L’analyse processuelle des phénomènes sociaux

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Les catégories de découpage de temps

Le temps peut tout d’abord s’entendre dans sa dimension historique à long terme. Mais cette échelle de grandeur est trop importante et les historiens ont opéré un découpage en époques historiques afin de les saisir dans leur relative homogénéité. Les partitions temporelles suscitent des débats sur la pertinence de leurs bornes, leurs variations géographiques, sans compter les questionnements sur le statut et la prise en compte des phases transitoires. Pour autant, ces temps historiques ont eux-mêmes fait l’objet de déclinaisons temporelles : le temps intergénérationnel, individuel ou évènementiel. Le lien entre temps historique et temps individuel est donc central dans le paradigme des parcours de vie puisque le premier est le produit d’un système institutionnel, culturel, économique, politique et normatif propre dans lequel le dernier va s’inscrire. A sa naissance, la société préexiste ainsi à l’individu ; le temps individuel s’inscrit dans un cadre sociétal plus large au sein duquel l’individu va être amené à interagir et évoluer (Piaget, 1964). Au cours de la socialisation primaire, les normes et les valeurs véhiculées dans l’environnement primaire de l’enfant et de l’adolescent seront en effet intériorisées à travers les instances classiques de socialisation que sont la famille, l’école, les médias, la religion et les pairs avant d’être renforcées, ajustées ou remises en question lors de la socialisation secondaire au cours de l’âge adulte. Bien que pouvant différer selon les milieux sociaux au sein d’une même société, l’ensemble des conduites et des manières de faire ou de penser ainsi promu ou adopté est le résultat d’une époque particulière. Mais un certain modèle ne peut pas rester dominant si les interactions d’un nombre suffisamment important d’individus avec lui suscite un ou plusieurs contre- modèles forts : les interactions entre la structure sociale héritée des générations précédentes et la structure sociale que les générations du présent contribuent à modeler de par leurs modes de vie et de pensée est ainsi susceptible de faire changer le modèle dominant…jusqu’à ce que ce dernier soit à nouveau remplacé. A un niveau macrosociologique, les liens entre temps individuel et temps historique connaissent assez peu de réciprocité (Elder, 1994; Turner, 1988). La plupart des travaux montrent l’influence qui tend à se faire en majorité du temps historique vers le temps individuel (Bessin, 2010; Elias, 1996; Grossin, 1996), et plus spécifiquement à travers les notions d’effets de cohorte, d’effets de génération ou d’effets de période dont l’essor eut lieu au cours des années 1960 et s’est développé ensuite. Ce mode de raisonnement n’est pas sans rappeler celui qu’a suivi l’évolution du concept de socialisation qui, au départ, se voulait unidirectionnel (depuis la société vers l’individu) mais qui a peu à peu intégré dans ses développements les influences mutuelles entre les deux éléments. Si les parcours de vie individuels sont structurés pour partie par les institutions et organisations sociales porteuses de modèles normatifs, on peut penser que ces modèles ont été progressivement construits du fait qu’un nombre majoritaire d’individus (ou issus d’un groupe dominant) les ont empruntés et fait admettre comme tels. Il n’y a pas de fait social ex-nihilo. Ainsi, l’influence de l’action individuelle sur les modèles collectifs pourrait – et doit – s’envisager si l’on veut pouvoir penser le changement social. On peut donc anticiper que les développements à venir de la théorie des parcours de vie intègreront eux aussi de la réciprocité dans leur conception théorique et aborderont plus en profondeur la question de l’influence du temps individuel sur le temps historique et par là, les conséquences de comportements ou systèmes microsociaux sur le niveau plus général du macrosocial, observables grâce à un effet d’agrégation (Grossetti, 2011). Jusqu’ici, l’imbrication des différentes échelles de temps a été pensée depuis une échelle macrosociale vers l’échelle individuelle. En premier lieu, il convient de préciser que les modèles d’analyse basés sur le concept de génération voient les vies individuelles en termes de reproduction des cycles de vie et des processus intergénérationnels de socialisation. La focale est portée sur le concept de génération, défini par l’intervalle de temps bornant les années de naissance des individus. Ces derniers partageront des modes de vie relativement similaires du fait de l’influence du même temps historique sur le cours simultané de leur vie. Ainsi, l’effet de génération ou effet de cohorte désigne, au sein d’une population, le partage de traits spécifiques (culturels, comportementaux, sociaux…) dont la corrélation peut être établie avec une caractéristique biologique commune (c’est-à-dire l’intervalle dans lequel est compris leur année de naissance). L’effet de période fait lui aussi référence au partage de certaines caractéristiques au sein d’une même population, mais ici définie comme inscrite dans une période historique. Contrairement à l’effet de génération dont l’impact se fait ressentir auprès d’une population spécifique, l’effet de période a des répercussions sur l’ensemble des membres d’une société, peu importe leurs caractéristiques sociodémographiques ou dispositionnelles. Enfin, l’effet d’âge est l’effet sociotemporel le plus déconnecté du temps historique car il a pour principe que la valeur de la variable observée est l’effet du déroulement du cours de la vie, que le « timing » et l’avancée dans le cours de la vie est la cause principale de ce phénomène (Kessler & Masson, 1985). Il est cependant difficile de dissocier distinctement ces trois effets car ils se produisent simultanément pour les mêmes individus. Seule la comparaison intergénérationnelle, historique et transversale permet de mettre à jour ce qui relève de l’un ou l’autre des effets.

Les échelles de l’espace

L’espace est une notion à laquelle les sociologues ont régulièrement recours et qui constitue même parfois une spécialisation disciplinaire comme cela peut être le cas en sociologie urbaine ou rurale. Cette notion est cependant difficile à expliciter, probablement car elle est initialement l’apanage de disciplines voisines telles que la géographie, l’aménagement, l’anthropologie ou l’architecture. Trois caractéristiques peuvent aider à cerner la notion d’espace (Gieryn, 2000). En premier lieu, l’espace implique une localisation géographique. Depuis l’espace-monde jusqu’au plus petit espace de vie individuel en passant par les espaces de taille intermédiaire tel que la ville, le voisinage, le bord de mer ou le pays, les échelles géographiques sont nombreuses. Néanmoins, leur typicité ne fait pas nécessairement leur unicité. Deuxièmement, l’espace se définit par une forme de matérialité, c’est-à- dire qu’un espace est défini par une « accumulation de choses ou d’objets dans un endroit particulier de l’univers » (Gieryn, 2000, p. 465). En fonction du degré d’intervention de l’humain sur ce lieu, sa nature peut être artificielle ou naturelle, parfois une hybridation des deux. Investi par les humains, l’espace devient un lieu de production et de déroulement de multiples processus sociaux qui contribuent à le faire perdurer, disparaître ou se transformer. Pour finir, la troisième caractéristique de l’espace réside en ce qu’il est le produit d’un investissement de significations et de valeurs. L’espace peut effectivement être envisagé comme étant sujet à des interprétations, narrations, perceptions, émotions, compréhensions et représentations humaines (Soja, 1998). Les résultats de ces différentes activités cognitives ne sont bien sûr pas uniformément partagés : ils ont d’une part une existence limitée dans le temps, sont flexibles de manière intra et interindividuelle au point de pouvoir être contradictoires voire contestés entre différents sous-groupes. L’espace serait donc la troisième dimension de l’activité humaine, aux côtés du temps et de l’histoire ainsi que des relations sociales et de la société. Dans tous les cas, il se montre à la fois contraignant et permissif en ce qu’il favorise les interactions entre les individus qui les expérimentent, de manière durable ou non. La conjugaison de l’espace et du temps laisse donc apparaître différents mondes sociaux, entendus comme « univers de réponses réciproques et régularisés » (Shibutani, 1955). Les espaces dans lesquels ces modèles culturels prennent place ont des périmètres variés et leur durée de vie diffère dans le temps. Un modèle social peut ainsi s’étendre dans l’espace et pénétrer d’autres sphères géographiques, tout comme il peut perdurer dans le temps et connaître une certaine longévité ou au contraire disparaître assez rapidement. Dans tous les cas, ces mondes sociaux connaissent des évolutions, que celles-ci soient temporelles, géographiques ou sociales.

Le rythme des parcours de vie

La théorie des parcours de vie porte une attention particulière à l’échelle temporelle au niveau individuel. Partant du postulat que le cours de la vie est un processus dynamique complexe (Huinink & Kohli, 2014; Mayer, 2004), la première implication engage le temps dans son déroulement et son évolution. Il n’est pas un simple facteur qui viendrait engendrer le changement mais est constitutif du processus lui-même en impliquant passé, présent et futur pour un individu en train d’agir. En rupture avec les premières théories du développement individuel qui considéraient la construction de l’individu durant les premières années de sa vie seulement, ce principe met en avant l’idée d’une continuité du développement tout au long de la vie, que ce soit dans les premières années de l’existence tout comme lors des phases ultérieures. Une action individuelle n’est donc jamais isolée mais située dans un système temporel plus large, à la fois déterminé par le passé et déterminant pour l’avenir. Il s’agit de l’interdépendance temporelle (Bernardi et al., 2019) : les décisions du présent sont la résultante des actions passées en limitant les possibilités d’avenir. L’imbrication des différentes temporalités constituant la vie individuelle est effective tout au long de l’existence et conduit à rechercher les clés de compréhension des schèmes d’action observés entre les bornes maximales constituées par la naissance et la mort.

Les variations de rythme

L’âge d’un individu est un marqueur important du cours de la vie puisqu’il peut donner des indications sur les statuts et rôles sociaux occupés à un certain point de son déroulement compte tenu des attentes et normes sociales relatives à ce stade de la vie (Neugarten, 1979; Settersten & Hägestad, 1996a, 1996b). Mais force est de constater que les transitions qu’il est censé refléter, notamment celles vers l’âge adulte, acceptent des variations historiques (Hogan, 1981; Rindfuss et al., 1988) et géographiques (Evans & Furlong, 2000; Van de Velde, 2008). Concernant les variations historiques, l’étude de Hogan sur la vie des jeunes hommes américains démontre que l’ordre dans lequel les évènements de la vie se produisent a changé et ce, dès la première moitié du XXe siècle. En effet, la prévalence d’un ordonnancement non normatif du mariage et de la fin des études (c’est-à-dire se marier avant d’avoir terminé ses études) a augmenté de 10% entre les cohortes de 1907 et 1911 et de 20% entre les cohortes de 1924 et 1947. Par ailleurs, l’étude de Rindfuss nous apprend que la primo-parentalité chez les femmes américaines de plus de 30 ans a crû de 33% entre 1966 et 1976 alors que leur nombre a augmenté de 6%, démontrant bien l’effet sociologique du recul de l’arrivée du premier enfant indépendamment d’un effet démographique d’augmentation de la population dans cette tranche d’âge. Les logiques qui sous-tendent le passage à la vie d’adulte dans quatre pays européens (Van de Velde, 2008) illustrent les variations géographiques des modes d’entrée dans la vie d’adulte : tandis qu’au Danemark, devenir adulte est synonyme d’une quête de soi dans une optique de développement personnel, la conception britannique de l’âge adulte se réfère plutôt à l’autonomie financière et parentale ; en France, devenir adulte passe par l’intégration socioprofessionnelle tandis que l’élément saillant de la transition des espagnols réside dans le passage d’une appartenance familiale parentale vers l’installation de leur propre foyer. Au-delà même de la définition du phénomène social, la temporalité du passage à la vie d’adulte observe donc des rythmes différents entre ces différents pays. La comparaison de la préparation à l’entrée dans la vie professionnelle de jeunes britanniques et allemands se conçoit différemment entre ces deux pays (Evans & Furlong, 2000) : lorsqu’en Allemagne, la formation est « fortement institutionnalisée et repose sur une socialisation anticipée », la Grande Bretagne promeut un système pluriel dans lequel la formation peut s’effectuer par l’école, en entreprise ou une alternance des deux. Ces différents exemples nous montrent donc qu’à âge égal, les expériences vécues par les individus diffèrent dans le temps et l’espace. De surcroît, l’avancée en âge n’est pas pour autant et systématiquement synonyme de maturation biologique, psychologique ou sociale ; et si elle l’était, les transitions attendues à ce stade ne sont pas nécessairement souhaitées par les individus qui peuvent chercher à les éviter. L’année de naissance, qui situe non seulement un individu dans un contexte et un temps historique mais qui rend le calcul de son âge à un instant T possible, donne des indications plus précises sur le moment supposé d’apparition des transitions ou la durée probable des séquences de son parcours du fait notamment de son appartenance générationnelle.

De la disposition d’une ressource à son accès et sa mobilisation

Une fois les questions sur la détermination de l’origine et de catégorisation des ressources et contraintes évoquée (qu’on ait réussi à les résoudre ou non !), reste celles de leur accès et de leur utilisation (Kabeer, 1999). Avoir accès à une ressource ne garantit en rien son utilisation et encore moins la probabilité de voir l’objectif visé se concrétiser. Une ressource particulière peut être mobilisée pour différents objectifs tout comme la même ressource peut servir des objectifs similaires mais à des temporalités différentes dans l’avancement de la réalisation qu’elle vise. Ainsi, l’identification des ressources potentielles n’est pas une condition suffisante pour augmenter la probabilité de réalisation d’une action. L’analyse doit accorder une attention particulière à ses modalités d’accès : l’individu peut-il pleinement s’en saisir afin qu’elle constitue un atout dans la poursuite de son objectif ? La théorie des capabilités (Sen, 1987) énonce ainsi que les inégalités ne doivent pas uniquement être envisagées à l’aune de ce que possède ou pas un individu. La liberté, son aptitude, sa capacité à utiliser ses biens dans l’objectif de choisir son mode de vie est une dimension fondamentale de l’approche par les capabilités. Dès lors, la temporalité dans laquelle l’individu fait appel à la ressource permettra d’en spécifier encore plus la typicité et ouvrira une fenêtre sur la combinaison de l’ensemble des ressources nécessaires à la poursuite de l’objectif. En acceptant l’idée d’un « management de ressources » (Lapeyronnie, 1988), on peut effectivement penser que la mobilisation d’une nouvelle ressource est un indice indiquant que celles déjà mobilisées ne sont pas ou plus suffisantes à l’aboutissement du projet. On peut enfin se demander si certains types de projets ou d’objectifs ne mobilisent pas préférentiellement un certain type de ressources plus que d’autres. Les différents modes d’exercice d’une contrainte sur l’individu conviennent d’être également précisés. Le repérage de cette contrainte, dont l’identification relève là aussi de différentes temporalités, est nécessaire afin de mettre en place une stratégie d’adaptation efficace. Cette stratégie consiste en une acceptation de celle-ci, son contournement ou une lutte pour faire baisser ou disparaître le poids de cette contrainte qui pèse sur l’existence.

Types de ressources et contraintes

Plusieurs grands types de forces modèlent les parcours de vie individuels, que celles-ci soient catégorisées en tant que ressources ou contraintes. Les conditions matérielles d’existence dans lesquelles les parcours se déroulent sont le premier type de forces à l’oeuvre. Vocabulaire plus traditionnellement utilisé dans les sciences économiques, elles trouvent toute leur place en sociologie en ce qu’elles engendrent des rapports différenciés à la capacité d’action de chaque individu. Elles se traduisent principalement à travers le niveau de revenu et la possession ou l’accès à des biens matériels. Le caractère objectif de ces conditions de vie n’a pas plus d’importance que leur caractère plus subjectif saisi à travers la satisfaction à leur égard ou leur pouvoir capacitant tel que le suggère Amartya Sen. La culture, dans son acception large, c’est-à-dire englobant les modes de vie, les croyances, les normes et valeurs véhiculées par les individus et les institutions, est le deuxième grand type de forces. Il s’agit précisément des modèles des parcours de vie dominants et promus par les institutions sociales. Plurielle, cette culture engendre en réalité une multiplicité des modèles en fonction des appartenances sociales des individus, dont les principales distinctions se font en fonction de l’origine sociale, du sexe, de l’ethnie, mais également de l’âge. Dans sa théorie de la stratification par âge, Riley attribue plusieurs significations à l’âge : ce dernier peut être le marqueur d’un certain état ou stade de développement, d’appartenance à une cohorte ou d’une position dans l’organisation sociale des rôles et des statuts. L’âge est ainsi fréquemment un indicateur normatif, voire prescriptif, d’assignation d’une norme de comportements ou de pensées appropriés à chaque modèle de parcours de vie et lors des différentes étapes de la vie (Settersten & Hägestad, 1996a, 1996b). Dès lors, on peut se demander s’il existe une acceptabilité ou congruence entre ces modèles et les choix et aspirations des individus. Lorsque les modèles proposés par les institutions et les parcours suivis au niveau individuel sont relativement similaires, il n’y a pas de remise en question de ceux-ci ; assurant ainsi une certaine forme de conformisme et évitant les diverses sanctions sociales auxquelles s’exposent les individus qui ne respecteraient pas les calendriers sociaux.
Le troisième type de forces modelant les parcours sociaux est constitué des ressources relationnelles et sociales que l’individu entretient. Il s’agit du concept des vies liées (linked lives) qui énonce que l’individu est pris dans un ensemble de relations sociales plus ou moins larges et plus ou moins fortes et qui vont exercer sur lui diverses influences (Elder, 1994; Settersten, 2015). Cette influence peut être positive ou négative : elle peut se faire sur le mode du soutien, de la critique, de la régulation, du conseil, de l’opposition, etc. Elle peut provenir de plusieurs cercles sociaux dont la famille, particulièrement présente lors des premières années de la vie, puis les membres des différentes institutions socialisatrices que l’individu est amené à côtoyer au cours de sa vie (école, religion, association, groupe de pairs, monde du travail). Ces relations sociales ne sont pas nécessairement affectives, bien qu’elles se situent souvent sur ce registre en ce qui concerne la famille et les amis par exemple. Dans le monde du travail, l’affectivité est reléguée à un plan plus secondaire (même si des relations plus personnelles peuvent se lier entre collègues) et la simple mise en contact suffit bien souvent à engager des interférences entre les univers individuels qui se rencontrent puisque chacun est porteur d’attitudes et d’opinions qui sont le produit d’un parcours propre et spécifique. La « contamination » de l’un sur l’autre pourra dès lors avoir lieu. Ce réseau de relations constitue ainsi autant de ressources ou de contraintes dans lequel l’individu va pouvoir puiser ou dans lequel ce dernier va se retrouver bridé. Néanmoins, les relations entretenues par un individu sont marquées par une certaine homophilie (McPherson et al., 2001). Les individus ont tendance à entrer et maintenir des contacts avec des personnes avec qui ils partagent des caractéristiques sociodémographiques (ethnicité, âge, religion, niveau d’études, milieu social ou professionnel, genre, origine géographique) ou des affinités intellectuelles (idées politiques, modes de vie, conception du monde, aspirations). La place et le poids de ces autruis significatifs peuvent évoluer au cours du temps mais en tout état de cause, le mythe de l’individu totalement libre de toute influence sociale doit subsister comme tel, c’est-à-dire comme une représentation, si ce n’est idéalisée ou imaginaire, au moins fausse sociologiquement. Le concept de vies reliées fait également référence à l’étiquetage opéré en fonction du changement de statut d’un de ses proches. Lors de la primoparentalité par exemple, l’individu fait de ses parents des grands-parents bien qu’à leur propre niveau, ces derniers ne connaissent aucun changement qui leur soit directement imputable. Des attributions de statuts aux proches lors de mariage (beaux-parents) ou lors de la mort du conjoint (veuvage) sont ainsi révélateurs des changements qui s’opèrent dans les vies liées au protagoniste de l’histoire. Le quatrième grand type de forces est constitué des ressources cognitives et personnelles de l’individu. Il s’agit principalement de la connaissance que l’individu possède du monde qui l’entoure et de l’interprétation que ce dernier va pouvoir en faire. Ce travail de recueil et de traitement d’informations s’effectue au vu des expériences passées qui ont façonné sa personnalité, ont construit les compétences nécessaires à cette activité cognitive, mais également au regard de ce qu’il envisage comme projections futures en se concentrant sur les informations qui vont permettre d’éclairer les décisions et actions à venir. La connaissance ainsi accumulée permet d’orienter l’action future en réduisant l’incertitude. La production de cette connaissance entraîne un investissement coûteux (et ce, d’autant plus qu’elle nécessite une actualisation régulière) mais permet d’affiner le cadre et les possibilités envisageables des actions futures en faisant émerger un projet, un but à atteindre, une motivation.

L’imbrication des sphères de la vie

Concurrence entre les domaines de la vie

Pour qu’une activité ou une décision puisse avoir lieu, il faut que des ressources y soient allouées (Bernardi et al., 2019). Or, si certaines ressources peuvent se multiplier (l’argent), d’autres ne peuvent que se diviser (le temps). Toutes les activités ne peuvent donc pas disposer d’autant de ressources que nécessaire, particulièrement lorsque plusieurs activités doivent être menées de front et que le système d’allocation de ressources mis en place par l’individu engendre une partition du stock de ressources disponibles entre toutes les activités en cours. Bien que dans une logique de cumul, certains individus peuvent et doivent être richement dotés en ressources pour mener à bien leurs activités, ce système d’allocation de ressources n’offre qu’une multiplication ou un accroissement limité de ce stock. Les activités entrent ainsi en concurrence lorsqu’il s’agit d’allouer les moyens nécessaires à leur réalisation. L’allocation d’une ressource divisible pour une activité ne peut donc se faire qu’aux dépens d’une autre activité qui en demanderait un octroi également. Dès lors que les différentes sphères d’activités d’un même individu entrent en concurrence les unes avec les autres, nous sommes en mesure d’affirmer qu’elles sont la preuve d’une première forme d’interdépendance.

Solidarité entre les domaines de la vie

Les choses se complexifient lorsque l’on prend en considération le fait que les activités menées par un individu n’engendrent pas uniquement des coûts (c’est-à-dire l’utilisation d’une ressource) mais peuvent au contraire venir augmenter le capital de ressources disponibles qu’un individu pourra alors investir dans d’autres activités. C’est le cas par exemple lorsque le travail nécessite une allocation de temps afin de pouvoir fournir de l’argent disponible pour les loisirs. Ces loisirs pourront ainsi créer du bien-être, qui facilitera à son tour la capacité de l’individu à fournir un travail productif. Le transfert des ressources ou contraintes d’une activité à l’autre fonctionne également lorsque celles-ci concernent des capacités dispositionnelles de l’individu comme des modes de raisonnement ou des compétences. La dissociation des coûts et bénéfices nécessaires ou produits par chaque activité et son réinvestissement ultérieur dans d’autres est essentielle afin d’en obtenir une vision plus fine, ouvre la voie à une seconde forme d’interdépendance des domaines de la vie.

Des obstacles d’ordre scientifiques, structurels et personnels

Dans tous les cas, l’échéance lointaine de concrétisation du projet est contrainte par des obstacles sur lesquels les enquêtés n’ont qu’un contrôle limité. S’il leur en était donné la possibilité, la concrétisation immédiate de ce projet serait choisie. Le projet probable s’écarte ainsi du projet souhaité et provoque donc cette dissociation temporelle entre les court et moyen termes. Les contraintes à la concrétisation d’un projet professionnel académique stable relèvent dans la majorité des cas du niveau élevé d’exigences qu’ils perçoivent ou expérimentent sur le marché du travail académique au regard de la raréfaction des postes statutaires ouverts au recrutement. Les paramètres qu’ils peuvent plus ou moins maîtriser, c’est-à-dire s’inscrire dans les « bons réseaux », publier des ouvrages, de « bons papiers » dans les « bonnes revues », diriger des numéros spéciaux de revues, s’impliquer dans des projets collectifs, enseigner des cours spécialisés mais diversifiés lorsque la maîtrise de conférences est visée, bref, « cocher les cases » qui feront la différence avec la concurrence accrue lors du processus de recrutement, doivent se coordonner et trouver écho à travers l’ouverture de postes correspondant à leur profil scientifique. Ils prennent alors progressivement conscience que la détention d’un doctorat, aussi bonne la thèse soit-elle, ne suffit pas à être recruté immédiatement sur un poste académique stable. Hormis Fabien, ils sont tous particulièrement attentifs à la consolidation de leur CV scientifique qui leur permettrait de voir augmenter leur probabilité d’être recrutés sur un poste académique stable. Mais étoffer son profil scientifique est une condition nécessaire mais non suffisante pour l’accession à une stabilité académique. Les obstacles sont en effet multiples : ils portent tout d’abord sur la concordance nécessaire entre l’orientation qu’ils donnent à leur profil scientifique et les thématiques que souhaite développer l’organisation de recherche et/ou d’enseignement qui recrute ; ils concernent ensuite l’acceptabilité de l’ensemble des conditions d’emploi proposées au regard de ce qu’ils visent ; ils concernent enfin les moyens à leur disposition qui leur permettront de se distinguer de la concurrence en amont et au moment du processus de recrutement. Les conditions de recrutement permettant l’accès à un poste académique stable ne sont pour autant pas les seuls éléments avec lesquels les enquêtés doivent composer leurs projets professionnels à venir : ces derniers doivent également être compatibles avec des choix de vie plus personnels. Félicie par exemple aimerait occuper un poste localisé en outre-mer. Marceau choisit de privilégier le bien-être de sa famille plutôt que la poursuite coûte que coûte d’une carrière académique. Pour autant, il visait une expérience de travail à l’étranger après ses études ; le post-doctorat peut donc s’inscrire dans cette perspective… à condition que sa famille apprécie l’expatriation. Louise se questionne sur la compatibilité de sa carrière académique avec celle de sa compagne, en fin de doctorat : comment concilier leurs vies professionnelles respectives avec une future vie de famille ? Pour Fabien, l’obstacle principal à son projet primaire est de nature financière : une installation de type agricole nécessite d’avoir des fonds à investir qui sont pour le moment insuffisants. D’ici là, il cherche à privilégier un cadre de vie au plus proche de la nature.

Face à l’incertitude du projet professionnel primaire, la nécessité du projet professionnel d’attente

Face à la concrétisation d’un projet professionnel dont l’échéance est lointaine voire repoussée, que faire ? Quelle direction donner à son parcours d’ici là ? Les enquêtés de ce type adoptent un projet d’attente qui porte plus sur le court terme, un projet intermédiaire à celui visé sur le moyen terme. Pour les sept enquêtés de ce type, ce projet intermédiaire relève de fonctions relatives à l’enseignement et/ou de la recherche, mais ces dernières sont envisagées sous un statut d’emploi de contractuel, voire de vacataire. L’ensemble des enquêtés connaissent ainsi des parcours marqués par des périodes d’emploi et de recherche d’emploi successives. Lors des périodes d’emploi, certains peuvent bénéficier des allocations retour à l’emploi et maintenir ainsi un niveau minimal de ressources. Mais ce n’est pas le cas de tous : Josselin par exemple a réalisé sa thèse sans source de financement dédié et les « petits boulots » qu’il a occupés rendent ses ressources financières faibles et fragiles. Il vise ainsi l’obtention d’un post-doctorat qu’il espère occuper le plus rapidement possible après sa soutenance. Alors qu’il revient juste d’un séjour de recherche à l’étranger, le post-doctorat débute : les dates concordent avec ses souhaits et sa disponibilité. Mais ce post-doctorat ne dure qu’un an. Au moment de la première vague et alors qu’il est en poste depuis à peine trois mois, il pense déjà à en trouver un second pour l’année d’après. Paul et Louise visent également l’obtention d’un post-doctorat que les six mois d’aterat qui ont suivi leur soutenance leur a permis d’anticiper. Ils trouvent tous les deux un post-doctorat d’une durée respective de deux et trois ans mais Paul trouve plus rapidement que Louise qui a fait plusieurs tentatives infructueuses entre temps et a connu une période de chômage de neuf mois. Marceau et Fabien ont pu bénéficier du soutien de leur laboratoire de recherche pour mettre en place le montage financier d’un contrat de recherche qui permettra leur embauche directement après leur soutenance. Marceau parvient à enchainer un premier post-doc d’une quinzaine de mois avec un deuxième post-doc de deux ans à l’étranger grâce à un contact noué lors d’une conférence, répondant ainsi à son souhait de vivre une expérience de travail à l’étranger. Fabien, dont le premier contrat de recherche après la thèse n’a duré que quelques mois, connaitra quelques mois de chômage avant de trouver lui-aussi un post-doctorat mais d’un an, renouvelable une fois. Au moment de la première vague, Félicie espère vivement être recrutée à nouveau sur un poste d’ATER en outre-mer après un an de chômage, dont la moitié après sa soutenance : c’est la seule solution d’attente qui a émergé après son échec à la qualification. Lors de la deuxième vague, elle nous confirmera qu’elle a effectivement été recrutée en tant qu’ATER en outre-mer ; mais la durée de son contrat n’étant que d’un an, elle recherche rapidement un nouvel emploi qui lui permette de rester en outre-mer, quitte à revoir ses exigences à la baisse. Mais grâce à un désistement, elle est embauchée sur un post-doctorat pour 18 mois, toujours en outre-mer. Elle compte se présenter à nouveau aux deux sessions de qualification à venir afin d’espérer, enfin, être recrutée en tant que maîtresse de conférences, si possible en outre-mer également où elle apprécie vivre et souhaite s’installer pour quelques années au moins. Audrey s’installe en tant qu’auto-entrepreneuse et sollicite les universités à proximité de chez sa mère chez qui elle est retournée vivre, afin de donner un maximum de vacations. Après 30 000 km et 400h de cours dispensés la première année universitaire qui suit sa soutenance, elle prépare lors de la deuxième vague d’entretiens une seconde rentrée en tant que vacataire, en espérant qu’elle effectuera la prochaine en tant que maîtresse de conférences. En conclusion, l’ensemble de ces projets d’attente sont empreints d’une grande précarité temporelle, financière et matérielle. A l’incertitude de voir le projet professionnel académique se réaliser dans un avenir plus ou moins proche s’ajoute la difficulté sans cesse renouvelée de trouver un emploi dans le temps présent. D’autant que l’objectif de ce dernier n’est pas une fin en soi : il doit permettre de préparer et favoriser la réalisation du projet académique. La variation des positions d’emploi, des statuts d’emploi, des lieux d’habitation et de travail (parfois différents), les fluctuations des sources de revenus, la compatibilité des calendriers personnels avec ceux des offres d’emplois disponibles sont autant de défis auxquels les aspirants académiques doivent faire face dans la poursuite de leur projet professionnel.

Face à la précarité des projets professionnels d’attente, l’évocation d’un projet professionnel « de secours »

Les projets professionnels académiques étant incertains et lointains et les projets d’attente étant précaires, bon nombre d’enquêtés élaborent, face à cette incertitude et ces potentielles impasses, des projets « de secours ». Ces projets ne sont clairement pas privilégiés et leur mise en oeuvre ne se fera que lorsqu’ils auront renoncé à l’espoir d’accéder aux carrières académiques et que les projets d’attente auront été épuisés et ne pourront plus se renouveler. Dans cette optique, Marceau évoque dès la première vague la possibilité de se diriger vers l’industrie si la carrière académique est trop difficile d’accès ; Paul envisage une carrière de musicien, d’agriculteur ou d’animateur scientifique ; Fabien quitterait la recherche pour un autre emploi salarié qui lui offre du temps libre et la possibilité de ne pas habiter en ville. Cet éventuel renoncement au projet professionnel primaire, académique et stable semble moins difficile pour eux que pour certains de leurs camarades. Si les voies évoquées pour leurs projets de secours étaient des projets professionnels qu’ils nourrissaient avant d’envisager prioritairement la carrière académique, l’antériorité de ce projet ne semble pas être le facteur qui explique l’apparence d’une plus grande facilité d’un renoncement éventuel. Josselin par exemple envisage, depuis longtemps déjà, l’avocature ou un poste de juriste en entreprise. Ces voies professionnelles pourraient alors répondre au besoin de stabilité de revenus qui se pose avec une acuité particulière chez Josselin. Mais cette possibilité plus rémunératrice est reléguée progressivement en projet de secours et est de moins en moins satisfaisante à ses yeux. En effet, alors que les démarches administratives pour finaliser le démarrage de son deuxième post-doctorat durent et se compliquent (demande de permis de travail, visa, visites sur place), sa crainte de voir ce post-doctorat ne pas aboutir, l’absence d’alternatives d’emploi et de revenus à court terme ainsi que son angoisse face au manque de postes académiques stables sur le moyen terme le conduisent à s’inscrire à l’école des avocats. Il lui faut alors moins d’un mois pour comprendre qu’il ne peut se résoudre à embrasser la carrière d’avocat et renoncer à la recherche. Il se désinscrit de l’école… et les démarches administratives relatives à son post-doctorat connaissent finalement une issue heureuse. Félicie teste également son projet de secours, peu avant la deuxième vague d’entretiens. Les qualificatifs utilisés pour marquer son investissement dans chacun de ces projets indiquent bien la hiérarchie entre eux : elle postule « en dilettante » auprès de collectivités territoriales où le déclassement subjectif sera compensé par la possibilité de rester en outremer. Mais lorsqu’elle trouve l’offre de post-doctorat, elle « soigne [s]on dossier de candidature » y concentrera tous ses efforts qui seront alors récompensés. Pour Audrey, c’est seulement à partir de la deuxième vague que ses projets de secours apparaissent : c’est à ce moment qu’Audrey envisagerait, à contre coeur, d’entrer à l’école des avocats. Mais pour elle, cette possibilité reste encore éloignée. En revanche, Louise reste focalisée sur son projet d’attente et n’a pas élaboré de projet de secours différent de la perpétuation de son projet d’attente. Si les trois ans de post-doctorat ne lui suffisent pas pour accéder à un poste académique stable, elle cherchera un nouveau post-doctorat ou, à défaut, postulera à des bourses et financements de recherche en son nom propre. L’absence de projet de secours de Louise ainsi que le dépit avec lequel Josselin, Félicie et Audrey envisagent ces « solutions de repli » témoignent de la force et de la volonté avec laquelle ils poursuivent ce projet professionnel académique, pris en étau avec la probabilité d’y accéder.

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Table des matières

Chapitre 1 – Analyser les projets et parcours professionnels des doctorants devenus docteurs à l’aune de la sociologie des parcours de vie
1 – L’approche de la sociologie des parcours de vie
1.1. – Implications théoriques des différentes approches et de leur usage du vocabulaire
1.2. – Les notions centrales de la sociologie des parcours de vie
2 – Les éléments structurants des parcours et leur interdépendance
2.1. – Le temps et l’espace comme cadre socio-historique
2.2. – Le rythme des parcours de vie
2.3. – Les ressources et contraintes pour les parcours
2.4. – L’imbrication des sphères de la vie
2.5. – L’espace d’action agentique : une liberté d’action individuelle dans un cadre structurel
2.6. – Le parcours comme processus d’ajustement permanent
Chapitre 2 – L’analyse processuelle des phénomènes sociaux
1 – Les notions centrales de l’analyse processuelle : implications théoriques, méthodologiques et épistémologiques
1.1. – Les modes de production des connaissances sociologiques et leur appréhension de la stabilité et du changement
1.2. – Du temps chronomètre au temps acteur
1.3. – D’une causalité unique à des causalités multiples et interdépendantes
1.4. – Une nouvelle place pour la contingence
2 – Une théorie et une méthode d’analyse des processus
2.1. – Qu’est-ce que l’analyse processuelle ?
2.2. – Les éléments constitutifs du processus : les ingrédients
2.3. – Le découpage du processus : les séquences
2.4. – La logique d’action du processus : les moteurs
2.5. – Les potentielles réorientations du processus : des bifurcations aux transitions
Chapitre 3 – : Terrain d’enquête, approche analytique et posture épistémologique
1 – Terrain d’enquête et dispositif qualitatif longitudinal
1.1. – Terrain, dispositif et caractéristiques de la population d’enquête
1.2. – Grilles et conduite d’entretien
1.3. – L’analyse ancrée et séquentielle des entretiens
2 – Entre proximité expériencielle et distance scientifique à instaurer : trouver son positionnement épistémologique et sa posture sociologique
2.1. – Le statut de la parole des enquêtés
2.2. – L’entrée intermédiée sur un terrain institutionnel : travailler la présentation de soi et analyser les jeux d’acteurs
2.3. – L’infinité des reflets constitués des miroirs qu’étaient notre sujet de thèse et notre propre parcours : une mise en abîme vertigineuse
2.4. – La similarité des expériences doctorales recueillies et personnelle : un atout ou pas ?
2.5. – De la mise à distance progressive de notre point de vue à la comparaison des leurs : un détournement de la demande d’engagement et de proximité
2.6. – Repenser les tenants des positions objectives – subjectives et savant – indigène dans la relation enquêteur – enquêté ?
Chapitre 4 – Typologie d’évolution des projets professionnels des doctorants devenus docteurs
1 – Les projets professionnels « constants »
1.1. – Des projets professionnels aux contours précis et clairs, élaborés de longue date
1.2. – Le doctorat comme outil de réduction des incertitudes d’accès aux activités visées
1.3. – La consolidation du projet professionnel au cours de l’expérience doctorale
1.4. – Des actions anticipatrices en vue d’une mise en oeuvre rapide du projet professionnel
1.5. – Une suite pour le projet professionnel, dans la linéarité du projet et du parcours antérieurs
2 – Les projets professionnels « fluctuants »
2.1. – Des projets professionnels qui visent des segments de secteurs d’emplois ou de métiers
2.2. – Des projets professionnels qui semblaient accessibles mais reportés par l’entrée en doctorat
2.3. – La période doctorale : expérimenter pour spécifier
2.4. – Une entrée sur le marché du travail qui engendre une déviation du projet professionnel
3 – Les projets professionnels « réorientés »
3.1. – La première séquence : conceptualisation et axes structurants du projet initial
3.2. – La deuxième séquence : l’émergence et le renforcement des doutes préalables à l’apparition d’alternatives
3.3. – La troisième séquence : point de rupture et consolidation du nouveau projet
4 – Les projets professionnels « itératifs »
4.1. – Face à l’impossibilité de suivre la voie souhaitée, l’expérimentation successive de différentes options du champ des possibles
4.2. – La multiplication des expériences professionnelles simultanées
4.3. – La recherche d’une diversification des compétences, mais dépendante au sentier
5 – Les projets professionnels « en poursuite »
5.1. – Un projet professionnel primaire de moyen terme
5.2. – L’incertitude de la possibilité et de l’échéance de concrétisation du projet professionnel primair
5.3. – Des obstacles d’ordre scientifiques, structurels et personnels
5.4. – Face à l’incertitude du projet professionnel primaire, la nécessité du projet professionnel d’attente
5.5. – Face à la précarité des projets professionnels d’attente, l’évocation d’un projet professionnel « de secours »
Chapitre 5 – La première séquence : la fabrique de l’engagement en doctorat en 3 étapes sélectives
1 – Rendre possible les conditions favorables à la réalisation du doctorat : une première forme de sélection par l’information
1.1. – L’information sur l’existence même du doctorat et de ses modalités d’accès
1.2. – La désirabilité de la voie doctorale
1.3. – Les dispositifs institutionnels pour la concrétisation du projet de doctorat et/ou professionnel des individus déjà présents sur le marché du travail
2 – Le soutien des personnalités qualifiées issues de l’institution : une deuxième forme de sélection par la légitimation
2.1. – Les personnalités qualifiées pour légitimer l’orientation en doctorat : les enseignants-chercheurs, intervenants professionnels, collègues ou encadrants de stage
2.2. – Les personnalités qualifiées pour légitimer la connaissance des conditions matérielles et organisationnelles requises : les pairs doctorants et ex-doctorants
2.3. – Les fondements de la légitimité à candidater au doctorat
3 – Les inégalités de l’établissement et de la reconnaissance institutionnelle des rôles et statuts du futur doctorant : une troisième forme de sélection par contractualisation
3.1. – Le stage/mémoire de recherche ou de fin d’études comme engagement expérienciel et temporel de prérecrutement
3.2. – Le surcroît de reconnaissance institutionnelle octroyé par l’obtention d’un financement doctoral contractuel
3.3. – Le positionnement et la (re)définition stratégique du sujet de thèse, une fabrication institutionnelle clé de l’accès au financement et de maximisation des chances de réalisation d’un projet de doctorat et d’un projet professionnel académique
3.4. – Du contrat juridique au contrat implicite et moral : les incitations institutionnelles à l’égard du projet professionnel et doctoral des (futurs) doctorants
Chapitre 6 – La deuxième séquence : la construction de la professionnalité à travers les instruments de socialisation professionnelle
1 – Les modes d’organisation du travail de recherche scientifique et doctorale : les effets socialisateurs différenciés des matrices disciplinaires
1.1. – L’environnement institutionnel du travail de recherche doctorale : entre segmentation et hiérarchisation
1.2. – Les relations entre le directeur ou la directrice de thèse et le doctorant : d’une distance scientifique et sociale à une proximité relationnelle et de travail
1.3. – Les pratiques temporelles de recherche doctorale : durées, projections et (dis)continuités différenciées
1.4. – La confrontation au champ scientifique à travers les communications ou publications et les conférences, colloques ou congrès
1.5. – Les activités supplémentaires à la thèse dans le développement de la professionnalité présente et à venir
2 – L’incorporation de l’habitus scientifique
2.1. – Démarche de recherche scientifique et socialisation temporelle
2.2. – Ce que la socialisation à l’ethos scientifique fait aux doctorants
2.3. – L’excellence académique : une injonction institutionnelle et normative, construite dans le présent et pour l’avenir
2.4. – Les formations doctorales complémentaires, source d’injonctions paradoxales
Chapitre 7 – La troisième séquence : la construction de l’identification et de la reconnaissance par un groupe professionnel. L’étiquetage comme cristallisation des aspirations professionnelles
1 – La pluralité des conceptions idéal-typiques de la formation doctorale : des référentiels multiples dans lesquels les doctorants sont invités à se projeter
1.1. – La formation doctorale académique
1.2. – La formation doctorale scientifique
1.3. – La formation doctorale professionnalisante
2 – La norme d’emploi-typique et sa déclinaison pour les docteurs
2.1. – La construction des enquêtes de suivi des docteurs, révélatrice des attentes institutionnelles en matière d’insertion professionnelle
2.2. – La norme d’emploi-typique pour les jeunes docteurs
3 – Les modèles institutionnels d’insertion professionnelle : contours et hiérarchisation de parcours typiques et multiples
3.1. – Les modèles institutionnels d’insertion professionnelle en Sciences juridiques et politiques
3.2. – Les modèles institutionnels d’insertion professionnelle en Sciences de l’ingénieur
4 – Les expériences doctorales et interactions sociales comme supports de projection de la professionnalité : identification, reconnaissance et étiquetage à l’égard d’un groupe professionnel
4.1. – Expérience doctorale et projet professionnel : les (non-) identifications favorisant l’émergence de la transaction biographique
4.2. – Expérience doctorale et projet professionnel : être reconnu favorise l’émergence de la transaction relationnelle
4.3. – Le pouvoir du rite de soutenance sur les projets professionnels
4.4. – L’accompagnement du projet professionnel du doctorant par son directeur : l’académisme comme seul horizon ?
Chapitre 8 – La quatrième séquence : la fabrique institutionnelle de l’accès aux emplois et aux places. Les effets des outils de régulation institutionnelle sur les projets et parcours d’après-thèse
1 – Raréfaction et contractualisation des emplois académiques comme outils de régulation institutionnelle des projets
professionnels « en poursuite »
1.1. – La muabilité des projets primaires face à la raréfaction et la forte sélectivité sur les postes académiques stables
1.2. – Les projets d’attente : des parcours soumis à la contractualisation croissante des activités académiques et au flou des frontières de l’emploi
2 – Crise dans l’ethos et manque de reconnaissance à la source de l’évolution des projets professionnels « réorientés »
2.1. – Un fonctionnement du marché du travail académique réduisant la perception des chances de concrétisation du projet professionnel académique initial
2.2. – Crise de l’ethos scientifique ou mutation de la « table de valeurs académiques » ?
2.3. – Le manque de débouchés alternatifs valorisés en dehors du secteur académique
3 – Les fluctuations des projets professionnels soumises aux modes de gestion des ressources humaines
3.1. – Un mode de gestion de la main-d’oeuvre relatif à celui des diplômés de bac+5 ?
3.2. – Le risque d’un déclassement relatif
4 – L’accompagnement institutionnel dans la recherche du premier emploi, facilitateur d’une transition professionnelle vers la norme d’emploi-typique pour les docteurs au projet professionnel « constant »
4.1. – Le rôle clé des passeurs dans la première transition professionnelle après le doctorat
4.2. – L’accession à la norme d’emploi-typique des docteurs
5 – L’évolution des projets professionnels « itératifs » à l’écoute des opportunités du réseau
5.1. – L’importance des opportunités du réseau professionnel pour percer un marché du travail peu accessible
5.2. – De la fragmentation des parcours et projets « itératifs » à leur compréhension configurationnelle
Chapitre 9 – Derrière les institutions de formation et de production, l’influence de l’évolution du rapport au projet professionnel sur les parcours professionnels
1 – Persévérer et espérer : le leitmotiv des projets professionnels « en poursuite » :
1.1. – Les projets d’attente, entre stratégie et priorisation
1.2. – Vocation et engagement à l’épreuve des incertitudes
2 – Réinvestir pour se réaliser : le leitmotiv des projets professionnels « réorientés »
2.1. – Un rapport à l’avenir en tension avec le rapport au travail
2.2. – D’un projet professionnel académique « en poursuite » à un projet professionnel « réorienté »
3 – S’acculturer et progresser : le leitmotiv des projets professionnels « constants »
3.1. – Une imbrication d’ingrédients favorable à la progression de carrière
4 – Ajuster et optimiser : le leitmotiv des projets professionnels « fluctuants »
4.1. – A la recherche du bon équilibre
4.2. – Des rapports à l’avenir ouverts mais qui s’assombrissent
4.3. – Rapports à l’avenir, agentivité et vie familiale
4.4. – Rapports au travail et conception polycentrique de l’existence
5 – Saisir les opportunités et adapter : le leitmotiv des projets professionnels « itératifs »
5.1. – Renouveler l’horizon
5.2. – Face à l’indétermination du futur, un rapport à l’avenir serein
5.3. – La sphère personnelle qui recompose les significations de l’emploi
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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