L’ambiance vécue à la visite du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin

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La place de l’architecte

Un architecte peut, s’il défend vraiment son projet, apporter des innovations (Le Pommelet, 2017), mais il est difficile de s’écarter des demandes, qui sont faites selon les modèles de prison habituels. En effet, il est attendu par l’agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) de l’architecte qu’il voit plus loin que le programme. Pour autant, il finit bien trop souvent par être bridé par l’État, qui lui, voit les questionnements qu’apportent des modifications. Les changements peuvent résulter en une nouvelle formation des surveillants et une augmentation de leur effectif, par exemple. Il paraît alors difficile de réformer l’architecture d’un lieu si sécurisé, et de ce fait réglementé, à moins de faire partie d’un programme très innovant comme on peut en voir à l’étranger, mais également en France, outremer. L’architecte étant considéré comme le premier exécuteur de peine en prison d’après Elsa Besson, devrait-il avoir plus de pouvoir de décision dans le milieu carcéral ?

L’image de la prison

« Y’a beaucoup de films sur l’univers carcéral, bon après ça reste des fictions, y’a des arrangements, mais y’a pas mal de films, récemment, j’y prête forcément plus attention. Quand y’a un truc qui se passe en prison, je fais plus attention, […] Et y’a des choses qui sont vraies. Y’a beaucoup de choses qui sont vraies. » (Mickaël, détenu)
Au cinéma, la prison est un cadre, souvent synonyme de violence, psychologique ou physique, et le but est généralement d’en sortir. Seul, avec de l’aide interne ou externe à la prison, la finalité est d’échapper à ce lieu et de reprendre sa liberté. On y voit aussi, régulièrement, le détenu demandant à une personne libre d’agir pour lui à l’extérieur de la prison. Le pénitencier peut être le tableau principal d’un film, ou être représenté ponctuellement. De la cellule au parloir, la représentation cinématographique de la prison est le principal portrait que le grand public a de cet endroit. La prison devient alors un espace connu et reconnu par la société, sans que nous y soyons réellement allés. Le paradoxe est complexe et nous réussissons à nous forger une opinion sur un lieu où nous n’avons jamais mis les pieds.
Le sujet provoque en effet la curiosité, la fascination, la colère, parfois la peur. Pour autant, peu s’intéressent à ce qui s’y passe vraiment, on s’en détourne même, ne se sentant peut-être pas concerné. Un haussement de sourcils qui exprime « on n’a que ce que l’on mérite », quelques mots désespérés quant aux conditions de vie des détenus, les réactions aux actualités sont diverses, mais jamais inexistantes.
Il paraît impossible de ne pas avoir d’avis quant au milieu carcéral et à ce qu’il engendre. Il questionne la punition des crimes, la mise à l’écart de la société, par la société, d’un individu. Il implique le contrôle de la vie d’autrui. Le thème du pénitentiaire provoque des réactions. Pour pouvoir se positionner, il faut connaître le sujet. Qu’est ce qui marche, ne marche pas, pourquoi ? Mais avant tout, quel en est le but final et est-il accompli ? Qu’en est-il des utopies de prisons à l’opposé du système français, préférant la réinsertion à la privation de liberté ? Où en est-on et où allons-nous ?

Différencier image et réalité

Nous avons alors, pour la plupart d’entre nous, uniquement la vision de la prison que l’on veut nous montrer aux informations ou dans les films. A la question « quel est l’élément de prison que l’on voit le plus souvent dans un documentaire ou une fiction ? » ma réponse sera : « le parloir ».
Beaucoup ont cette image du parloir où les deux protagonistes sont séparés par une vitre et se parlent via un téléphone. Il y a aussi dans la pensée collective le parloir commun, une grande salle agrémentée de plusieurs tables, surveillée par un agent. Il en existe en fait plusieurs types, allant du box individuel jusqu’à l’unité de vie familiale (UVF) permettant plus d’intimité sur une plus longue durée : les parloirs ont évolué avec l’Histoire.
L’importance de la mise en image est immense pour ce lieu puisque c’est la seule façon dont la majorité d’entre nous le connaît.
Des ouvrages tels que des études et thèses apportent une grande connaissance sur l’Histoire et l’évolution des réponses architecturales apportées aux prisons. Celle de Thomas Ouard (Ouard, 2010) éclaircit en plus les répercussions de l’architecture pénitentiaire sur les détenus, notamment en mettant en relation cet effet avec la durée de la peine du détenu, ou avec l’ambiance architecturale du lieu d’enfermement.
On sait aussi que l’architecture d’une prison est parlante : elle ne doit pas être souhaitable. Ses hauts murs d’enceinte totalement imperméables sont censés, par leur côté imposant et infranchissable, repousser, et inciter à ne pas commettre d’erreurs qui mèneraient en prison. Malgré tout, on voit encore un paradoxe dans ce travail de conception, puisque la prison a pour objectif d’être humanisée selon l’Etat. C’est aussi la volonté d’ONG telles qu’Amnesty International, qui dénonce les conditions de détention. Le pénitentier reste pour autant un « trou noir urbain », un terme souvent emprunté. La société en connaît les contours, elle est intriguée par cet objet, mais son intérieur lui reste inconnu, tout en étant craint. Les études balaient alors la partie théorique du sujet de la prison, parlant de ses enjeux, des attentes et de la pratique, qui, en dehors des améliorations techniques concernant la sécurité, apportent leur lot de désillusions et de mauvais retours.

Problématique

Les études sont, pour la plupart, réalisées autour de l’architecture globale des lieux d’incarcération, ou autour de la sociologie et des conditions de détention. J’ai donc décidé d’étudier un lieu rarement abordé : le parloir. Quels sont les différents types de parloirs, quelles en sont leurs ambiances, leurs pratiques et comment affectent-ils les détenus et leurs visiteurs ?
Chacun a sa propre sensibilité et la réponse ne peut être que multiple. Certains s’y sentent peut être bien, d’autres pas du tout, et cela influe sans doute sur l’envie ou non d’aller au parloir.

Un terrain dans le terrain

Ce mémoire est donc concentré sur l’espace emblématique du parloir de prison. Milieu où se rencontrent monde libre et monde de privation de liberté, il est essentiel à la vie d’un détenu puisque c’est le seul endroit où il a un contact physique avec le monde extérieur. C’est la force de cet espace : tout ce qui a un rapport avec la vie extérieure du détenu se passe dans le parloir. Pour autant, aucun ouvrage ne traite réellement de ce sujet. Comment est gérée la collision de ces opposés, où les émotions et relations sont condensées ?
« Tous ces micro-drames se jouent effectivement dans cette salle-là ! » (Michel Mascaras, président de l’association Prison Justice 44)
Un des premiers questionnements concerne les limites du parloir : s’arrête-il à l’espace de rencontre ? Les prisons sont conçues de façon à ce que les trajets des détenus soient d’une durée spécifique, et ces cheminements sont très fractionnés par des sas. Nous pouvons penser que le comportement et notamment l’humeur des détenus change à partir du moment où ils vont aller au parloir. Si l’on étend ce temps au début de la journée du parloir, ce dernier a un rayonnement qui atteint le trajet cellule-parloir, incluant la cellule. Nous avons vu que le parloir se faisait rencontrer deux mondes : « l’intérieur » (la prison) et « l’extérieur » (le monde « libre »). Les mondes concernés sont-ils seulement ceux-ci ? Le parloir s’arrête-t-il réellement aux murs de la prison ? Qu’en est-t-il des parloirs sauvages, cette façon de communiquer avec un proche à l’extérieur de la prison en criant depuis la fenêtre d’une cellule ? Que démontrent-ils ?
On peut y comprendre que le parloir officiel n’est pas suffisant pour certains utilisateurs. Une détenue de la prison des Baumettes à Marseille se plaint dans un documentaire (Sept à huit, 2018) des conditions de vie, et la supposition peut être faite que le parloir en fait partie. En effet, elle décide d’utiliser le parloir sauvage pour parler à son conjoint. On voit aussi cette détenue parler au téléphone avec une riveraine, gênée par ces pratiques, on assiste alors à « un premier contact entre deux mondes ».
Que manque-t’il au parloir ? Ce lieu étant par définition un lieu de contact, quelle est la dimension de l’environnement direct de la prison ? Le parloir est-il un espace transitionnel entre « l’intérieur » et « l’extérieur » ? Ce monde transitionnel peut-il aussi englober le trajet vers le parloir ?

Méthode

Ce mémoire est construit autour d’entretiens réalisés auprès de protagonistes des parloirs : les surveillants, les familles, avec par extension les associations les accompagnants, et surtout les détenus. Le directeur du centre pénitentiaire pour hommes de Rennes-Vezin a accepté de m’ouvrir les portes de la prison afin de rencontrer le personnel, ainsi que dix détenus. C’est à travers ma visite de ce lieu d’enfermement et les récits de chacun d’eux que ma vision du parloir s’est construite. Les propos du personnel travaillant à la prison ont été reccueillis pendant la visite du centre pénitentiaire, et ceux des détenus lors d’entretiens, allant de cinq minutes à deux heures. Ces entretiens étaient réalisés aux parloirs avocat.
Les ressentis des familles ont été collectés lors de visites des lieux d’attente pour aller au parloir, sous l’encadrement de l’association Prison Justice 44 (PJ 44) et de ses permanences dans les trois centres de détention nantais. Aucun enregistrement n’y était possible, ce ne sont donc pas des citations.
J’ai également visité la maison d’arrêt de Nantes, grâce à PJ 44, où j’ai pu poser des questions à la gradée des parloirs (personne en charge des surveillants) nous guidant, afin de croiser mes informations avec ma visite de Rennes.
Tous les noms ont été modifiés, hormis ceux des bénévoles de l’association.
Les entretiens, disponibles dans la version numérique de ce mémoire, sont très révélateurs sur les habitudes des détenus. Si certains sont brefs et ont besoin qu’on leur pose des questions pour raconter leurs visites, d’autres se sont vraiment servis de la rencontre comme d’une thérapie pour parler énormément, jusqu’à faire de long hors-sujets. Les moins bavards sont ceux qui attachaient moins d’importance aux parloirs. Pour ceux qui parlaient le plus, soit ils accordaient une grande importance à ces moments, soit je pouvais sentir qu’il leur manquait de ce type de temps d’échanges avec des gens de l’extérieur. Les entretiens ont alors un intérêt aussi bien sur leur fond que sur leur forme.
Les données ont étés classées puis croisées, afin de dégager des liens entre les personnalités et les sensibilités quant aux parloirs et les préférences de chacun. Le relevé des citations s’est fait suivant des catégories telles que : la description physique des parloirs, les habitudes du détenu notamment sur la fréquence et le type de parloir utilisé, la situation sociale du détenu, l’effet qu’a la rencontre sur le moral du détenu, le parcours jusqu’aux parloirs, le rapport entre l’usage du parloir et la durée de la peine, et enfin les difficultés que peuvent avoir les familles pour venir en visite. L’avantage est d’avoir les propos de ceux qui utilisent les parloirs, leurs ressentis, mais aussi comment ceux-ci sont perçus par quelqu’un d’extérieur à ce moment privilégié, comme un bénévole ou un surveillant.

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Table des matières

Introduction
I – Le parloir comme dispositif architectural
1 – Qu’est ce qu’un parloir ?
a – Définitions
b – Démarches
2 – Quels sont les différents parloirs ?
a – Le parloir
b – Le parloir familial (PF)
c – L’unité de vie familiale (UVF)
d – Le parloir avocat
e – Autres parloirs
II – Le parloir comme ambiance
1 – L’ambiance vécue à la visite du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin
a – Description de l’ambiance vécue
b – Déduction de l’ambiance quand le parloir est occupé
2 – L’ambiance vécue par le visiteur
a – Le parloir : premières impressions
b – Le parloir : les salles gigognes
3 – L’ambiance vécue par le détenu
a – Le parloir : un espace clos dans une vie enfermée
b – L’avant et après parloir : parcours et procédures
III – Le parloir comme dispositif de communication
1 – Un lieu de tensions
a – Des situations sociales compliquées
b – La pression sur les détenus
c – La pression sur les familles
2 – Un lien unique
a- La communication autour du parloir à la prison : mission de l’association Prison Justice 44
b- La communication autour du parloir en famille : oser en parler
c -La communication autour du parloir à la prison : retours de l’association Ty Tom, Rennes
IV – Le parloir comme dispositif psychologique
1 – L’effet du parloir sur le moral
a – Les effets d’un parloir
b – Du parloir à l’humiliation : la fouille
c – D’autres liens avec l’extérieur.
2 – Aller ou ne pas aller au parloir ?
a – Pourquoi ne pas aller au parloir classique
b – Les parloirs UVF, une véritable alternative
c – Les contraintes du côté des familles
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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