L’air dans la glace : processus de piégeage et mesure de sa composition isotopique

Névé et densification du névé

Le névé constitue la partie poreuse de la calotte de glace (50–120 m), correspondant à la zone de métamorphisme de la neige en glace. Cette transformation se fait par une densification progressive de la neige tombée en surface (de faible densité, d ∼ 0.35) en glace (d ∼ 0.91 au niveau de la profondeur de fermeture des pores). Sowers et al. [1992] ont permis de décrire simplement la structure du névé :

— La zone convective est située en dessous de la surface. Elle est soumise à l’effet du vent ainsi qu’à celui des gradients de température et de pression. Ces perturbations génèrent de la convection conduisant à une homogénéisation avec l’air atmosphérique. L’air y possède alors la même composition isotopique que l’air atmosphérique. L’épaisseur de la zone convective dépend des conditions en surface. Pour les sites de forte accumulation comme au Groenland, l’épaisseur de la couche convective est négligeable [inférieure à 2 m pour NorthGRIP et environ 3 m pour NEEM ; Landais et al., 2006; Guillevic et al., 2013]. En Antarctique l’épaisseur de la couche convective varie d’un site à l’autre [environ 13 m à Vostok, 2 m à Dôme C et supérieure à 23 m pour le site Megadunes ; Bender et al., 1994; Landais et al., 2006; Severinghaus et al., 2010].
— La zone diffusive, quant à elle, n’est plus soumise aux phénomènes de sur face. Au sein de cette couche le transport de l’air se fait par diffusion moléculaire. Cette zone peut représenter jusqu’à 90% du névé. Comme la diffusion moléculaire est lente, l’air est alors affecté par des fractionnements isotopiques. Deux types de fractionnements peuvent être observés : le fractionnement gravitationnel et le fractionnement thermique . La diffusion verticale s’arrête lorsque la taille des interstices entre les cristaux de glace devient inférieure à la taille des molécules d’air. On est alors à la profondeur de piégeage de l’air (« Lock-In Depth », LID, en anglais).
— La zone non-diffusive est délimitée par la LID et la profondeur de fermeture des pores (« Close-Off Depth », COD, en anglais). Comme les pores entre les cristaux de glace sont fermés, la diffusion moléculaire est quasi-nulle dans cette zone. A partir de la LID, l’air piégé dans la glace est complètement isolé de l’air ambiant, ce qui fait que sa composition isotopique reste inchangée. Lors de l’enfouissement en profondeur, il est possible que des conditions de pression et température conduisent à la formation de clathrates (cages de molécules d’eau renfermant des molécules de gaz).

D’un point de vue datation, on définit le ∆age comme étant la différence d’âge entre la glace et l’air d’une même profondeur. On définit aussi le ∆depth comme étant la différence de profondeur entre de la glace et du gaz de même âge. Ces ∆age et ∆depth vont donc être fonction des variations de la LID au cours du temps. Ainsi, pour dater correctement la phase gaz dans les carottes de glace il est nécessaire de bien connaître ces trois grandeurs. Les modèles de densification du névé nous permettent d’estimer les variations passées de ces trois paramètres .

Les fractionnements isotopiques au sein du névé

Le fractionnement isotopique des molécules de N2 et O2 se produit dans la zone diffusive. Il a deux origines : gravitationnel et thermique. Sous les conditions climatiques actuelles (c’est-à-dire un climat interglaciaire stable), le fractionnement gravitationnel s’effectue tout le long du névé jusqu’à la LID. A l’inverse, le fractionnement thermique prend place seulement dans la partie supérieure du névé, en réponse aux variations saisonnières de température.

Le fractionnement gravitationnel est dû à la différence d’attraction gravitationnelle entre les isotopes lourds et légers composant les molécules de gaz. Ce phénomène va entraîner un enrichissement en isotopes lourds à la base de la colonne diffusive. La répartition isotopique suivant la profondeur est alors fonction de la diffusion moléculaire et de la force de gravité.

La différence de température induisant un fractionnement thermique peut avoir plusieurs origines. La variabilité saisonnière entraîne l’apparition d’un gradient de température seulement sur les 20 premiers mètres du névé . Comme cette différence de température n’est pas ressentie jusqu’à la base du névé, cette variabilité n’est pas enregistrée dans les bulles d’air. En revanche, les changements climatiques rapides (évènements de Dansgaard-Oeschger) observés au cours de la dernière période glaciaire ont entraîné l’apparition d’un gradient de température sur l’intégralité de la colonne de névé. Lors d’un tel réchauffement (typiquement 5 à 16°C en quelques 10 − 100 ans), le fractionnement thermique va conduire à une anomalie positive des teneurs isotopiques de l’air à la base de la zone diffusive du névé. De ce fait, les phases chaudes des événements de Dansgaard-Oeschger sont caractérisées par une composition isotopique de l’air à la base du névé résultant à la fois du fractionnement gravitationnel et du fractionnement thermique.

La différence de température mesurée au sein du névé, induisant le fractionnement thermique, est inférieure à celle observée en surface à cause de la diffusion de la chaleur. C’est pourquoi il n’est pas possible d’inverser directement le problème pour en déduire les variations de température en surface. Pour parvenir à ces grandeurs, il est nécessaire d’utiliser des modèles de densification du névé.

Les modèles de densification du névé 

Les modèles de densification du névé permettent de reconstruire différents paramètres caractéristiques du névé comme la LID, la COD ou encore le ∆age, à partir de la connaissance des conditions climatiques en surface. A partir de l’analyse des profils de densité de plusieurs névés actuels, Herron and Langway [1980] ont développé le premier modèle empirique permettant de déduire le taux de densification à partir des conditions de surface (densité, température et accumulation). Pimienta [1987] ont développé un second modèle qui a ensuite été repris par Barnola et al. [1991]. Ce dernier est basé sur les équations d’Herron and Langway [1980] pour la partie haute du névé (d < 0.55) et sur une approche plus physique pour la partie basse. Arnaud et al. [2000] ont amélioré cette approche en incluant les processus physiques prenant place lors de la densification et la déformation plastique. Cependant ce modèle ne permet pas la prise en compte de variations temporelles du névé (seulement des cas stationnaires), ni la diffusion de la chaleur .

Goujon et al. [2003] ont ensuite repris le modèle d’Arnaud et al. [2000] en y ajoutant la diffusion de la chaleur ainsi que les variations temporelles. Ce modèle permet alors la reconstruction des variations passées de la LID, COD et du ∆age, aboutissant à l’obtention d’une chronologie gaz. De plus, par la reproduction des variations passées du δ 15N le modèle de Goujon et al. [2003] est en mesure de reconstruire les variations de température et d’accumulation associées aux évènements de Dansgaard-Oeschger.

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Table des matières

Introduction
1 Généralités sur le climat
2 Les carottes de glace : une archive climatique particulière
3 La datation des carottes de glace
3.1 NorthGRIP
3.2 Vostok
3.3 EPICA Dôme C
3.4 EPICA Dronning Maud Land
3.5 TALDICE
4 Objectif de la thèse
5 Organisation du manuscrit
1 L’air dans la glace : processus de piégeage et mesure de sa composition isotopique
1.1 Névé et densification du névé
1.2 Les fractionnements isotopiques au sein du névé
1.3 Les modèles de densification du névé
1.4 Les éléments mesurés au cours de cette thèse
1.4.1 δ15N
1.4.2 δ18Oatm
1.4.3 δO2/N2
1.5 Extraction de l’air piégé dans la glace
1.6 Mesures au spectromètre de masse
2 DATICE
2.1 Introduction
2.2 L’outil de datation Datice
2.2.1 Formulation du problème inverse
2.2.2 Formulation du modèle d’inversion
2.2.3 Les paramètres d’ébauches
2.2.4 Les observations
2.2.5 Fonction coût et minimisation
2.2.6 Nouvelle chronologie optimisée
2.3 Première application : Lemieux-Dudon et al. [2010]
2.3.1 Les ébauches et l’estimation de leurs erreurs
2.3.2 Les marqueurs d’âge
2.3.3 La chronologie LD2010
3 La nouvelle chronologie de référence carotte de glace : AICC2012
3.1 Améliorations de Datice depuis Lemieux-Dudon et al. [2010]
3.1.1 Les paramètres d’ébauche
3.1.2 Les profils d’erreur d’ébauche
3.1.3 Les différents marqueurs
3.2 AICC2012 : Veres et al. [2013]; Bazin et al. [2013]
3.3 L’incertitude associée à AICC2012
3.4 Comparaison avec d’autres chronologies
3.4.1 AICC2012 .vs. Suwa and Bender [2008]
3.4.2 AICC2012 .vs. Kawamura et al. [2007]
3.4.3 AICC2012 .vs. Parrenin et al. [2013]
3.4.4 AICC2012 .vs. spéléothèmes
3.5 Conclusions et perspectives
4 Vers une prochaine chronologie fédérative : améliorations préliminaires
4.1 Introduction
4.2 Optimisation of glaciological parameters for ice core chronology by implementing counted layers between identified depth levels
4.3 Test pour améliorer la définition de la variance d’ébauche de l’amincissement
4.4 Conclusions et perspectives
5 Mesures sur de la glace bien conservée de Dôme C 153
5.1 Introduction
5.2 Phase relationships between orbital forcing and the composition of air trapped in Antarctic ice cores
5.3 Comparaison des différents marqueurs orbitaux sur 800 ka
5.4 Conclusions et perspectives
Conclusions

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