L’ampleur de la problématique du cancer du sein
Le cancer est la deuxième cause de décès dans le monde. En 2015, 8,8 millions de personnes sont décédées de cette maladie, ce qui représente un décès sur six (Organisation mondiale de la Santé, 2017b). En effet, les cancers figurent parmi les principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde. En 2012, on comptait approximativement 14 millions de nouveaux cas et ceux-ci devraient augmenter de 70 % au cours des deux prochaines décennies (Organisation mondiale de la Santé, 2017b).
Parmi l’ensemble des cancers, le cancer du sein est le plus prévalent à l’échelle mondiale et constitue la cause la plus fréquente de décès par cancer chez les femmes (Organisation mondiale de la Santé, 2013a). L’Organisation mondiale de la Santé (2013a) affirme que 1,7 million de femmes reçoivent un diagnostic de cancer du sein chaque année et, en 2012, 6,3 millions de femmes vivaient avec un cancer du sein diagnostiqué au cours des cinq années précédentes, soit entre 2007 et 2012 (Organisation mondiale de la Santé, 2013a).
Au Canada, une femme sur neuf risque de développer un cancer du sein au cours de sa vie (Société canadienne du cancer, 2017). En 2016, 25 700 Canadiennes ont reçu un diagnostic de cancer du sein, ce qui représente près de 26 % de tous les nouveaux cas de cancer chez les femmes (Société canadienne du cancer, 2017). Chez les Québécoises, le cancer du sein est le type de cancer le plus fréquemment diagnostiqué (Statistique Canada, 2015). En 2016, la Fondation du cancer du sein du Québec affirmait que 6 100 femmes avaient reçu un diagnostic de cancer du sein au cours de la même année.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le cancer est la première cause de mortalité, représentant 35 % des décès (Agence de la santé et des services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean, 2010). Entre 2002 et 2006, 236 femmes ont reçu un diagnostic de cancer du sein et 53 d’entre elles sont décédées des suites de la maladie (Agence de la santé et des services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean, 2010). Dans cette région, le nombre de nouveaux cas de cancers ne cesse d’augmenter chaque année (une croissance annuelle moyenne de 3 % de 1984 à 2006) et le vieillissement de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean porte à croire que cet accroissement risque de se poursuivre dans les années à venir, le cancer touchant davantage les personnes âgées que les jeunes (Agence de la santé et des services sociaux du Saguenay- Lac-Saint-Jean, 2010).
Bien qu’il soit démontré que moins de femmes meurent du cancer du sein qu’autrefois, et ce, principalement en raison de la performance des techniques de dépistage et l’amélioration de l’efficacité des traitements (Société canadienne du cancer, 2015), les statistiques à propos du cancer du sein démontrent à quel point cette maladie affecte un nombre important de femmes (Statistique Canada, 2015). Les conséquences s’y rattachant sont considérables sur la vie des femmes atteintes et de leurs proches, ce qui démontre la nécessité pour les professionnels de la santé de s’intéresser à cette problématique, qui prend continuellement de l’ampleur dans notre société et qui nécessite l’implication de plusieurs acteurs sociaux.
Les facteurs de risque associés au développement du cancer du sein
Certains facteurs sociodémographiques ont été associés au cancer du sein dans les écrits scientifiques. À cet égard, l’âge, l’origine ethnique, le statut matrimonial et les conditions socioéconomiques des femmes sont des facteurs de risque reconnus (Namer, 2010; Société canadienne du cancer, 2017). Ainsi, le risque d’être atteinte du cancer du sein augmente avec l’âge. Par exemple, au Canada, 80 % des cas se retrouvent chez les femmes âgées de plus de 50 ans (Key, Verkasalo et Banks, 2001; Société canadienne du cancer, 2015). Le risque d’être atteinte de cancer du sein varie également en fonction de l’origine ethnique des femmes, les femmes blanches étant les plus susceptibles de développer cette maladie, suivies des femmes noires, hispaniques et asiatiques (Key et al., 2001). De plus, il est démontré que le fait de n’avoir jamais vécu avec un partenaire est un facteur de risque associé au cancer du sein chez les femmes âgées de 40 ans et plus (Nelson et al., 2012).
Ce constat s’expliquerait, du moins en partie, par le fait que ces femmes présentent une moins grande probabilité de grossesse, qui est reconnu comme un facteur de protection du cancer du sein (Nelson et al., 2012). Par ailleurs, le cancer du sein touche davantage les femmes qui ont un statut socioéconomique élevé, ce qui s’explique par le fait que ces dernières sont plus scolarisées et, conséquemment, qu’elles sont en couple tardivement et deviennent généralement enceintes après l’âge de 35 ans (Nelson et al., 2012).
Bien que plusieurs facteurs sociodémographiques soient associés au risque de développer un cancer du sein, certains facteurs comportementaux et habitudes de vie augmentent aussi les risques de cancer du sein. Ces facteurs englobent, entre autres, la consommation régulière d’alcool (plus de deux verres par jour), l’obésité à la ménopause, ainsi que l’usage de contraceptifs oraux (Namer, 2010). Contrairement à la croyance populaire, il n’existe pas de plan alimentaire précis pouvant prévenir l’apparition de cette maladie. Toutefois, il est pertinent d’encourager les femmes à maintenir un poids santé, tout en pratiquant de l’activité physique pendant une période de 30 à 45 minutes, et ce, entre trois et cinq fois par semaine (Dunn et al., 2006).
Les conséquences de la maladie sur différentes sphères de la vie des femmes
Dans les écrits scientifiques actuels, les conséquences physiques et psychologiques sont les plus documentées en lien avec la problématique du cancer du sein chez les femmes (Begovic-Juhant, Chmielewski, Iwuagwu et Chapman, 2012; Shaw, Sherman et Fitness, 2016). Les femmes atteintes de cancer du sein subissent des changements importants en ce qui concerne leur apparence physique, principalement en raison des traitements invasifs qu’elles reçoivent, tels qu’une perte ou un gain de poids, ou encore la perte de leurs cheveux (Choi et al., 2014). Près de 50 % d’entre elles rapportent avoir une dysfonction sexuelle ou ressentir de la douleur lors des rapports sexuels (Fobair et al., 2006). En ce qui a trait aux femmes plus jeunes, soit celles âgées entre 30 et 40 ans, il est fréquent d’observer une ménopause précoce, ainsi que des difficultés liées à l’infertilité (Fitch, Gray, Godel et Labrecque, 2008; Kurowecki et Fergus, 2014). Confrontées à ces changements et ces difficultés, plusieurs femmes mentionnent avoir une faible estime d’elles-mêmes et de leur image corporelle, en plus de vivre avec les symptômes anxieux et dépressifs qui apparaissent dès l’annonce du diagnostic et qui risquent de persister pendant et après les traitements (Fitch et al., 2008; Fobair et al., 2006; Zimmerman et al., 2010).
En outre, des conséquences sont aussi observées chez les proches, c’est-à-dire le conjoint, les enfants, la famille et les amis. La menace de perdre une personne significative et aimée provoque chez eux une détresse psychologique et suscite des changements dans leurs rôles et leurs responsabilités (Picard, 1996; Zapka, Fisher, Lemon, Clemow et Fletcher, 2006). Or, à la suite de l’annonce du cancer, la femme doit être soutenue par des personnes significatives (Maly, Umezawa, Leake et Silliman, 2005; Walsh et al., 2005).
À titre d’exemple, la personne la plus fréquemment sollicitée par les femmes atteintes de cancer du sein est le conjoint, qui est l’aidant principal (Maly et al., 2005). De ce fait, la relation conjugale risque d’être affectée par la maladie, puisque le choc du diagnostic heurte les deux partenaires et peut facilement créer un climat de tension et de perte de contrôle quant à cette nouvelle réalité (Maunsell et al., 2009).
Le cancer du sein affecte également les femmes sur le marché du travail. En effet, cette maladie peut avoir de graves conséquences personnelles, conjugales et sociales sur la vie des femmes, qui les contraignent à réorganiser leurs occupations en attachant une moins grande importance à leur emploi (Maunsell et al., 1999; Maunsell et al., 2004). Dans plusieurs cas, celles-ci quitteront leur emploi, alors que d’autres pourront continuer à travailler à temps partiel. Bref, on observe une baisse du taux moyen d’emploi pour les personnes atteintes de cancer à la suite du diagnostic (Boucher et Beauregard, 2010).
Les besoins psychosociaux des femmes atteintes d’un cancer du sein
Étant donné l’ampleur et les conséquences associées au cancer du sein, il importe de comprendre les besoins des femmes qui en sont atteintes. Tout d’abord, à la suite de l’annonce du diagnostic et des traitements, il est possible de constater un manque d’information ressenti chez un nombre important de femmes en ce qui a trait à leur sexualité, leur adaptation à la maladie et aux troubles liés aux traitements (Davis, 2004). Or, la réponse aux besoins d’information a un impact sur la qualité de vie, le fonctionnement émotionnel, ainsi que le bien-être familial et social de ces femmes (Arora et al., 2007).
Un certain nombre de besoins psychosociaux ont également pu être identifiés dans les recherches menées à ce jour. Ces dernières révèlent que les femmes souhaitent avoir un sentiment de contrôle sur leur situation, être validées dans leur expérience par l’équipe traitante, se faire rassurer lorsqu’elles ont des inquiétudes, maintenir leur identité féminine, ainsi que se sentir acceptées dans ce qu’elles vivent par leur famille et leurs amis (Arora et al., 2007; Davis, 2004). Afin de répondre à ces besoins, certains auteurs soulignent que des équipes multidisciplinaires sont nécessaires dans les cliniques d’oncologie pour être en mesure de répondre adéquatement aux besoins de ces femmes, ainsi que de leur transmettre l’information concernant leur état de santé, tout en mentionnant les impacts que peuvent avoir les traitements sur les différentes sphères de leur vie (De Morais, Freitas-Junior, Rosemar Marcedo Rahal et Gonzaga, 2016; Moreira et Canavarro, 2010). En ce sens, l’idée de favoriser une approche globale en oncologie est d’ailleurs prônée par le Programme québécois de lutte contre le cancer, ce qui implique de soutenir les personnes et leurs proches, mais surtout d’accorder autant d’attention aux problèmes psychosociaux qu’aux différentes difficultés de la vie quotidienne (Gouvernement du Québec, 2007).
Dans un contexte où il semble primordial de considérer les besoins et l’environnement de la personne dans l’intervention sociale, l’implication du travailleur social est de mise, et ce, dès l’annonce du diagnostic. En effet, la vision systémique du travailleur social contribue à promouvoir le bien-être personnel et social lorsqu’une famille doit faire face à une maladie grave, telle que le cancer du sein (Molgat, 2006; Picard, 1996). De plus, en raison de leurs connaissances, leurs habiletés en relation d’aide et leur capacité à prendre en considération l’environnement de la personne, les travailleurs sociaux peuvent aisément offrir une certaine éducation par rapport au monde médical, proposer du soutien et de l’écoute en lien avec les préoccupations entourant la maladie et promouvoir, au sein de la famille, les besoins et les droits exprimés par la personne souffrante, ainsi que le respect de la dignité dans le cheminement à travers la maladie (Molgat, 2006; Picard, 1996).
La pertinence de ce mémoire
Ce mémoire vise à décrire le vécu des femmes atteintes du cancer du sein, en documentant les réactions et les sentiments éprouvés par celles-ci et leurs proches à la suite de l’annonce du diagnostic. De surcroît, les multiples conséquences du diagnostic et des traitements en ce qui a trait à la vie personnelle, conjugale, familiale, sociale et professionnelle des femmes atteintes d’un cancer du sein sont explorées, en plus d’aborder les stratégies d’adaptation privilégiées par ces femmes afin de faire face à cette problématique.
À la lumière d’une recherche approfondie sur les bases de données actuelles et des études consultées, la réalisation d’une étude qualitative auprès de femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein au cours des dernières années semble pertinente afin de permettre d’augmenter les connaissances scientifiques et de mieux comprendre la réalité de ces femmes. De plus, étant donné le très peu d’études québécoises de nature qualitative ayant été réalisées sur le sujet, il paraît pertinent de s’intéresser au vécu de ces femmes, d’autant plus que leur réalité est encore moins documentée dans la région du Saguenay-Lac-Saint- Jean. En outre, le fait que ce mémoire soit réalisé dans le domaine du travail social permet une vision davantage sociale de la problématique abordée, en orientant les objectifs vers les femmes elles-mêmes, tout en tenant compte des conséquences de leur maladie dans différentes sphères de son environnement. Enfin, une meilleure connaissance du vécu des femmes atteintes de cancer du sein permettra aux intervenants sociaux de pouvoir adapter leurs interventions et d’entrevoir certaines avenues de prévention de l’apparition de psychopathologies et de difficultés d’adaptation, que ce soit dès l’annonce du diagnostic ou lors du cheminement à travers la maladie, et ce, dans le but d’atténuer les multiples conséquences affectant les femmes et leurs proches, tout en leur offrant le soutien psychosocial nécessaire.
Les réactions et les sentiments éprouvés lors du diagnostic
Encore aujourd’hui, dans les sociétés occidentales, l’annonce d’un cancer est souvent synonyme de mort. Annoncer à un individu qu’il est atteint de cette maladie peut donc s’avérer particulièrement délicat pour le médecin (Reich, Deschamps, Ulaszewski et Horner- Vallet, 2001). De ce fait, les réactions induites par l’annonce du diagnostic sont très dépendantes des relations de transfert et de contre-transfert engagées entre le médecin et le patient. Les réactions psychologiques de la personne concernée évoluent donc grâce à une bonne relation médecin-patient (De Broca, 2004; Nahum, 2007; Sghari et Hammami, 2017).
Il est démontré que la clé est une bonne communication permettant à l’individu de se sentir confortable d’exprimer ses besoins et ses émotions (De Broca, 2004). Ce dernier doit immédiatement se sentir pris en charge par l’équipe médicale en qui il a confiance (De Broca, 2004; Nahum, 2007).
L’annonce d’un diagnostic grave est déterminante pour l’avenir du patient et de ses proches, car elle conditionne souvent l’acceptation de la maladie, ainsi que les conditions du traitement et de la prise en charge (Da Rocha, Roos et Shaha, 2014; Romano, 2010).
L’annonce d’un diagnostic grave est un événement traumatique, au sens où c’est un événement de la vie qui se caractérise par sa violence et son intensité, tout en entraînant des bouleversements chez la personne concernée et son entourage (Romano, 2010). Les paroles alors prononcées restent ancrées dans la mémoire et, habituellement, le patient et ses proches se souviennent avec précision de ce moment marquant de leur vie (Romano, 2010).
Plus spécifiquement, plusieurs auteurs soulignent que l’annonce d’un cancer du sein et des traitements qui en découlent est perçue comme un choc dans la vie de tout individu (Da Rocha et al., 2014; Picard, 1996; Taquet, 2005). Les femmes se retrouvent alors submergées par une multitude d’émotions, principalement alimentées par la peur de mourir, de rester diminuées, de souffrir et de faire souffrir leurs proches (Da Rocha et al., 2014).
Elles vivent, en alternance, des moments d’espoir, où elles ont la certitude qu’elles vont guérir, ainsi que des périodes d’incertitude et de désarroi vis-à-vis leur avenir (Picard, 1996).
Dans un tel contexte, les femmes se sentent généralement fragiles et vulnérables, car elles perdent leurs moyens habituels de fonctionner dans une période où elles doivent faire des choix cruciaux pour leur vie (Picard, 1996).
Par ailleurs, l’annonce du diagnostic peut générer des sentiments de détresse vécus sous forme de choc, de peur, d’anxiété, de colère et d’impuissance, et ce, tant chez la femme que chez ses proches (Fujimori et al., 2007; Houldin, 2007). De ce fait, il est possible que la patiente refuse de divulguer le diagnostic à ses proches (Nahum, 2007). Celle-ci agit généralement par amour, motivée par le désir de ne pas causer de peine à son entourage. Dans un cas comme celui-ci, le médecin doit déterminer avec elle ce qu’il en coûte de cacher la vérité à ses proches, ainsi que l’impact d’une telle attitude sur ses relations émotionnelles avec ses proches, le but étant de communiquer et d’aborder ensemble le problème afin de trouver une solution (De Broca, 2004; Nahum, 2007).
Outre le choc du diagnostic, les femmes sont déjà conscientes, dès l’annonce de ce dernier, qu’elles devront possiblement vivre une chirurgie dite mutilante et des traitements qui sont susceptibles d’avoir des effets indésirables dans différentes sphères de leur vie (Fortin, Charron, Beauchamp, Morin et Lagacé, 2010; Picard, 1996). Préoccupées par leur image corporelle, plusieurs femmes craignent alors de perdre leur féminité (Fortin et al., 2010; Société canadienne du cancer, 2017). En outre, lors de l’annonce d’un diagnostic de cancer du sein, l’objectif primordial pour les patientes concerne leur guérison et, en ce sens, elles utilisent la totalité de leur énergie pour lutter contre la maladie, reléguant ainsi les autres aspects de leur vie au second plan, notamment leurs relations intimes et sociales (Taquet, 2005).
En plus des sentiments de peurs, de craintes et d’incertitudes, les femmes qui reçoivent un diagnostic de cancer du sein doivent affronter de multiples souffrances qui prennent différentes formes (Picard, 1996; Société canadienne du cancer, 2017). De ce fait, l’annonce d’un diagnostic suscite de la détresse et de l’instabilité émotionnelle, mesurées par la présence de symptômes d’anxiété et de dépression chez la majorité des femmes atteintes de cancer du sein (Al-Azri, Al-Awisi et Al-Moundhri, 2009; Lanctôt, 2006; Reich, Lesur et Perdrizet- Chevallier, 2008). En effet, il est démontré que les femmes venant de recevoir un tel diagnostic sont à risque de développer certains troubles psychopathologiques, en plus de ressentir de la douleur physique associée à la présence des symptômes de la maladie (Reich et al., 2008).
La période d’analyses diagnostiques et l’annonce en elle-même du cancer sont ainsi identifiées comme des phases de grande vulnérabilité psychologique (Al-Azri et al., 2009; Reich et al., 2008). Plus spécifiquement, les femmes ressentent de l’anxiété et du stress à chaque étape de la maladie, cette dernière étant particulièrement intense au début des traitements adjuvants, car les femmes appréhendent alors leurs effets néfastes (Lemieux, Maunsell et Provencher, 2008). Même si Lanctôt (2006) souligne que la crise émotionnelle aiguë ressentie lors de l’annonce du diagnostic s’estompe lorsque les femmes sont mises au courant du plan de traitement qu’elles devront suivre, il est mentionné que pendant les traitements de chimiothérapie, les femmes atteintes du cancer du sein ressentent également de l’angoisse et de la colère (Knobf, 2007; Reich et al., 2008).
Les conséquences du cancer et des traitements sur la vie des femmes
Au-delà des sentiments et des réactions immédiatement exprimés lors du diagnostic, les écrits scientifiques identifient également de nombreuses conséquences du cancer et des traitements sur la vie des femmes. Cette section aborde, plus spécifiquement, les conséquences observées dans la vie personnelle, conjugale, familiale, sociale et professionnelle de ces femmes.
Les conséquences sur la vie personnelle
Les écrits scientifiques actuels soulignent que le début de l’administration des traitements adjuvants, ainsi que les mois suivants la chirurgie et la fin des traitements sont des moments transitoires pour les femmes atteintes du cancer du sein, qui se caractérisent par une faible adaptation et une moins bonne qualité de vie chez celles-ci (Choi et al., 2014; Lemieux et al., 2008). En effet, les traitements de chimiothérapie, de radiothérapie et d’hormonothérapie ont plusieurs effets secondaires de courte durée, qui apparaissent seulement en cours de traitement et de longue durée, c’est-à-dire qui peuvent persister plusieurs mois après la fin des traitements (Alcântara-Silva, Freitas-Junior, Freitas et Machado, 2013).
En ce qui a trait aux conséquences physiques des traitements, des études mentionnent que les effets secondaires les plus fréquents concernent la fatigue, l’insomnie, la perte d’appétit, les nausées et les vomissements, l’alopécie et la perte de poils corporels, ainsi que la sécheresse vaginale et la diminution de la libido (Alcântara-Silva et al., 2013; Sarradon- Eck et Pellegrini, 2012). Ces effets secondaires font en sorte que les femmes se sentent plus faibles et vulnérables, ce qui diminue leurs activités quotidiennes (Lanctôt, 2006). À long terme, celles-ci peuvent vivre d’autres répercussions physiques de la maladie, dont un gain ou une perte de poids, ainsi que certains troubles de mémoire et de concentration (Choi et al., 2014). De ce fait, les traitements cancérologiques sont fréquemment mal vécus par les femmes en raison des effets secondaires physiques qu’ils impliquent et de la souffrance psychologique associée (Sghari et Hammami, 2017).
Les conséquences physiques liées au cancer du sein influencent également l’image corporelle des femmes et, par conséquent, leur sexualité, leur bien-être psychologique, ainsi que leur qualité de vie (Begovic-Juhant et al., 2012; Choi et al., 2014; Walsh et al., 2005; Zimmermann et al., 2010). Pour les femmes nord-américaines, les seins représentent généralement l’identité féminine et sont associés à la sexualité, à l’attirance corporelle et à la maternité. De ce fait, la perte d’un sein peut affecter négativement l’image corporelle et l’estime de soi (Begovic-Juhant et al., 2012). D’ailleurs, pendant les cinq premières années suivant la fin des traitements, près de la moitié des femmes affirment vivre des difficultés persistantes en lien avec leur image corporelle (Zimmermann et al., 2010).
Outre les difficultés liées à l’image corporelle, plusieurs études démontrent des conséquences psychologiques importantes chez les femmes atteintes d’un cancer du sein, principalement en ce qui concerne les symptômes anxieux et dépressifs (Bower, 2008; Burgess et al., 2005; Reich et al., 2008). Bower (2008) souligne qu’entre 20 % et 30 % des femmes atteintes de cancer du sein présentent des symptômes dépressifs et anxieux dès l’annonce du diagnostic de cancer, qui se poursuivent lors des mois, voire des années suivant le diagnostic et les traitements. Bien que le taux d’épisodes de dépression majeure soit considérablement bas chez ces femmes (Bower, 2008; Reich et al., 2008), certaines études révèlent que ces dernières continuent à vivre de la détresse dans certaines sphères de leur vie un an après leurs traitements (Bower, 2008; Burgess et al., 2005; Knobf, 2007). Cette détresse se manifeste par le biais de troubles du sommeil, de la fatigue, de troubles de la mémoire et de la concentration, d’une humeur changeante, ainsi que d’une peur de la récidive de la maladie (Knobf, 2007).
Certains auteurs affirment que les femmes âgées dans la trentaine et la quarantaine au moment du diagnostic sont davantage à risque de souffrir de dépression et de détresse psychologique que les femmes plus âgées (Caplette-Gingras et Savard, 2008; Coyne et Borbasi, 2007; Trogdon, Ekwueme, Chamiec-Case et Guy, 2016; Vin-Raviv, Akinyemiju, Galea et Bovbjerg, 2015). En effet, celles-ci doivent gérer différentes préoccupations, telles que les répercussions de la maladie sur leur conjoint, l’incertitude face à leur avenir, le sentiment d’être différentes et isolées parce qu’elles ne connaissent pas d’autres femmes traversant les mêmes épreuves en raison de leur jeune âge, ainsi que, pour certaines, le souci du bien-être de leurs enfants à charge ou encore le deuil de devenir mères (Coyne et Borbasi, 2007; Fitch et al., 2008; Trogdon et al., 2016). À l’inverse, d’autres auteurs affirment toutefois que les femmes plus âgées sont davantage à risque de souffrir de dépression et d’avoir des idées suicidaires, puisqu’elles ont plus à perdre, entre autres aux plans physique, financier, relationnel et familial (Knobf, 2007; Reyes-Gibby, Anderson, Morrow, Shete et Hassan, 2012).
Outre les troubles physiques et psychologiques, le stress peut entraîner de l’angoisse, des symptômes dépressifs, des dysfonctionnements relationnels, ainsi que des pressions sociales, financières ou professionnelles. Bien que de nombreuses personnes soient en mesure de maîtriser ces problèmes seules ou à l’aide du soutien de leur réseau social ou familial, il est mentionné que près de la moitié d’entre elles nécessitent de l’aide psychosociale au cours de leur maladie (Krakowski, Chardot, Bey, Guillemin et Philip, 2001; Meissner, Anderson et Odenkirchen, 1990; Sghari et Hammami, 2017). Cette prise en charge psychosociale est fondamentale aux différentes phases de la maladie. Les réactions les plus fréquentes incluent la dépression et l’anxiété, le plus souvent de type réactionnel.
Ces réactions dépendent donc de la personnalité de l’individu, de ses ressources psychologiques et du soutien qu’il reçoit provenant de tous les acteurs (familial, social, médical). De ce fait, la disponibilité et l’écoute des intervenants facilitent l’acceptation de la maladie et des traitements (Meissner et al., 1990; Sghari et Hammami, 2017). Également, la prise en compte des besoins sociaux est indispensable à tous les stades de la maladie, dans le but d’aider le patient et sa famille dans l’obtention d’une aide sociale ou financière. Le déficit financier est un facteur qui influence considérablement la santé psychologique de la personne atteinte de cancer (Krakowski et al., 2001; Sghari et Hammami, 2017).
Bien que le processus de guérison pour les femmes atteintes de cancer du sein soit lent et difficile aux plans émotionnel, psychologique et physique, la majorité d’entre elles s’adaptent relativement bien et rapportent avoir une bonne qualité de vie en général (Ganz et al., 2004; Schnipper, 2001; Shapiro et al., 2001). En fait, il a été démontré que certaines femmes expérimentent cette épreuve d’une manière positive en percevant le cancer du sein comme une opportunité de croissance personnelle et de nouvelle vision de la vie (Friedman et al., 2006; Hanson et al., 2000 ; Shapiro et al., 2001). D’ailleurs, l’étude réalisée par Sears, Stanton et Danoff-Burg (2003) auprès de 101 femmes atteintes de cancer du sein démontreque lors de la première année suivant la fin des traitements, 83 % d’entre elles ont été en mesure d’identifier minimalement un bénéfice lié à la maladie. En effet, elles ont mentionné que les relations avec leurs proches se sont solidifiées, qu’elles ont perçu de nouvelles possibilités d’avenir, qu’elles ont pu croître personnellement, ainsi qu’apprécier davantage la vie, ce qu’elles faisaient considérablement moins avant l’arrivée du cancer. À l’heure actuelle, les facteurs qui influencent les femmes à réagir positivement à l’expérience du cancer du sein sont toujours inconnus (Friedman et al., 2006; Knobf, 2007). Or, il est possible d’identifier certains éléments qui favorisent une vision positive, tels que l’évaluation de l’état psychologique, la connaissance des facteurs de risque associés aux troubles de santé mentale, ainsi que les interventions psychosociales potentiellement efficaces permettant aux femmes de modifier leur attitude, en plus de permettre la croissance personnelle (Edgar, Remmer, Rosberger et Fournier, 2000; Friedman et al., 2006; Knobf, 2007).
Les conséquences sur la vie conjugale
Selon Maunsell et al. (2009), lorsque les femmes reçoivent le diagnostic de cancer du sein, 65 % d’entre elles sont mariées ou habitent avec un conjoint avec qui elles sont en relation depuis déjà quelques années. Le choc de l’annonce du diagnostic heurte les deux partenaires et peut facilement créer un climat de tension et de perte de contrôle quant à cette nouvelle réalité (Maunsell et al., 2009). De ce fait, un diagnostic de cancer du sein affecte non seulement les femmes, mais également leur conjoint (Bondil, Habold et Carnicelli, 2016; Wagner, Biggati et Storniolio, 2006). En effet, l’équilibre du couple se retrouve généralementtransformé, puisque les femmes atteintes de cancer deviennent les conjointes « malades », alors que leur partenaire devient le conjoint « aidant ». Chacun doit apprendre à assumer son nouveau statut. Pour le conjoint, concilier le fait d’être le soutien instrumental, affectif, moral, familial et financier, ainsi que le partenaire intime peut facilement être complexe et engendrer de l’ambivalence (Glantz et al., 2009; Goldzweig et al., 2009; Traa, De Vries, Bodenmann et Den Oudsten, 2015).
Par ailleurs, les conjoints sont souvent les confidents les plus importants ainsi que les aidants principaux, alors qu’ils présentent un niveau de détresse comparable à celui de leur conjointe (Edwards et Clarke, 2004; Traa et al., 2015; Wagner et al., 2006). La lourdeur de la tâche peut facilement devenir envahissante, ce qui affecte leur bien-être physique et psychologique, en plus de perturber leurs relations sociales et leur équilibre financier (Wagner et al., 2006). Plus spécifiquement, la majorité des conjoints présentent des difficultés psychologiques variées en réponse à la maladie de leur partenaire, telles que des troubles du sommeil, une perte d’appétit, un sentiment d’impuissance, des symptômes d’anxiété et de dépression, ainsi que des problèmes sexuels (Bigatti, Wagner, Lydon-Lam, Steiner et Miller, 2011; Wagner et al., 2006).
Malgré la période difficile vécue par le couple à la suite de l’annonce du diagnostic, les mois passent et la qualité de vie pour les femmes et leur conjoint augmente (Drabe, Wittmann, Zwahlen, Büchi et Jenewein, 2013). En fait, il est démontré que malgré la maladie, les relations conjugales ne semblent pas constituer un problème majeur chez les femmes atteintes de cancer du sein (Mallinger, Griggs et Shields, 2006; Walsh et al., 2005). Pour plusieurs femmes, l’annonce du diagnostic du cancer du sein leur a permis de se rapprocher de leur partenaire (Dorval et al., 2005; Mallinger et al., 2006; Walsh et al., 2005). Cependant, la communication conjugale est une composante qui peut s’avérer problématique et qui est susceptible d’engendrer des problèmes dans l’intimité du couple, de même que des difficultés d’ordre sexuel, notamment un manque de désir, une absence d’orgasme, une sécheresse vaginale, des douleurs importantes lors de la pénétration, ainsi qu’une diminution des rapports sexuels (Fobair et al., 2006; Moreira et al., 2011).
Ces éléments tendent à réduire considérablement la satisfaction rapportée par les femmes et leur conjoint (Graziottin et Rovei, 2007), ce qui peut entraîner une séparation ou un divorce dans certains cas (De Morais et al., 2016; Taquet, 2005).
Bien que plusieurs femmes puissent compter sur la présence de leur partenaire amoureux pour leur offrir un soutien émotionnel et social lors de l’annonce du diagnostic et des traitements, d’autres femmes n’ont pas la chance de recevoir ce type de soutien en raison du fait qu’elles sont célibataires au moment de l’annonce du diagnostic ou encore parce qu’elles ont vécu une séparation ou un divorce pendant les mois suivants cette annonce (Shaw et al., 2016). Dès lors, les écrits scientifiques actuels affirment que les femmes célibataires qui sont atteintes d’un cancer du sein sont majoritairement intéressées à rencontrer un nouveau partenaire amoureux après la fin de leurs traitements (Shaw et al., 2016). Or, les défis reliés à la rencontre d’un nouveau conjoint varient d’une femme à l’autre (Kurowecki et Fergus, 2014; Shaw et al., 2016). Ils sont, d’une part, d’ordre psychologique, en étant liés à une faible estime corporelle et une faible estime de soi, ainsi que physique, liés entre autres à la fatigue et aux douleurs corporelles (Shaw et al., 2016).
Malgré le fait que les femmes plus âgées se soucient moins de leur apparence physique que les femmes plus jeunes, il n’en demeure pas moins que la majorité des femmes affirment se sentir physiquement déformées, moins féminines, inadéquates et mises au second plan (Kurowecki et Fergus, 2014; Shaw et al., 2016). Le combat lié à leur image corporelle et à leur acceptation d’elles-mêmes est directement lié au stress des rendez-vous et à la peur d’être rejetées par un partenaire potentiel (Kurowecki et Fergus, 2014).
Il est démontré que ces femmes ressentent le besoin de communiquer avec le nouveau partenaire à propos de sujets qui, normalement, auraient pu être évités ou retardés, tels que l’état de santé, les problèmes sexuels, les difficultés financières, ainsi que la nécessité de recevoir du soutien instrumental et émotionnel. Cependant, le fait de divulguer leur passé avec ce nouveau partenaire semble engendrer des bénéfices psychologiques pour les femmes, en augmentant le soutien perçu, ainsi que le niveau d’acceptation et de délivrance par rapport à la maladie (Kurowecki et Fergus, 2014; Shaw et al., 2016).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1
PROBLÉMATIQUE
1.1 L’ampleur de la problématique du cancer du sein
1.2 Les facteurs de risque associés au développement du cancer du sein
1.3 Les conséquences de la maladie sur différentes sphères de la vie des femmes
1.4 Les besoins psychosociaux des femmes atteintes d’un cancer du sein
1.5 La pertinence de ce mémoire
CHAPITRE 2
RECENSION DES ÉCRITS
2.1 Les réactions et les sentiments éprouvés lors du diagnostic
2.2 Les conséquences du cancer et des traitements sur la vie des femmes
2.2.1 Les conséquences sur la vie personnelle
2.2.2 Les conséquences sur la vie conjugale
2.2.3 Les conséquences sur la vie familiale
2.2.4 Les conséquences sur la vie professionnelle
2.2.5 Les conséquences sur la vie sociale
2.2.6 Les facteurs d’influence sur la qualité de vie des femmes atteintes d’un cancer du sein
2.3 Les stratégies d’adaptation privilégiées par les femmes atteintes d’un cancer du sein
2.4 Les limites des recherches actuelles
CHAPITRE 3
CADRE DE RÉFÉRENCE
3.1 Le modèle bioécologique de Bronfenbrenner
3.2 La théorie du stress et de l’adaptation de Lazarus et Folkman
CHAPITRE 4
MÉTHODOLOGIE
4.1 Le type de recherche
4.2 Les objectifs de recherche
4.3 La population et l’échantillon à l’étude
4.4 Les modalités de recrutement des participantes
4.5 Les méthodes de collecte de données
4.6 Les instruments de collecte des données
4.7 Les modalités d’analyse et de traitement des données
4.8 Les considérations éthiques
CHAPITRE 5
RÉSULTATS
5.1 Les caractéristiques sociodémographiques des répondantes
5.2 Les caractéristiques des répondantes liées à la maladie
5.3 Les sentiments et les réactions à la suite du diagnostic de cancer du sein
5.3.1 Le contexte de l’annonce et les réactions des répondantes
5.3.2 L’annonce aux proches et leurs réactions
5.3.3 Les difficultés vécues en lien avec les traitements reçus
5.4 Le point de vue des répondantes sur le soutien formel reçu
5.5 Les conséquences du cancer du sein dans la vie des répondantes
5.5.1 Les conséquences sur la vie personnelle
5.5.2 Les conséquences sur la vie conjugale
5.5.3 Les conséquences sur la vie familiale
5.5.4 Les conséquences sur la vie professionnelle
5.5.5 Les conséquences sur la vie sociale
5.6 Les stratégies d’adaptation privilégiées
5.7 Les recommandations des répondantes
CHAPITRE 6
DISCUSSION
6.1 Les sentiments et les réactions des femmes à la suite du diagnostic de cancer du sein
6.2 Les conséquences du cancer du sein dans la vie des répondantes
6.2.1 Les conséquences sur la vie personnelle
6.2.2 Les conséquences sur la vie conjugale
6.2.3 Les conséquences sur la vie familiale
6.2.4 Les conséquences sur la vie professionnelle
6.2.5 Les conséquences sur la vie sociale
6.3 Les stratégies d’adaptation privilégiées
6.4 Les forces et les limites de ce mémoire
6.5 Les implications pour les recherches futures
6.6 Les retombées pour le domaine du travail social
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXE 1 : AFFICHE DE RECRUTEMENT
ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE SOCIODÉMOGRAPHIQUE
ANNEXE 3 : GUIDE D’ENTREVUE
ANNEXE 4 : FORMULAIRE D’INFORMATION ET DE CONSENTEMENT CONCERNANT LA PARTICIPATION
ANNEXE 5 : LISTE DE RESSOURCES D’AIDE
ANNEXE 6 : LETTRE D’APPUI PROVENANT DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ORGANISME « CANCER SAGUENAY »
ANNEXE 7 : CERTIFICATION ÉTHIQUE