Qu’est-ce que la didactique ?
« La pédagogie, c’est l’art d’enseigner ou les méthodes d’enseignement propres à une discipline, à une matière, à un ordre d’enseignement, à un établissement d’enseignement ou à une philosophie de l’éducation. » Le volet didactique quant à lui prend en compte tout ce qui est du côté des pratiques et des méthodes d’enseignement. La pédagogie regroupe davantage les actions éducatives, ce qui tient de l’éducation. Étymologiquement, dans « didactique », l’accent est plutôt mis sur la relation au savoir à transmettre. C’est l’étude des pratiques enseignantes en général ou d’une discipline plus spécifiquement. Il y a d’une part la didactique générale, portant sur la conduite de la classe (cours magistraux, travail de groupe/individuel, cours dialogué…) et d’autre part, la didactique spéciale qui se focalise sur l’enseignement d’une discipline particulière. Contrairement à la pédagogie qui est orientée sur la relation maître-élève en vue de l’éducation et l’action éducative, la didactique est davantage centrée sur le savoir à transmettre dans le but de l’instruction, sur les méthodes et pratiques d’enseignement. La pédagogie et la didactique devraient donc être considérées dans leur relation de complémentarité selon Claude Germain5.
Les variables didactiques
Parmi tous les paramètres qui peuvent être mis en place lors d’une situation d’apprentissages, nous pouvons dissocier ceux qui sont du volet pédagogique de ceux qui sont du volet didactique. A l’intérieur de ces paramètres didactiques, il est question de variables qui peuventêtre mises en place au sein d’un enseignement spécifique. Brousseau (1982) définit la variable didactique comme : « un champ de problèmes [qui] peut être engendré à partir d’une situation par la modification de certaines variables qui, à leur tour, font changer les caractéristiques des stratégies de solution coût, validité, complexité, etc. […] Seules les modifications qui affectent la hiérarchie des stratégies sont à considérer variables pertinentes et parmi les variables pertinentes, celles que peut manipuler un professeur sont particulièrement intéressantes : ce sont les variables didactiques. Ces variables sont pertinentes à un âge donné dans la mesure où elles commandent des comportements différents. Ce sont des variables didactiques dans la mesure où en agissant sur elles, on pourra provoquer des adaptations et des régulations : des apprentissages ». La variable didactique est un paramètre, comme je le disais précédemment, à prendre en compte lors de la confection d’une situation d’apprentissages. Elle peut prendre différentes valeurs. Un de ses rôles principaux est de faire évoluer les procédures des élèves pour réaliser la tâche initialement demandée. Afin que la connaissance des chiffres et du dénombrement puisse être enseignée, de nombreuses situations d’apprentissages peuvent être mises en place par l’enseignant au sein de sa classe. Plusieurs variables peuvent être instaurées et j’ai choisi d’analyser certaines d’entre elles dans une situation de numération avec mon groupe de MS. Je vais ensuite expliquer plus en détails la situation d’analyse. Les différentes variables didactiques qui peuvent être choisies ont une répercussion sur le taux de réussite des élèves et leur motivation à réaliser la tâche, suivant leur zone proximale de développement. Il semble évident que les variables didactiques sont des facteurs qui provoquent des régulations, des adaptations et des changements de stratégies de la part des élèves et des enseignants. Le fait de créer ses propres situations permet de mettre en place des variables et d’envisager la différenciation dans les activités proposées. Il est possible de jouer sur plusieurs facteurs comme la situation de départ, le matériel proposé, la consigne, le « but du jeu », les objectifs, les contraintes de déplacement, le nombre de propriété en jeu, les modalités de travail et les contraintes de temps, entre autres. Ultérieurement, nous allons étudier les variables mises en œuvre lors de la situation de référence ainsi que les effets qu’elles ont pu avoir sur la réussite des élèves.
La zone proximale de développement
Vygotsky, expert en psychologie du développement, estime que l’enfant se construit grâce à deux aspects de la culture qui sont étroitement liés ; les outils qu’elle produit (langage écrit et oral) ainsi que les interactions sociales qui sont indispensables entre adultes et enfants et entre enfants. Il définit la zone proximale de développement (ZPD) telle que « la distance entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec d’autres enfants plus avancés ». Le développement actuel détermine ce qu’un enfant peut faire, ce qu’il maîtrise seul et le fonctionnement cognitif qu’il peut mettre en œuvre pour résoudre un problème, une tâche en autonomie. La ZPD est ce qui suit, elle est l’étape suivante du développement tant qu’il y a une interaction possible. Une tâche qui se trouve dans cette ZPD permet à l’élève de mobiliser ses connaissances car il est attiré par un défi réalisable. L’enseignant doit alors différencier les contenus, les mises en forme, les procédés et les productions. Cela évitera aux élèves d’être soit en situation de rupture car la tâche est trop difficile, soit en situation d’autonomie où la tâche serait ici trop facile. L’enseignant qui interagit avec l’enfant doit alors faire en sorte que son intervention se situe dans la ZPD pour qu’il puisse dépasser ses compétences déjà ancrées. Ce travail sur la ZPD doit permettre à l’élève d’arriver à un niveau supérieur à ce qu’il est capable de faire. La prise en compte de la ZPD de chaque élève aide à la mise en place des apprentissages et permet d’ajuster les stratégies d’enseignement en fonction des connaissances et compétences des élèves. Elle favorise la réussite des élèves et génère donc la motivation et l’envie d’apprendre. Cependant, les exigences sont progressivement accrues et les apprentissages peuvent facilement devenir de plus en plus complexes. Elle permet d’avoir des repères quant aux aides qui peuvent être proposées aux élèves. Ces aides se verront retirées progressivement pour que le travail puisse être fait de manière autonome. Si nous prenons la ligne du développement progressif, la ZPD se situe au milieu. Le point A correspondant au degré de développement actuel. On y trouve à cet endroit les tâches que l’élève réalise en autonomie sans aide de l’enseignant. Le point B, plus loin, correspond au plus grand développement possible pour l’enfant dans un futur proche (Vergnaud, 2000). Plus on avance vers ce point, plus la tâche est difficile et l’élève a besoin de soutien. L’intervention de l’enseignant consiste à expliquer la tâche avec plus de détails, à guider les pratiques, améliorer les stratégies et à entre autres, améliorer ses procédés. Toutes ces aides mènent à la pratique autonome. Dans ce cas, la ZPD de l’enfant se déplace de plus en plus vers la droite et nécessite des tâches de plus en plus complexes, qui mènent à davantage de réussites. L’aide est alors mise en place dans un processus d’autonomisation, avec des stratégies qui sont propres à chaque élève. D’après Philippe Meirieu, Vygotsky étudie le développement de l’enfant et en particulier la manière dont un enfant progresse concrètement, articule un développement finalisé et des apprentissages contextualisés. L’élève est capable de réaliser plus que ce qu’il a réussi à faire de manière autonome grâce au processus d’imitation dans une activité collective, surtout à l’aide de la parole du professeur. La ZPD nous permet de connaître approximativement les futurs apprentissages possibles de la part de l’enfant. Il faut regarder les résultats qui ont été obtenus précédemment et ceux en voix d’acquisition. Si le professeur propose à ses élèves des enseignements déjà acquis, cela est inefficace. Certes, l’élève réalisera seul la tâche mais il n’apprendra pas à sortir de sa ZPD et à réaliser des tâches plus complexes. Selon Meirieu, d’après les travaux de Vygotsky, « le seul enseignement est celui qui précède le développement » 11. L’apprentissage permet aux élèves d’accroître le processus de développement interne qui est accessible, à un moment donné, seulement par les interactions avec les adultes et la collaboration avec les camarades. Une fois ce processus acquis pour l’enfant, il sera capable de travailler en autonomie et de trouver les stratégies et procédures adéquates tout seul. D’après toutes les lectures faites et d’après le cadre théorique élaboré, la problématique ressortie pour cet écrit réflexif fait encore plus sens aux vues de mes difficultés. En effet, il faut prendre en compte un certain nombre de notions importantes dans la mise en place des apprentissages, ceci dans le but de faire évoluer les élèves à leur rythme tout en avançant vers des tâches de plus en plus complexes. Il est nécessaire de leur permettre de devenir autonome et de réussir dans des situations où l’étayage est de moins en moins présent. Pour cela, un nombre de paramètres pédagogiques et didactiques peuvent être mis en place afin de faire évoluer l’enfant dans sa zone proximale de développement. Parmi ces paramètres certains sont primordiaux, notamment les variables didactiques. C’est en effet l’impact de ces variables que nous allons étudier lors de la deuxième partie de cet écrit réflexif ; puis nous aborderons l’effet qu’elles ont sur les apprentissages des élèves à travers une situation de référence.
Elève 1 : G.
G. est un élève que l’on peut qualifier de très bon. Il a une réelle soif d’apprendre et souhaite souvent faire les activités avec les grands quand cela l’attire et qu’il y voit de la complexité. Bien entendu, je l’accepte dans les ateliers dirigés et même autonomes des GS. Avant de mettre en place l’évaluation diagnostique portant sur la première page du livre à compter, je savais que pour cet enfant, le travail demandé allait être simple et rapide. En effet, il a tout de suite repéré qu’il fallait construire la représentation d’un chiffre par page, dans un ordre croissant pour suivre la comptine numérique. De surcroît, il sait réciter celle-ci jusqu’à cinquante et sait dénombrer des objets au-delà de trente. Il faut donc changer les sous-objectifs de l’apprentissage pour lui, modifier l’étayage et les variables afin de le faire évoluer dans sa zone proximale de développement. Il y parviendra grâce mon aide au départ, puis progressivement en autonomie. Si nous prenons les six différents types d’étayage de Bruner, G. n’en requiert aucun ou presque. Sa motivation est toujours présente et ne nécessite donc pas d’enrôlement spécifique de ma part. Si je le laisse réaliser la tâche seul, il la terminera avant de passer à autre chose. Cet élève comprend vite les objectifs et enjeux qui sont attribués à l’activité. Seule une démonstration est nécessaire au départ pour qu’il puisse se lancer pleinement dans l’activité. Ma posture d’étayage en tant qu’enseignant est ici une posture de lâcher prise. L’élève est capable de s’auto-gérer, j’ai confiance en lui et il a lui-même confiance en ses capacités. Il n’est pas nécessaire pour moi d’agir. Je n’interviens qu’à sa demande pour valider son travail lorsqu’il a tout placé sur sa fiche et qu’il doit coller. Ne voulant pas faire d’erreur, il a besoin de mon approbation pour finaliser la tâche. G. est capable de prendre des initiatives et va de lui-même aider les camarades qu’il peut repérer en difficulté. Plusieurs variables sont alors possibles à mettre en place pour cet élève. En premier lieu, je lui demande de verbaliser tout ce qu’il fait. Nous discutons sur les stratégies qu’il a utilisées et les procédures mises en place. A partir de la page « 2 », nous nous sommes demandés comment complexifier cette tâche. Je l’ai guidé sur le changement des représentations des chiffres. Par exemple, il pourrait s’agir de disposer les animaux en désordre sur la page, de représenter un chiffre avec deux dés différents (deux dés de deux pour quatre), ou deux jeux de doigts (un et deux pour trois). En plus de cela, les barquettes contenant les étiquettes sont toutes mélangées. Une « barquette constellation 1 » peux être placée entre une « barquette doigts 3 » et une autre représentant l’écriture chiffrée du 5. Sans aide, il est capable d’écrire le chiffre et de lui-même, il a décidé de dessiner autant de points que le cardinal donné. Nous avons aussi passé un contrat ensemble sur le fait qu’il soit capable d’aller rechercher tous les éléments nécessaires à la création d’une page en un seul « voyage ». Il a vite intériorisé le fait qu’il fallait une étiquette de chaque représentation. Enfin, sans être une obligation mais une suggestion, j’ai proposé à G. de faire du tutorat. C’est-à-dire d’aider quelques élèves ayant de petites difficultés à réaliser leur livre à compter. Après quelques explications, il sait désormais guider ses camarades sans pour autant leur donner les réponses. Le tutorat s’installe doucement dans mon groupe de grands et Gabin s’en est bien inspiré. Ensemble, nous avons donc fait en sorte de transformer la tâche qui lui était demandé. Son objectif principal reste le même, c’est-à-dire de construire un livre à compter, mais les attendus sont plus accrus (au moins jusqu’à quinze) et les variables mises en place sont là afin de rendre la tâche plus difficile à réaliser. Cela a nécessité mon aide au départ pour signaler les caractéristiques dominantes et montrer ce qu’il devait réaliser. L’interaction entre G. et moi-même était très présente lors de ces situations, ce qui lui a permis d’évoluer dans sa zone proximale de développement. Il est désormais capable de réaliser une tâche en autonomie sur laquelle il avait auparavant besoin de mon aide.
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Table des matières
Introduction
1 Cadrage théorique
1.1 Contexte et obstacles
1.2 Recherches scientifiques
1.2.1 Qu’est-ce que la didactique ?
1.2.2 Les variables didactiques
1.2.3 L’étayage et la posture d’enseignant
1.2.4 La zone proximale de développement
2 Dispositif empirique de recueil de données
2.1 Mes hypothèses
2.2 Réflexion et mise en place de la situation de référence
2.3 Recueil de données
2.4 Analyse
2.4.1 Elève 1 : G.
2.4.2 Elève 2 : C.
2.4.3 Elève 3 : K.
Conclusion
Bibliographie / sitographie
Annexes
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