L’album: un outil culturel au service de la socialisation dans une classe multi-âge au cycle 1

Le sujet de ce mémoire vient d’un double constat :
– Une difficulté de gérer ma classe lors des moments de regroupement : bruit, bavardage. Lorsqu’ils vont s’asseoir ou sont assis, ils s’agitent, parlent entre eux.
– Les élèves de ma classe ont plaisir à toucher, feuilleter les livres, à se raconter des histoires en regardant les images ou à écouter des histoires. Ils portent un vif intérêt à l’objet livre.

En cherchant à progresser sur la compétence « Organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves », issue du référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation, je me suis interrogée sur comment progresser dans cette compétence. De quelle manière amener les élèves à un retour au calme ? Comment rendre mes temps de regroupements plus calmes, moins bruyants ? Comment créer un climat de classe calme et serein ? Comptines, jeux de doigts, chansons, lecture d’albums…sont entre autres, des moyens utilisés pour le retour au calme. En période 1, j’ai pu observer que ces moyens sont efficaces et me permettent d’obtenir le calme, et le silence dans ma classe. Pourquoi cherche-t-on le calme dans sa classe ? Pourquoi souhaitet-on le silence ? Quel intérêt pédagogique sous-tend le besoin de retour au calme ? L’enseignant cherche à instaurer un climat scolaire propice aux apprentissages. Le temps calme doit permettre aux élèves de se recentrer, de se concentrer, d’écouter et de se mettre au travail. Il doit permettre à l’enseignant de remobiliser l’attention de ses élèves. Derrière la question de l’indiscipline des élèves et de l’autorité du professeur, c’est toute la construction du métier d’enseignant qui se profile. Étant professeur des écoles stagiaire, je suis particulièrement concernée par ses interrogations : pourvu que mes élèves m’écoutent…, s’ils ne m’écoutent pas, c’est que je suis un mauvais professeur… Comment faire pour qu’ils m’écoutent ?

L’album, un outil culturel au service de la socialisation dans une classe multiâge au cycle 1

« L’entrée progressive dans la culture de l’écrit » du domaine d’apprentissage «Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions » est avec le langage oral, un des deux objectifs prioritaires de l’école maternelle (Programme de l’école maternelle, Bulletin Officiel de 2015). La lecture d’albums est une activité courante en maternelle et les objectifs pédagogiques peuvent être variés. D’après les éléments de cadrage sur la littérature de jeunesse provenant d’Éduscol, nous pouvons relever que « les livres constituent des objets culturels essentiels au développement de l’enfant, à ses apprentissages langagiers et culturels, que la littérature à l’école maternelle ouvre sur le monde, sur autrui, donne à entendre une langue qui lui est propre ». Lire un récit, raconter une histoire aux enfants, c’est faire communauté, c’est prendre conscience qu’on partage une même émotion, et par la même, c’est appréhender ses propres émotions. A travers la fréquentation d’albums de littérature de jeunesse, les élèves se familiarisent avec des référents culturels et les valeurs qu’ils véhiculent.

Ayant une classe à triple niveau (PS/MS/GS), je me rends compte que la différence des comportements et du développement entre des enfants de 3 ans, 4 ans et 5 ans peut être importante. Certains élèves sont encore au stade de griffer, de taper, ou de mordre, quand d’autres ont intégré les règles de vie de la classe : les énoncer, attendre son tour pour parler, prendre en charge le rangement. Je constate que le fonctionnement et l’organisation de la classe peuvent être ralentis par certains comportements d’enfants, dont le statut/métier d’élève est justement en construction.

Le sujet de ce mémoire questionne à la fois la posture de l’élève et la posture de l’enseignant lorsqu’il aborde les situations de narration. Du côté de l’élève, pour que l’enfant devienne élève afin qu’il puisse adopter une posture d’écoute, il doit avoir acquis la théorie de l’esprit. Pour certains, selon l’expression d’Adrien, Rossignol, Barthélémy, José, et Sauvage (1995), cela correspond à la capacité à penser la pensée d’autrui. Pour d’autres, cela correspond à la capacité d’adapter son comportement en fonction du comportement manifesté par l’autre. (Bradmetz & Schneider, 1999, p. 277). Le « devenir élève » nécessite également l’instauration et le respect des règles de vie de la classe. Du côté de l’enseignant, pour capter l’attention de ses élèves, la « posture du magicien » définie par Dominique Bucheton ainsi que l’utilisation d’un langage non-verbal semblent nécessaires. Le sujet de ce mémoire porte également sur ce qu’est l’album de littérature de jeunesse, et son exploitation en classe. Diverses modalités de lecture/contage peuvent varier en fonction de l’objectif d’apprentissage fixé par l’enseignant. La pédagogie d’écoute développée par Pierre Péroz présente un intérêt certain. Enfin, ce mémoire de recherche doit m’aider à installer dans ma classe un climat calme, serein, sécurisant, favorisant la socialisation des élèves ainsi que l’apprentissage.

De l’enfant à l’élève : posture d’écoute et théorie de l’esprit

Pour Elisabeth Nonnon, « la posture d’écoute apparaît à la fois comme condition préalable à toute possibilité de travail sur l’oral, et comme visée éthique à l’horizon de ce travail. » Je me rends compte que l’apprentissage de l’écoute est nécessaire pour les élèves de cycle 1. Ecouter peut-il être un objectif d’apprentissage ? C’est la question que se pose Elisabeth Nonnon. L’écoute relève de la sphère pédagogique, de la dimension psychologique et morale des rapports interpersonnels dans la classe. Cela renvoie l’enseignant à sa propre écoute des élèves, à son propre apprentissage de l’écoute de leur parole. Pour beaucoup d’enseignants, parler de difficultés d’écoute des élèves renvoie à la peur ou la douleur de n’être pas écouté. Comme le mentionne Davisse et Rochex dans leur ouvrage Pourvu qu’ils m’écoutent, cela reste la première préoccupation professionnelle. Il est difficile dans certains contextes scolaires à la fois d’exercer sa parole d’enseignant et de la faire reconnaître. Il faut élargir les conditions et les enjeux du « devoir d’écoute ». Un apprentissage est nécessaire dans la durée. L’écoute peut s’appréhender à partir de plusieurs cadres, qui permettent de distinguer les domaines d’objectifs et les indicateurs de progrès. Mes recherches sur la posture d’écoute de l’élève m’ont conduite à m’intéresser de manière plus large aux différentes postures que l’élève peut adopter dans la réalisation de la tâche qui lui est assignée. D. Bucheton et Y. Soulé ont relevé six postures d’élèves traduisant les grandes caractéristiques de l’engagement des élèves dans les tâches :

– Posture première : l’élève se lance dans la tâche sans trop réfléchir, il est dans le faire, son implication est forte, en revanche, il ne fait pas de lien entre les tâches. C’est pourquoi, il est essentiel que l’enseignant donne du sens aux apprentissages par une clarté cognitive dans les consignes et objectifs de la tâche demandée, afin d’aider l’élève à créer du sens.
– Posture scolaire : il essaie de rentrer dans les normes scolaires attendues.
– Posture ludique-créative : il cherche à détourner la tâche, il la revisite à sa manière, selon ses envies. Au cycle 1, je constate que cette posture est fréquente et régulière pour un certain nombre d’élèves qui ne respecte pas la consigne énoncée, ce qui est attendu par l’enseignant. L’enfant doit accepter de déplacer ses désirs ou centres d’intérêts immédiats pour se plier aux codes de l’institution scolaire. C’est l’apprentissage du “devenir élève” au cycle 1.
– Posture dogmatique : l’élève manifeste une non-curiosité affirmée, car il sait déjà.
– Posture réflexive : l’élève prend la distance nécessaire pour penser les tâches, pour nommer les objets de savoir, il a conscience de sa propre activité de pensée. Cette posture renvoie à la méta-cognition que l’enseignant cherche à stimuler chez l’élève.
– Posture du refus : refus de faire, refus d’apprendre. Elle est à prendre au sérieux, car elle renvoie souvent à des problèmes identitaires, psychoaffectifs, voire à des violences réelles subies par les élèves.

Les élèves circulent tous dans ces différentes postures d’apprentissages. Sans posture première, il n’y a pas d’engagement rapide dans la tâche, et pour penser, il faut parfois brouillonner, essayer, faire des erreurs… Et trop réfléchir annihile toute invention dans l’action. L’installation d’un cadre précis et propice à l’écoute de l’histoire par l’instauration et le respect des règles de vie semble indispensable de manière à ce que l’élève soit dans une véritable posture d’écoute, qu’il soit attentif et qu’il se concentre pour comprendre l’histoire lue ou racontée par l’adulte. Pour cela, j’ai créé dans ma classe une affiche reprenant trois règles indispensables : oreilles grandes ouvertes, bouche fermée et position assise correcte. Quand je verbalise ces trois règles, j’accompagne mes paroles aux gestes : je porte mes mains à mes oreilles, je mets mon doigt sur la bouche, je suis assise correctement: dos droit, pieds au sol, jambes croisées, position en tailleur pour les élèves qui sont assis par terre. Ces règles valent également pour les temps de regroupement pendant lesquels je les rappelle en présentant l’affiche.

J’essaie d’instaurer des situations ritualisantes avant chaque moment où l’écoute est sollicitée comme lors des situations de narration. Pour cela, je commence par un court moment de relaxation que j’explicite aux élèves en leur donnant l’objectif de ce rituel : adopter une posture d’écoute. Cela consiste à avoir une main ouverte, les doigts écartés, chaque enfant fait le tour de chacun des doigts de sa main avec l’index de l’autre main; inspirer quand l’index monte, et expirer quand l’index descend. Les premières fois que j’ai proposé ce rituel, certains élèves pouvaient être déconcertés par ce que je leur proposais, car ils le découvraient. La nouveauté, la surprise peuvent déstabiliser. Aujourd’hui, le rituel est connu des élèves. Cela me permet de recentrer les élèves. Il est un repère pour les élèves qui savent dorénavant qu’ils vont devoir être concentrés pour la séance de narration qui va suivre. Les élèves ont besoin de repères. Cela contribue à leur sécurité affective, qui est nécessaire aux apprentissages.

Enseigner dans une classe multi-âge comporte certaines difficultés auxquelles je suis confrontée. Certains enfants sont devenus élèves. Ils adoptent un comportement scolaire, suivent les règles de vie collectives, se mettent dans les apprentissages. Puis d’autres, en l’occurrence des enfants âgés de 3 ans sont centrés sur eux, sont égocentriques. J’entends certains dire : “c’est moi le plus fort”, “non, c’est moi le plus fort”… Ou bien, pour tout objet, tout matériel posé sur la table, les enfants se l’accaparent et disent “c’est à moi”. Prêter le matériel scolaire, accepter de le partager, d’attendre que l’autre ait fini pour l’utiliser… font partie des règles scolaires nécessaires en collectivité. Ces attitudes et comportements sont étroitement liés aux différents stades de développement de l’enfant, étudiés notamment par Jean Piaget. Celui qui m’intéresse est le stade pré-opératoire (de 2 à 6/7 ans). Il vient après le stade sensori-moteur (0 à 2 ans). Il se caractérise par la pensée magique et la pensée égocentrique : l’enfant croit que tout le monde pense comme lui. La période préopératoire débute lorsque l’enfant, en parallèle avec l’acquisition de la parole, est capable de se représenter et de manipuler des symboles. L’enfant, par exemple, est capable de jouer avec des petites voitures en faisant semblant que ce sont des vraies. Avant cette période, il en est totalement incapable. Il comprend son environnement social et matériel comme si tout et tous étaient placés dans sa propre perspective. Par exemple, un enfant de 3 ans et demi qui joue à cache-cache et qui se place derrière un objet où on peut le voir, se ferme les yeux. Il croit que parce qu’il ne peut pas voir l’enfant qui le cherche, l’autre ne pourra pas le voir. Le cours de sa pensée va dans une seule direction. L’enfant est centré sur son point de vue et est dépendant de ce qu’il voit. Peu à peu, va se mettre en place ce que l’on nomme la théorie de l’esprit (du type : « il pense que… », « il sait que… »).

Les différentes postures de l’enseignant et le langage non-verbal

La problématique de mon sujet de mémoire m’amène maintenant à m’interroger sur la posture de l’enseignant : quelle(s) posture(s) doit adopter l’enseignant pour améliorer la capacité d’écoute et d’attention des élèves lors des situations de narration ?

Dominique Bucheton définit une posture comme un mode d’agir temporaire pour conduire la classe, et s’ajuster dans l’action à la dynamique évolutive de l’activité et des postures des élèves. L’enseignant expert circule sur plusieurs postures d’étayage. La notion d’étayage renvoie à la théorie de l’américain Jérôme Bruner et à l’intervention de l’adulte dans l’apprentissage de l’enfant. L’étayage est lié au concept de « zone proximale de développement », et il est défini comme « l’ensemble des interactions d’assistance de l’adulte permettant à l’enfant d’apprendre à organiser ses conduites afin de pouvoir résoudre seul un problème qu’il ne savait pas résoudre au départ. » Les gestes d’étayage sont des gestes par lesquels l’enseignant apporte de l’aide pour une tâche que l’élève ne peut pas faire seul. D. Bucheton définit six postures d’étayage de l’enseignant :

– La posture d’enseignement : l’enseignant formule, structure les savoirs, les normes, en fait éventuellement la démonstration. Il en est le garant. Il fait alors ce que l’élève ne peut pas encore faire tout seul. Ses apports sont ponctuels et surviennent à des moments spécifiques (souvent en fin d’atelier).
– La posture de lâcher-prise : l’enseignant assigne aux élèves la responsabilité de leur travail et l’autorisation à expérimenter les chemins qu’ils choisissent. Cette posture est ressentie par les élèves comme un gage de confiance. Les tâches données (fréquemment des fichiers) sont telles qu’ils peuvent aisément les résoudre seuls ; les savoirs sont instrumentaux et ne sont pas verbalisés.
– La posture de contrôle : par un pilotage serré de l’avancée des tâches, l’enseignant cherche à faire avancer tout le groupe en synchronie. Les gestes d’évaluation constants (feedback) ramènent à l’enseignant placé en « tour de contrôle ».
– La posture de sur-étayage ou contre-étayage : le maître peut faire à la place de l’élève pour avancer plus vite ;
– la posture d’accompagnement : le maître apporte une aide ponctuelle, en partie individuelle, en partie collective, en fonction de l’avancée de la tâche et des obstacles à surmonter. Cette posture ouvre le temps et le laisse travailler ;
– la posture du magicien : par des jeux, des gestes théâtraux, des récits frappants, l’enseignant capte momentanément l’attention des élèves. Le savoir n’est ni nommé, ni construit, il est à deviner.

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Table des matières

Introduction
1. Cadre théorique
1.1. De l’enfant à l’élève : posture d’écoute et théorie de l’esprit
1.2. Les différentes postures de l’enseignant et le langage non-verbal
1.3. Les situations de narration de l’album
1.3.1. Les codes et spécificités de l’album
1.3.2. Les enjeux de la littérature de jeunesse
1.3.3. Les différentes manières d’aborder l’album en fonction des objectifs d’apprentissage
1.4. Le climat de classe : entre compétences professionnelles de l’enseignant et socialisation des élèves
2. Méthodologie
2.1. Le protocole et l’outil d’observation mis en place
2.2. Le choix des albums
3. Analyse des séances et résultats
3.1. Validation de l’hypothèse 1
3.2. Validation de l’hypothèse 2
3.3. Validation de l’hypothèse 3
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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