L’ANEMIE EN REANIMATION

L’ANEMIE EN REANIMATION

Les étiologies de l’anémie en réanimation :

Les étiologies de l’anémie en réanimation peuvent être multiples et associées [2,12,14,21]. Dans la littérature, on distingue trois types d’étiologies possibles : par pertes sanguines, par augmentation de la destruction des globules rouges (hémolyse) et par diminution de la production de globules rouges [1,14] (Tableau XII). L’hémorragie dont les étiologies les plus fréquentes sont les traumatismes, les interventions chirurgicales lourdes et les hémorragies digestives constitue l’étiologie principale de l’anémie en réanimation [1,2,9,14]. Les prélèvements sanguins destinés au suivi thérapeutique et/ou au diagnostic, peuvent également entrainer des pertes importantes particulièrement chez les patients dont le séjour est prolongé et surtout quand ils sont à répétition [5,14,22,23].

Les études rapportent des prélèvements quotidiens allant de 37 à 65mL et la quantité prélevée peut être plus grande chez les patients septiques [2]. Ils sont responsables de 17 % de la perte sanguine totale chez les patients de réanimation médicale [12]. Les causes d’augmentation de la destruction des globules rouges sont les hémolyses aiguës secondaires aux accidents transfusionnels; actuellement exceptionnelles, les causes iatrogéniques (circuits extracorporels), le sepsis, exceptionnellement certains médicaments (quinine, quinidine, hydralazine, nitrofurantoïne…), et enfin les hémoglobinopathies préexistantes [1,14]. L’hémodilution induite par les perfusions abondantes peut également révéler l’anémie en cas d’hémoconcentration préalable [2]. Les résultats de notre étude sont concordants avec ceux de la littérature. L’anémie s’expliquait chez 65% de nos patients par des pertes accrues de globules rouges. L’étiologie la plus fréquente était la période post opératoire (25%) suivie des hémorragies digestives (22%) et des traumatismes (11%).

La réponse adaptative et les mécanismes compensateurs de l’anémie : Le but des mécanismes compensateurs mis en jeu, est le maintien d’une oxygénation adéquate aux besoins tissulaires [9]. Au cours de l’anémie, le transport artériel en oxygène (TaO2) diminue. Ce dernier dépend du débit cardiaque (Dc), du taux d’hémoglobine (Hb) et de sa saturation en oxygène (SaO2), et de façon négligeable de la pression partielle en oxygène (PaO2) [9,14,22, 24-26]. Le TaO2 = DC × CaO2. (CaO2= contenu artériel en oxygène) La CaO2 = (SaO2 × Hb × 1,39) + (0,003 × PaO2). L’oxygène dissout (0,003 × PaO2) ne représente que 1,4% de l’oxygène combiné à l’hémoglobine et la CaO2 peut être estimée par la formule : CaO2 = SaO2 × Hb × 1,39 [14,22,24, 26-30]. En situation d’anémie, des mécanismes compensateurs microvasculaires et macrovasculaires tentent de maintenir des apports en oxygène suffisants pour satisfaire aux besoins tissulaires ; en redistribuant ce TaO2 réduit vers les organes les plus métaboliquement dépendants, ou au sein des organes, vers les régions les plus métaboliquement actives ; et en augmentant l’extraction tissulaire en oxygène (EO2) [14,26,31]. L’augmentation de l’EO2 permet, jusqu’à un certain seuil (TaO2 critique), de maintenir une consommation tissulaire en oxygène (VO2) constante. Au-delà de ce seuil critique, l’augmentation de l’EO2 devient insuffisante et la cellule fait appel au métabolisme anaérobie pour assurer une production minimale d’ATP et maintenir ses fonctions essentielles. Ceci se traduit sur le plan métabolique par la formation de lactate et de protons [9,14,24,28,30,32,]. Le TaO2 critique est dépendant des besoins en O2 de l’organisme. En réanimation, il est abaissé par la sédation et l’hypothermie et augmenté par la fièvre, l’agitation et la polypnée [14,28].

Seuil transfusionnel chez les patients âgés :

En raison de la fréquence de l’anémie, la transfusion est un acte souvent réalisé chez le sujet âgé. Or cette population est caractérisée par les modifications physiologiques liées à l’âge et le cumul de pathologies [36]. Plusieurs auteurs [36,37] ont discuté la définition d’une hémoglobine optimale dans cette population. Notamment, Chaves et al. [37] dans une population de femmes âgées en moyenne de 78±huit ans. En prenant comme référence une hémoglobine à 12 g/dl, les liens entre la mortalité et les taux d’hémoglobine suivaient une courbe en J ; et au delà de 14 g/dl, la mortalité recommençait à augmenter. Mais pour une hémoglobine à 14 g/dl, la mortalité diminuait de 24% par rapport à une population dont le taux d’hémoglobine était considéré comme normal à 12 g/dl [36,37]. Une enquête transversale [36] sur la transfusion auprès de 14 services de gériatrie français, rapporte des seuils transfusionnels plus élevés que ceux recommandés par l’Afssaps et souligne l’intérêt de réaliser des études sur la transfusion et les seuils transfusionnels, adaptées à cette population fragile.

L’étude ABC [11] portant sur 3534 patients hospitalisés dans 146 unités de réanimation en Europe occidentale, apporte des renseignements importants sur l’anémie et les besoins transfusionnels en réanimation [1]. L’âge moyen des patients de l’étude était de 61 ans. 33,4% avaient plus de 70 ans. La majorité (62%) était des hommes. La fréquence de la transfusion était directement liée à l’âge ; augmentant de 30 % pour les malades de moins de 30 ans, à 40 % pour les malades de 50 à 60 ans et 54 % pour les malades de plus de 80 ans (p < 0,001) [1]. La moyenne d’âge de 54 ans de notre étude est cohérente avec les données de la littérature. 40% des patients avaient plus de 61 ans. Ces derniers consommaient plus de CG et le pourcentage d’épisodes transfusionnels augmentait avec l’âge. Il passe de 5% avant 30 ans à 39% après 61 ans.

Seuil transfusionnel chez les patients atteints d’une pathologie cardiovasculaire : L’anémie est moins bien tolérée chez les patients ayant un statut cardiovasculaire précaire. En effet, le sang du sinus coronaire étant déjà très désaturé au repos, le coeur a une possibilité d’extraction d’O2 qui est très limitée. Comme le débit cardiaque doit augmenter au cours de l’anémie, l’augmentation du travail myocardique, en particulier lors de la stimulation adrénergique, risque d’accroître sa demande en O2 au moment où le TaO2 est limité. Il existe donc un risque de syndrome coronarien au cours de l’anémie [2,25]. Deux études rétrospectives [38,39] incluant un grand nombre de patients, donnent des résultats contradictoires sur la possible association entre anémie et statut cardiovasculaire précaire [2]. Wu et al. [38] ont étudiés de façon rétrospective une cohorte de 78 974 patients âgés de plus de 65 ans, avec un diagnostic d’infarctus myocardique aigu à l’admission. L’anémie, définie par un hématocrite inférieur à 39%, était présente chez presque la moitié des patients.

La mortalité approchait les 50 % pour les patients ayant un hématocrite inférieur ou égal à 27 % et n’ayant pas reçu de transfusion érythrocytaire (TE). Les patients transfusés qui avaient un taux d’Ht inférieur à 33% à l’admission avaient un taux de mortalité à 30 jours plus faible que ceux non transfusés. Cette étude est la première à démontrer un bien fait de la TE dans l’infarctus myocardique [2,9,35,36,40,41]. L’étude de Rao et al. [39] rapporte des résultats contradictoires. Cette dernière, portant sur 24 122 patients atteints d’infarctus du myocarde, parmi lesquels10% avait reçu au moins une TE durant leur hospitalisation, étudie la mortalité à 30 jours. Les patients transfusés étaient plus âgés, présentaient plus de comorbidités et avaient une mortalité à 30 jours supérieure à ceux qui n’avaient pas été transfusés [2].

L’étude canadienne « Transfusion Requirement In Critical Care » (TRICC) rapportée par Hébert et al. [25] a inclus 835 malades de réanimation. Cette étude randomisée, multicentrique, comparait les effets en terme de morbi-mortalité après 72h de réanimation, d’un taux d’hémoglobine entre 7 et 9g/dl (stratégie restrictive de TE) à un taux de 10 à 12 g/dl (stratégie libérale de TE). Sur les 835 sujets, le nombre de CG transfusés du groupe restrictif est statistiquement moins important et la mortalité à 30 jours de ce même groupe a été plus faible. Une analyse de sous population met en lumière un taux de mortalité à 30 jours plus bas chez les patients atteints de pathologies moins graves (score APACHE II < 20) et âgés de moins de 55 ans. Par contre chez les patients présentant des comorbidités cardiovasculaires, on ne retrouvait pas de différence de mortalité ou de morbidité entre ces deux stratégies [2,25,26,42,43]. Il ressort donc des données contradictoires de l’effet de la TE sur les malades atteints de pathologies cardiovasculaires; toutefois, la notion selon laquelle il n’existe pratiquement pas de situation nécessitant une concentration supérieure à 10 g/dl n’est pas remise en cause. Un seuil de l’ordre de 7 g/dl est généralement admis chez les sujets sans antécédents cardiovasculaires [6,33,44]. Pour les patients ayant de tels antécédents, il n’existe pas de bénéfice démontré pour des concentrations supérieures à 8 g/dl. Il apparaît raisonnable de conserver le seuil de 10 g/dl dans les cas de pathologie cardiaque avérée et menaçante [6]

Les écarts transfusionnels :

Peu d’études récentes concernant l’évaluation des seuils transfusionnels de CG en réanimation ont été publiées dans la littérature. En 1999, Reboul Marty et Le Roux [52] publient une étude prospective évaluant la prescription des CG dans un centre hospitalier universitaire. Les résultats avaient montrés que 4,2% des prescriptions étaient non justifiées. Malgré les recommandations des sociétés savantes en matière de seuils et d’indications transfusionnels beaucoup d’auteurs continuaient à rapporter des écarts dans leurs pratiques transfusionnelles. La valeur de ces écarts était variable d’une équipe à l’autre. Une étude multicentrique observationnelle [53] publiée en 2002 en Australie a permis d’étudier la transfusion dans 18 unités de réanimation réparties entre l’Australie et la Nouvelle Zélande. 350 patients ont été inclus dans l’étude. Ils ont reçus 1631 unités de CG. Uniquement 3% des transfusions de cette étude ont été jugées inappropriées. L’indication transfusionnelle a été comparée à ANHRMC (Australian National Health and Medical Research Council) guidelines. 50% des épisodes inappropriés étaient dû à un taux d’hémoglobine ≥10g /dl avec diminution des réserves physiologiques.

En 2006 E.Beale, J.Zhu [20] mène une étude observationnelle prospective incluant 120 patients admis aux unités de soins intensifs au centre des traumatisés à l’université de Californie du sud (USC) à Los Angeles. 104 patients (87%) ont été transfusés et ont reçu 324 transfusions. L’âge moyen était de 34,1 ± 16 ans (18-90 ans); 84% de la population était de sexe masculin. Le taux d’hémoglobine moyen de l’étude était de 9,1 ± 1,4g/dl. Il était de 10,6 ± 3,9 g/dl chez les patients transfusés et de 12,6 ± 4,5g/dl chez les patients non transfusés. Cette étude suggère que malgré les études montrant la supériorité de la stratégie restrictive en matière de transfusion sanguine, les patients gravement blessés admis en unités de réanimation chirurgicale, continuaient à être massivement transfusés.

Une autre étude récemment publiée en 2010 [54] a permis d’évaluer le respect des indications transfusionnelles en post partum au sein de deux hôpitaux hollandais. C’est une étude observationnelle rétrospective s’étalant sur la période d’une année où 90 patients ont reçu 311 unités de CG. La moyenne du taux d’hémoglobine pré transfusionnelle était de 6,9 g/dl et la moyenne post transfusionnelle de 9,7 g/dl. Sur les 311 unités de CG transfusés ,143 unités soit 46% étaient jugées inappropriées ; et ce chez 68% des patients. Ceci était partiellement dû à un excès de transfusion. Dans l’étude de M. Siriwardana et al. [36] incluant les 14 services de gériatrie français; les seuils transfusionnels étaient plus élevés que ceux recommandés par l’Afssaps dans 26% des cas chez 45% des patients. Les raisons de cette tendance étaient expliquées par l’anticipation de la décompensation de comorbidités lourdes fréquemment retrouvées chez ces patients. Obstoya B et Amdjara N ont évalué la transfusion de concentrés érythrocytaires sur une année (mai 2008-mai 2009) dans un service de réanimation polyvalente d’un centre hospitalier général français [55].

Il a été effectué 174 transfusions chez 97 patients (âge 63±15 ans, sexe ratio H/F 1,25). Les prescriptions étaient conformes aux recommandations de l’Affsaps dans 81,6 % des transfusions. Dans notre étude on constate que 88,3% des transfusions effectuées répondaient aux recommandations des sociétés savantes en matière de seuils et d’indications transfusionnelles. Les écarts constatés concernent uniquement 11,73% des épisodes transfusionnels et 10% des patients. 58% de ces écarts sont observés lors de situations hémorragiques ou à risque hémorragique. Ceci peut s’expliquer par l’anticipation des pertes sanguines et la crainte de devoir renouveler la commande de culots globulaires si l’objectif tensionel n’est pas atteint. Le taux d’hémoglobinémie moyen avant la transfusion était de 6,65 g/dl contre 8,96 g/dl en post transfusionnel. La pratique de la transfusion sanguine au sein de notre service de réanimation répond par conséquent à une stratégie restrictive suivant ainsi les recommandations de l’Affsaps.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
RESULTATS
I. CARACTERISTIQUE EPIDEMIOLOGIQUES DES PATIENTS
1. Age
2. Sexe
3. Antécédents transfusionnels
4. Antécédents pathologiques
5. Motifs d’hospitalisation
6. Service d’origine
II. PRODUITS SANGUINS TRANSFUSES
1. Nature des produits sanguins transfusés
2. Quantité des produits sanguins transfusés
III. FREQUENCE DE LA TRANSFUSION
IV. SEUILS ET INDICATIONS TRANSFUSIONNELS
1. Transfusion selon le taux d’hémoglobine
2. Transfusion selon le taux d’hématocrite
3. Transfusion selon le bilan d’hémostase
4. Transfusion selon le taux de plaquettes
5. Transfusion selon la tolérance clinique
V. LE BILAN TRANSFUSIONNEL
1. Le bilan pré transfusionnel
2. Le bilan post transfusionnel
VI. DESORDRES BIOLOGIQUES ASSOCIES
VII. DUREE DE SEJOUR EN REANIMATION
VIII. TRAITEMENTS ASSOCIES A LA TRANSFUSION
IX. DEVENIR DES MALADES
DISCUSSION
I. L’ANEMIE EN REANIMATION
1. Physiopathologie de l’anémie en réanimation
2. Etiologies de l’anémie en réanimation
3. La réponse adaptative et les mécanismes compensateurs de l’anémie
II. INDICATIONS ET SEUILS TRANSFUSIONNELS
1. Transfusion de culots globulaires
2. Transfusion de PFC
3. Transfusion plaquettaire
III. CONSOMMATION DES PSL EN REANIMATION
IV. TRANSFUSION ET MORTALITE
V. ALTERNATIVES A LA TRANSFUSION
1. Le remplissage vasculaire
2. Transfusion autologue
3. Erythropoïétine
4. Transporteurs d’oxygène
5. Traitement martial
CONCLUSION
ANNEXES
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE

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