Langage non litteral et maladie d’Alzheimer
LA PRAGMATIQUE
La capacite a communiquer necessite un systeme de langage intact, des connaissances sur le contexte, sur l’interlocuteur et sur le monde (Martin & Mc Donald, 2003). La pragmatique concerne la capacite de l’individu a traiter l’intention de communication en fonction du contexte precis dans lequel il se trouve (Joanette et al., 2006). Elle permet ainsi l’adaptation sociale dans la vie quotidienne. Chacun possede des connaissances extra-linguistiques, tirees des differentes experiences auxquelles il a ete confronte, pour adapter son discours au contexte. L’habilete a interagir correctement est un processus complexe (Pearce, Mc Donald & Coltheart, 1998), car ยซ dialoguer, c’est rรฉcupรฉrer la pensรฉe de l’interlocuteur pour comprendre le sens des phrases โซ (Bracops, 2010, p. 40). Selon Grice (1975), le principe le plus important dans une conversation est le principe de cooperation.
Ainsi, tous les participants a la conversation ont un but commun : l’efficacite maximale de l’echange d’informations. Quatre grandes regles appelees maximes conversationnelles regissent la communication. Tout d’abord, la maxime de quantite : le locuteur doit fournir autant d’informations qu’il est requis pour la comprehension du discours. La maxime de qualite implique l’idee que tout ce qui est dit doit correspondre a la verite. La maxime de relation qui signifie parler a propos du sujet. Enfin, la maxime de maniere : le locuteur doit etre bref et sans ambiguite. Il arrive qu’on transgresse volontairement une des maximes. Selon Sperber et Wilson (1986), le locuteur doit โช choisir la rรฉponse qui vรฉhiculera des conclusions de la maniรจre la plus รฉconomique possible. โซ, c’est le principe de pertinence. Ainsi, il existe diverses situations ou si l’on souhaite etre le plus pertinent possible, on doit choisir un enonce qui n’est pas litteral, c’est-a-dire signifier quelque chose de different de ce qui est reellement exprime. Pour avoir une communication efficiente, il ne suffit pas d’avoir des capacites de comprehension litterale, il est egalement essentiel de maitriser la comprehension des implications non litterales.
LE LANGAGE NON LITTรRAL
Le langage non litteral peut se definir comme une โช entitรฉ de discours qui va au delร de la signification littรฉrale โซ (Rapp & Wild, 2011). La comprehension du langage non litteral necessite non seulement un decodage semantique et syntaxique mais egalement une inference non linguistique (Mo et al., 2008). Il existe differents modeles de discours non litteral : actes de langage indirects (exprimer sa pensee de facon indirecte), le discours inexact (exemple : dire โช je gagne 2000 euros โซ au lieu de โช 2038 โซ), le discours figuratif (la metaphore, l’ironie) (Bracops, 2010). Les metaphores sont utilisees pour conceptualiser des pensees qui sont compliquees a mettre en mots (Rapp & Wild, 2011).
Une metaphore est un acte de discours dans lequel ce qui est dit partage des similarites avec ce qui est implique (Colston & Gibbs, 2002). Elle decrit un objet d’une facon nouvelle. Les metaphores sont des elements fondamentaux du discours, qui correspondent a des โช violations โซ de la regle de qualite (Bottini et al., 1994). C’est un type d’enonce non litteral instable, dont l’interpretation varie selon les situations et fait appel aux connaissances encyclopediques. Pour comprendre une metaphore, l’auditeur doit avoir des connaissances afin de reconnaitre les attributs semantiques partages. Bottini et al. (1994) ont montre que l’hemisphere droit etait implique dans les activites de langage complexes. Les sujets atteints de lesions de l’hemisphere droit sont ceux qui sont les plus perturbes dans la comprehension des metaphores (Papagno, 2001). Le cortex prefrontal median, le gyrus frontal inferieur, le precuneus et le cortex temporal inferieur droit sont les regions qui sont activees par le traitement des metaphores (Gaudreau, Hudon & Monetta, 2011).
L’ironie est une forme de discours utilisee pour faire passer des sentiments d’une facon indirecte (Shamay-Tsoory, Tomer & Aharon-Peretz, 2005). L’ironie correspond a un acte de discours indirect qui donne des informations sur les pensees, les opinions du locuteur (Colston & Gibbs, 2002) et dans lequel le sens voulu est different ou oppose au sens litteral (Mc Donald & Pearce, 1996). Pour etre comprise, la phrase ironique necessite que l’auditeur reconnaisse l’attitude et l’intention communicative du locuteur (Colston & Gibbs, 2002), c’est pourquoi l’ironie est maitrisee progressivement au cours du developpement. Les regions frontales sont impliquees dans la comprehension de l’ironie. Ainsi, Dennis et al. (2001) ont montre que des enfants cerebroleses frontaux avaient plus de difficultes a comprendre des scenarii ironiques par rapport a des enfants au developpement typique. Le traitement de l’ironie active le cortex orbito frontal droit et le lobe temporal median (Gaudreau et al. 2011).
LA THรORIE DE L’ESPRIT
L’adaptation sociale et la regulation du comportement sont necessaires afin d’assurer la perennite des relations humaines. La comprehension sociale est influencee par l’environnement et les interactions avec les pairs (Happe, Winner & Brownell, 1998). Un des mecanismes essentiels a cette adaptation sociale est la theorie de l’esprit. La theorie de l’esprit correspond a la capacite a mentaliser, conceptualiser et se representer les contenus mentaux d’autrui (Fliss & Besnard, 2012), elle est utile pour interpreter le comportement social de facon a la fois rapide et flexible (Baron Cohen, 1995). Le mecanisme de theorie de l’esprit depend egalement des connaissances generales sur le monde et des connaissances 4 specifiques sur une personne que possede le sujet. La theorie de l’esprit permet de se representer l’ensemble des etats mentaux, de les utiliser afin de construire une explication coherente du comportement (Baron Cohen, 1995).
La reconnaissance des emotions et des intentions est une des bases pour le developpement de la theorie de l’esprit (Coricelli, 2005). Pour avoir une theorie de l’esprit efficiente, il faut avoir conscience que les representations sont creees dans l’esprit, a partir d’autres representations et qu’elles peuvent etre fausses (Zaitchik et al., 2004). La capacite a comprendre le comportement des autres requiert d’avoir certaines attentes par rapport a ce comportement. Les croyances ne correspondent pas toujours a la realite. (Gallagher & Frith, 2003). La capacite de theorie de l’esprit nous permet de comprendre, juger et predire le comportement des autres, autant du point de vue cognitif qu’affectif (Fliss & Besnard, 2012).
Les reprรฉsentations mentales On repere deux types de theorie de l’esprit (Coricelli, 2005). La premiere, la theorie de l’esprit cognitive, concerne les pensees, les croyances et les intentions d’une personne. Cet aspect est evalue par des taches d’attributions d’etats mentaux comme, par exemple, le paradigme des fausses croyances ou la tache d’attribution d’intentions. La deuxieme, appelee theorie de l’esprit affective, traite les sentiments, les emotions, la signification emotionnelle des actions et intentions des autres dans un contexte social. Cette derniere est evaluee avec des taches d’attribution d’etats mentaux affectifs comme le Reading the Mind in the Eyes (Baron-Cohen et al., 2001) Il existe egalement des paradigmes permettant d’evaluer les deux aspects de la theorie de l’esprit tel que la tache de faux pas social ou la tache de Yoni (Shamay-Tsoory, Aharon-Peretz & Levkovitz, 2007). La theorie de l’esprit est un phenomene complexe que l’on peut hierarchiser.
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Table des matiรจres
Introduction
I.Partie Thรฉorique
1.La pragmatique
1.1. Definition
1.2. Le langage non litteral
2.La theorie de l’esprit
2.1. Definitions
2.2. Representations mentales et processus
Les representations mentales
Les processus
3.Aspects cliniques
3.1. Langage non litteral et maladie d’Alzheimer
3.2. Maladie d’Alzheimer et theorie de l’esprit
3.3. Les liens entre pragmatique, theorie de l’esprit et maladie d’Alzheimer
Problematique
Hypotheses
II.Mรฉthodologie
Participants
Protocole experimentalProcedure
III. Rรฉsultats
Comparaisons de moyennes
1. Comparaisons des performances en theorie de l’esprit
2. Comparaison des performances en comprehension du langage non litteral
Analyse des correlations
Discussion
La theorie de l’esprit dans la maladie d’Alzheimer
La comprehension pragmatique dans la maladie d’Alzheimer
Liens entre theorie de l’esprit et comprehension pragmatique dans la maladie d’Alzheimer
Limites
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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