L’activité maritime : un contexte générateur de risques
La mer représente 75% de la surface du globe terrestre, l’être humain l’utilise pour se déplacer, pêcher et transporter des marchandises lourdes à moindre coût. L’activité maritime qui y est engendrée par l’utilisation de la mer est l’un des facteurs essentiels du développement économique et du rapprochement des territoires éloignés. Elle évolue sur un espace à la fois spatio-temporel par son contexte physique mais aussi stratégique par son emploi. Selon un rapport de la conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED 2009), l’économie maritime représente 90% des échanges internationaux avec 80% du transport d’énergie. On recense 1,19 milliard de tonnes de port en lourd (TPL) en 2009 avec une croissance de 6,7% par rapport à 2008 malgré la récession économique. Ce qui est une preuve de l’importance de ce secteur. Au niveau de l’Union Européenne (UE), la flotte commerciale a connu une augmentation de 80% de sa capacité durant ces 30 dernières années. L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) prévoit une augmentation de 50 % d’ici 2020 de la demande européenne de gaz ce qui pourrait envoyer encore à la hausse la capacité de la flotte commerciale.
L’activité maritime évolue dans un espace maritime complexe, caractérisé par sa dimension internationale due à l’existence d’espaces internationaux libres et de plusieurs états côtiers ayant chacun leur propre réglementation maritime. La plupart des états côtiers possèdent une multitude d’acteurs intervenant en mer comme les centres de surveillance (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage en France, etc.), d’enquête maritimes (BEAmer en France, MAIB en Angleterre, etc.), la Marine nationale, la gendarmerie, les douanes et les gardes côtes. Ces acteurs assurent des missions variées comme la lutte antipollution, la surveillance du trafic, le contrôle des pêches, la sécurité de la navigation maritime, la sûreté, la répression des trafics illicites et le sauvetage de personnes. Les missions sont conduites la plupart du temps dans des périmètres restreints, rattachés à des découpages administratifs. D’autres sont menées en haute mer dans des espaces vastes comme celles effectuées par la Marine nationale qui a pour mission de traiter les menaces au plus loin des côtes et au plus près de leur source . Les navires doivent êtres blanchis au plutôt avant leur accostage pour une meilleure sûreté (Prati 2010).
Les découpages administratifs utilisés permettent de subdiviser l’espace maritime en zones virtuelles partant des côtes vers la haute mer. On trouve parmi ces découpages, la mer territoriale , les Zones Economiques Exclusives (ZEE), les Zones de pêche, les Zones de Protection de la Pêche (ZPP) et les Zones de Protection Ecologique (ZPE). L’objectif de ces découpages est de permettre une meilleure appropriation des espaces maritimes, faciliter leur gestion, leur surveillance et éviter leur utilisation abusive. Du fait de l’importance liée à la détermination de ces zones, leur nombre augmente rapidement. En Méditerranée, ce nombre s’est multiplié en une décennie avec différentes nominations, dimensions et caractéristiques (Heredia 2009). Ces zones permettent à un Etat côtier de définir des droits exclusifs d’exploitation, d’exploration et de gestion des ressources sur elles et aux autres Etats, le droit de naviguer, de survoler et de poser des réseaux sous-marins (pipelines, câbles, etc.) si cela ne cause pas de tort (Bellayer Roille 2011).
L’évolution de l’activité maritime dans cet espace ouvert, l’augmentation du trafic maritime mondial, sa densité dans certaines zones, les différentes réglementations entre les états côtiers et les enjeux économiques et politiques de cette activité forment un contexte générateur de risques sur les navires, les personnes, les états et l’environnement (écologique et infrastructures portuaires). Nous adoptons pour la suite de ce manuscrit, la définition de Boisson (Boisson 1998) qui définit le risque comme l’éventualité d’un événement pouvant provoquer des conséquences dommageables. Dans le domaine maritime, les risques peuvent être liés à la sécurité (échouement, naufrage, collision, etc.) ou à la sûreté maritime (attaque terroriste, immigration illégale, trafics de biens illicites, etc.). Ceux liés à la sécurité maritime sont causés par un dysfonctionnement ou une activité mettant en danger les navires, les personnes et l’environnement alors que les risques liés à la sûreté sont dus à un acte illicite à l’encontre du navire, des personnes et des infrastructures portuaires. Quelques chiffres sont présentés ci-après pour donner un aperçu des risques qui pèsent sur cette activité maritime.
Les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité et la sûreté
Les moyens mis en œuvre aujourd’hui pour assurer la sécurité et la sûreté maritime peuvent être scindés en trois groupes : les moyens réglementaires, organisationnels et technologiques.
Moyens réglementaires
Sur le plan réglementaire, des efforts ont été ressentis pour assurer la sécurité et la sûreté maritime. Les Nations Unis par exemple ont créé en 1948 un organisme appelé OMI (Organisation Maritime Internationale ) qui a comme principales missions aujourd’hui de rendre plus sûr, efficace, durable et écologique le secteur maritime. Pour assurer ses missions, l’OMI adopte des règlementations de sécurité comme l’instauration de la double coque pour les navires pétroliers après le naufrage de l’ERIKA , la reconnaissance officielle des cartes de navigation électroniques (ENC) et l’autorisation des états côtiers à enlever les épaves des navires se trouvant dans leur ZEE avec une indemnisation des opérations par les propriétaires des navires ou de leur assurance. Avant l’ERIKA, le naufrage du Titanic en 1916 a incité à une première convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS). Cette convention dresse un ensemble de règles et d’exigences à respecter pour assurer la sécurité, la sûreté du navire et de son équipage. Aujourd’hui SOLAS en est à sa cinquième version.
Moyens organisationnels
Sur le plan organisationnel, des organismes en charge de la sécurité et de la sûreté en mer ont été créés. Ces organismes ont souvent besoin d’une autorité coordinatrice et d’une approche globale pour le partage d’informations en matière de surveillance maritime (Bodewig et al., 2009). Le réseau de surveillance Français représenté sur la Figure 0-1, compte aujourd’hui 59 sémaphores, 4 Centres Opérationnels de la Marine (CO Marine), 7 CROSS, 4 Centre Opérationnels des douanes (CO Douanes), une fonction de garde côtes (CoFGC), etc.
Dans le cadre de l’amélioration de leurs moyens organisationnels, différentes restructurations des organismes en charge de la sécurité et sûreté ont été effectuées.
Prenons l’exemple de la création de la fonction de Garde-côtes dans l’objectif d’assurer des missions d’observation, d’analyse des flux maritimes, être le point d’entrée des coopérations internationales en termes de situations maritimes et information du gouvernement pour l’adaptation de leurs priorités. Le Centre de Garde-côtes (CoFGC) est opérationnel depuis le 20 septembre 2010. Des unités de la Gendarmerie maritime appelées Pelotons de Sûreté Maritime et Portuaire (PSMP) ont été aussi créées pour assurer la sûreté des navires, des approches maritimes et des installations portuaires contre les attaques terroristes. Même si les outils règlementaires et organisationnels sont biens établis, leur application demande des moyens technologiques adaptés.
Moyens technologiques
Sur le plan technologique, des moyens de surveillance sont utilisés pour améliorer la sécurité et la sûreté maritime. Parmi les moyens de surveillance, nous pouvons distinguer les systèmes d’aide à la navigation et les systèmes de surveillance maritimes. Ces systèmes sont composés d’une infrastructure de détection (AIS, radar, etc.) permettant de capturer et transmettre les données de géolocalisation de navires et d’un système de traitement d’informations pour traiter, stocker et restituer les dernières informations sur les navires via des dispositifs d’affichage. Avant de découvrir les systèmes d’aide à la navigation et les systèmes de surveillance, nous allons présenter les infrastructures de détection qui compose ces systèmes et les alimentent en données de déplacement de navires.
Infrastructures de détection
Les moyens de détection comme l’AIS et le radar sont très utilisés pour la surveillance maritime. Ces moyens permettent aux navires et aux systèmes de surveillance de détecter les positions des navires et leur déplacement. L’AIS est composé d’une antenne de réception, de transmission VHF (Very High Frequency), d’un système de géolocalisation (GPS), un capteur de direction, un capteur de vitesse, un écran de contrôle et d’autres composantes. Pour des raisons d’optimisation, la fréquence de synchronisation ou de transmission d’informations AIS est relative à la vitesse du navire, à son changement de direction et au type d’informations échangées. Parmi les informations échangées, on peut citer le code unique MMSI15, la position, le cap, la vitesse, le tirant d’eau (partie immergée du navire), le port de rattachement, la cargaison, le temps de transmission et le temps d’arrivée estimé du navire. Les informations de type statique comme le port de rattachement et la cargaison ont un délai de synchronisation plus long que par exemple la vitesse et le cap qui sont de type dynamique. Les radars sont fréquemment utilisés pour l’aide à la navigation. Ils sont composés d’un émetteur et récepteur électromagnétique permettant de détecter les objets voisins, de calculer leur position, leur vitesse par la réception d’ondes émises et réfléchies par les objets cibles (navires, obstacles, etc.). La position est calculée par rapport au temps de réflexion de l’onde et la position angulaire de l’émetteur. La vitesse est relative au décalage de fréquence de l’onde réfléchie.
|
Table des matières
Introduction
Contexte
L’activité maritime : un contexte générateur de risques
Les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité et la sûreté
1. Moyens réglementaires
2. Moyens organisationnels
3. Moyens technologiques
a. Infrastructures de détection
b. Les systèmes d’aide à la navigation
c. Les systèmes de surveillance du trafic maritime
Un risque maritime toujours aussi important
Amélioration des systèmes de surveillance maritime
Problématique et objectifs de recherche
Méthodologie
Périmètre de notre proposition
Structure de ce mémoire
Chapitre 1 :L’analyse de comportements dans le domaine de la surveillance maritime
1.1. Introduction
1.2. Définition d’un comportement
1.3. L’analyse de comportements
1.4. Approches d’acquisition et de construction de connaissances pour la modélisation de comportements
1.4.1. Approche top-down
1.4.2. Approche bottom-up
1.5. Méthodologies d’analyse de comportements de navires
1.5.1. Analyse statistique
1.5.2. Analyse visuelle
1.5.3. Analyse par fouille de données
1.5.3.1. Analyse de situations par clustering d’événements
1.5.3.2. Analyse du comportement par clustering de trajectoires
1.6. Méthodologies de modélisation de comportements de navires
1.6.1. Modélisation par règles d’inférence
1.6.2. Modélisation ontologique
1.6.3. Modélisation par Classifieur Bayésien
1.6.4. Autres méthodologies
1.7. Limites des méthodologies de modélisation actuelles
1.8. Synthèse sur les méthodes d’analyse et de modélisation de comportements de navires
1.9. Conclusion
Chapitre 2 :Contribution de la fouille de données à l’analyse de comportements
2.1. Introduction
2.2. Les domaines de la fouille de données
2.2.1. La fouille de données classique
2.2.1.1. Les associations
2.2.1.2. Le classement et prédiction
2.2.1.3. Le groupement
2.2.1.4. Les Séries chronologiques
2.2.1.5. Analyse d’aberrations
2.2.2. La fouille de données spatiales
2.2.3. La fouille de données d’objets mobiles
2.2.3.1. Espace d’évolution ouvert
2.2.3.2. Espace d’évolution contraint par un réseau
2.2.4. La fouille de données du trafic de mobiles
2.2.4.1. Les motifs de trajectoires
2.2.4.2. La détection des congestions
2.3. Prototypes d’analyse de comportements
2.3.1. MoveMine
2.3.2. M-Atlas
2.4. Synthèse des méthodes de fouille de données
2.5. Conclusion
Chapitre 3 :ShipMine : un atelier d’extraction de connaissances pour l’analyse de comportements
3.1. Introduction
3.2. Conception et réalisation de l’atelier
3.2.1. A qui s’adresse cet atelier ?
3.2.2. Analyse de besoins
3.2.3. Ciblage et adaptation des algorithmes de fouille de données
3.2.3.1. Analyse de situations
3.2.3.2. Analyse de mouvements à risques
3.2.4. Structure de l’espace de données à explorer
3.2.4.1. Les données spatiales statiques
3.2.4.2. Les données spatiales dynamiques
3.2.5. Architecture
3.2.5.1. Interface de visualisation
3.2.5.2. Interface de fouille de données
3.2.3.3. Interface de données à explorer
3.2.6. Choix technologique
3.3. Présentation de ShipMine
3.3.1. Bannière
3.3.2. Choix de la fonctionnalité et des données
3.3.3. Fonctionnalité d’exécution et de paramétrage
3.3.4. Interface cartographique
3.4. Conclusion
Conclusion
Télécharger le rapport complet