Groupe sur les sols et les plantes
Ce groupe va se rendre directement devant le rayon Science et va utiliser les manuels. Ce sera le seul groupe qui aura cette tactique, alors que tous les autres, qui ont pourtant déjà utilisé les manuels lors des précédentes recherches avec leur professeur de français, ne vont pas les utiliser. Ce groupe de garçons se spécialise par ailleurs, et ce quelque soit la discipline, dans une accumulation de photocopies durant les séances au C.D.I. et un travail « caché » au domicile.
Cela tient sans doute à la composition particulière de cet ensemble : deux d’entre-eux sont des frères jumeaux et le troisième est « supporté » avec condescendance. Cet état est lié au comportement infantile d’Olivier Y. Ce dernier est incapable de commencer son travail et ne trouve une place au sein du groupe qu’en passant son temps à demander à ses camarades si c’est intéressant pour eux ce qu’il vient de trouver et se propose d’aller le photocopier. Son intervention orale sera la reprise intégrale du texte de l’ouvrage documentaire qu’il a trouvé.
Groupe sur les plastiques
Cette observation n’a pas lieu durant une séance avec le professeur mais en dehors du cours de physique
Les quatre filles croulent sous les documents qu’elles ont disposés sur la table. Elles me disent ne pas savoir quoi faire, que le professeur a changé de sujet, qu’elle (sous entendu le professeur) voulait qu’elles traitent du plastique et puis que, maintenant elle (le professeur) veut qu’elles parlent des dérivés du pétrole.
Nous leur demandons si elles ont lu l’ensemble des documents.
Aucune n’a lu l’entierté des documents, elles ont souligné des éléments qui leur semblaient importants, d’autres sont là et soufflent en disant ne pas y arriver.
Nous leur proposons de classer les documents, de leur faire des photocopies de tous les documents en plusieurs exemplaires afin qu’elles puissent les lire et qu’il n’y ait pas le même problème que lors des derniers exposés où les informations se recoupaient. Elles acceptent mais de nouveau nous répètent qu’elles ne savent pas ce que veut leur professeur. Nous leur proposons de nouveau de faire un tableau et d’ordonner les documents de les regrouper en fonction de leur contenu et d’organiser un plan à partir de là. Elles nous regardent, manifestent peu d’enthousiasme, puis l’une d’entre elles accepte et une autre s’écrie aussitôt : »je note, je fais le tableau ». C’est pour elle une façon d’éviter la lecture des documents et le classement des différents éléments. Cette attitude s’estdéjàproduite en cours de français.
La sonnerie retentit, devant le désarroi qui persiste, nous leur conseillons de demander au professeur de redéfinir le travail, elles nous répondent que c’est ce qu’elles vont faire.
En analysant cette situation, nous pouvons dire que ce groupe a un problème pour se situer. Le groupe précédent doit traiter du pétrole et le groupe suivant des carburants. Elles n’arrivent pas à cerner leur propre travail car elles n’arrivent pas à cerner le travail du groupe qui les précède et du groupe qui les suit car dans les documents qu’elles possèdent elles ont des remarques qui concernent les autres groupes et cela parasite leur travail; elles ne peuvent se concentrer.
Groupe sur le pétrole
Première séance
Alexandre et Nicolas sont absents lors de cette séance.
Guillaume et Xavier travaillent à partir des encyclopédies.
En dehors des séquences organisées en collaboration avec le professeur de Sciences Physiques, nous avons pu constater que Guillaume vient souvent au C.D.I.. Le plus souvent, il a un livre ouvert devant lui, il nous répond qu’il a tous les documents mais se demande si la carte de localisation du pétrole conviendra. De tempéramment assez inquiet, il a préparé sa partie bien avant ses camarades et le jour même de la présentation de son exposé il sera au C.D.I. afin « d’apprendre son texte »(sic). Pendant toutes les préparations, la seule question de Guillaume a été de nous demander si nous n’avions pas de meilleure carte de localisation du pétrole dans le monde, si nous pensions que celle qu’il venait de trouver était correcte, si elle était assez claire… Guillaume s’est constamment polarisé sur ce point. Pour, en définitif, ne pas présenter de carte de localisation du pétrole lors de l’exposé!
Un élève de ce groupe est particulièrement brillant – et ce quelles que soient les disciplines (littéraires ou scientifiques mais aussi sportives puisqu’il excelle dans ce domaine et participe à des compétions dans différentesdisciplines).
Cet élève manipule le matériel informatique sans problème et les différents supports aussi. Il tente d’intégrer toute nouvelle information et se l’approprie en la faisant sienne aussitôt. Nous prendrons pour preuve, une séance de recherche au C.D.I., en français, au début du second trimestre.
Lors de la présentation d’Encarta, à Alexandre et Nicolas, en leur montrant la fonction de recherche plein texte, nous avons employé le mot bruit. Aussitôt,Alexandre a relevé la formule et en a demandé l’explication. Nous avons pu constater que quelques minutes après, il expliquait la recherche plein texte à un de ses camarades tout en lui montrant le « bruit », qu’occasionnait ce mode de recherche, en employant volontairement le terme pour le faire sien.
Alexandre maîtrise parfaitement l’encyclopédie Encarta car il utilise à à la fois la recherche plein texte mais sélectionne aussi les articles en utilisant lemodule thème. C’est le seul élève qui sache faire cette recherche correctement et il a appréhendé tout seul cette fonction (il ne dispose pas de cette encyclopédie chez lui). Alors que d’autres élèves doivent de nouveau être initiés à la recherche dans l’encyclopédie Encarta lors de ces séquences avec le professeur de Sciences Physiques.
En cette fin d’année, Alexandre s’est laissé dépasser par le temps et, la veille de l’exposé, il est encore au C.D.I. à prélever de l’information dans un ouvrage documentaire. Il affirme d’ailleurs qu’il n’a rien fait mais que cela ne lui posera pas de problème et qu’il y arrivera d’ici demain.
C’est le comportement typique d’Alexandre de toujours prétendre qu’il sait tout et que tout est facile. « L’an prochain en 1ère S, il faudra que je commence à travailler » (sic). C’est un comportement à relier à celui des lycéens décrits par Dubet, lorqu’il parle des héritiers -même si la définition ne peut totalement s’appliquer àAlexandre (sociologiquement il n’appartient pas au groupe des héritiers, comme nous l’avons expliqué plus haut, l’établissement n’est pas un lycée qui attire les héritiers). Il fait partie de ces élèves qui revendiquent le fait de travailler facilement sans s’investir vraiment, pour l’instant, qui attendent les choses sérieuses, pour plus tard. Dans le même temps, nous savons qu’il est fortement épaulé par ses parents qui suivent de très près sa scolarité, et qui, éventuellement, l’aident et lui fournissent les documents recherchés. A propos d’un travail demandé par le professeur de français, le père d’Alexandre a ainsi indiqué, lors d’une rencontre parents professeurs, qu’il avait été mis à contribution pour une recherche de documents.
Groupe sur les engrais
Ce groupe est constitué de quatre filles. Aline dirige le groupe lors de la première séance et dès le début elle divise le travail en quatre.Très littéraire, elle choisit la partie historique. A partir de là, ces quatre élèves vont chercher des renseignements à faire entrer dans un schéma pré-établi.
Ce groupe travaillera peu au C.D.I. car Aline partira en voyage scolaire en Allemagne et l’une d’entre-elles sera malade.
Spécialistes de la recherche dans les encyclopédies et dans les dictionnaires, elles n’utilisent pas volontier les outils de recherche informatique.
Les autres groupes
Les autres groupes, en apparence, ne présentent pas de caractéristiques particulières. On ne peut définir leur comportements de façon caractéristique. Il est possible aussi que les autres élèves n’aient pas bénéficié de la même attention de ma part, en raison du temps imparti, où parce que des liens se créent au cours des séances, au profit de certains élèves, alors que d’autres sont délaissés (volontairement ou involontairement).
Méthodes de recherche des élèves
La répartition des tâches
Avant de rechercher des documents les élèves se sont déjà répartis leur sujet en divisant l’exposé en autant de parties qu’il y a d’élèves au sein du groupe. C’est un système qu’ils utilisent depuis le début de l’année et qu’ils ont toujours refusé de remettre en cause.
Pourquoi ne remettent-ils pas en cause ce système de recherche?
Nous pensons que c’est lié au fait que, les professeurs, afin de les guider, leur donnent des pistes de travail. Incapables d’autonomie, les élèves utilisent ces pistes comme des tuteurs mais aussi comme des limites et se refusent à essayer de trouver autre chose que ce qu’ils pensent que le professeur leur a ditcar :
-soit ils ignorent totalement le sujet (ou du moins le croient-ils),
-soit ils ont quelques connaissances mais partent du principe suivant : si le professeur m’en a parlé c’est qu’en retour il veut que je lui en parle, s’il n’a pas | évoqué tel document ou telle information, c’est qu’il ne trouve pas que c’est important. Pourquoi devrais-je prendre le risque de fournir autre chose que ce que le professeur attend ? C’est son domaine, il est compétent (l’autorité de notre ‘ collègue n’est jamais remise en cause), les élèves jouent le jeu.
Dés le départ, la recherche est faussée.
Les élèves souhaitent avant tout répondre à une demande du professeur à la question qui selon eux a été posée et qui est en fait moins large que le sujet : « elle a dit qu’elle voulait qu’on parle de… », « elle ne dit pas toujours la même chose », « je n’ai pas compris de quoi elle voulait qu’on parle » sont des litanies que nous entendons sans cesse.
Les élèves ne donnent pas le sentiment de construire un travail en estimant les éléments importants qu’il y a dans les documents mais cherchent à traiter lesujet de la façon dont le professeur est supposé vouloir l’entendre.
Utilisation des encyclopédies
Plusieurs mois de pratique du C.D.I. et l’expérience de deux dossiers en cours de français, les ont amené à se rendre directement dans le rayon où sont rangés dictionnaires et encyclopédies.
Tous les élèves de cette classe utilisent désormais, et instantanément, les dictionnaires et les encyclopédies, pour effectuer leurs recherches. Une fois que les élèves sont en possession des dictionnaires et des encyclopédies, nous tenons à signaler ici qu’ils trouvent sans problème le mot recherché. Si nous apportons cette précision, c’est que nous avons déjà noté dans plusieurs classes de seconde, l’an dernier mais aussi cette année, que le public scolaire que nous recevons n’utilise pas les mots repères du dictionnaire et de 1′ encyclopédie, ne maîtrise pas totalement l’ordre alphabétique au point que les élèves viennent nous trouver en nous disant : « iln’y a pas le mot.. dans l’encyclopédie ».
Le problème de maîtrise, que nous signalons ici, n’est pas une difficulté dont les élèves ont conscience et qui pourrait se traduire simplement par une perte de temps mais par une non conscience de leurs lacunes qui les amène à ne pas douter de leur capacité d’élève et à tout simplement penser que le mot n’est pas là. Ce qui veut dire, qu’ils ne saisissent pas véritablement la nature de l’objet qu’ils ont entre les mains, ils ne cernent pas la fonction qu’il a, autrement, ils ne pourraient penser un seul instant qu’il est possible, que leur recherche soit vaine, que le terme recherché puisse être absent d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie.
Pourquoi utilisent-ils « spontanément » ces documents?
Le dictionnaire et l’encyclopédie sont reconnus par tous les enseignants. L’élève sait qu’on lui demande sans cesse de s’y référer donc c’est un passage obligé de la recherche.
Seul un groupe a utilisé les manuels. Pourquoi ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées:
-C’est parce que ce groupe a déjà trouvé lors des précédents travaux des renseignements utiles, qu’il utilise de préférence les manuels. Mais d’autres élèves ont, aussi en français, utilisé les manuels et n’ont pas renouvelé leurtactique.
-Le sujet (les sols et les plantes) est traité dans les manuels et que ce qui était au départ une recherche hasardeuse s’est transformée en tactique intellectuelle.
-Pour les autres, cela n’a pas été le cas. Il y avait moins d’informations dans les manuels, ou bien encore, peut-être le classement des informations était-il plus complexe.
Il faut aussi se demander pourquoi les élèves évitent si systématiquement d’utiliser les manuels alors qu’ils y ont été contraints en cours de français et que le professeur de physique leur a conseillé de les consulter.
Une hypothèse peut-être envisagée :
Les manuels n’ont pas le statut des ouvrages documentaires, sauf le manuel du cours. On peut penser que les élèves analysent le manuel de cours de la façon suivante.
Nous savons que les renseignements dans le livre du cours sont justes puisque notre professeur nous a demandé de l’acheter. Si les autres manuels n’ont pas été choisis par le professeur c’est qu’ils doivent être de qualité moindre. Donc, les renseignements à l’intérieur ne seront pas aussi nombreux, voir aussi justes. Iln’est donc pas nécessaire de ce fait de s’y référer.
L’utilisation de l’informatique
L’encyclopédie Encarta
Elle est beaucoup plus utilisée par les garçons que par les filles. D’une manière générale, c’est une situation qui se reproduit dans toutes les classes de seconde avec qui nous travaillons, et qui perdurent en première et en terminale. Il n’est pas rare d’entendre des filles dire » j’ai peur » et d’ajouter « de la casser » en parlant de l’ordinateur qui devient « la machine ». Les filles arrivent encore à utiliser la « machine » quand il s’agit du traitement de texte. Cette peur des filles existe surtout dès qu’elles doivent utiliser un cédéRom ou un logiciel autre qu’un logiciel de traitement de texte. La moins grande appréhension des filles face au traitement de texte doit être liée à l’image stéréotypée de la femme secrétaire où dactylo, et l’ordinateur via le traitement de texte n’est plus qu’ une machine à écrire et non la « machine ».
Le cédéRom et le logiciel symbolisent la technicité et l’on retrouve làsans doute un reflet de la séparation qui existe entre les sexes quant aux choix des filières, à réussite scolaire égale. Il est quand même notable que les bons élèves quand ils sont des garçons, utilisent avec plaisir les encyclopédies informatiques, alors que des élèves filles, qui ont des résultats tout aussi brillants, n’éprouvent pas la même attirance pour ces outils. Cette dichotomie d’attitude entre les deux sexes persistent avec l’âge et ce, quelque soit la section choisie.
Il serait intéressant d’étudier des élèves plus jeunes, des élèves de primaire qui commencent a être formé aux nouvelles technologies, pour savoir si, au départ, on a déjà cette coupure ou, si en raison de leur âge, les petites filles n’ont pas ce refus, résultat de préjugés sociaux.
Cette coupure se retrouve dans la façon de travailler avec le cédéRom pour des raisons d’emploi du temps, d’urgence, les élèves découvrent, souventseuls, des fonctionnalités du cédéRom.
|
Table des matières
I Le Cadre
1.1 L’établissement
1.2 Le centre de documentation et d’information p.5
1.2, Le lieu
1.2.2 Le personnel
1.2.3 Le matériel
1.3Les élèves de notre étude
1.3.1 « Ni héritiers, ni boursiers »
1.3.2 La sélection
1.3.3 Choix de la classe
II L’expérience
2.1La problématique
2.2 La méthode
2.3 Les données
2,3.1 La mise en place du travail et les objectifs des différents partenaires
2.3.1.1 La mise en place du travail
2.3.1.2 Ambiance
2.3.1.3 Les objectifs du professeur
2.3.1.4 Les objectifs de la documentaliste
2.3.1.5 Les objectifs des élèves
2.4 L’observation
2.4.1 L’organisation matérielle
2.4.2 Observation des groupes
2.4.2.1 Groupe sur l’agriculture et le polution
2.4.2.2. Groupe sur les pesticides
2.4.2.3 Groupe sur les sols et les plantes
2.4.2.4 Groupe sur les plastiques
2.4.2.5 Goupe sur le pétrole
2.4.2.6 Groupe sur les engrais
2.4.2.7 Les autres goupes
2.4.3 Méthodes de recherche des élèves
2.4.3.1 La répartition des tâches
2.4.3.2 Utilisation des encyclopédies
2.4.3.3 Seul un groupe a utilisé les manuels . Pourquoi?
2.4.3.4 L’utilisation de l’informatique
2.5 La restitution
III Conclusion de l’observation
3.1 Les références du professeur
3.1.1 Importance de la composition sociale p.48
3.1.2 L’orientation socio-éducative globale
3.1.3 Conception des savoirs et de la culture
Le rôle de l’enseignant
3.2 La relation au savoir
IV Le système scolaire aux Etats-Unis
4.1 La construction du système éducatif américain
4.2 Les courants pédagogiques
4.3 1918
4.4 Le contenu des curriculum
4.5 L’objectif de l’enseignement secondaire
4.6 Bibliothèques et documents
4.6.1 Le développement des bibliothèques publiques p.68
4.6.2 Avant 1960
4.6.3 A partir de 1960
4.7 Le document non écrit
V Le système éducatif français
5.1 Historique
5.1.1 Au tournant du XXème siècle
5.1.2 1902
5.1.3 L’entre deux guerres
5.1.4 La seconde guerre mondiale et l’immédiat après guerre
5.1.5 A partir de 1950
5.1.6 En 1959. C’est la réforme
5.1.7 La réforme Foucher
5.1.8 La réforme Haby
5.2 Vers la démocratisation
5.3 Le mode d’enseignement
5.4 L’image du cours
5.5 L’image de la recherche documentaire
5.6 La place du C.D.I. au sein du système scolaire
Historique
5.6.2, L’intégration au système
5.6.3 Fonctions et enjeux du C.D.I.
5.7 La place du document dans renseignement en France
5.8 L’ère des ruptures
5.8.1 Rupture psychologique
5.8.2 Rupture scolaire
5.8.3 Les comportements
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE