L’anthropologie de l’éducation : une science en construction

L’anthropologie de l’éducation : une science en construction

L’anthropologie de l’education, un champ disciplinaire e mergent, a contribue a construire et a alimenter l’etude des formes locales de parente , de parentalite , de formation des enfants et d’education a la socialite (Claes et al., 2008). Les recherches dans ce domaine ont permis de connaî tre les sche mas qui re gissent les structures familiales et communautaires locales, en essayant de comprendre les mecanismes qui leur assignent une validite pe dagogique. Les travaux ethnographiques classiques ont souligne les diffe rents ro les que jouent les parents, les familles, les communaute s et les institutions sociales (parmi lesquelles il y a l’e cole), contribuant a la compre hension anthropologique de cette expe rience si humaine qu’est la transmission des savoirs aux nouvelles ge ne rations. Cependant, s’il est vrai – comme nous le verrons dans le prochain chapitre – que la dynamique e ducative est consubstantielle a notre humanite , il est tout aussi vrai que les formes a travers lesquelles elle se manifeste diffe rent d’une communaute a une autre et que chaque groupe humain utilise des strate gies de transmission culturelle adapte es a son propre contexte. Voici donc la caracte ristique la plus importante de l’anthropologie de l’e ducation qui, a la diffe rence de l’anthropologie cognitive5, est une science voue e a la comparaison, dans le but de de crire et de comprendre les differentes strate gies gra ce auxquelles, dans des cultures diffe rentes, les re seaux de parente et les institutions e ducatives poursuivent l’objectif universel de former les enfants a faire « le bien, le beau, le juste », tout en suivant les constantes culturelles de leur groupe social.

Cependant, si dans les contextes e ducatifs formels, comme l’e cole ou la formation continue, il est relativement facile d’e tudier et d’expe rimenter des mode les diffe rents, il est bien plus difficile de mettre en perspective et de questionner les routines et les pratiques e ducatives des contextes informels : l’allaitement, le sevrage, les pratiques disciplinaires, l’e ducation morale, la socialisation, l’apprentissage du langage, les formes de protection, les jeux et autres activite s libres, les relations interge ne rationnelles, ou encore les responsabilite s et les ta ches domestiques re serve es aux enfants.

Les anthropologues qui se sont consacre s a l’etude des dynamiques que je viens de mentionner ont donc du prendre en consideration non seulement les opportunite s offertes par le travail ethnographique – comme outil fondamental de recueil des donne es sur le terrain –, mais aussi toute une se rie de connaissances, savoir-faire et compe tences de rive es d’autres domaines scientifiques et qui e taient tre s rarement pris en compte par leurs colle gues davantage inte resse s par les aspects socio-culturels « purs ». Je pense, par exemple, aux apports de la psychologie (et notamment de la psychologie du de veloppement, la psychologie cognitive, la psychope dagogie et la psychologie culturelle et sociale) et de la sociologie (de la famille, de la parente et de l’e ducation mais aussi des organisations) qui ont autorise une « contamination » disciplinaire. Cette transdisciplinarite a, a son tour, permis de de passer l’opposition ste rile entre les me thodes qualitatives et quantitatives et d’illustrer la diversite des contextes e tudie s gra ce a une ve ritable perspective interculturelle et a une re flexion me thodologique sophistiquee qui a su prendre en conside ration des sujets d’e tude « difficiles » (les enfants dans le cadre de leur vie domestique et communautaire) et le ro le – encore plus difficile – de l’ethnographe oblige de realiser ses observations tout en e tant doublement e tranger : premie rement en tant que repre sentant d’une culture « autre » et deuxie mement du fait de son age adulte.

Au-delà de la parenté et de la famille : les premières observations des pratiques éducatives

De s ses de buts, la recherche transculturelle sur l’enfance a de fie la manie re dont nous – membres de la socie te « occidentale », citoyens de nations industrialise es et a fort revenu – conceptualisons l’enfance. Ce travail a permis de de couvrir des conditions et des re sultats auxquels les « experts » europe ens et nordame ricains ne s’attendaient ge ne ralement pas.

Rappelons-nous que l’inte re t scientifique pour le monde de l’enfance a e merge autour de la deuxie me moitie du XIXe me sie cle, en paralle le a la publication des premie res œuvres litte raires avec des enfants comme protagonistes. Les travaux critiques de Marina Bethlenfalvay (1979) et de Virginie Prioux (2010) nous montrent que les romanciers – romantiques ou naturalistes – de cette e poque aimaient a repre senter l’enfance comme la pe riode de l’innocence et les enfants comme des victimes potentielles de l’exploitation et de l’abandon. Grace a des œuvres destine es au grand public, comme Oliver Twist de Charles Dickens, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Sans Famille de Hector Malot, François le bossu de la Comtesse de Se gur, La Petite Princesse de Frances Hodgson Burnett, Les Quatre Filles du docteur March de Louise May Alcott ou Poil de Carotte de Jules Renard, la litte rature du XIXe me sie cle a forge une repre sentation ide alise e et ste re otype e de l’enfant comme un e tre fragile et a pre server (Seveno-Gheno, 2001). C’est a cette e poque-la que sont apparues les toutes premie res initiatives de protection de l’enfance visant a affranchir les enfants du travail nocturne et manuel : les le gislateurs europe ens et nord-ame ricains ont introduit les premie res normes sur la scolarisation obligatoire, les e ducateurs ont cre e les kindergarten (les jardins pour enfants) pour faire face a l’e ducation de la premie re enfance et, de manie re ge ne rale, la pre occupation – plus sentimentale que scientifique – envers le bien-e tre des plus petits est devenue une affaire courante et un argument constant des de bats ayant cours dans les milieux bourgeois et aristocratiques des pays industrialise s. Cependant, peu de travaux de recherche visant a « comprendre » les enfants et leurs  besoins specifiques ont e te re alise s, tre s probablement a cause du relatif manque d’intere taffiche par la communaute scientifique internationale. Il faut attendre la fin du XIXe me sie cle, et surtout la publication des premiers travaux de Sigmund Freud, pour que les premie res e tudes et enque tes sur la vie de l’enfant voient le jour Bien que le premier travail a caracte re anthropologique sur l’enfance ait e te publie en 1912 par Franz Boas, cet e crit rele ve davantage d’une « spe culation de salon » que du re sultat d’une enque te ethnographique base e sur des donne es concre tes (Boas, 1912). Dans ce travail, le pe re de l’anthropologie ame ricaine – et auteur des remarquables monographies sur la vie des Inuits de l’I le de Baffin et sur les Kwakiutl de la Columbia Britannique – pre sente sa the orie sur la plasticite des « types » humains a partir de ses observations sur la croissance physique des enfants des immigrants europe ens aux E tats-Unis. Il s’agit la de l’un de ses travaux les plus critique s, en raison de certaines conclusions qu’il expose et qui semblent e tre contamine es par des principes de rive s de l’e volutionnisme social.

Ce travail de Boas, peu connu du grand public, a cependant influence certains de ses disciples et plus particulie rement Margaret Mead et Ruth Benedict qui ont alors menedes enquetes de terrain plus scientifiques – et moins speculatives – ayant contribue a la naissance d’un nouveau champ disciplinaire connu comme « les etudes sur la culture et la personnalite ». De leur mentor, les deux eleves ont retenu trois leçons importantes : l’etre humain est dote d’une « plasticite » sociale (une forme de flexibilite psychologique qui lui permet de s’adapter a l’environnement social et naturel) ; la « ne ote nie », soit l’immaturite prolonge e ou la conservation de certains traits enfantins chez les adultes ou les presque-adultes est centrale pour comprendre le developpement humain ; et, finalement, les facteurs culturels influencent le developpement psychologique de l’enfant. Margaret Mead et Ruth Benedict ont egalement e te influence es par un autre travail de Boas, publie en 1902 dans la prestigieuse revue Science, dans lequel l’auteur (qui se base sur certaines re flexions de veloppe es pendant ses etudes avec le medecin Rudolf Virchow a Berlin, en 1883) expose sa theorie sur les variations insolites du de veloppement humain, qui peuvent etre considere es comme pathologiques dans la perspective d’une culture particuliere mais qui, en re alite , entrent dans la gamme des variations « acceptables » de l’espe ce humaine (Boas, 1902) .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE. ÉDUCATION, CULTURE, AUTOCHTONIE : UN PARCOURS CONCEPTUEL
Introduction
1. Pourquoi étudier l’éducation des peuples autochtones ?
1.2. L’anthropologie de l’éducation : une science en construction
1.3. Au-delà de la parenté et de la famille : les premières observations des pratiques éducatives
1.4. La fragmentation de la discipline
2. Qu’est-ce que l’éducation ?
2.1. Le fait éducatif : une interaction dynamique
2.2. Idéologies, symboles et systèmes : l’univers social de l’éducation
3. Éducation et culture : essai sur la quadrature du cercle
3.1. De la parenté à la culture : à l’origine du développement humain
3.2. Culture et transmission de la culture : une architecture sociale du savoir
4. De la culture au patrimoine (et inversement)
4.1. La culture entre transmission et patrimonialisation
4.2. Éducation et société : la question de l’autochtonie
5. Culture et autochtonie
5.1. Autochtonie, indigénéité, ethnicité et racisme : une biopolitique de l’altérité
5.2. L’imbroglio ethnique et l’invention de la tradition
6. L’identité à l’épreuve de l’assimilation
6.1. Multiculturalisme et interculturalité : synonymes ou contraires ?
6.2. Des catégories dynamiques pour penser la culture
Synthèse de la première partie
DEUXIEME PARTIE. SUR LE TERRAIN : INTERACTIONS ET IDEOLOGIES EDUCATIVES CHEZ LES WAYANA-APALAÏ ET LES ENATA, AUTOCHTONES DE LA REPUBLIQUE
Introduction à la deuxième partie
7. Méthodologie du recueil d’informations
7.1. Le terrain et l’univers d’étude
7.2. L’analyse écosystémique à l’épreuve du terrain
7.3. Comprendre les interactions éducatives
7.4. Performances parentales et idéologies éducatives
7.5. Considérations éthiques
8. Les terrains de recherche
8.1. Les Wayana-Apalaï d’Antecume pata : situation géographique, données ethnohistoriques et aspects sociologiques
8.1.1. Situation postcoloniale et intégration nationale
8.1.2. Une scolarisation républicaine pour les « abandonnés de la République »
8.2. Les Enata de Hiva Oa : situation géographique, données ethno-historiques et aspects sociologiques
8.2.1. Le projet colonisateur : conversion et scolarisation des Marquisiens
8.2.2. Entre localismes et globalismes : revendications culturelles et patrimonialisation du territoire
9. Les écosystèmes éducatifs : espaces domestiques, réseaux de parenté et vie communautaire
9.1. Les microsystèmes de socialisation à Antecume pata
9.1.1. La « maisonnée » amérindienne
9.1.2. Le village et l’école
9.2. Les microsystèmes de socialisation à Hiva Oa
9.2.1. Famille nucléaire et famille élargie
9.2.2. Les églises, l’école et les organisations locales
10. Mesurer les interactions éducatives : les rythmes parentaux
10.1. La famille est le village : parentalité et vie communautaire chez les Wayana-Apalaï
10.2. Un espace domestique perméable : famille, école, religion et culture à Hiva Oa
10.3. Métropole et Outre-mer : comparer « l’intensité » des interactions éducatives
11. Les performances éducatives : styles parentaux et stratégies pédagogiques
11.1. Une parentalité à l’épreuve de la « modernité » : les logiques éducatives chez les Wayana-Apalaï
11.2. Pratiques éducatives à Hiva Oa : une autochtonie acculturée
11.3. L’interaction éducative en France métropolitaine : quelques données utiles à la comparaison
12. Les idéologies éducatives autochtones : l’identité culturelle au service de l’écosystème
12.1. Éduquer et apprendre dans la forêt amazonienne : écosophie et développement de l’enfant wayana-apalaï
12.2. La notion de réussite chez les Enata : de l’enfant-roi à l’enfant multidimensionnel
12.3. L’éducation et l’autochtonie : dynamiques d’assimilation culturelle et réponses adaptatives
Synthèse de la deuxième partie
TROISIEME PARTIE. L’APPROPRIATION INSTITUTIONNELLE DE LA QUESTION EDUCATIVE : ESSAI CONCLUSIF SUR LA BANALITE DU MAL
Introduction à la troisième partie
13. Idéologies éducatives et logiques d’organisation sociale
13.1. Apprendre, capturer, produire : la logique prédatrice de la modernité
13.2. Réussite scolaire et réussite sociale : la difficile quadrature du cercle
14. La scolarisation dans l’Outre-mer : l’illusion de l’ascenseur social
14.1. De retour au village : la difficile intégration des « autochtones diplômés »
14.2. L’école du troisième millénaire : forge de citoyens ou fabrique de professionnels?
15. Reformuler les politiques éducatives : de « l’indifférence aux différences » à la prise en compte des particularités locales
15.1. Obstacles structurels
15.2. Obstacles idéologiques
16. Enquêter l’éducation, enquêter l’ethnicité
16.1. Une question de méthode ?
16.2. Plaidoyer pour une anthropologie de l’éducation « à la française »
17. Conclusion et perspectives
17.1. Résultats attendus initialement
17.2. Résultats obtenus
17.3. Pistes pour la recherche
Synthèse de la troisième partie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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