L’Anacostia Community Museum ou la Smithsonian Institution face à la question communautaire 

Les Communautés dans le système culturel américain

« It’s in our hands »

Ainsi titrait la campagne du Census 2010, le dernier recensement Américain, rappelant aux citoyens que l’attribution de sièges au Congrès et de financements aux territoires est déterminée par la démographie de chaque communauté. Une enquête complémentaire, l’American Community Survey , a été menée cette année dans le cadre du Census afin de recenser chaque communauté ethnique et d’obtenir une image de la diversité culturelle américaine . Cette enquête illustre l’importance de la problématique communautaire aux Etats-Unis et son lien intrinsèque avec la question culturelle. Elle révèle que l’Etat fédéral accorde aujourd’hui une attention toute particulière à ces sujets.
Le slogan fait quant à lui des communautés et de ses membres le cœur de la démocratie américaine.
Le terme de « communauté » renvoie à un concept complexe et à des réalités diverses, qui prennent dans le contexte culturel une signification particulière. Ces notions constituent la base de notre analyse, elles sont indispensables à la compréhension des problématiques des chapitres suivants et nécessitent ainsi un développement propre. On tentera dans ce premier temps de définir les mécanismes de la solidarité communautaire américaine (ch. 1), pour comprendre ensuite le rôle des politiques publiques dans sa dynamique au niveau national (ch. 2), puis au niveau local (ch. 3). La culture y sera à chaque fois centrale, avec, en arrière-plan la question de la ville et des minorités.

La société civile : creuset de la vitalité culturelle américaine

Engagement culturel communautaire : Définition et État des lieux

Définition

Dans la tradition sociologique anglo-saxonne, le terme de « communauté » est défini comme particulièrement « élusif et vague (…), aujourd’hui largement dénué de signification spécifique » . Dans son analyse du système culturel américain, Frédéric Martel confirme : « Parmi tous les ressorts de la société américaine, la notion de « communauté » est probablement l’une des plus difficiles à comprendre ». Il s’agit effectivement pour l’observateur européen d’appréhender un concept polysémique applicable à des réalités diverses : le terme, d’usage courant aux Etats-Unis, peut renvoyer à une dimension géographique et évoquer la communauté du quartier, de la ville ou du village. Il peut définir les habitants de ces territoires, décrivant un lien d’appartenance socio-économique, ou un cadre d’identité ethnique, religieuse, sexuelle (la communauté afro-américaine, chrétienne…). La plupart du temps et au sens où nous l’entendons, le terme renvoie à un groupe d’individus issus d’une même ère géographique et partageant une expérience commune (Martel, 2006). Ainsi, la communauté est d’abord un sentiment d’appartenance, elle existe via la représentation mentale que s’en font les individus (Watson, 2007). C’est également un cadre social au sein duquel les individus se définissent, débattent, et contestent leurs identités. C’est là qu’ils « produisent leurs cadres de vie, leurs croyances, leurs valeurs et finalement, leur condition sociale » (Ivan Karp, 2008).
La communauté est en cela une réalité particulièrement fluide et multi-strates, au sein de laquelle les individus peuvent multiplier les groupes d’appartenance et en changer au fil de leur vie. Aux Etats-Unis, c’est finalement une dynamique d’action, un véritable esprit de soutien collectif qui valorise l’intégration. La communauté n’y est pas une entité passive à laquelle on appartiendrait de fait, mais plutôt un cadre d’engagement déterminé par l’identité et principalement appliqué au niveau local autour d’une idée simple : se réunir pour aider les « siens ». La communauté porte ainsi une valeur hautement positive et démocratique, perçue comme garante de la liberté etde l’autonomie de l’individu au sein de la société civile.
Aux Etats-Unis, l’observateur européen constatera ainsi un esprit communautaire qui mobilise l’ensemble des citoyens, un tissu d’organisations originales qui irrigue la totalité du territoire, et une matrice sociale qui constitue l’un des premiers lieux de l’expression culturelle américaine.

État des lieux

De la même façon que les activités éducatives, religieuses et solidaires, les activités culturelles s’organisent dans le cadre communautaire, incarné aux Etats-Unis par des milliers d’organisations de taille réduite, installées dans des lieux éclectiques, interactifs et indépendants. Théâtres et cinémas de quartiers, petites salles de concerts, chorales amateurs, musées autonomes, groupes de lecture : ce sont des lieux de création, de diffusion ou d’enseignement artistique, des associations d’amateurs ou de professionnels qui ont en commun de s’adresser à leur communauté locale. Ce qui étonne en premier lieu, c’est la variété d’organisations qui prennent part à la vitalité culturelle sans que la culture ne constitue nécessairement leur mission première. Les églises, par exemple, jouent un rôle culturel considérable : chœurs de Gospel, groupes de danse liturgique, ensembles musicaux, ateliers de mime et de théâtre autour des scènes de la Bible sont au cœur du
quotidien de nombreuses congrégations. Dans le sud-est de Washington DC, Matthews Memorial Babptist Church anime chaque semaine sept différents chœurs, cinq groupes de danse, des ateliers de théâtre, de musique et de création multimédia. Le rôle des églises est d’autant plus fort que ces dernières ont une importance considérable aux Etats-Unis (on en compte plus de 2000 à Washington DC) . En 2003, 49% des Américains disaient s’y rendre régulièrement pour suivre une activité culturelle . Au delà de leurs propres activités, elles jouent fréquemment le rôle de salles de spectacles pour les représentations des petites organisations artistiques locales. En parallèle, de nombreuses écoles proposent des activités artistiques extra-scolaires, les Youth Groups organisent des classes de peinture ou de danse après les heures de classe et pendant les vacances d’été, les Seniors Centers des ateliers d’arts plastiques pour les retraités, les centres de prévention contre le VIH des sessions de Slam, des clubs de hip-hop et de graffitis pour les jeunes en difficulté.
En 2003, trois des quatre lieux de création et diffusion artistiques américains accueillant le plus de visiteurs étaient des organisations locales à vocation communautaire . Selon une étude de l’Institut Urbain de Washington DC sur les pratiques culturelles des américains, près de 99% des personnes fréquentant régulièrement les institutions d’envergure municipale, régionale ou nationale seraient en parallèle engagées dans la vie culturelle de leur communauté. En outre, les organisations communautaires toucheraient une frange additionnelle de 26% de la population ne fréquentant pas les institutions pré-citées . On note ainsi l’importance de l’engagement associatif et individuel via le spectre de la communauté dans le système culturel américain, qui dépasse les frontières des seules organisations culturelleset illustre la participation des habitants à leur autonomie.
La vitalité communautaire semble d’autant plus forte qu’elle dépend d’un engagement bénévole particulièrement conséquent. Dans les églises et les associations sociales, des centaines de volontaires animent chaque jour les activités culturelles, développent les partenariats avec les artistes locaux et collectent des fonds. Le volontariat est un phénomène général aux Etats-Unis, qui mobilise plus de 93 millions d’individus.
La plupart des grandes institutions culturelles engagent chaque année des centaines de volontaires. L’esprit du bénévolat et l’esprit communautaire se rencontrent ainsi dans le développement de nombreuses activités de terrain et renforcent encore le caractère démocratique des organisations communautaires, et l’engagement de chaque communauté pour le développement d’une culture qui lui est propre. Une « subculture » particulièrement vivace naît de ces multiples organisations et projets, et s’inscrit à l’opposé de la culture présentée et programmée par les institutions culturelles de grande envergure, dans le « rejet de toute norme qui serait dictée par l’extérieur » . Au cœur de l’enjeu communautaire se trouve ainsi la démocratie culturelle américaine.

Cadres publics et privés : les mécanismes du fonctionnement culturel communautaire

L’engagement culturel des communautés semble se manifester en premier lieu sous la forme d’un réseau d’organisations autonomes. Il serait pour autant erroné de croire en l’indépendance totale de ce secteur vis-à-vis de l’ensemble de la société civile et des politiques publiques américaines.

Un soutien fédéral mesuré

Les organisations communautaires dépendent du secteur à but non-lucratif (nonprofit) et relèvent ainsi depuis 1954 de l’article 501c du code des impôts américains, l’ Internal Revenue Code . Elles sont regroupées sous l’alinéa 501c3, qui correspond aux « activités charitables, scientifiques et éducatives » reconnues d’ utilité publique. En avril 2008, le National Center for Charitable Statistic de l’Institut Urbain de Washington recensait près d’un million d’organisations de ce type, dédiées notamment à la culture, la santé ou l’éducation . Ce sont des hôpitaux, des universités, la plupart des musées, théâtres, ballets, orchestres, fondations, et toutes les organisations communautaires. Ces organisations concernent aujourd’hui onze millions de salariés (soit 9.3% de la population américaine active), et correspondent à un équivalent de neuf millions d’emplois à temps plein effectués par des bénévoles, et à 8.5% du PIBAméricain . Elles sont ainsi autorisées à créer des profits, tant que ces derniers ne sont pas redistribués à des individus mais bien réutilisés pour leur mission d’intérêt général. Elles diffèrent des associations Loi 1901 françaises en ce qu’elles sont semi-privées, et organisées comme des entreprises.
Leur statut leur donne accès à une série d’avantages, qui conditionnent souvent leur développement. Elles sont totalement exonérées d’impôts, et profitent indirectement des allègements fiscaux dont bénéficient leurs mécènes. Un donateur est en effet autorisé, depuis 1917, à déduire de son revenu imposable ses dons aux organisations à but nonlucratif. Cette possibilité est aujourd’hui étendueaux entreprises. Ainsi, les organisations communautaires, et l’ensemble du système culturel américain, sont indirectement soutenues par des dispositifs fédéraux qui participent au développement culturel sur le terrain.
Le gouvernement et les communautés soutiennent tous deux ce système, qui garantit l’autonomie du secteur culturel vis-à-vis du gouvernement fédéral. Cette particularité du système américain, fondé sur le rejet de l’Etat Providence, explique en partie la vitalité de la société civile, l’engagement communautaire des citoyens, et la force de la démocratie culturelle américaine.

Un engagement de la société civile conséquent

En parallèle des dispositifs publics, la sphère privée américaine est particulièrement engagée dans le soutien financier des activités non-lucratives. Le secteur philanthropique est aujourd’hui particulièrement conséquent, et le montant de ses dons pour la culture dépasse chaque année largement celui de l’aide publique, au niveau fédéral comme à l’échelle locale . Les organisations communautaires sont principalement soutenues par ce secteur. Sur les 75 000 fondations répertoriées aux Etats-Unis, plus de 700 sont entièrement consacrées au soutien des communautés . Ces dernières, comme le Chicago Community Trust ou la Greater Kansas City Community Foundation , financent largement les activités artistiques développées par les organisations communautaires . Cette action est complétée sur le terrain par les financements de nombreuses fondations culturelles, qui soutiennent aussi bien les organisations et institutions artistiques que les projets spécifiques de certaines églises, associations sociales ou organisations de quartiers. Le mécénat d’entreprise est peu développé aux Etats-Unis, représentant seulement 2,5% des dons pour les organisations culturelles à but non-lucratif. Pour autant, certaines entreprises soutiennent la culture au niveau local, via le financement direct, le prêt de locaux ou de matériel.
Plusieurs organisations de citoyens s’engagent enfin directement, dans chaque quartier, pour le soutien de la vitalité locale. Les United Art Fundsorganisent des collectes de fonds particulièrement efficaces auprès des entreprises du territoire, et des donateurs potentiels des classes moyennes et populaires . Il existe plus de cent organisations de ce type dédiées à la culture aux Etats-Unis, comme le United Performing Arts Fund de Milwaukee, qui collecte des financements auprès de milliers de donateurs de la ville.
Les organisations communautaires engagées dans le secteur culturel sont ainsi soutenues par de multiples aides, directes et indirectes, selon un tissage public-privé complexe, et toujours dans une philosophie d’autonomie et de liberté. Ce canevas sociopolitique définit la vitalité de la société civile américaine et l’expression culturelle démocratique des communautés. Même si la crise économique a affaibli un certain nombre de petites organisations communautaires, et tari certaines lignes de financement, la diversité de leurs soutiens et le fort dévouement de leurs membres assure à nombre d’entre elles une survie possible. L’état des lieux de l’engagement communautaire américain mérite un éclairage politique permettant d’en comprendre l’origine, et les enjeux d’un point de vue culturel.

Entre démocratisation et démocratie : enjeux de la diversité culturelle américaine

« Plus qu’une mosaïque de communautés, la société civile est une scène, une arène de légitimation » note Ivan Karp dans son ouvrage sur la prise en compte des communautés par les musées américains. L’affirmation ne va pas sans évoquer les enjeux de reconnaissance identitaires qui palpitent au cœur de la société multiculturelle, et au sein desquelles la problématique culturelle se révèle centrale.

Problématiques urbaines et interventions sociales de proximité : la question culturelle au cœur de la politique de la ville américaine

Une politique de la ville basée sur l’engagement communautaire

Été 1977. Suite à une coupure générale d’électricité dans le Bronx, des émeutes dégénèrent et entraînent la médiatisation des problèmes sociaux, la prise en compte nationale de la situation des ghettos et la récupération du sujet par le politique. Les difficultés new-yorkaises font échos aux dysfonctionnements des autres grands ghettos américains, connus depuis les premières révoltes dumouvement des droits civiques (Civil Rights) dans les années 1960 à Chicago, Détroit, Los Angeles et Philadelphie. On estime alors que 123 quartiers noirs sont au bord de la crise. Face à la situation, les maires des grandes villes en appellent à des plans sociaux d’urgence, les leaders noirs demandent une politique de reconstruction. En réponse, l’administration Carter définit les contours d’une politique de la ville nouvelle, basée sur une dynamique de terrain : le Community Control .
Constatant l’inefficacité des réformes démocrates des administrations Roosevelt et Johnson, face aux revendications du mouvement des droits civiques, et avec en mains un budget réduit, Jimmy Carter enclenche une politiquede décentralisation. Sous la bannière du volontarisme individuel, via le Housing and Community Development Act , il met en
place un plan d’action de douze milliards de dollars, affectés en trois ans au développement de logements sociaux dans les communautés les plus défavorisées. Au cœur de ce programme, il associe les financeurs privés et les fondations à la création d’un outil de terrain : les Community Development Corporations (CDC) . Fondées et gérées par la communauté locale, ces organisations sont dégagées de toute relation de subordination à l’autorité municipale. Véritables lieux de développement communautaire, elles héritent de compétences en matière de logement social et vont jusqu’à gérer parfois l’assistance aux personnes âgées, les programmes extra-scolaires, lasécurité du quartier, et la culture.
Cette nouvelle politique, destinée à faire sortir les communautés de « la dépendance envers l’aide » (empowerment ), intervient en rupture avec les précédents engagements fédéraux sur la question urbaine qui avaient pû prioriser une politique top down . Pour autant, même au plus fort de l’intervention fédérale , la tradition politique américaine de restriction de l’Etat Providence avait toujours engagé les Présidents à considérer l’autonomie communautaire. Si Carter s’engage davantage dans cette voie, c’est que la crise ne lui a pas laissé le choix. Et son action sera décisive. Comme le note Frédéric Martel, « Depuis la fin des années 1970, ces idées auxquelles Ronald Reagan ajoutera la responsabilisation des entreprises et le redéploiement sur la famille, et Bill Clinton la revitalisation de la société civile sont devenues l’alpha oméga des politiques urbaines américaines » . Effectivement, le focus sur l’autonomie communautaire se maintient depuis, à la mesure des convictions des différents gouvernements quant à l’action du Welfare State. Face aux émeutes de Los Angeles en 1992, l’administration Clinton fera appliquer le Low Income Housing Tax Credit pour financer les CDC . Face à la récession économique des années 2000, G.W. Bush en appellera à la responsabilisation des services sociaux locaux et des lieux de culte dans la revitalisation des quartiers. En février 2009, l’administration Obama proposera l’American Recovery and Reinvestment Act pour répondre à la crise et favoriser le développement des logements sociaux, des transports, de l’éducation et de l’emploi, et engager encore une fois les communautés à s’impliquer dans leur propre gestion . Dans une démarche similaire, depuis les années 1970, les Etats et les Villes se sont engagés dans la revitalisation urbaine selon une prise en compte particulière des communautés.
On comprend ainsi comment, selon un double mouvement issu du terrain comme des politiques publiques, les communautés se sont retrouvées au centre des problématiques urbaines contemporaines et de leur gestion.

La question culturelle au cœur des problématiques urbaines contemporaines

On a vu le rôle que pouvaient jouer les communautés dans lavitalité culturelle de la société civile américaine  : cet engagement s’étend à l’utilisation du support artistique pour la revitalisation des quartiers en difficulté. Parmi les deux mille CDC existant aujourd’hui aux Etats-Unis, bon nombre développent une programmation culturelle pour enrichir leur action de terrain. Dans le South Bronx , The Pointpropose depuis 1994 des spectacles, expositions et ateliers pour la population locale. À Chicago, la Quad Community Development Corporation engage les jeunes à questionner les problématiques de la communauté par le biais d’œuvres plastiques. Comme les CDC, les églises, les Youth Groups ou les petites associations artistiques proposent des ateliers artistiques de dynamisation personnelle pour les demandeurs d’emploi, ils tentent de mobiliser les jeunes en difficulté autour de la pratique du Hip-Hop ou du Slam, d’éduquer les enfants au respect de l’environnement par la création d’œuvres in situ, ou de revaloriser le territoire par la réalisation de fresques murales dans le quartier. Les agences publiques des Etats et des Villes développent également des plans de soutien aux initiatives culturelles de développement. Elles financent depuis les années 1970-80 des projets culturels à caractère social, via des exemptions fiscales et l’utilisation d’aides fédérales, en partenariat avec les organisations communautaires . L’agence artistique de l’Etat de New-York financedepuis
la fin des années 1960 le Ghetto Arts Programmeet le Musée Afro-Américain d’Harlem.
L’agence du District of Columbia subventionne plusieurs projets d’art in situ dans les quartiers prioritaires du sud-est de Washington.
La culture est également utilisée par les politiques publiques urbaines dans une toute autre démarche. Depuis le milieu des années 1990, les pouvoirs publics y ont souvent vu un moyen d’inciter la classe moyenne blanche à se réinstaller dans les villes-centres.
Le Ministère du Commerce, les Etats et les Villes, ainsi que de nombreuses fondations s’impliquent aujourd’hui dans la transformation de ghettos en art district . Ils financent l’implantation de cinémas d’arts et essai, de scènes alternatives et de galeries d’arts afin d’attirer une population aisée qui participera au développement de l’économie locale. Plus d’une centaine de villes américaines ont récemment développé ce type de quartiers, comme Denver, Newark et Kansas City, Chicago ou Washington. Plus qu’une politique urbaine ou un engagement culturel, cette politique d’intervention est avant tout économique. Ce développement se révèle souvent vicieux, entrainant la délocalisation des populations pauvres face à la flambée des loyers, et la gentrification des villes-centres.
Il n’est pas rare de constater que les politiques de développement des arts districts s’effectuent en parallèle, au sein d’une même ville, avec des démarches de redynamisation d’un quartier par la culture. À Washington, le quartier noir de H Street est aujourd’hui volontairement transformé par la municipalité en un art district prisé par les jeunes professionnels et déserté des classes pauvres. En parallèle, les quartiers du sud-est font l’objet de nombreuses interventions logistiques et financières de la part des pouvoirs publics qui ont pour objectif de revaloriser le quartier, notamment par le biais de la culture.
Ainsi, au sein des grandes villes américaines, prèsde quarante ans après le lancement des CDC, le problème urbain demeure, entre anciens et nouveaux ghettos. Finalement, l’engagement des communautés et des politiques vers la question culturelle semble aux Etats-Unis fortement lié aux problématiques urbaines et aux enjeux de revitalisation des quartiers. Cette dynamique est soutenue par un système complexe, qui mêle engagement bénévole et local, financements privés, subventions publiques et exonérations fiscales, et se révèle véritablement comme une « politique d’action culturelle faite sans Ministère de la Culture » . Il s’agit maintenant d’analyser le second volet de ces réalités urbaines, qui, outre engager de nouvelles dynamiques et modifier les modes d’action culturelle, ont soulevé un problème identitaire de fond, qui a profondément transformé la société et le système culturel américains.

Vers la diversité culturelle

Intrinsèquement liées à la question noire, les problématiques urbaines des années 1960-70 ont engendré la naissance d’un nouveau paradigme qui place jusqu’à aujourd’hui la culture au cœur des réalités socio-politiques américaines : la diversité culturelle.

L’invention de la diversité culturelle

Tout au long de leur histoire, les Etats-Unis se sont pensés comme une nation issue de l’immigration. À la « première immigration moderne » correspondait le principe du melting pot et l’idée d’assimilation des immigrés dans le « chaudron » américain.
L’École de sociologie de l’Université de Chicago (la première à développer un pôle d’études urbaines), avait dans ce cadre pour ambition de faciliter l’intégration des européens immigrés dans les ghettos de l’époque. À l’heure de la seconde mondialisation, le multiculturalisme semble davantage le fait d’une perte de légitimité de la théorie de l’assimilation. Dans les années 1960, lemelting potest dénoncé par les minorités comme une fiction ayant donné les moyens à l’élite WASP (White Anglo-Saxon Protestant ) de s’imposer dans le champ culturel, économique, social et politique. La tradition d’assimilation américaine change, alors que Lyndon B. Johnson signe l’Immigration and Nationality Act le 3 octobre 1965, abolissant quarante années de pratiques de quotas en matière d’immigration. Pour développer l’économie et faire écho aux revendications des Civils Rights , le Congrès ouvre les vannes de l’immigration massive. Plus de quatre millions d’immigrés venus d’Amérique du Sud, d’Asie et du Moyen-Orient entrent légalement aux Etats-Unis dans les années 1970, marquant la fin de l’européocentrisme américain . À la fin de la décennie, la Cour Suprême rend inconstitutionnel le recours aux quotas ethniques favorisant les minorités dans les universités (décision Bakke, 1978) . Cet acte symbolique marque, à la sortie d’un contexte de crise sociale, que la diversité culturelle devient une priorité pour le Congrès et surtout, une dimension reconnue de la société américaine. Les groupes de parlementaires afro-américains se multiplient (Black Causus) et le Congrès devient un lieu de bataille pour lareprésentation identitaire, qui n’a jamais cessée depuis. Ainsi le melting pot fait-il place au relativisme culturel, au salad bowl qui valorise les particularismes « sans faire payer le prix de l’assimilation »  .
Comme le note Charles Taylor, philosophe du multiculturalisme, la diversité culturelle devient alors un moyen de contrer l’assimilation traditionnelle pour prendre en compte les revendications des minorités en faveur de leur reconnaissance dans la sphère publique.
Évoquant initialement une diversité sociale, la cultural diversity devient synonyme de diversité ethnique et un véritable credo pour les universités, la société américaine, et l’ensemble du secteur culturel.
À la fin du mandat de Jimmy Carter en décembre 1980, le Congrès amende la Loi constitutive du National Endowment for the Arts (NEA ) d’une clause concernant la diversité culturelle . L’agence culturelle nationale est utilisée pour symboliser la reconnaissance des minorités et officialiser la déconstruction d’une culture élitiste réservée à la classe dominante blanche. J. Carter y nomme des responsables afro-américains, et le NEA édite des plaquettes sur la culture ethnique diffusées par le Bureau des Affaires des Minorités (Office of Minority Concerns ), alors que des Minority Reports vérifient l’attribution des subventions. Comme le note Al Stern, alors conseiller culturel de J. Carter : « Quand l’argent du NEA allait à l’avant-garde, on perdait tout appui politique au Congrès (…). Aider la culture noire nous assurait au contraire un certain soutien » . Dans un contexte de revendication identitaire qui frappe l’ensemble du pays, les agences culturelles des Etats et des Villes suivent le mouvement fédéral, les universités s’ouvrent aux minorités, les lobbys s’engagent dans la dynamique, et les institutions culturelles font de la diversité leur priorité. La Ville de New-York, qui se limitait à financer l’art blanc du Metropolitan Museum, soutien dès lors le musée noir de Harlem et la diffusion de l’art afro-américain dans les universités. À la fin des années 1980, alors que la totalité des agences s’est engagée dans cette voie, l’ensemble du système culturel américain est imprégné par l’idéologie de la diversité culturelle.

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Table des matières
INTRODUCTION
Les Communautés dans le système culturel américain
1. La société civile : creuset de la vitalité culturelle américaine
2. Entre démocratisation et démocratie : enjeux de la diversité culturelle américaine
3. Washington DC : capitale symbole de l’émancipation communautaire
L’Anacostia Community Museum ou la Smithsonian Institution face à la question communautaire 
1. Principes administratifs et financiers de l’Anacostia Community Museum au sein de la Smithsonian Institution
2. La Smithsonian Institutionet la diversité
Le Musée de Communauté : catalyseur de développement social ?
1. Enjeux des relations d’un musée avec la communauté locale : l’exemple du Community and Creativity Project
2. Vers les communautés urbaines contemporaines
CONCLUSION 
TABLE DES ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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