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Les facteurs de risque incriminés dans la survenue d’une DE
Multiparité
La parité peut jouer ont un rôle non négligeable dans l’apparition d’une dystocie des épaules. Une étude révèle que le poids moyen de naissance est significativement plus élevé chez les multipares c’est-à-dire que le poids de naissance des nouveau-nés augmente progressivement avec la parité et ce d’autant plus que l’enfant est de sexe masculin [11].
Antécédent de dystocie des épaules
L’antécédent de dystocie des épaules est un des facteurs de risque les plus incriminés dans la récidive d’une dystocie des épaules. Cet antécédent multiplierait par 10 à 20 le risque de survenue d’une nouvelle DE [12].
A ce jour, aucune étude n’a été réalisée afin d’évaluer la conduite à tenir en cas de nouvelle grossesse.
Terme dépassé
Une grossesse dure en moyenne 280 à 290 jours, soit de 40 à 41 SA + 3 jours. Elle est menée à terme lorsque l’accouchement a lieu entre 37 SA et 41 SA + 6 jours. Au-delà de la 42ème semaine d’aménorrhée la grossesse est qualifiée de « terme dépassé ».
Selon le Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France, 1% des patientes accouchent au-delà de 42 SA [13].
Nous observons une augmentation du taux de césariennes dans les termes dépassés. Il y a également plus de risque d’hémorragie de la délivrance et de lésions périnéales du 3e et 4e degré.
Rappelons que c’est lors des dernières semaines de grossesse que le fœtus prend le plus de poids.
Obésité maternelle et prise de poids pendant la grossesse
Le surpoids et l’obésité sont des paramètres maternels qu’il est important de prendre en compte pendant la grossesse, car ils sont étroitement liés à la macrosomie fœtale et sont impliqués dans la survenue d’une dystocie des épaules.
Le poids est une problématique qui est de plus en plus d’actualité dans notre société. Un Homme est qualifié en « surpoids » lorsque son indice de masse corporelle (IMC), qui est le rapport entre le poids (en kilogrammes) et la taille (en mètre) d’une personne est comprise entre 25 et 30. Au-delà, nous parlons d’obésité qui présente là encore plusieurs stades. En France, 7 millions de personnes sont considérées comme obèses et une personne sur deux est dite en surpoids [14].
Selon l’enquête nationale périnatale de l’INSERM et de la DREES en 2016, 20% des femmes sont en surpoids et près de 12% en obésité contre respectivement 17% et 10% en 2010 [1]. La prévalence du surpoids chez les femmes en âge de procréer est en augmentation dans toutes les sociétés occidentales. Ces chiffres ne cessent d’augmenter et préoccupent les professionnels de santé [1].
L’obésité maternelle est impliquée dans de nombreuses complications obstétricales. En dehors de la grossesse, cette maladie expose les patientes à des effets néfastes qui sont amplifiés durant la grossesse. Il y a davantage de patiente présentant une hypertension artérielle ou un diabète gestationnel, mais au niveau obstétrical, également, plus de termes dépassés, de macrosomies et à plus long terme d’obésités infantiles [15].
Dans le cadre d’une grossesse, une enquête rapporte que le risque de développer un diabète gestationnel est multiplié par 5 chez les femmes en surpoids ou en obésité [15]. Parallèlement, le recours à la césarienne programmée ou en urgence est multiplié par 1,8 notamment pour une indication de macrosomie fœtale [15].
L’obésité maternelle entraine également une élévation du poids de naissance pour l’âge gestationnel et ainsi le risque de macrosomie fœtale. Ce risque augmente graduellement pour être multiplié par 4 lorsque l’IMC est supérieur à 40 kg/m2 [16].
Lors de la réalisation de l’échographie, il y a de véritables problèmes spécifiques à la femme en surpoids ou obèse concernant la qualité de l’examen. En effet, cette pathologie aboutit à des approximations conduisant à des erreurs de diagnostic et notamment une mauvaise évaluation pondérale du fœtus. Ainsi, l’obésité est un problème de santé publique qui amène de nombreuses complications pendant ou en dehors de la grossesse.
Concernant la prise de poids durant la grossesse, celle-ci est très variable d’une femme à une autre. Selon les recommandations du Programme National Nutrition Santé [17], une femme avec un IMC normal doit prendre entre 11 et 16 kilogrammes pendant la grossesse. Pour une femme en surpoids la prise de poids doit être entre 7 et 11 kilogrammes, tandis qu’une femme obèse doit se limiter entre 5 et 9 kilogrammes.
En réalité, l’excès de prise de poids est majoritaire en France. Le dicton « Je suis enceinte, je dois manger pour deux ! » devrait avoir été depuis longtemps supplanté par « Je suis enceinte, je mange deux fois mieux ! ». Les professionnels doivent lutter contre de nombreuses fausses idées et prévenir les femmes enceintes et non enceintes. Il est important d’expliquer qu’il ne s’agit pas de « manger pour deux » mais de manger équilibré et sainement. Durant la grossesse, c’est l’alimentation maternelle qui permet de fournir au fœtus tous les besoins nutritifs pour se développer. Certes, les besoins sont plus importants mais une alimentation riche et variée suffit à subvenir au besoin de l’enfant à naitre.
Pour les patientes ayant des difficultés d’alimentation, une collaboration avec une diététicienne peut être mise en place durant la grossesse, voire une prise en charge médicale spécifique en service de nutrition ou endocrinologie.
Macrosomie
La macrosomie est très souvent incriminée dans la survenue d’une dystocie des épaules. Mais là encore, elle n’est pas retrouvée systématiquement dans tous les cas recensés.
La macrosomie est définie par le CNGOF comme « tout enfant de plus de 4 000g naissant à terme » ou encore « tout enfant ayant un poids de naissance supérieur au 90e percentile ». Cette définition ne doit pas exclure l’existence d’une macrosomie avant le terme de 41 SA [10]. L’une des étiologies principales de la macrosomie est l’existence chez la mère d’un diabète. Qu’il soit préexistant à la grossesse ou induit par cette dernière, il peut être à l’origine d’une macrosomie rhizomélique c’est-à-dire dysharmonieuse, puisque prédominante sur les parties proximales des membres. Ainsi, l’augmentation de la taille du fœtus concernera toutes ses mensurations avec une prédominance sur les diamètres bi-acromial et thoracique.
La macrosomie est la principale conséquence néonatale d’un diabète gestationnel. Elle multiplie par trois le risque d’hémorragie de la délivrance [18]. Chez les femmes pour lesquelles une macrosomie fœtale est avérée, la question d’un déclenchement anticipé se posera. Cependant, les avis sur ce sujet sont partagés et des études sont en cours. En effet, un déclenchement avant terme peut théoriquement réduire des risques liés au poids de naissance de l’enfant à naître mais peut également entraîner un travail plus long et un risque augmenté de césarienne.
Il faut bien considérer que 40 à 50% des dystocies des épaules ne surviennent pas chez les macrosomes. Selon une étude menée par la Cochrane, [19] le déclenchement du travail ne semble pas modifier le taux d’accouchements par césarienne. Egalement, un déclenchement pour suspicion de macrosomie serait bénéfique quant à la survenue de morbidités fœtales telles que des fractures.
Une étude de 2007 montrait qu’un périmètre abdominal supérieur à 350 mm était corrélé à un poids de naissance supérieur à 4 250g [20]. Cette notion permet ainsi d’alerter l’équipe sur le risque de macrosomie et de dystocie des épaules lorsque cette mesure est retrouvée au cours des échographies.
Le diabète gestationnel ou préexistant à la grossesse
Le diabète, qu’il soit préexistant ou non à la grossesse est un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie plus ou moins sévère. Nous utilisons le terme de diabète gestationnel lorsque ce trouble survient ou est diagnostiqué pour la première fois lors de la grossesse [21]. Cette complication peut augmenter le risque d’apparition de complications à court et à long terme pour la mère et pour le fœtus.
Le diabète gestationnel concernait 8% des femmes en 2016 contre 3,8 % en 2004 [22]. Cette augmentation s’expliquerait principalement par le fait que nos patientes sont plus âgées et davantage en surpoids lors de la grossesse.
Pour rappel, en présence de facteurs de risques en faveur d’un potentiel diabète, la femme effectue au premier trimestre une glycémie à jeun afin de rechercher un diabète de type 2 méconnu. Un dépistage au 6ème mois de grossesse peut également être proposé. Il s’agit de l’HGPO, l’hyperglycémie provoquée par voie orale par l’administration de 75g de glucose qui évalue la glycémie en trois temps, à jeun puis à 1 et 2 heures. Une seule valeur pathologique signe la présence d’un diabète gestationnel.
La prise en charge est multidisciplinaire avec un obstétricien, diététicien, et endocrinologue. Une bonne prise en charge du diabète réduit le risque de survenu de macrosomie et de dystocie des épaules.
Une glycémie bien équilibrée tout au long de la grossesse n’a très généralement pas de conséquence sur le fœtus et la grossesse. Néanmoins, un mauvais suivi avec un déséquilibre peut entrainer de graves conséquences autant pour la mère que pour le fœtus.
Selon plusieurs enquêtes, il existe une relation certaine entre un diabète gestationnel déséquilibré et la macrosomie fœtale. Ainsi, le fœtus présente un excès de masse graisseuse et de masse musculaire [23].
Quelques études ont été menées sur l’incidence de la DE au sein des femmes présentant un diabète au cours de la grossesse. Des taux de 0,5 à 3,95% ont été retrouvés [24].
Il est par ailleurs facile à déduire qu’un diabète gestationnel déséquilibré entraine dans la majorité des cas une macrosomie fœtale et que cette pathologie entraine à son tour une augmentation du risque de DE.
Le diabète gestationnel est ainsi indirectement un facteur de risque important d’apparition de complications lors de l’accouchement.
Tous les facteurs de risques précédemment cités sont conjointement liés !
Indications à la césarienne prophylactique
Le taux de césarienne est en constante augmentation, passant de 5% dans les années 70 à plus de 20% aujourd’hui [25].
Selon les recommandations de la HAS, une césarienne « programmée » devrait correspondre à une césarienne réalisée à terme, non liée à une situation d’urgence apparaissant en dehors du travail. Elle est généralement programmée après 39 SA pour une grossesse mono fœtale [25].
Une suspicion de macrosomie seule, en l’absence de tout autre facteur de risque comme le diabète n’est pas une indication à un déclenchement ou à une césarienne. Au contraire, pour une suspicion de macrosomie chez une patiente ayant un diabète gestationnel, la décision d’une césarienne programmée peut être discutée.
Toujours selon les recommandations de la HAS, en cas d’antécédent de césarienne ou d’antécédent de dystocie des épaules, la probabilité d’une récidive de DE est modérée, de l’ordre de 5 à 10%. Mais ce risque est multiplié par 17 par rapport à une multipare sans antécédent [25]. Ainsi, le CNGOF recommande de pratiquer une césarienne prophylactique dans le cas d’une patiente ayant pour antécédent un accouchement compliqué d’une dystocie des épaules si l’on suspecte une récidive de macrosomie [24].
Enfin, une patiente présentant une anomalie du bassin suite à un traumatisme pelvien ou un rétrécissement clinique du bassin de par sa petite taille, une confrontation foeto-pelvienne sera effectuée ainsi qu’une discussion autour d’une césarienne programmée.
Diagnostiquer et agir avec efficacité et rapidité lors d’une DE
Le diagnostic
Il faut être vigilant au déroulement de l’accouchement. Lors des efforts expulsifs, une ré-ascension de la tête fœtale entre chaque effort ou un blocage de la présentation partie haute à moyenne malgré des efforts expulsifs efficaces et prolongés peuvent être des signes de disproportion foeto-pelvienne. Ceci sera d’autant plus suspecté que la patiente est une multipare.
Un des signes caractéristiques d’une dystocie des épaules est le dégagement difficile de la tête fœtale qui reste « collée » à la vulve comme aspirée. La rotation de restitution n’a pas lieu spontanément. Il faut savoir garder son calme et appliquer la règle des trois « P » des anglo-saxons à savoir :
• Pulling ou Pull (tirer) : il ne faut pas tirer sur le cou fœtal car toute traction excessive peut entrainer des complications à type d’élongation du plexus brachial.
• Pivoting ou Pivot (pivoter) : il ne faut pas pivoter c’est-à-dire ne pas faire de restitution forcée pouvant également amener à une lésion du plexus brachial.
• Pushing ou Push (pousser) : il ne faut pas pousser/presser le fond utérin qui bloque davantage la partie supérieure de l’épaule au niveau de la partie antérieure du détroit supérieur [4].
Dans la précipitation, survient l’erreur de conduite du dégagement, en particulier lors de la traction sur la tête fœtale suivant un axe inadapté ce qui conduit alors à une morbidité néonatale.
Prise en charge de la dystocie des épaules
Lorsque la dystocie des épaules est identifiée, la première chose à faire est de demander de l’aide, appeler toute l’équipe médicale, composée du gynécologue-obstétricien, anesthésiste, pédiatre ainsi qu’une 3e personne pouvant être utile pour la réalisation des manœuvres obstétricales. Selon l’article R.4127-313 du code de la santé publique « dans l’exercice de sa profession, la sage-femme ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, effectuer des actes ou donner des soins […] qui débordent sa compétence professionnelle ou dépassent ses possibilités ». Ainsi dans l’urgence de la situation qu’est une DE, elle peut prodiguer les premiers actes si l’obstétricien de garde n’est pas encore arrivé.
En pratique, il faudra s’assurer que la patiente soit correctement installée, en position gynécologique, les fesses au bord de la table. Après avoir appelé l’équipe, il ne faut pas tarder à commencer les manœuvres. Compte tenu des complications possibles pour l’enfant à naitre, le temps est précieux !
Même dans l’urgence, il faut rester vigilant au confort de la patiente et notamment concernant l’analgésie péridurale.
« Les livres de médecine ne parlent pas des douleurs provoquées par les gestes des médecins. Et beaucoup de médecins pensent que si c’est pour le bien des patientes, la douleur est justifiée. Aucune douleur n’est justifiée. Jamais » [26].
Les gestes qui sont effectués pour résoudre une dystocie des épaules peuvent être impressionnants et douloureux en l’absence d’une analgésie correcte qui est nécessaire à la pratique des manœuvres d’extraction dans de bonnes conditions.
La manœuvre de Mac Roberts
En première intention, la manœuvre de Mac Roberts doit être effectuée. Elle consiste à effectuer une hyper flexion des cuisses de la patiente, en abduction sur le thorax. Cette position va ainsi créer un mouvement de nutation du coccyx et donc une augmentation du diamètre du détroit inférieur. Une pression sus-pubienne du côté du dos du fœtus peut être réalisée afin de créer une pression sur la face postérieure du moignon de l’épaule antérieur et ainsi réduire le diamètre bi acromial. Il y a généralement peu de séquelles à la suite de cette manœuvre.
Rappelons qu’en cas de succès de cette unique manœuvre, le terme de difficulté aux épaules doit être employé.
En cas d’échec d’un Mac Roberts, il est nécessaire de réaliser une manœuvre de 2ème intention, et dans ce cas, il est impératif de savoir où se situe l’épaule postérieure du fœtus.
La manœuvre du Wood Inversée
En cas d’échec, il est nécessaire de réaliser une manœuvre de 2ème intention. Si l’épaule postérieure est engagée dans le bassin maternel, il est possible de réaliser la manœuvre du Wood inversée. Celle-ci demande au praticien d’introduire la main correspondant au dos du fœtus (main droite pour un dos à gauche et main gauche pour un dos à droite) et d’effectuer un appui sur la face postérieure du moignon de l’épaule postérieure, pour réaliser une rotation de 180° est réalisée ce qui permet d’amener l’épaule en avant, sous la symphyse pubienne et donc son engagement.
La manœuvre de Jacquemier
Mais si au contraire l’épaule postérieure n’est pas engagée, il convient alors de réaliser la manœuvre de Jacquemier. Le professionnel à genou doit introduire sa main qui fait face au ventre du fœtus dans la concavité sacrée. (Main gauche pour un dos à gauche, main droite pour un dos à droite). L’objectif est de repérer l’épaule postérieure puis d’accéder à la main fœtale pour la saisir fermement. Le professionnel retire alors progressivement et lentement son bras en entrainant la main fœtale en avant de sa face. Une rotation fœtale de 180° s’effectue alors entrainant l’épaule postérieure sous le pubis tandis que l’épaule initialement antérieure tourne en arrière et s’engage dans l’excavation pelvienne [4] [6].
En cas d’échec, l’opérateur peut décider d’une nouvelle tentative et ainsi recommencer les précédentes manœuvres. [Annexe V]
En théorie, le gynécologue obstétricien peut avoir recours à la manœuvre ultime de Zavanelli. Celle-ci consiste à fléchir la tête fœtale afin de pouvoir la réintroduire dans le vagin puis dans l’utérus. Cette manœuvre quoique citée dans les manuels d’obstétrique n’est pas bien décrite en terme de « gestuelles » à pratiquer et reste tout à fait anecdotique.
Cette action a pour finalité la réalisation d’une césarienne.
La réalisation systématique d’une épisiotomie n’est plus recommandée [27]. La dystocie des épaules est une dystocie mécanique. Une épisiotomie ne permet pas de réduire la dystocie des épaules mais de faciliter les manœuvres de l’opérateur.
Ce qui rend particulièrement stressant la situation est le risque important du retentissement sur l’enfant à naître. C’est en effet l’apparition de séquelles irréversibles qui est le plus redouté par les soignants. Egalement, le retentissement maternel est souvent conséquent avec des traumatismes périnéaux important et une augmentation du risque d’hémorragie du post partum.
Morbidités survenant lors d’une DE
Morbidités néonatales
Lésions du plexus brachial
La dystocie des épaules entraîne des lésions néonatales dans 22 à 41% des cas
[28]. Tout d’abord, nous retrouvons fréquemment des lésions au niveau du plexus brachial. Ce dernier est un réseau de fibres nerveuses assurant l’innervation du membre supérieur. Il est constitué par les racines nerveuses C5, C6, C7, C8 et T1 [28] [Annexe VI].
Les lésions du plexus brachial sont classées selon l’atteinte des racines nerveuses, de la neuropathologie et de leur gravité. Ces lésions surviennent dans 4 à 40% des dystocies des épaules. L’élongation du plexus brachial survient dans 30 à 50% des cas en absence de dystocie des épaules [28]. Cependant, la majorité des cas d’élongations du plexus brachial ont été rapportés après un accouchement par césarienne [28].
Une lésion du plexus brachial survient généralement lors d’une traction excessive sur le cou et par un abaissement de l’épaule. Cela provoque un étirement des nerfs du plexus brachial. A l’examen clinique, le nouveau-né se présente avec un membre supérieur flasque souvent douloureux à la mobilisation.
Pour ces nouveau-nés une rééducation précoce avec un kinésithérapeute doit être mise en place dès la troisième semaine de vie afin de préserver les mobilités articulaires. Néanmoins, la gravité de la lésion s’explique notamment par son évolution qui est très variable. En effet, il peut y avoir une récupération complète du membre supérieur mais à l’opposé parfois une paralysie qui empêche tout mouvement, irréversible sans recours à la chirurgie. Il est difficile de prévoir la récupération. Les lésions neurologiques sont le plus souvent transitoires mais il existe un risque de lésions permanentes de 10 à 18% [28]. Le recours à une chirurgie nerveuse est parfois nécessaire et se réalise à partir de 3mois.
Fractures osseuses
Chez le nouveau-né une fracture osseuse peut aussi être observée : fracture de clavicule ou de l’humérus. Elles surviennent généralement lors d’accouchements dystociques et sont associées à l’apparition d’un œdème, hématome, déformation apparente, mobilité osseuse anormale ou encore une douleur provoquée à la palpation.
La fracture de clavicule est très souvent associée à une macrosomie ou une dystocie des épaules. Mais là encore, elle peut également survenir en dehors de tout facteur de risque et dans le cadre d’une césarienne.
Le traitement consiste à immobiliser et à soulager par la prise d’antalgiques. Ces lésions sont impressionnantes mais ne provoquent généralement aucune séquelle. L’évolution est favorable en 4 semaines.
De même, des fractures de l’humérus, sont possibles et surviennent dans 4,2% des cas lors d’une dystocie des épaules. La moitié survient pourtant lors d’une césarienne [28].
L’hypoxie
L’hypoxie fœtale se définit par une diminution de l’apport d’oxygène dans les tissus. Lorsque le fœtus est privé d’oxygène, il réorganise son métabolisme afin de préserver l’oxygénation des organes nobles tels que le cerveau, le cœur et les surrénales.
Lorsque l’asphyxie s’accentue, les mécanismes de protection n’assurent plus leur fonction ce qui entraine à terme des troubles du rythme cardiaque fœtal [29]. L’anoxie périnatale est un stade plus grave caractérisé par l’absence d’oxygène dans les tissus entrainant parfois des séquelles neurologiques.
L’asphyxie néonatale est un diagnostic qui repose sur l’analyse de l’équilibre acido-basique d’un prélèvement sanguin au niveau de la veine ou de l’artère ombilicale. On la définit par une acidose métabolique à la naissance avec un pH inférieur à 7,00 et un déficit de base supérieur ou égal à 12 mmol/L.
Le pH diminue de 0,004 unités par minute entre l’expulsion de la tête et celle des l’épaules [30]. Selon une étude rétrospective réalisée sur la dystocie des épaules [31], lorsque le temps de la délivrance entre la tête et le corps est inférieur à cinq minutes, il existe un risque de 0,5% d’acidose et 0,5% d’encéphalopathie néonatale. Mais, si ce temps est prolongé au-delà de cinq minutes, le risque d’acidose est alors augmenté de 5,9% avec 23,5% d’encéphalopathie.
Dans de très rares cas, une dystocie vraie des épaules peut conduire au décès du nouveau-né. Il faut agir vite et effectuer les bons gestes.
Morbidité maternelle
Déchirures périnéales obstétricales
La morbidité maternelle est nettement augmentée avec une augmentation des plaies des parties molles, mais aussi une augmentation de la fréquence des césariennes, des hémorragies de la délivrance et des infections.
L’accouchement est le moment le plus à risque pour le périnée maternel qui est étiré au maximum, notamment au moment du passage de la tête fœtale. La classification du RCOG permet de décrire les déchirures périnéales. [32] [Annexe VII]
Ce qui est redouté à distance de l’accouchement est l’apparition d’une incontinence urinaire ou anale, ou encore une persistance de douleurs périnéales.
Pour prévenir de ces déchirures, la sage-femme peut décider de réaliser une épisiotomie lors de l’accouchement. Il s’agit d’une incision de la région périnéale. Ce geste qui n’est pas anodin, doit préalablement être abordé avec la patiente afin d’obtenir son consentement.
Il est important de comprendre qu’une dystocie des épaules survient par « complications osseuses ». La réalisation d’une épisiotomie ne permet pas de réduire une DE mais de faciliter les manœuvres obstétricales.
Hémorragie de la délivrance
Autre morbidité maternelle, la survenue d’une hémorragie de la délivrance. Elle se définit par une perte sanguine supérieure à 500 mL après l’accouchement. C’est l’une des complications les plus redoutées car c’est la première cause de décès maternel avec une incidence de 16% [33]. Notons que les plaies de la filière génitale sont responsables d’un cas d’HPP sur cinq.
Certains facteurs de risques de survenue d’une hémorragie de la délivrance sont similaires à la survenue d’une dystocie des épaules. L’une des étiologies principales d’hémorragie de la délivrance est une atonie utérine qui s’explique par une distension utérine provoquée par exemple par une macrosomie fœtale. L’utérus ne se rétracte pas correctement ce qui entraine une anomalie de l’hémostase mécanique survenant après l’accouchement.
Aspect psychologique du couple
La survenue d’une pathologie au cours de l’accouchement nécessite concentration, rapidité et précision des gestes. Dans l’action, le stress et l’urgence, le couple est parfois écarté et la communication entre le professionnel et le couple est altérée. Tous les gestes réalisés dans l’urgence ne sont pas systématiquement expliqués au couple ce qui génère une grande inquiétude.
Il est primordial de débriefer avec le couple, de prendre le temps de les écouter et de répondre à leurs questions. Un mauvais vécu de l’accouchement peut induire une dépression du post partum ainsi qu’une anxiété lors d’une prochaine grossesse.
Il est important de discuter de ce qui vient de se produire avec le couple, immédiatement après l’accouchement puis à distance.
Il faut prendre le temps de déculpabiliser la patiente qui se sent très souvent responsable des complications de l’accouchement.
La formation des Sages-Femmes
La prise en charge et l’accompagnement optimal du couple mère-enfant résident sur une connaissance théorique parfaite. Mais, la connaissance de l’algorithme de la dystocie des épaules ne permet pas toujours sa résolution. Dans cette situation, la maitrise des manœuvres obstétricales est indispensable pour la résoudre.
La formation initiale
La formation initiale à l’école de sages-femmes dure cinq ans et se compose de deux cycles d’études. Le premier cycle est d’une durée de trois ans, la PACES étant inclue. L’acquisition des bases de la physiologie obstétricale, gynécologique et pédiatrique est enseignée par alternance entre des cours théoriques et pratiques.
Le deuxième cycle, d’une durée de deux ans est consacré à l’apprentissage du diagnostic et la connaissance de la pathologie obstétricale, gynécologique et pratique [34].
Durant la formation de sage-femme, des cours théoriques et pratiques sont enseignés aux étudiants. Depuis quelques années, des mannequins sont mis à disposition des étudiants et très récemment des entrainements sur un logiciel de simulation (« serious game ») ont pu être réalisés.
Cette formation à l’avantage de permettre aux étudiants d’être rapidement sur le terrain et de pouvoir assimiler et apprendre tout en pratiquant grâce aux stages.
La formation continue
Selon la définition de la HAS, le terme « simulation en santé correspond à l’utilisation d’un matériel (comme mannequin ou simulateur procédural), de réalité virtuelle ou d’un patient standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soin, dans le but d’enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et de répéter des processus, des concepts médicaux ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels » [35, 36].
Il a été montré que l’utilisation de matériel de simulation est utilisée dans de nombreux domaines et s’est avéré un élément majeur d’amélioration de la sécurité.
La formation par stimulation améliore les résultats de la prise en charge des urgences obstétricales telles que la dystocie des épaules ou l’hémorragie du post partum [37]. Par ailleurs, la dystocie des épaules fait partie des situations critiques qu’il est nécessaire d’améliorer pour la sécurité du couple mère-enfant.
Le Collège anglais, Royal College of Obstetricans and Gynaecologists (RCOG) recommande la réalisation annuelle de séances de simulation afin de prévenir les complications de la dystocie des épaules [38].
La formation continue des sages-femmes a toujours fait partie des obligations légales comme le stipule le code de déontologie. Les protocoles changent, les connaissances se multiplient, les découvertes et l’amélioration des techniques rendent nécessaire la mise à jour de nos pratiques quotidiennes.
Par ailleurs, tous les protocoles de clinique, régulièrement mis à jour doivent être mis à disposition du personnel soignant.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. REVUE DE LA LITTÉRATURE
1. RAPPEL DES DEUX ACTEURS PRINCIPAUX INTERVENANT DANS UNE DE
1.1. Le bassin osseux [Annexe II]
1.2. Le mobile fœtal [Annexe IV].
2. DÉPISTAGE DES FACTEURS DE RISQUE DE DE
2.1. Examen clinique
2.2. Progression anormale du travail
2.3. Les examens complémentaires
2.3.1. La radiopelvimétrie
2.3.2. L’échographie
3. LES FACTEURS DE RISQUE INCRIMINÉS DANS LA SURVENUE D’UNE DE
3.1. Multiparité
3.2. Antécédent de dystocie des épaules
3.3. Terme dépassé
3.4. Obésité maternelle et prise de poids pendant la grossesse
3.5. Macrosomie
3.6. Le diabète gestationnel ou préexistant à la grossesse
4. INDICATIONS À LA CÉSARIENNE PROPHYLACTIQUE
5. DIAGNOSTIQUER ET AGIR AVEC EFFICACITÉ ET RAPIDITÉ LORS D’UNE DE
5.1. Le diagnostic
5.2. Prise en charge de la dystocie des épaules
5.2.1. La manœuvre de Mac Roberts
5.2.2. La manœuvre du Wood Inversée
5.2.3. La manœuvre de Jacquemier
6. MORBIDITÉS SURVENANT LORS D’UNE DE
6.1. Morbidités néonatales
6.1.1. Lésions du plexus brachial
6.1.2. Fractures osseuses
6.1.3. L’hypoxie.
6.2. Morbidité maternelle
6.2.1. Déchirures périnéales obstétricales
6.2.2. Hémorragie de la délivrance
6.3. Aspect psychologique du couple
7. LA FORMATION DES SAGES-FEMMES
7.1. La formation initiale
7.2. La formation continue
7.3. Le développement professionnel continu
7.4. L’analyse des évènements exceptionnels et l’interprofession
7.5. Evaluation de l’évènement exceptionnel a posteriori
III. MATÉRIEL ET MÉTHODES
1. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES
2. OBJECTIFS ET PERSPECTIVES DE L’ÉTUDE
3. MÉTHODOLOGIE EMPLOYÉE
3.1. Outils de l’enquête
3.2. Démarche et déroulement de l’enquête
1. GÉNÉRALITÉS
2. EXPÉRIENCES
3. CONNAISSANCES SUR LA DYSTOCIE DES ÉPAULES
3.1. Auto-évaluation des sages-femmes
3.2. Les questions théoriques
3.3. Notes obtenues par les sages-femmes
4. FORMATION INITIALE
5. LA FORMATION CONTINUE
V. DISCUSSION
1. GÉNÉRALITÉS
2. LES CONNAISSANCES DES SAGES-FEMMES
3. LA FORMATION INITIALE
4. LA FORMATION CONTINUE
5. DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU
6. BIAIS DE NOTRE ÉTUDE
7. PROPOSITIONS D’ACTIONS
7.1. La pédagogie inversée et l’autonomie
7.2. Bases de données des évènements complexes
7.3. Simulations en équipe
7.4. Formations
VI. CONCLUSION
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
ANNEXES
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