D’un côté, au cœur de la psychologie, l’anxiété est reconnue comme une émotion néfaste pour l’individu notamment puisqu’elle rend difficile l’accès à la réflexion. De l’autre côté, au sein de l’Ecole, l’enseignant ne peut uniquement se centrer sur le contenu à enseigner. Comme il est indiqué dans le référentiel des compétences professionnelles et des métiers du professorat et de l’éducation du 23 juillet 2013 les élèves doivent être pris en compte dans leur diversité, mais qu’en estil de ce qu’ils ressentent ?
Dans l’enseignement primaire comme au secondaire, certains élèves souffrent de devoir prendre la parole. Cette gêne s’observe particulièrement lors de l’enseignement des langues vivantes puisque c’est un cours où l’accent est mis sur ce qu’on appelle la compétence communicative c’est-à-dire plus généralement l’habileté à communiquer efficacement dans une langue. C’est pendant ces cours que les élèves redoutant la prise de parole sont plus aptes à ressentir de l’anxiété, de la peur ou de l’inconfort. C’est dans une optique d’amélioration des conditions d’apprentissage des élèves anxieux que nous nous demanderons par quels moyens les enseignants de langue peuvent réduire l’anxiété des élèves lors de la prise de parole ? Dans ce mémoire, il s’agira de rechercher des pistes de solutions pour réduire l’anxiété des élèves car je suppose que l’anxiété n’est pas réellement prise en compte dans l’Enseignement, autrement dit dans les programmes ainsi que dans les directives officielles. Si des articles de l’Education Nationale existent sur le bien être des élèves, peu me semble aborder le thème de l’anxiété à l’Ecole concrètement et offrir des pistes de solutions.
Par ailleurs, j’émets l’hypothèse que l’anxiété est liée à la relation pédagogique entre les élèves et l’enseignant ainsi qu’à la relation entre les élèves. Selon moi, l’instauration d’un cadre et d’un climat de classe bienveillant et sécurisant mais aussi de confiance permettrait la réussite. Au contraire, un climat plus négatif et compétitif augmenterait les craintes, les peurs et les appréhensions des élèves ce qui risquerait de compromettre leur réussite.
De l’anxiété…
Le terme « anxiété » n’est employé que tardivement à la fin du XIXe siècle, selon le site de Encyclopedia Universalis, lorsque la psychologie réussit à démontrer que celle-ci est impliquée dans certains troubles psychiatriques. Aujourd’hui, l’anxiété est définie de différentes manières. Certains spécialistes désignent l’anxiété comme une émotion « définie par un sentiment subjectif de menace, de peur, s’accompagnant de modifications physiologiques et comportementales propres. » ou alors comme « un sentiment de nervosité, d’inquiétude ou de malaise qui fait partie de l’expérience humaine normale » selon le Manuel MSD, un outil médical reconnu dans le monde. D’autres spécialistes préfèrent la caractériser plutôt tel un état comme c’est le cas de Lambert-Samson, doctorante en psychopédagogie et Beaumont, psychologue et docteure en psychopédagogie qui la définissent comme un état de tension et d’appréhension que ressent un individu face à une situation qu’il considère comme un danger. Dans ces différentes définitions, nous retrouvons néanmoins l’idée que l’anxiété est liée à la présence d’un élément perçu comme un danger et qu’elle est un « phénomène normal, présent chez tous les individus » quand elle est présente à dose normal car l’anxiété permet d’apercevoir des situations dangereuses et de réagir en conséquence soit par la lutte ou soit par la fuite.
Il faut savoir que s’exprimer à l’oral est une peur très répandue dans notre société soit 55% de la population au total. Selon le docteur Christophe Bagot, psychiatre spécialisé en troubles anxieux, la peur de la prise de parole en public est « une peur déraisonnable survenant quand la personne doit s’exprimer devant d’autres. Si une impression désagréable de « trac » est normale avant toute «performance» et permettant cette « performance », cette peur de parler en public ne permet pas à l’intéressé de fonctionner normalement ».
C’est une anxiété provoquée par l’anticipation du « danger ». Par conséquent la personne anxieuse va éviter la situation de prise de parole. La peur de s’exprimer à l’oral est en réalité constituée de deux peurs différentes : la peur des autres (du jugement) et de soi (ses capacités) et a par ailleurs de grandes similitudes avec le trouble anxieux et plus précisément avec l’anxiété sociale. En effet, la personne va ressentir les mêmes symptômes c’est-à-dire l’augmentation du rythme cardiaque, des sudations, un inconfort, une difficulté à s’exprimer clairement liées entre autres à la peur du regard des autres et de montrer ses émotions. Les causes de cette peur sont multiples comme la plupart des troubles anxieux. Toujours selon Christophe Bagot ces causes émanent « des participations génétiques, congénitales, éducatives et sociales (…). Dans certains cas on retrouve des événements traumatisants dans les antécédents, dans la vie familiale ou scolaire».
En 2003, une étude menée par Costello, Mustillo, Erkanli, Keeler et Angold, professeurs en psychiatrie, sociologie et biostatistique, sur les problèmes psychiatriques de l’enfance et de l’adolescence nous informe qu’un enfant sur dix souffre de « problèmes importants d’anxiété ». Ce chiffre est considérable et révèle que l’anxiété est à prendre en considération dans le milieu scolaire du fait de son importance chez les enfants. Les marqueurs de cette anxiété chez les élèves selon eux, même si celle-ci est difficilement repérable, peuvent être un manque de confiance ou d’estime de soi qui font partie de la personnalité des élèves anxieux mais à eux seuls ils ne peuvent pas expliquer entièrement l’anxiété ressentie par ces élèves car l’anxiété est multi causale.
L’anxiété-trait ou le trouble anxieux
L’anxiété-trait ou trouble anxieux correspond au trait de personnalité de l’individu. « La peur et l’anxiété constituent toutes deux des expériences quotidiennes (…) elles peuvent cependant devenir chroniques et excessives. » dans ce cas l’anxiété devient pathologique et est « ressentie démesurément face à une situation ne présentant pas de danger réel ». Ce second type d’anxiété met à mal les capacités fonctionnelles de l’individu quotidiennement. Selon l’Inserm, il existe six sous-types du trouble anxieux tels que l’anxiété généralisée, le trouble panique, les phobies spécifiques, l’agoraphobie, l’anxiété sociale et pour finir l’anxiété de séparation. Ces troubles anxieux apparaissent dès l’enfance ou durant l’adolescence mais malheureusement ce sont des troubles méconnus. Les enfants et adolescents en souffrant ne sont pas toujours pris en charge alors qu’ils mettent à mal leurs capacités. En effet, ces troubles anxieux « entrainent un appauvrissement relationnel et une restriction du champ des activités qui altèrent l’accession à l’autonomie et à l’indépendance », des capacités pourtant sollicitées à l’école et dans la société en général. De plus, la difficulté à percevoir les signes de l’anxiété rend ardue voire impossible la prise en charge des individus anxieux dès leur plus jeune âge qui pourront possiblement développer des troubles anxieux qui perdureront à l’âge adulte.
Trop d’anxiété comme trop peu provoque des conséquences néfastes pour l’individu comme le souligne le journal l’Express : « l’anxiété est la température de l’âme ». Elle est une question de dosage : « Celui qui n’est pas assez anxieux (…) va conduire de façon imprudente. Celui qui l’est de façon normale va respecter les limites de vitesse. Celui qui l’est trop ne conduit plus : il est mort de peur. L’anxiété est une alliée, il faut seulement la maintenir en équilibre. ». Par ailleurs, l’anxiété est définie comme un trouble à partir du moment où elle apparait lorsqu’il n’y a pas de danger réel, lorsqu’elle est habituelle et récurrente et pour finir quand elle perturbe les activités quotidiennes de l’individu par sa durée et intensité.
Le trouble anxieux est d’autant plus important qu’il est répandu dans la population mondiale, il est le trouble mental le plus répandu touchant 21% des adultes « au cours de leur vie ». Par ailleurs, « les femmes sont jusqu’à deux fois plus affectées que les hommes, toujours selon l’Inserm. Par ailleurs, l’étude menée par Beesdo, professeur d’épidémiologie, Pine, chef de la section du développement et des neurosciences affectives à L’institut Nationale de la Santé Mentale, Lieb, professeure en psychologie clinique et en épidémiologie et Wittchen, psychologue clinique, psychologiste et psychothérapie et épidémiologique, sur les schémas de risque des troubles anxieux et dépressifs, montre que les troubles anxieux représentent entre 8 et 30% des enfants et des adolescents et se trouvent être le plus fréquent entre l’âge de 6 et 18 ans.
Si l’on s’intéresse aux neurosciences, celles-ci ont prouvé qu’il existe trois états universels instinctifs commun à tous, c’est-à-dire trois façons de réagir face à une situation considérée comme dangereuse : lutter (agressivité), fuir et l’inhibition (« je n’existe pas »). Dans certaines situations, le trop plein d’émotions négatives comme l’explique Christine Vertès produit une quantité excessive de cortisol ce qui bloque l’accès au cortex, à la réflexion. Cela entraîne des conséquences négatives pour l’élève telles que la perte de mémoire, des difficultés à se concentrer ainsi que l’inhibition ou encore l’agressivité. Un élève qui voit l’école ou une situation scolaire comme un danger ne pourra pas apprendre d’où l’importance d’agir et d’aider ces élèves. Par ailleurs, dans l’anxiété nous retrouvons l’anxiété sociale se traduisant par la « peur d’être évalué négativement, une trop grande conscience de soi, dépréciation de ses habiletés sociales, pensées dévalorisantes sur soi, autoattribution du blâme pour les difficultés scolaires ». Elle s’exprime par la crainte d’être jugé, l’angoisse, la fuite. Elle apparait à l’adolescence et confondue avec la timidité. Cette anxiété, comme les autres types d’anxiétés, entraine des conséquences importantes sur l’individu, des lacunes dans les habiletés et compétences. A l’école, elle provoque chez l’élève des effets inhibiteurs sur la participation en classe (alors qu’elle est demandée à l’école) jusqu’au refus d’aller à l’école.
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Table des matières
Introduction générale
Cadre théorique
1. 1 De l’anxiété
1.1.1 L’anxiété-trait ou trouble anxieux
1.1.2 Causes et facteurs de risques
1.1.3 Prise en charge et ressources
1.2 … à la prise de parole
1.2.1 La présence de l’oral à l’école
1.2.2 La peur de la prise de parole à l’école
2. Etat des lieux de la prise en compte de l’anxiété dans l’enseignement
3. La place de l’oral dans l’enseignement des langues vivantes dans le second degré et son impact sur les élèves
4. Le rôle de l’enseignant face à l’anxiété de ses élèves
5. La place de l’erreur chez les élèves anxieux
Partie expérimentale
6. Recueil et analyse de données
6.1 Explicitation de la démarche et des modalités
6.2 Résultats
6.2.1 Définitions données
6.2.2 L’ampleur de l’anxiété
6.2.3 Identification des causes de l’anxiété
6.2.3.1 L’anxiété et l’anxiété en cours de langue vivante
6.2.3.2 L’erreur
6.2.3.3 Les “autres”
6.2.4 La confiance en soi
6.2.5 La peur de la prise de parole en cours
6.2.6 L’anxiété et la crise sanitaire
6.2.7 Les élèves parlent-ils de leur anxiété aux enseignants ?
6.2.8 Les dispositifs mis en place par les enseignants
6.2.9 La formation des enseignants
6.3 Remarques générales des personnes sondées
6.3.1 Des élèves
6.3.2 Des enseignants
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes