L’ammoniac de l’échelle locale à l’échelle régionale: analyse des processus et méthodes de modélisation
Les processus impliqués dans le cycle de l’ammoniac dans l’environnement
La grande variabilité spatiale des dépôts d’ammoniac (NH3) à proximité des sources dépend essentiellement des caractéristiques de surface autour de la source (Klaassen, 1991 ; Draaijers et al., 1994 ; De Jong et Klaassen, 1997 ; Theobald et al., 2001 ; Loubet et al., 2006), des émissions de NH3 à partir de la végétation (Schjoerring et al., 1998 ; Riedo et al., 2002), de la litière (Nemitz et al., 2000a,b), de la surface de sol (Génermont et Cellier, 1997), ainsi que des flux de NH3 non stomatique (van Hove et al., 1989 ; Erisman et Wyers, 1993 ; Sutton et al., 1995a ; Fléchard et al., 1999 ; Loubet et al, 2001).
Les émissions d’ammoniac : processus et inventaires
Les principales sources d’émission d’ammoniac dans l’atmosphère proviennent de l’urée produite par les animaux d’élevage (urine, lisiers), de la fertilisation avec des engrais à base d’ammoniac et de quelques activités industrielles (Böttger et al., 1978; Bonis et al., 1980 ; Soderlund et Svensson, 1976 ; Cass et al., 1982). D’autres sources moins importantes peuvent émettre du NH3 telles que les émissions provenant de la sueur humaine et de la respiration, les animaux domestiques, les opérations d’épuration, la combustion et la mise en décharge (Eggleston, 1992 ; Lee et Dollard, 1994 ; Sutton et al., 1995c). Les émissions naturelles d’ammoniac dans l’atmosphère sont très limitées (Fig. II.1). L’agriculture représente la source principale d’ammoniac atmosphérique émis à partir des bâtiments d’élevage, des aires de stockage et des épandages des effluents et, dans une moindre mesure, après application d’engrais minéraux et par les animaux au pâturage (Ecetoc, 1994 ; Bouwman et al., 1997 ; CITEPA, 2016 ; Fig. II.1, Tab. II.1). Par conséquent, dans les régions d’agriculture intensive, la plupart des sources de NH3 sont groupées dans des petites zones entourant les fermes, qui peuvent être définies comme des « hot spots ». D’autres sources d’ammoniac sont les animaux en pâturage, les installations de stockage et la fertilisation des cultures qui sont plus diffuses (Skjøth et al., 2008).
Pour toutes les sources, il est courant que les émissions d’ammoniac dépendent largement des conditions environnementales. La concentration en NH3 au-dessus d’une solution contenant du NH4 + augmente de manière exponentielle avec la température et le pH de la solution (Génermont et Cellier, 1997). Par conséquent, l’émission totale d’ammoniac varie en fonction de l’heure de la journée, de la saison (Battye et al., 2003 ; Gilliland et al., 2006) et des types de sols. Les taux d’émission sont souvent calculés à partir d’une combinaison des données d’activité et du facteur d’émission correspondant à l’activité, facteur qui doit donc idéalement tenir compte des conditions environnementales. Les émissions à partir des bâtiments d’élevage dépendent principalement de la ventilation (Seedorf et al., 1998) et de la température à l’intérieur du bâtiment (Wathes et al., 1998). L’émission de NH3 après application de fertilisants au champ dépend du type d’engrais (fumier liquide ou solide, fertilisant minéral…), de la méthode d’application (Hutchings et al., 2001), du lieu et de la date d’application, des propriétés du sol (e.g. pH ; Dai et al., 2013) et des conditions météorologiques (température et vitesse du vent ; Riddick et al., 2016). La période de temps entre l’application, l’incorporation et les précipitations joue également un rôle dans les émissions de NH3 (Génermont et Cellier, 1997 ; Huijsmans et al., 2003; Rosnoblet et al., 2007). Les émissions de NH3 provenant des installations de stockage dépendent principalement du pH, de la température, de la vitesse du vent et de la présence d’une croûte à la surface des produits stockés pour les boues et les lisiers (Olesen et Sommer, 1993). La plupart des inventaires à l’échelle nationale ou locale pour l’ammoniac sont présentés sous forme de valeurs moyennes annuelles pour des grilles de différentes résolutions (Bouwman et al., 1997 ; Dragosits et al., 1998 ; Sutton et al., 2000). Si ce procédé est utile pour l’aspect réglementaire de suivi des émissions annuelles par rapport aux seuils fixés, la résolution temporelle d’une année ne permet pas de tenir compte de la variabilité des émissions en fonction des conditions météorologiques. Ainsi, Hamaoui et al. (2014) ont couplé au modèle de chimie et de transport CHIMERE (Menut et al., 2014) un modèle explicite d’émissions de NH3 (VOLT’AIR) (Génermont and Cellier, 1997; Garcia et al., 2011) pour prendre en compte la variabilité de ces émissions en fonction des dates d’épandage des engrais et des conditions météorologiques.
La diffusion atmosphérique et le transport vertical
Les substances rejetées dans l’atmosphère se dispersent à une vitesse qui dépend essentiellement de la vitesse du vent, de la turbulence et de la stabilité atmosphérique (Seinfeld et Pandis, 1998). Par ailleurs, le mélange vertical dans l’atmosphère peut être limité au-dessus d’une certaine hauteur, appelée hauteur de mélange. Cette hauteur de mélange est caractérisée par des variations diurnes ainsi que des variations saisonnières et dépend aussi de la turbulence et de la stabilité atmosphérique. Compte tenu du temps nécessaire pour le brassage de la couche de mélange (une à plusieurs heures), la hauteur de cette couche est déterminante pour le transport et la dispersion à l’échelle régionale. En revanche, à une distance proche des sources, c’est surtout le mélange dans la couche de surface, correspondant environ au dixième inférieur de la couche limite mélangée dans la journée, qui est déterminant. La turbulence et le champ de vent ne dépendent pas seulement des conditions météorologiques, mais sont aussi influencés par la présence de bâtiments et par la rugosité de surface. La vitesse du vent augmentant avec la hauteur, les distances de transport et de dépôt sont d’autant plus grandes que le mélange vertical est favorisé. La déviation et la perturbation du champ de vent par une structure (réservoir de stockage, bâtiment d’élevage…) peuvent aussi avoir une influence sur la dispersion du polluant émis par cette structure (Bjerg et al., 2004). Si le polluant émis est très proche de la partie supérieure de la structure avec une vitesse d’émission faible, le polluant sera transporté vers le bas par un « rabattement » sur le côté du bâtiment sous le vent. C’est souvent le cas pour les bâtiments d’élevage avec des sorties sur le toit. Les dimensions de la structure (hauteur, largeur, orientation du vent, inclinaison du toit…) ont une influence sur le champ de vent. Par exemple, si la cheminée est relativement élevée, le polluant ne sera pas transporté vers le bas. L’influence des bâtiments sur le champ de vent (et donc sur le dépôt) peut être négligée à des distances de 5 à 10 fois la hauteur d’émission, ce qui correspond à une distance de 50 à 150 m sous le vent (Irvine et al., 1997 ; Flesch et al., 2005) .
La dispersion et le transport horizontal
La dispersion de l’ammoniac émis dans l’atmosphère peut être classée en deux parties : une partie qui va se déposer à l’échelle locale (quelques mètres à quelques kilomètres) et une partie à une échelle plus large (quelques dizaines à quelques milliers de kilomètres). C’est le transport moyen de la pollution de l’air avec l’écoulement du vent moyen. Pour l’ammoniac, les émissions proviennent généralement des sources à faibles hauteurs, et la dispersion à l’échelle locale est particulièrement importante quand on veut mesurer ou simuler les flux d’ammoniac à une échelle de l’ordre de quelques kilomètres (Asman, 2001). La dispersion à l’échelle locale peut être calculée en utilisant des modèles « K-théorie » (Troen and Mahrt, 1986) dans des grilles ou par des solutions analytiques pour l’équation de diffusion/advection avec des profils verticaux continus en fonction de la hauteur (Gryning et al., 1987).
La modélisation du transport ou de l’advection pour la pollution de l’air est possible essentiellement grâce à deux types de modèles : les modèles de type lagrangien et les modèles de type eulérien.
➤ Dans les modèles lagrangiens, un volume d’air est représenté le long d’une trajectoire calculée à partir de la vitesse et de la direction du vent. Les trajectoires dans le modèle peuvent être utilisées dans un mode inverse pour décrire les polluants qui arrivent sur un récepteur donné et aussi dans un mode décrivant le transport de polluants à partir d’un certain nombre de sources dans le domaine de simulation.
➤ Dans les modèles eulériens, l’espace est discrétisé par un ensemble de mailles avec une résolution horizontale et verticale donnée. Les calculs peuvent être effectués simultanément pour plusieurs points récepteurs. Pour chacun de ces points récepteurs, le transport dans et hors des mailles du domaine est calculé.
Hormis le transport, tous les autres processus physiques et chimiques inclus dans les modèles peuvent en principe être identiques pour les deux types de modèles, lagrangien et eulérien. Il est généralement considéré que la description du transport est plus précise dans les modèles eulériens (Stohl, 1998). Les modèles eulériens sont généralement plus exigeants en ressources informatiques, surtout quand une résolution spatiale élevée est recherchée, ce qui est le cas pour les problèmes liés au dépôt d’ammoniac. Le formalisme des modèles lagrangiens permet des calculs plus rapides et ils sont mieux adaptés pour traiter des problèmes environnementaux à une résolution spatiale relativement élevée comme pour l’ammoniac.
|
Table des matières
I. Introduction générale
II. L’ammoniac de l’échelle locale à l’échelle régionale: analyse des processus et méthodes de modélisation
II.1. Les processus impliqués dans le cycle de l’ammoniac dans l’environnement
II.1.1.Les émissions d’ammoniac : processus et inventaires
II.1.2.La diffusion atmosphérique et le transport vertical
II.1.3.La dispersion et le transport horizontal
II.1.4.Le dépôt sec
II.1.5.Le dépôt humide
II.1.6.Réactions chimiques dans l’atmosphère
II.2. Modélisation de l’ammoniac à l’échelle régionale
II.3. Considérations de modélisation de la dispersion de NH3 sur des courtes distances
II.3.1.Taille du domaine et processus inclus
II.3.2.Taux d’émissions de NH3
II.3.3.Caractéristiques de la source
II.3.4.Caractéristiques de la surface
II.3.5.Les conditions météorologiques
II.3.6.Localisation des récepteurs
II.4. Le concept de charge et de seuil critiques
II.5. Le problème de changement d’échelle dans la modélisation
II.5.1.Variabilité sous-maille et méthodes de changement d’échelle
II.5.2.Différentes méthodes de changement d’échelle
II.5.3.Méthodes dynamiques de changement d’échelle
II.5.4.Méthodes statistiques de réduction d’échelle
II.5.5.Considérations conclusives sur les méthodes de changement d’échelles
II.6. Précision des objectifs de la thèse
III. Matériels et méthodes
III.1. Le modèle CHIMERE
III.1.1.Présentation générale
III.1.2.Domaines géométriques du modèle
III.1.3.Conditions aux limites et initiales
III.1.4.La hauteur de la couche limite et mélange turbulant
III.1.5.Le transport horizontal
III.1.6.Le dépôt sec
III.1.7.Météorologie
III.1.8.Les émissions
III.1.9.Occupation des sols
III.2. Le modèle OPS-ST
III.2.1.Calculs de base de la dispersion
III.2.2.La structure de la couche limite
III.2.3.Le profil de vent
III.2.4.L’élévation du panache
III.2.5.Caractéristiques de la source
III.2.6.Le dépôt sec
III.2.7.Les données d’entrée
III.3. Construction des cas d’étude pour les simulations
III.3.1.Le paysage
III.3.2.La météorologie
III.3.3.Les émissions
Résumé
IV. Comparison of dry ammonia deposition in a regional Eulerian chemistry and a landscape scale Gaussian plume model
IV.1. Introduction
IV.2. Materials and methods
IV.2.1.The models
IV.2.2.Input data
IV.2.3.Idealized scenarios
IV.3. Results and discussion
IV.3.1.Effect of grid cell size
IV.3.2.Vertical profiles of NH3 concentration and source height
IV.3.3.Effect of wind speed ?? and canopy resistance ??
IV.3.4.Effect of roughness length (?0)
IV.4. Conclusions
References
Télécharger le rapport complet