
Méthode
Une étude qualitative a été menée, par entretiens individuels semi-dirigés de femmes, au cours du 7ème, 8ème ou 9ème mois de leur grossesse. Les femmes ont été recrutées à Angers, lors d’une consultation de suivi de grossesse, ou de séances de préparation à la naissance, ou au décours d’une échographie obstétricale. A la maternité du CHU, nous leur avons demandé, dans une salle d’attente, leur accord, leurs coordonnées et nous avons fixé un rendez-vous au lieu de leur choix. A la Clinique de l’Anjou, ainsi que dans un cabinet de gynécologie, d’échographie, et de médecine générale, cette démarche a été effectuée par le praticien qui distribuait un courrier explicatif à chaque femme au cours de la consultation. Les réponses positives avec les coordonnées des femmes étaient transmises à l’enquêteur. Le recrutement en boule de neige a complété le nombre de femmes concernées.
La taille de l’échantillon a été déterminée au fur et à mesure du recueil des données quand la saturation a été atteinte. Les variables de l’échantillon étaient : l’âge, la parité, la gestité, le niveau socio-économique, le lieu de vie et l’AP habituelle. Les femmes habitant à plus de 45 minutes d’Angers et ne pouvant se déplacer pour l’entretien étaient exclues.
Le guide d’entretien a été rédigé à partir des recommandations et des résultats du mémoire de M Guyomard [4- 6, 11]. Il a exploré les thèmes suivants : la pratique de l’AP, son vécu, ses a priori, et ses modifications ; la place du conseil médical, l’information reçue. Le guide d’entretien a été modifié et validé par des entretiens préliminaires, puis complété avec l’émergence d’hypothèses au cours de l’analyse des données. Annexe 1
Chaque entretien a été enregistré par un dictaphone avec l’accord des femmes. Les verbatims étaient retranscrits intégralement sur support informatique au cours des semaines suivantes. Puis ils étaient analysés de manière inductive en dégageant des thématiques après double codage.
L’avis favorable (2014/68) du comité d’éthique du CHU et de la faculté de médecine d’Angers a été obtenu le 23 octobre 2014. Annexe 2
Résultats
Trente-six femmes ont accepté initialement de participer à l’étude. 20 femmes ont été exclues. Parmi elles, 9 étaient enceintes de moins de 7 mois, 2 n’ont pas répondu à la demande de rendez-vous, 4 ont accouché avant l’entretien, 3 habitaient à plus de 45 minutes d’Angers, 2 n’apportaient pas de supplément de variation à l’échantillon et une dont le terme n’était pas connu. Une femme a annulé faute de temps.
Aucune femme n’a été recrutée à la clinique et au cabinet de gynécologie. Figure 1
Figure 1 : Recrutement selon le lieu
NC : non comptabilisé
Quinze entretiens ont été réalisés de juillet 2013 à mars 2015, dans le département du Maine-et-Loire, au domicile des femmes pour 13 d’entre eux, et au domicile de l’enquêteur pour les 2 autres. La durée moyenne était de 50 minutes (de 28 à 85 minutes). Le tableau I décrit les caractéristiques sociodémographiques des femmes.
Il s’agissait d’une première grossesse pour 9 femmes. Trois avaient fait une fausse couche (FC) dont une suite à un œuf clair. Deux avaient déjà un enfant et une femme en avait 2.
Sept femmes étaient suivies par leur médecin généraliste, 5 par un gynécologue, 3 par une sage-femme. Dix des femmes suivaient une préparation à l’accouchement.
Leur indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 22,8 kg/m² (de 18 à 33 kg/m²) et leur prise de poids moyen au jour de l’entretien était de 8.5 kg (de -1 à +17 kg). Annexe 3
Cinq femmes ont eu des complications lors de la grossesse. Trois ont eu un diabète gestationnel. Les autres étaient des contractions utérines précoces, des métrorragies du premier trimestre, une HTA gravidique.
La pratique de l’AP était majoritairement choisie et parfois induite par la norme sociétale de santé. Le besoin « J’ai besoin de bouger » F6, la motivation ou le devoir avec des contraintes car « c’est recommandé » F7 étaient associés au plaisir pris par les femmes.
L’AP ÉTAIT RECONNUE POUR SES BIENFAITS SUR LA SANTÉ, LE BIEN-ÊTRE, L’ACCOUCHEMENT ET LA RELATION AU BÉBÉ.
Un état qui recentrait la femme sur les bienfaits de l’hygiène de vie.
C’était une période plus réceptive aux conseils médicaux et plus encline à faire des efforts d’hygiène de vie « ça peut être un bon moment où on fait plus attention à sa façon de vivre, ça c’est sûr » F12, « c’est le moment de s’y mettre » F14.
L’AP aidait les femmes à se maintenir en bonne santé.
Une bonne santé psychique grâce au plaisir procuré et au temps attribué pour « bien vivre la grossesse jusqu’au bout » F10.
L’AP était une source de plaisir « c’est vrai qu’il faut s’amuser » F1, mais aussi de détente « c’est pour me sentir plus zen, plus tranquille» F4, et antistress « vider le stress. Ne pensez à rien, juste à se faire du bien » F2. Elle aidait à lutter contre la dépression « ça fait du bien au moral » F14, F7 et l’ennui lors d’arrêts de travail ou du congé maternité, « s’occuper » F3. Elle permettait aux femmes de « se recentrer » F9 sur leur propre besoin en prenant « du temps pour soi » F5. Elle facilitait la concentration sur l’écoute du corps et donnait une image positive de soi « le fait de me dire : j’ai fait une ½ heure de piscine aujourd’hui, ça me donne une image positive de moi-même » F9, une « confiance en soi » F9.
Elle répondait à un besoin de détente et d’isolement loin de la famille et des obligations pour les femmes ayant déjà des enfants « Plus pour un moment de détente à moi, où je vais aller à mon rythme » F13.
Physiquement : une belle prise de poids et une diminution de l’inconfort.
L’AP évitait une prise de poids trop importante « prendre pas beaucoup de poids, mais juste ce qu’il faut pour le bébé » F6 et « diminue le risque de diabète gestationnel » F2. Elle améliorait la circulation sanguine « pour la circulation sanguine, je pense que marcher ça peut drôlement aider » F4 et luttait contre l’œdème « j’avais peur du coup (en arrêtant l’AP), de faire de l’œdème, que mes jambes se mettent à gonfler » F2. Elle soulageait les douleurs dorsales « ça me soulage vraiment au niveau du dos » F5 et les douleurs ligamentaires « la piscine où je pouvais relâcher les ligaments. Je pense que ça devait aider » F4. Elle améliorait le transit intestinal « des problèmes de transit intestinal et le mieux c’est de marcher pendant une demi-heure par jour » F4. Elle entretenait les capacités cardio-respiratoires « même pour le cœur » F14, « j’ai pensé aller à la piscine pour mon asthme » F3.
|
Table des matières
INTRODUCTION
MÉTHODE
RÉSULTATS
L’AP ÉTAIT RECONNUE POUR SES BIENFAITS SUR LA SANTÉ, LE BIEN-ÊTRE, L’ACCOUCHEMENT ET LA RELATION AU BÉBÉ.
Un état qui recentrait la femme sur les bienfaits de l’hygiène de vie.
L’AP aidait les femmes à se maintenir en bonne santé.
Une bonne santé psychique grâce au plaisir procuré et au temps attribué pour « bien vivre la grossesse jusqu’au bout » F10.
Physiquement : une belle prise de poids et une diminution de l’inconfort.
Une santé sociale grâce à la rencontre d’autres femmes enceintes.
Un bien-être corporel grâce à l’entretien des capacités et des formes physiques « bien se sentir dans son corps » F7.
L’AP permettait de s’approprier les changements corporels.
L’AP maintenait le dynamisme et accélérait le retour à l’AP après la grossesse.
L’AP sculptait les formes esthétiques.
L’AP préparait à l’accouchement, améliorait la poussée et la concentration.
L’AP était un moment de communication avec le bébé pour apprendre à se connaitre.
Les bienfaits étaient transmis au bébé.
L’AP SE MODIFIAIT AU COURS DE LA GROSSESSE.
Une diminution de l’AP en temps et en intensité au premier et troisième trimestre.
Un premier trimestre éprouvant.
La fatigue était dominante.
Les « sympathiques » signes de grossesse freinaient l’AP.
Un deuxième trimestre plus facile avec des adaptations.
Une fin de grossesse inconfortable avec une AP programmable à l’occasion du congé de maternité.
Le terme de 6-7-8 mois était vu comme la fin de l’AP.
Une reprise programmée au moment du congé maternité.
Des perturbations liées aux changements corporels.
La prise de poids et de volume gênait et demandait plus d’effort.
Les modifications physiques entravaient l’AP.
La nécessaire adaptation au corps faisait découvrir de nouvelles AP.
Des activités non sportives éprouvées comme une AP.
UNE ADAPTATION VIGILANTE EN FONCTION DES LIMITES RESSENTIES, POUR DIMINUER LES RISQUES.
Les femmes se fiaient à leurs sensations pour définir les limites.
Le corps toujours sous surveillance pour la protection et le confort de l’enfant.
Les signes de « fatigue » et d’inconfort écoutés et pris en compte pour éviter les blessures.
Les signes d’alerte de complications arrêtaient l’AP.
L’AP à pratiquer sans dépasser les limites et uniquement si la grossesse se déroulait normalement.
Des AP possibles tant que la grossesse n’était pas visible de l’extérieur, mais une vigilance accrue jusqu’à la première échographie.
L’ AP devait être faites en douceur ou orientée grossesse.
Des AP plus intenses pouvaient être pratiquées sous conditions.
Des AP étaient parfois impossibles.
Pour les non sportives, l’AP était préservée avec des précautions.
UNE AP LIMITÉE PAR LE CONTEXTE.
Le contexte médico-socio-économique freinait l’AP.
Des problèmes médicaux l’interdisaient.
Des professionnels du sport refusaient les femmes enceintes.
Les obligations professionnelles étaient prioritaires.
Les femmes refusaient le surcoût.
Des difficultés d’organisation.
Le manque de disponibilité accentué par la fatigue.
Les arrêts de travail avec horaires de sorties imposées compliquaient l’organisation.
Les AP à distance étaient difficiles à faire régulièrement « c’était trop loin, trop contraignant » F5.
L’AP prénatale était trop peu répandue.
La multiparité et l’âge majoraient les limites, la première grossesse nécessitait des expériences à tâtons.
Des grossesses ultérieures plus fatigantes « c’est une deuxième grossesse et on est plus fatiguée » F6.
Des grossesses plus risquées par un corps déjà utilisé, et plus âgé.
Une première grossesse expérimentale.
L’AP POUVAIT ÊTRE IMPOSSIBLE.
L’arrêt précoce pour éviter frustration et angoisse.
La non satisfaction d’une AP moins intense entraînait l’arrêt de celle-ci.
L’angoisse de la perte du bébé interdisait l’AP.
L’AP souhaitée mais impossible était vécue avec souffrance.
Les modifications imposées étaient vécues comme subies « parce que je ne pouvais plus » F11.
Les modifications non anticipées créaient une déception.
L’absence d’AP équivalente créait un manque.
Des mécanismes d’adaptation nécessaires.
UNE AP ABSENTE, DIFFICILE A MODIFIER ET APPRECIÉE.
Une conscience des bénéfices, mais des habitudes de sédentaire difficiles à bouger.
Des bénéfices secondaires à la non-AP.
UNE INFORMATION ESSENTIELLE POUR FAVORISER LA PRATIQUE « L’AP QUAND ON EST ENCEINTE, AH BON ÇA EXISTE ÇA ? » F8.
Les professionnels de santé, une source d’information validée.
Pour adapter l’AP, rassurer et déculpabiliser les femmes.
L’information était nécessaire dès le début de la grossesse.
Un manque d’information spontanée pour un suivi trop médicalisé.
Une information sur les risques et les bénéfices incomplète.
Les conseils médicaux parfois inadéquates au besoin des femmes, ne supplantaient pas le ressenti des femmes.
Face au manque d’information, les femmes recherchaient elles-mêmes.
Une recherche personnelle à double tranchant.
Une information claire et validée difficile à trouver.
L’information était jugée contradictoire.
Méfiance quant à l’information en libre accès.
DANS L’ENTOURAGE L’IMPACT MARQUÉ DE LA LIGNÉE MATERNELLE.
Le savoir profane des mères et grands-mères était important.
Le futur papa, un soutien pour l’AP.
Les autres proches : leur avis était mis de côté.
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet