Langue et société : une tentative de définition des différents processus de différenciations des sexes
Un vocabulaire notionnel épars
Le langage est fondé sur des formules figées, des automatismes, des tournures rebattues utilisés pour mettre à distance une réalité par le biais de la dérision. Ces segments langagiers, nous les nommons stéréotypes, lieux communs, idées reçues ou encore clichés sans distinction particulière. Néanmoins, à l’aune de leur construction historique ces figures rhétoriques recoupent des réalités légèrement différentes. Le cliché, notion née au XIXe siècle, est intrinsèquement lié au concept alors en vigueur dans l’enseignement littéraire : l’apprentissage par la répétition, le « recopiage » des modèles de discours. A force d’être réutilisées en vue d’une instruction, les figures de style (métaphore ou comparaison par exemple) deviennent des phrases figées, des clichés dont on se lasse. « L’imitation est la souillure inévitable et terrible qui guette les livres trop heureux : (…) les images nouvelles sont devenus des clichés », écrivait en 1899 Rémy de Gourmont dans Esthétique de la langue française. Dans le langage courant, le cliché désigne ces phrases toutes faites répétées à l’envi. Par exemple, « Les filles sont toujours longues à se préparer », « Les hommes sont incapables de lancer une machine à laver ».
Parallèlement, et dans une dynamique de sens très proche, le lieu commun, toujours défini par Rémy de Gourmont, « est plus et moins qu’une banalité : c’est une banalité, mais parfois inéluctable ; c’est une banalité, mais si universellement acceptée qu’elle prend le nom de vérité. »
A l’inverse du cliché, qui se présente comme une codification visible du monde, le lieu commun opère de manière plus détournée, plus imperceptible. A ne pas confondre toutefois avec le concept d’idées reçues, auxquelles on se soumet « non comme à des vérités, mais comme au pouvoir », tel que le définit Mme de Staël, dans De l’Allemagneen 1810. Nous nous y soumettrions donc volontairement.
Enfin, la notion de stéréotype a été fondée par le journaliste Walter Lippmann pour qui notre conception du réel était nécessairement filtrée par des médiums : des images, des représentations culturelles préexistantes. Créée à l’origine pour comprendre les phénomènes de racisme selon Nicole Mosconi, la notion de stéréotype « désigne les croyances qui tendent à attribuer à un groupe dominé des caractéristiques dévalorisantes pour légitimer, expliquer et justifier sa position dominée » . Une conception que soutiennent Ruth Amossy et Anne Herschberg dans leur ouvrage Langue, discours, société (3e édition).
L’édition jeunesse, un monde régi par la nécessité économique et l’universalité
La littérature jeunesse : l’industrie avant la culture ?
Malgré une certaine croyance répandue, l’industrie du livre ne connait pas la crise. Tout au contraire, elle n’a jamais été aussi florissante, et qui plus est lorsqu’il s’agit de la littérature dite de jeunesse. La forte concurrence des nouveaux supports d’apprentissage et de formes de loisirs n’ont donc pas altéré la confiance que les différents éducateurs (les parents, les assistants maternels, le personnel de crèche, les animateurs et les professeurs des écoles) portent en ce médium.
Cependant, cette augmentation du nombre de ventes n’est pas synonyme de diversification, bien au contraire. L’injonction à la rentabilité, dans un univers de plus en plus concurrentiel, conduit à une certaine standardisation de l’album. Ce dernier est davantage considéré comme un « produit marketing » qu’un objet culturel. Ce terme, défini par Carole Brugeilles, Isabelle Cromer et Sylvie Cromer, est « d’autant plus approprié que le livre n’est souvent qu’une déclinaison parmi d’autres (jouets, jeux, peluches, dessins animés, etc.) d’un ‘‘univers’’ » . Nul besoin d’être un spécialiste de du monde éditorial pour voir défiler les livres autour de succès cinématographiques, souvent de la franchise Disney ou Pixar, ou de dessins animés diffusés le matin avant l’école, tel Pat Patrouille.
Or, dans ce contexte d’une édition qui se mondialise et qui reprend les succès d’entreprises alliées, apparaît tout de même une littérature dite légitimée, mais peu visible et accessible, car apanage des bibliothèques et des librairies spécialisées.
Une année d’échantillonnage : quels stéréotypes en vigueur ?
Pour tenter de comprendre ce monde de l’édition, à l’aune d’une mondialisation propice à la schématisation et donc probablement aux stéréotypes genrés, Carole Brugeilles, Isabelle Cromer et Sylvie Cromer ont souhaité interroger toutes les publications d’album jeunesse d’une année donnée, 1994. L’échantillon étudié comprenait ainsi 537 albums illustrés, de fiction, édités pour la première fois en 1994 et destinés aux enfants de moins de 10 ans. Une de leurs premières conclusions s’articule autour des intentions didactiques et des repères historiques, géographiques, culturels et sociaux. Une partie non négligeable des histoires, 10,1%, sont soumis à une intemporalité, ce qui, selon elles, est propice à l’énonciation de vérités générales. De même, 28,5% des albums se déroulent sans déterminant géographique, car la focalisation se fait essentiellement sur l’espace intérieur. Ce choix s’explique en grande partie par l’accent mis sur l’enfant et sa famille dans une visée didactique (apprentissage de valeurs, de l’autonomie, des réalités proches des lecteurs). Toutefois, pour les auteurs, cette neutralisation des repères et des codes s’explique par un système de coédition en vigueur aujourd’hui et les effets de la mondialisation : les références sociales, culturelles, historiques et géographiques précises sont évacuées pour que l’album parle au plus grand nombre. Pas condamnable en soi, ce cadre favorise tout de même une mise en lumière exacerbée du personnage principal, principalement masculin.
Par ailleurs, dès la couverture et ce au fil des pages de l’album, une asymétrie des représentations sexuées s’annonce de manière récurrente dans les albums étudiés. Plus des trois quarts des illustrations de couverture (77,7%) représentent au moins un personnage masculin, alors que sur moins de la moitié des couvertures (48,9%) figure au moins un personnage féminin . Ce déséquilibre est accru à l’intérieur des pages et en particulier dans la représentation des petites filles puisqu’elles ne sont présentes qu’à 42,5% dans les récits. En ce qui concerne les adultes, les personnages féminins sont extrêmement présents mais représentés uniquement par le prisme de la maternité.
Ainsi la fonction maternelle est omniprésente dans les albums (40,4%) et apparaît comme le modèle dominant de l’adulte féminin, surtout pour les humains : seuls 20% des albums d’humains et 25% des albums d’animaux humanisés proposent un personnage féminin adulte qui n’incarne pas de fonction maternelle .
Ainsi, soit les enfants sont confrontés en grande partie à une absence de rapports sexués, soit à des rapports essentiellement genrés. En conclusion, les auteures tiennent à montrer que « ces représentations s’élaborent, non sur la base de stéréotypes immédiatement repérables, mais de manière fine et complexe, à partir d’un ensemble de variables : le sexe, le rôle (personnage principal, secondaire, d’arrière-plan), la catégorie (personnage humain, animal habillé, animal réel), les fonctions parentales et les activités professionnelles du personnage, sans négliger le lectorat auquel est destiné l’ouvrage et le sexe des auteurs et des illustrateurs ». Ainsi, c’est bien parce qu’elles ne se présentent pas comme telles que les différenciations entre les sexes dans les albums sont difficiles à repérer, en particulier si l’on conçoit uniquement les livres lus aux enfants au cas par cas. Un moyen d’analyser les œuvres littéraires mises à la disposition des enfants serait de tenir à jour une grille d’analyse en fonction des différents critères énoncés par les auteures, afin que les enfants aient accès à un réseau de lecture qui donne une image plus diversifiée, et nourrie de multiples représentations du monde.
Transmettre une culture de l’égalité (vie de classe, étude d’albums et jeu de rôles)
Face aux différents constats énoncés précédemment, il nous est apparu intéressant de nous questionner sur l’attitude à adopter en classe en tant qu’enseignante, tant du point de vue des apprentissages à transmettre que dans la manière d’enseigner. Nous avons donc souhaité soumettre aux élèves un album de jeunesse volontairement engagé dans le débat autour des interdits sociaux implicites liés au genre, afin de faire émerger par le biais d’un travail autour de la compréhension littéraire, les représentations fortuites auxquelles les élèves sont confrontés. Notre séquence d’apprentissage s’est donc principalement appuyée sur l’album Boucle d’ours, de S. Servant. D’autres temps de questionnement autour des représentations genrées se sont agrégés à cette séquence : soit lors de la vie quotidienne, soit lors de séances à visée philosophique, soit en organisant des échanges autour de supports littéraires lus en classe entière mais ne faisant pas l’objet d’une étude approfondie.
Un terrain propice ?
Avant de débuter l’étude de l’album Boucle d’ours, nous avons mené de manière informelle un relevé des différentes prises de position des élèves. Tout d’abord, il était primordial de s’assurer que les enfants savaient s’identifier comme être de sexe féminin ou de sexe masculin.
Pour cela, nous avons, la semaine précédant la première séance de la séquence, organisé un petit jeu avant chaque descente à la cantine : d’une fois sur l’autre, il était demandé aux garçons ou aux filles de sortir en premier de la classe pour mettre leurs manteaux. Hormis quelques enfants en difficultés (soit langagières car allophones, soit liées à la compréhension en générale d’une consigne), le groupe classe s’est toujours bien acquitté de cet exercice. Il semblait n’être nullement difficile pour les élèves de s’identifier comme garçon ou fille. Pour conclure, afin d’éviter d’instaurer un système de concurrence entre les sexes, nous avons, une fois le recensement fait, transformé le jeu à partir d’autres critères de sélection, notamment les couleurs des vêtements.
Nous avons aussi pris le temps de mener un autre relevé: celui des préférences de couleurs chez les enfants. A chaque temps calme, après le déjeuner, je distribue aux élèves des verres colorés pour boire. Très tôt, il a été remarqué que les enfants refusaient certains verres en fonction de leur couleur. Ces refus étaient davantage émis par les filles (6) que par les garçons (1).
Les filles souhaitaient boire dans un verre rose, tandis que le garçon en question refusait de boire dans un verre rose. Pour les autres enfants, la couleur du verre semblait leur être indifférente.
Nous avons donc veillé chaque jour à ne pas toujours proposer à chacun des sexes une couleur stéréotypique de leur genre.
Ces deux premiers états des lieux des pensées des élèves nous montrent que déjà, à cet âge où ils construisent pleinement leur identité sociale et sexuée (vers 3-4 ans), les diktats sociaux genrés constituent des repères d’auto-définition pour eux.
L’album Boucle d’ours, une mise à distance des conventions vestimentaires genrées
Le recours à la pédagogie de l’écoute pour libérer la parole
Lors de la construction de cette séquence (cf. Annexes), il était primordial que la parole des enfants puisse être libre de toute emprise par rapport à celle de l’enseignante. Nous ne voulions surtout pas que les enfants nous renvoient ce que nous attendions d’eux, c’est-à-dire qu’ils donnent la « bonne réponse » sans chercher à exprimer ce qu’ils ressentent ou pensent.
Nous avons donc fait le choix de proposer des temps de compréhension de l’album calqués sur la pédagogie de l’écoute de Pierre Péroz en essayant de respecter autant que faire se peut les principes de questionnement collectif, de clarté cognitive, de répétition, d’exhaustivité et de nonréponse. Afin de ne pas induire à nouveau des représentations chez les élèves, nous avons opté pour une lecture du texte uniquement, sans montrer les images.
Chacune des séances d’analyse du texte reposait sur le même déroulé, que l’enseignante adaptait en fonction des capacités cognitives des élèves. Une première partie consistait à mettre en perspective le réseau de lecture des élèves à partir du titre de l’album : nous avions lu l’histoire de Boucle d’orlors de la première période. Ensuite, nous lisions le début de l’histoire pour faire émerger le cadre narratif : les personnages, le lieu, l’action principale. Nous nous arrêtions donc au moment où Papa Ours refuse que son fils se déguise en Boucle d’ours pour le carnaval de la forêt, sans expliquer pour autant les raisons de son refus. L’objectif ici était de voir si les enfants arriveraient par eux-mêmes à la conclusion implicite qu’un garçon, selon Papa Ours, ne peut pas porter de jupe. La troisième partie donnait à entendre la fin de l’histoire avec l’analyse de l’élément de résolution : l’arrivée du Grand Méchant Loup, qui, bien que viril et très masculin, porte le costume du Petit Chaperon Rouge ; élément que les enfants devaient verbaliser. Enfin, nous terminions par un temps d’expression plus personnelle où les enfants se mettaient à la place des personnages et s’interrogeaient sur les actions qu’ils auraient faites. Pour mieux donner à voir la partie d’analyse qui va suivre, nous avons retranscrit deux de ces entretiens en annexes. Nous nous appuierons bien évidemment dessus.
Une conception classifiée du monde, a prioririgide
Selon Dominique Moret, dans son analyse Les stéréotypes dans la littérature enfantine, le jeune enfant de 3 – 4 ans « est capable de classifier un nombre important d’objets ou d’activités comme étant masculins ou féminins. Pourtant cette donnée n’est pas stable ainsi par exemple un homme vêtu d’une robe est une femme et redeviendra un homme en changeant de tenue » . Cette manière que les jeunes enfants ont de percevoir le monde à l’aune de leur propre classification, classification qui plus est faite sur des critères d’apparence, est dans un premier temps très intéressante concernant notre objet d’étude, puisque l’intrigue ne repose que sur le travestissement : des protagonistes masculins se déguisent en personnages féminins et une figure féminine se costume en personnage dont le métier est perçu comme masculin (chef de chantier).
Si nous analysons les réactions des élèves, il est parfois apparu difficile pour certains d’entre eux de comprendre que le personnage qui souhaitait se déguiser en Boucle d’ours n’était pas une fille mais bien un petit garçon. Par exemple, Jeanne s’est d’abord exclamée : « En fait, bin la maman ours », avant de se reprendre : « le petit ours, eh bin il se déguise en Boucle d’ours ». De même pour Joseph : « Il veut pas que la, le garçon il prend les couettes ». Ce recours spontané au genre féminin montre bien que pour les enfants, le vêtement jupe définit le sexe de celui qui la porte. À ce stade de la séquence, le principe du travestissement s’insérait parfaitement dans la Zone Proximale de Développement des enfants. Il leur fallait comprendre qu’il recèle en lui une part d’implicite (une identité secrète) caché derrière une part d’explicite (une identité donnée à voir). Toute la difficulté pour les élèves était donc de ne plus se référer uniquement à un signe extérieur, ici la jupe, pour définir l’identité d’un personnage. Toutefois, le fait d’avoir enlevé dans un premier temps l’accès aux illustrations a facilité cette compréhension. Nous avons pu le voir en comparaison avec les élèves de la classe voisine, à qui j’ai également lu le texte mais avec les images cette fois-ci. Il était plus difficile pour les enfants de s’abstraire du fait que le personnage, dont il voyait visuellement qu’il portait une jupe, n’était pas une fille.
Dans le même esprit, il est intéressant de noter que l’une des premières réactions des enfants concernant le fait que Petit Ours se déguise en Boucle d’ours fut d’émettre l’hypothèse que le personnage souhaitait devenir une fille (cf. Annexes, 3.1, Jeanne 4). L’idée que Petit Ours se soit déguisé en personnage féminin par plaisir, par jeu ou par esprit du grotesque, « pour faire une blague » comme le diraient les élèves, n’a jamais été évoqué. Leur conception du travestissement semble donc assez terre à terre, voire naturel. Il est d’ailleurs amusant de noter que c’est cette même enfant, Jeanne, qui a la première, et avant même que le texte ne le signale, verbalisé l’implicite derrière l’interdiction paternelle : « Parce qu’il ne veut pas que son petit, il se déguise en fille ». Une interdiction consentie par l’ensemble de la classe.
L’apport du travail du corps pour dépasser les stéréotypes vestimentaires genrés
Une mise en abyme identitaire complexe révélatrice de stéréotypies
Comme nous l’avons déjà souligné, le principe de travestissement constituait une difficulté plus ou moins importante selon les élèves pour ce qui est de la compréhension de l’intrigue. Par la suite, la séquence prévoyait deux séances de « répétitions théâtrales », où il était demandé aux élèves de jouer les personnages qu’ils souhaitaient dans le but de donner de courtes représentations devant la classe voisine. Il s’est avéré que ces temps très ludiques, où les enfants enfilaient les costumes et accessoires correspondant aux personnages, ont permis de révéler d’autres processus stéréotypiques, certains prévisibles, d’autres plus surprenants.
Le premier élément caractéristique, auquel nous nous attendions, fut le refus de certains enfants de porter une jupe, comme ce fut le cas pour Joseph (cf. Annexes, 4, Tour 2). À l’inverse, aucune fille n’a refusé catégoriquement de jouer le rôle de Maman Ours, même s’il fallait finir déguisé en chef de chantier. Phénomène plus surprenant, certains enfants se sont portés garants des « conventions sociales » en interdisant à leurs camarades de porter tel déguisement stéréotypé de genre. Par exemple, Valéry a eu une réaction assez catégorique lors des essayages de costume :
« Toi t’es pas un garçon, t’es une fille. Ça, c’est pour les garçons. » a-t-il fait remarqué à Charlie en lui arrachant des mains le gilet de chef de chantier. Par la discussion, ses camarades ont réussi à le faire changer d’avis sur le moment (cf. Annexes, 4, Tour 3). Sa réaction et ses difficultés par la suite à accepter les comportements non-genrés de ses camarades sont un véritable challenge pour nous. En effet, le discours qu’il entend chez lui est totalement à l’inverse du nôtre. On l’exhorte par exemple « pour son orgueil d’homme » de répondre à la violence par la violence.
Un autre phénomène que nous n’avions pas prévu fut les critères de sélection des enfants.
Il est apparu plusieurs fois que ces derniers choisissaient leur rôle en fonction du costume : « J’ai envie de faire le chantier. J’ai envie de jouer un chef de chantier » (cf. Joseph, Annexes, 4, Tour 2).
Le phénomène fut particulièrement prégnant chez les filles. Le fait que nous comptions deux robes de princesse, (qui plus est de la Reine des Neiges !) accentuait certainement leur envie de jouer Papa Ours : « Je veux jouer le Papa parce que j’aime les robes », a d’ailleurs argumenté Jeanne (cf. Annexes, 4, Tour 2). Ainsi, les enfants ne choisissaient pas leur rôle en fonction de l’identité du personnage (Maman ou Papa Ours), comme nous nous y attendions, mais en fonction du vêtement qu’il fallait porter pour l’interpréter. À nouveau, nous remarquons ici que les enfants s’identifient davantage aux attributs vestimentaires pour se définir qu’au critère biologique, sexué. Ce fut d’ailleurs une étape importante pour eux lorsqu’ils ont compris que ce n’était pas eux qui portaient une jupe, une robe ou un gilet mais bien leur personnage.
Le recours au ludique pour dépasser les réticences
Si la première séance de mise en jeu a mis en lumière quelques réticences chez les élèves, la seconde a permis de lever les inhibitions. Prenons notamment le cas de Joseph. Comme nous pouvons le voir dans la retranscription en annexes (4, Tour 2), son refus était double : à la fois, il ne voulait pas faire Maman Ours, un personnage féminin, mais il refusait aussi de jouer le Grand Méchant Loup, en raison de la jupe. Malgré une négociation lui proposant de jouer le loup sans la jupe, Joseph n’a voulu interpréter aucun des quatre personnages durant la séance. Néanmoins, lors de la seconde séance de répétition avec les accessoires et costumes au complet, c’est-à-dire avec l’arrivée des couettes blondes et des masques de loups et d’ours fabriqués par les enfants, Joseph a bien voulu interpréter le Grand Méchant Loup, et ce avec toute la panoplie du costume.
Il y a fort à parier que l’effet de groupe l’a stimulé et lui a permis de dépasser ses appréhensions. Le côté ludique et le fait de voir d’autres enfants, qui plus est moteurs du groupe (tel Axel jouant le rôle de Petit Ours), porter des jupes ont été de vrais leviers. D’ailleurs, à la fin de cette seconde répétition et lors de la représentation, plus aucun enfant n’a refusé de jouer un rôle quel qu’il soit.
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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Introduction
Investir le genre en éducation
(évolutions historiques, matériaux universitaires et influence éditoriale)
1.L’enseignement français : quelle évolution du sexe au genre ?
2.Langue et société : une tentative de définition des différents processus de différenciations des sexes
3.L’édition jeunesse, un monde régi par la nécessité économique et l’universalité
Transmettre une culture de l’égalité
(vie de classe, étude d’albums et jeu de rôles)
1.Un terrain propice ?
2.L’album Boucle d’ours, une mise à distance des conventions vestimentaires genrées
3.L’apport du travail du corps pour dépasser les stéréotypes vestimentaires genrés
Réinvestir les apports pédagogiques
(travestissement, littérature et débats d’idées)
1.Du travestissement moqué à l’acceptation bienveillante, voire désirée
2.Vers une évolution des mentalités en prise avec la représentation traditionnelle de la famille
3.S’initier au débat d’idées pour conscientiser les comportements genrés
Conclusion
Bibliographie
Annexes
1.Grilles d’observation et d’analyse spécifiques à la littérature jeunesse du programme
d’accompagnement « Outils pour l’égalité entre les filles et les garçons »
2. Séquence d’apprentissage : Boucle d’ours (période 3)
3. Séances de langage autour de l’album Boucle d’Ours
4. Séance 4 : Répétitions en petits groupes
Résumé
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