L’analyse de la caricature, le cadre théorique

l’analyse de la caricature, le cadre théorique

Les historiens et la caricature

L’enseignement d’histoire-géographie se base, en principe, sur les recherches préalables des historiens. L’enrichissement de la discipline scolaire suit, en toute logique, l’enrichissement de la discipline par les chercheurs. Ainsi, comprendre comment les historiens appréhendent la caricature, les difficultés et les richesses qu’elle peut leur poser, apparaît comme essentiel afin que leurs constats soient repris par l’enseignant et adaptés aux aptitudes de ses élèves.

La revalorisation de l’image chez les historiens

Actuellement, l’image devient un élément prépondérant aux yeux de l’historien, non plus considérée comme une illustration – une utilisation des plus pauvres du document- mais comme une source à fort potentiel. Si les médiévistes furent les pionniers, aujourd’hui les historiens s’accordent pour estimer que l’analyse d’une image apporte une précieuse réflexion. Dominique Briand et Gérard Pinson, en retraçant les différents regards portés sur l’image par les historiens, mettent en avant des « légitimités » à l’étude d’une image. Parmi ces légitimités, on peut citer un « intérêt historiographique croissant» avec le mouvement de la Nouvelle Histoire qui amène à des approches culturelles. Ces approches impliquent un élargissement de ces sources, parmi lesquels figure l’image. Porteuses des représentations de l’époque, on peut la considérer à présent comme un « témoin du passé ». En effet, l’objet-image à proprement dit n’existe qu’en fonction du regard que le spectateur porte sur ces images, la représentation qu’il a de son environnement. La démarche historique de contextualiser devient ainsi un enjeu des plus importants concernant ce type de documents. Le spectateur contemporain pourrait, par manque de recul, associer l’image à ces représentations actuelles qui peuvent être à l’opposé de l’environnement perçu à une époque antérieure.

Si de telles préoccupations sont nécessaires dans l’étude d’une image, elles peuvent sembler d’autant plus importantes si un type d’image, comme la caricature, a de plus l’objectif d’émettre un message qui ne saurait être compréhensible sorti de son contexte.

La caricature et la Nouvelle Histoire

La caricature, inscrite dans cette logique de la Nouvelle Histoire, prend donc toute son importance. Boyer de Nîmes, journaliste royaliste qui entreprend en 1792 de faire étal des différentes caricatures importantes de son temps dans Histoire des Caricatures, estime que « l’histoire des caricatures tient directement de l’histoire des opinions ». En effet, encline à la contestation, la caricature met en avant l’opinion publique. Il parle même de « thermomètre de l’opinion ». Sans aucun doute possible, les travaux sur la caricature s’inscrivent dans cette histoire des mentalités et donnent lieu à de nombreux travaux. Annie Duprat, par exemple, qui définit la caricature comme « une arme de combat : elle se déploie aisément dans une société où règne la liberté d’expression […] mais n’est jamais plus brillante que sous les régimes autoritaires ou total car la censure la contraint alors à déployer des trésors d’inventivité ». Aussi n’est-il pas surprenant de constater que les principaux travaux sur la caricature soient effectués par des modernistes ou par des spécialistes des régimes autoritaires et totalitaires du XXe siècle. Annie Duprat par exemple, à qui je fais plusieurs fois référence durant cette étude, est une moderniste dont les principaux travaux se centrent sur la caricature au moment de la remise en cause de l’absolutisme. En effet, la monarchie de Louis XVI est vivement critiquée et les libertés, comme par exemple celle de la presse, sont revendiquées. Un essor de la caricature, à cette époque, est visible et l’auteure, pour faire référence à ce développement de l’usage de la caricature, parle ainsi de « Guerre des images » en 1791-1792.  Elle démontre dans ses différents ouvrages en quoi le recours à des représentations moqueuses comme des caricatures amènent à des morts « multiples » du roi, l’une, certes, physique mais précédée d’une mise à mort sur le papier par l’influence de ce type d’image sur l’opinion que le peuple peut avoir de celui-ci. Par exemple, après la fuite de Varennes, l’image du roi, jusque-là perçu avec respect et attachement par ses sujets par sa nature de droit divin, est discréditée : le roi est devenu, dans des représentations, un « roi-cochon » .

L’enseignement de la remise en cause de l’absolutisme dans le secondaire est aujourd’hui marqué, à juste titre, par l’évolution épistémologique de la Nouvelle Histoire. Cette séquence doit mettre en avant le rôle des acteurs, dans le sens de ce courant épistémologique, à savoir non plus seulement les grandes figures mais également les gens du commun : « On met l’accent sur quelques journées révolutionnaires significatives, le rôles d’acteurs, individuels et collectifs […] ». Or les caricatures justement témoignent de l’opinion générale du peuple. La caricature du roi-cochon met ainsi en avant une évolution des mentalités chez les principaux acteurs de la Révolution, marque le moment où le roi autrefois respecté par sa nature divine est à présent pensé comme un traître dont on peut se passer.

On admet donc que la caricature, par son langage particulier, est susceptible de rapporter les mentalités de l’époque. Il s’agit d’un document que l’on peut estimer porteur d’une grande richesse historique mais également pourvu de certaines difficultés que les historiens éprouvent et que nos élèves seront par conséquent d’autant plus susceptibles d’éprouver.

Richesses et difficultés de la caricature : faire adopter une posture d’historien?

Étant une image, la caricature n’existe que par la vision d’un spectateur. Le peuple souvent illettré, la lecture se devait donc d’être simple en utilisant des symboles dont la signification était connue de tous, même des moins éduqués: des expressions, des couleurs, le recours à un bestiaire pour des traits de caractère ciblés, etc. Emplie de codes qui peuvent être plus familiers à un contemporain de la caricature qu’à nous-même, la compréhension de ce document peut sembler malaisée, n’ayant pas les représentations nécessaires de l’époque concernée. Annie Duprat, par exemple, met en avant que l’une des premières difficultés dans la caricature est celle de « l’identification claire des protagonistes », ce qui va se confirmer dans l’analyse du dispositif qui suit . Ainsi, les caricatures sont emplis de signes spécifiques et discrets qui permettent cette reconnaissance. Par exemple, Marie-Antoinette est très souvent identifiable avec des coiffures dépréciatives (plumes de paon pour sa vanité, serpents pour sa perfidie, etc). Là réside donc toute la difficulté : s’approprier des codes culturels qui ne nous sont pas familiers et qu’il nous faut assimiler… et également faire assimiler aux élèves. Tôt ou tard, ce dernier est confronté dans sa scolarité à l’étude d’une caricature, dont le sens lui échappe plus ou moins. Si son côté humoristique ou sa nature d’image peut sembler attrayante, susciter de l’intérêt et de la curiosité, sa polysémie ou son cryptage inaccessibles peuvent vite démotiver.

Il s’agit, de plus, d’une image qui était source d’informations durant la période révolutionnaire. Dans ce sens, on peut facilement imaginer que la caricature facilite l’instrumentalisation de l’opinion publique. Annie Duprat affirme que les caricatures politiques, qui prennent leur essor durant la période troublée de la Révolution, « jouent un rôle dans la formation de l’opinion publique car elles sont facilement diffusées dans la presse ou en feuilles volantes ». On constate ici l’importance pour l’historien de contextualiser la caricature, non pas uniquement pour saisir le message mais parce que son contexte de création informe sur des intentions des différents auteurs, politique ou marchande par exemple. Ce recul nécessaire, sur différents aspects de ce type de document, est ce qui rend tout à la fois le document riche et complexe. Si l’historien a intériorisé la démarche, on peut comprendre que l’enseignant donne les clés à ses élèves pour qu’eux mêmes, à défaut de l’intérioriser dans l’immédiat, en aient quelques réflexes jusqu’à parvenir à un certain automatisme à force de rencontrer ce type de document.

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Table des matières

Introduction
Première partie : l’analyse de la caricature, le cadre théorique
I- Les historiens et la caricature
A- La revalorisation de l’image chez les historiens
B- La caricature et la Nouvelle Histoire
C- Richesses et difficultés de la caricature : faire adopter une posture d’historien?
II- Les attendus institutionnels
A- L’image, une source, non pas un objectif illustratif
B- La caricature, en adéquation avec le socle commun?
C- Y a-t-il un niveau pour étudier une caricature?
III- Enseigner avec la caricature
A – La grille d’analyse classique de l’image
B- Analyse de la caricature selon les manuels
C- Un exemple de pratique enseignante avec la caricature
Deuxième partie : le dispositif et son analyse
I- Élaboration du dispositif
A- Le but de l’exercice
B- Le choix de la classe et de la séquence
C- Le choix de la caricature
D- Le dossier annexe
II- Analyse du dispositif
A- Remarques préliminaires à l’analyse
1. Interprétations des élèves, premiers constats
2. Remarques sur la séance
B- Analyse du dispositif
1. Les stratégies de chaque groupe : quelles démarches pour analyser la caricature ?
2. La présentation du document, un réflexe nécessaire?
3. Observer et interpréter sans avoir à l’esprit le contexte de la situation
4. Les problèmes rencontrés dans l’identification des protagonistes
5. Les Balkans, une situation difficile à décrypter
6. Etre prisonnier de son schéma explicatif
Conclusion
Bibliographie/ Sitographie
Annexes

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