Définition des biomarqueurs et leur évaluation
Au sens large, un biomarqueur peut être défini par toute caractéristique moléculaire, histologique, radiographique ou physiologique pertinente en termes d’utilité clinique, c’est-à-dire que sa mesure est un indicateur de processus biologiques normaux ou pathologiques ou de la réponse à une exposition ou une intervention thérapeutique. Des biomarqueurs de tous types sont aujourd’hui largement utilisés en cancérologie, que ce soit pour stadifier et caractériser le cancer, cibler les traitements chirurgicaux et radiothérapeutiques ou prédire et surveiller l’efficacité thérapeutique. La recherche actuelle de nouveaux biomarqueurs de l’efficacité thérapeutique se focalise d’une part sur la recherche de marqueurs biologiques moins invasifs à partir de biopsies liquides, de cellules tumorales circulantes et d’ADN tumoral circulant, et d’autre part sur la recherche de biomarqueurs d’imagerie innovants. On a vu ainsi des études sur l’analyse de paramètres en IRM (coefficient apparent de diffusion notamment) ou en médecine nucléaire avec différents traceurs, pour diverses indications (divers types tumoraux, divers traitements7,8. La limite récurrente de ces études était principalement l’absence de reproductibilité de la mesure, dépendant très largement des conditions d’acquisition des images. De plus ces techniques n’étant pas facilement disponibles, leur utilisation hors études était trop complexe à mettre en œuvre. La conjonction des développements en instrumentation et analyse numérique des images médicales et des enjeux cliniques importants afin d’identifier de nouveaux biomarqueurs d’imagerie est à l’origine d’un nouveau domaine exploratoire en radiologie, la radiomique, dont les principes vont être rappelés dans la partie suivante.
Etude de la reproductibilité de la mesure intra et inter machines (modification des conditions expérimentales)
La première partie de ce travail de thèse a déterminé la répétabilité, la discrimination entre des images de densités homogène ou hétérogène, et la redondance de certains indices. Cette première étude avait été réalisée sur la même machine tomodensitométrique dans les exactes mêmes conditions expérimentales. L’étape méthodologique suivante est donc naturellement l’étude de la reproductibilité des indices de texture, en particulier dans l’objectif de réaliser des études multicentriques. Cette étape est d’autant plus critique que l’on peut supposer l’existence d’une influence réelle des performances et réglages d’acquisition des différents TDM sur la robustesse des indices présélectionnés. En effet, la grande majorité des études utilise des données de patients qui ont en commun des caractéristiques cliniques (même type de cancer, même type de protocole de traitement notamment), mais la provenance des données d’imagerie réalisées dans le suivi des patients est rarement contrôlée. Les patients « vont passer des examens » là où une place est disponible, avec des protocoles d’acquisition des images variables d’un centre à un autre, d’une machine à une autre, d’un médecin radiologue à un autre. Dans les études réalisées, cette notion d’hétérogénéité des examens en terme de type/constructeur de machine mais également des paramètres pré-acquisition ne sont que rarement mentionnés et on considère souvent qu’un « scanner » est une donnée globale exploitable, sans discrimination. Cela avait du sens dans les études qui considéraient uniquement les données anatomiques de la maladie, comme les critères RECIST, car la localisation et la taille des lésions sont des données reproductibles. En revanche, si l’on souhaite étudier des paramètres de nature quantitative comme la « texture » de l’image de la tumeur, alors il devient impératif de s’assurer de la reproductibilité des valeurs des indices que l’on mesure. C’est donc dans ce contexte que j’ai entrepris cette étude au sein de mon service de radiologie puis étendu à l’échelle européenne au sein d’un consortium détaillé dans la partie méthodologie suivante.
Méthode Cette étude a été menée au sein d’un consortium appelé Cancer Core Europe qui associe 7 centres européens de lutte contre le cancer qui ont décidé de s’allier à des fins de recherche42,43 : Cambridge, Stockholm, Amsterdam, Barcelone, Heidelberg et Villejuif. Un des axes du projet portait sur l’imagerie médicale quantitative pour le cancer. A travers ce partenariat, différents types d’appareils de tomodensitométrie issus des différents centres ont été accessibles pour réaliser des expériences de reproductibilité avec le fantôme développé dans le cadre de ma thèse et utilisé dans l’étude précédente. Dans la pratique, les acquisitions ont été réalisées sur six appareils (cf. tableau 4), issus de deux constructeurs différents (Siemens et GE) et résumées dans le tableau 5. Il s’agissait dans un premier temps de renouveler les mesures de répétabilité sur chaque appareil avec 8 acquisitions identiques (A à H) et compléter de 24 acquisitions supplémentaires pour lesquelles les paramètres d’acquisition étaient modifiés un à un. Cela a concerné la tension et intensité du tube à rayon X, l’épaisseur de coupe, le champ de vue, le pitch et l’index de reconstruction itérative. Les valeurs de ces paramètres d’acquisition ont été choisies pour être cohérentes avec celles utilisées en routine clinique.
Conclusion – Synthèse
A l’issue de ce travail de thèse, il ressort que la place de l’imagerie comme biomarqueur en oncologie est un domaine extrêmement vaste et encore peu exploré, qui pourrait permettre d’améliorer considérablement la prise en charge des malades, tant sur la découverte d’anomalies ciblables que sur la prédiction de la réponse aux traitements ou encore la meilleure sélection de chaque patient pour un traitement particulier. Ce travail permet également de poser un cadre majeur et préalable aux innovations souhaitées : l’importance de replacer l’imagerie dans un contexte méthodologique strict et ne pas considérer les images médicales comme des données magiques sans contrôle qualité. Ainsi, dans le chapitre 2, nous avons montré que la Radiomique devait dépasser ces limites méthodologiques avant de s’affirmer comme une vraie discipline. La sélection d’indice de texture fiables est fondamentale et nous avons vu que, dans des conditions expérimentales simples sur fantôme, la répétabilité et la reproductibilité ne vont pas de soi, ni sur une même machine, ni sur plusieurs machines différentes. C’est aux radiologues d’informer les parties prenantes de ces enjeux et de faire pression sur les constructeurs afin qu’ils harmonisent une acquisition scannographique dédiée à la radiomique. Le consortium Cancer Core Europe œuvre dans ce sens, de même que d’autres équipes dans le monde. Les études que j’ai menées sur la radiomique ne sont également que des études préliminaires, car l’objet qui a servi aux mesures est encore bien différent du corps humain, même si les inserts hétérogènes du fantôme avaient des densités plus proches des tissus humains. L’injection de produit de contraste indispensable pour l’obtention d’images anatomiques capable de visualiser les différents organes et d’éventuelles lésions métastatiques au sein des organes est utilisé en routine. Néanmoins, la répartition du produit de contraste dans le corps dépend de plusieurs facteurs tels que volume, débit et durée de l’injection, intervalle de temps entre le début de l’injection et l’acquisition des images, site de l’injection (voie veineuse périphérique/ centrale, côté). Ces éléments sont pris en compte en routine lorsque l’on veut mettre en évidence des anomalies vasculaires artérielles ou veineuses, ou des anomalies de rehaussement tardif, des voies urinaires, etc… car l’on sait que le produit sera présent dans tel ou tel compartiment. Quelles seront les conséquences sur l’analyse d’un volume d’intérêt en radiomique ? Enfin, mes différents travaux de thèse soulignent l’importance de collaborer avec d’autres professionnels issus d’autres spécialités médicales, ingénieurs, mathématiciens, scientifiques, méthodologistes. L’importance d’évaluer correctement la réponse à un traitement n’est pas innée pour un radiologue et s’acquiert au contact des cliniciens qui doivent prendre des décisions lourdes en cas de progression radiologique. De même, l’observation de réponses atypiques, comme on a pu le constater sous immunothérapie, a été la conséquence d’une expérience dans l’aspect des réponses typiques et les questionnements que nous avons eus sur l’aspect des courbes de survie dans les études chez des patients sous immunothérapie. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons développer de nouvelles idées et trouver de nouvelles voies afin de faire avancer la recherche en imagerie médicale et plus globalement, la lutte contre le cancer.
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Table des matières
Chapitre 1 : La quantification des images radiologiques : les biomarqueurs en oncologie
Introduction
1/ Évaluation des traitements anti cancéreux par imagerie
1.1 L’évaluation en routine clinique
1.2 L’évaluation dans le cadre des essais thérapeutiques
1.3 Thérapies ciblées et Médecine personnalisée
2/ Définition des biomarqueurs et leur évaluation
3/ La radiomique
Chapitre 2 : Répétabilité et reproductibilité des indices de texture en imagerie tomodensitométrique
1/ Les points clés des études méthodologiques
1.1 L’objet test en imagerie : le fantôme
1.2 Logiciel d’analyse
2/ Étude de la répétabilité de la mesure des indices de texture
2.1 Méthode
2.2 Résultats
2.3 Discussion
3/ Etude de la reproductibilité de la mesure intra et inter machines (modification des conditions expérimentales)
3.1 Méthode
3.2 Résultats
3.3 Discussion
Conclusion
Chapitre 3 : Une autre approche de l’évaluation tumorale : le modèle de l’immunothérapie
1/ Contexte
Pseudoprogression
Hyperprogression
2/ Hyperprogression chez les patients sous immunothérapie pour un cancer bronchique à petites cellules
Matériel et Méthode
Résultats
3/ Clarification de la définition d’hyperprogression
Contexte
Matériel et méthode
Résultats
Perspectives
Chapitre 4 : L’imagerie comme biomarqueur prédictif de la présence d’une mutation oncogénique dans les cancers bronchiques métastatiques
Contexte
Matériel et méthode
Résultats
Perspectives
Conclusion – Synthèse
BIBLIOGRAPHIE
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