L’aide multicritères à la décision
L’aide multicritères à la décision : concepts fondamentaux
L’AMCD désigne un ensemble d’outils d’aide à la décision développés depuis les années 1960. Elle vise la résolution des problèmes incluant plusieurs alternatives et en considérant plusieurs critères de décision simultanément [HAM 08]. Il existe plusieurs définitions de l’aide multicritères à la décision. D’après Vincke [VIN 89], l’analyse multicritères est « une approche constructiviste visant à fournir des outils permettant de progresser dans la résolution d’un problème ou plusieurs point de vue, souvent contradictoires, doivent être pris en compte ». Belton [BEL et al 01] rappelle que la recherche en psychologie a montré que le cerveau humain ne peut considérer simultanément qu’un nombre limité d’informations. En conséquence, le but principal des méthodes de l’AMCD est d’aider les décideurs à organiser et synthétiser leurs informations afin qu’ils se sentent à l’aise dans leur prise de décision. L’aide multicritères à la décision consiste à apporter un éclairage et des explications à une catégorie de problèmes où plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs sont pris en considération. Ces critères sont souvent hétérogènes et généralement conflictuels et d’une importance inégale. De ce fait, l’aide multicritères à la décision repose sur un ensemble de procédures permettant de détailler un problème décisionnel portant sur des situations complexes. Nous détaillons suc- cinctement, dans les sections suivantes, les concepts de base inhérents à l’aide multicritères à la décision.
Dresser la liste des critères
Les critères ne sont autres que les conséquences des actions, autrement dit, les effets ou attributs des actions interférant éventuellement avec les objectifs d’un acteur du processus de décision ou avec son système de valeurs. Considérés comme éléments primaires, ces effets ou attributs permettent à l’acteur d’élaborer, justifier ou transformer ses préférences [ROY 85]. Il est à noter qu’une action n’ait rarement qu’une seule conséquence. Un critère est une fonction g à valeurs réelles définie sur l’ensemble des actions potentielles. Cette fonction est définie de telle sorte que deux alternatives a1 et a2 puissent être comparées en s’appuyant sur les valeurs g(a1) et g(a2).Un poids peut aussi être associé à chaque critère, selon son importance par rapport aux autres. Situations de préférence Roy [ROY et al 93] propose quatre situations fondamentales de préférences, à savoir, l’indifférence, la préférence stricte, la préférence faible et l’incomparabilité. Il est possible de résumer les situations possibles dans le tableau (1.2). Cependant, ces situations ne représentent pas honnêtement la réalité, car une simple différence positive gj(a) − gj(b) n’est pas forcément signe d’une préférence stricte.
– Pseudo-critère : à la fonction critère « g » sont associés deux quantités qj(gj(a)) et pj(gj(a)) exprimant respectivement le seuil d’indifférence et le seuil de préférence. Grâce aux seuils d’indifférence et de préférence, les situations de l’équation (1.5) sont exprimées à présent à travers l’équation (1.6) en leur ajoutant une troisième situation qu’est la préférence faible : Relation de surclassement La relation S entre deux actions a et b, notée a S b, est prononcée « a surclasse b » et vérifiée si et seulement si a est au moins aussi bonne que b et qu’il n’y a pas de raisons refusant cette assertion. La relation S est réflexive mais non nécessairement transitive [ROY 85]. La relation de surclassement S signifie l’existence de raisons claires et positives (critères) justifiant soit une préférence faible ou stricte en faveur de l’une des deux actions, soit une indifférence entre les deux. Cependant, aucune séparation significative n’est établie entre ces trois situations [ROY 85] ce qui nous amène à dire que la relation de surclassement permet en réalité d’exprimer les hésitations du décideur. Selon [SCH 85] : « une action a surclasse une action b, notée a S b, si elle est au moins aussi bonne que b relativement à une majorité de critères, sans être trop nettement plus mauvaise que b relativement aux autres critères ». Cette définition est donnée mathématiquement par la relation suivante : a S b ) (a P b _ a Qb _ a I b) (1.9) Paramètres subjectifs Il s’agit de quantités fixées par le décideur, selon l’application et la situation traitée [HAM 08]. Il est possible de classifier les paramètres subjectifs en deux catégories [ROY et al 93] :
– Paramètres intercritères : Afin d’évaluer l’importance relative de chaque critère, les paramètres intercritères sont utilisés et sont souvent appelés « poids » (Weights). Ainsi, à chaque critère est attribuée une valeur wj (parfois notée Pj), selon son importance vis à vis des autres critères. Cette opération appelée « pondération des critères » n’est pas toujours facile pour le décideur qui utilise le plus souvent pour ses préférences des expressions en langage naturel. Ceci étant, l’homme d’étude peut aider le décideur à exprimer clairement son appréciation de l’importance relative de chaque critère en utilisant des méthodes de pondération à l’image de la méthode de cartes de SIMOS [SIM 90] et la méthode de l’échelle de Saaty [SAA 03] [SAA 03], l’utilisation des mesures floues [GRA 97], la théorie des capacités [CHO 53], etc.
– Paramètres intracritères : En plus de son appréciation de l’importance de chaque critère vis à vis des autres, le décideur peut avoir une appréciation subjective des valeurs de chaque critère. Afin d’exprimer cette vue subjective, on utilise les paramètres intracritères parmi lesquels on distingue le seuil d’indifférence, le seuil de préférence et le seuil de veto. Le tableau (1.3) représente, pour un critère ”j”, les définitions de ces trois seuils.
Agrégation des performances
Une procédure d’agrégation multicritères doit être définie afin de répondre à la problématique de décision posée en se basant sur la matrice de performance qui caractérise les actions potentielles à évaluer. Il s’agit d’établir un modèle de préférences globales, autrement dit, représenter formellement ces préférences par rapport à un ensemble d’actions potentielles. Cette représentation des préférences doit être perçue par l’homme d’étude comme appropriée au problème d’aide à la décision posé. Dans le domaine de l’aide à la décision multicritères, il est possible de distinguer trois attitudes d’agrégation [ROY 85]. L’agrégation totale synthétise les performances en leur attribuant des poids [ROY 85] et dégage un critère unique par rapport auquel les actions seront évaluées [ROY 85] [MAY et al 94]. L’agrégation partielle est basée sur la relation de surclassement [ROY 85] [VIN 89] [BEN 00] dont la mise en oeuvre nécessite l’introduction des notions d’intransitivité et d’incomparabilité [ROY, 85] [MAY et al, 94]. Les méthodes d’agrégation partielle comparent les actions deux à deux et vérifient si l’une des deux actions surclasse l’autre. Les surcalssements obtenus sont exploités pour établir des préordres totaux ou partiels. L’agrégation locale est une approche qui utilise une solution comme point de départ et procéder ensuite à une série d’itérations en trois phases [SCH 85] visant à trouver une meilleure solution autour de la première tout en interagissant avec le décideur. Il s’agit donc d’une « approche du jugement local interactif avec itérations essais-erreur » [ROY 85] [MAY et al 94]. Nous Présenterons dans le prochain chapitre la typologie de l’agrégation multicritères de manière plus détaillée.
Le but de l’analyse multicritères est de fournir au décideur des outils lui permettant de progresser dans la résolution de problèmes décisionnels en faisant intervenir plusieurs points de vue contradictoires dans la plupart des cas. Ceci étant, Il n’est plus question de chercher des solutions optimales, ou encore les meilleures décisions selon chacun des points de vue, mais d’aider le décideur à dégager une ou plusieurs solutions de compromis, en accord avec son propre système de valeurs. Toutefois, la majorité des décisions qui font l’objet d’études multicritères sont de nature complexe voir conflictuelle et leurs conséquences sont importantes et stratégiques. L’aspect conflictuel des critères, l’indétermination et le manque d’informations liés au problème sont souvent avancés comme les sources de sa complexité. Les majeures difficultés d’un problème multicritères se résument dans le fait que l’aide multicritères à la décision est condamnée à travailler dans le cadre d’un problème mathématique « mal posé ».
En effet, il n’existe pas en générale de solution réalisant l’optimum sur tous les critères simultanément. Les méthodes d’aide multicritères à la décision sont des techniques assez récentes et en plein développement. Par leur manière d’intégrer tout type de critères, ces procédures semblent mieux permettre de se diriger vers un compromis judicieux plutôt que de courir après un op- timum souvent impossible à trouver. La modélisation des préférences et l’agrégation multicritères sont deux étapes cruciales dans la démarche de l’analyse multicritères. La pondération des critères tout en tenant compte des interactions entre eux représente un défi considérable pour les chercheurs dans le domaine de la modélisation des préférences. Aussi, le développement de nouveaux modèles mathématiques pour l’agrégation multicritères et le perfectionnement des modèles existants sont des axes de recherche présents dans un grand nombre de travaux dédiés à l’AMCD. A ce titre, nous détaillerons dans le prochain chapitre l’agrégation multicritères tout en justifiant l’importance de cette étape dans la démarche de l’AMCD.
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Table des matières
Liste des abréviations
Introduction 2
Contexte de l’étude
Problématique
Contribution
Organisation de la thèse
I Synthèse de l’État de l’Art
1 L’Aide multicritères à la décision
1.1 Introduction
1.2 L’aide à la décision : concepts fondamentaux
1.2.1 La décision
1.2.2 Le processus de décision
1.2.3 Les acteurs de l’aide à la décision
1.3 Les systèmes d’aide à la décision
1.3.1 Les systèmes interactifs d’aide à la décision
1.3.2 Les systèmes d’aide à la décision de groupe
1.4 L’Aide MultiCritères à la Décision (AMCD)
1.4.1 Paradigme multicritères
1.4.1.1 Propriété 1 – Problème mal posé
1.4.1.2 Propriété 2 – Relation de dominance (I, P, R)
1.4.1.3 Propriété 3 – Pareto-optimalité (efficacité)
1.4.1.4 Propriété 4 – transitivité
1.4.2 L’aide multicritères à la décision : concepts fondamentaux
1.4.2.1 Action
1.4.2.2 Objectifs et attributs
1.4.2.3 Critère
1.4.2.4 Matrice de performance
1.4.3 Typologie des problématique de l’AMCD
1.4.4 L’analyse multicritères
1.4.4.1 Objectifs de l’analyse multicritères
1.4.4.2 Démarche de l’analyse multicritères
1.5 Bases méthodologiques de l’AMCD
1.5.1 Énumérer les actions potentielles
1.5.2 Modélisation des préférences
1.5.2.1 Dresser la liste des critères
1.5.2.2 Établir la matrice des performance
1.5.3 Agrégation des performances
1.6 Conclusion
2 L’Agrégation multicritères
2.1 Introduction
2.2 L’agrégation des performances
2.3 Les opérateurs d’agrégation
2.3.1 Propriétés fondamentales
2.3.2 Typologie des opérateurs d’agrégation
2.3.2.1 Les opérateurs conjonctifs
2.3.2.2 Les opérateurs disjonctifs
2.3.2.3 Les opérateurs de compromis
2.3.2.4 Les opérateurs hybrides
2.4 Typologie des MMAD
2.4.1 Agréger puis comparer (AC)
2.4.2 Comparer puis agréger (CA)
2.4.3 Classification des MMAD selon la nature de l’agrégation
2.4.3.1 Méthodes par agrégation totale
2.4.3.2 Méthodes par agrégation partielle
2.4.3.3 Méthodes par agrégation locale
2.5 Avantages et limites des MMAD
2.6 Travaux connexes
2.7 Conclusion
3 Mesures floues et Intégrale de Choquet
3.1 Introduction
3.2 Interactions entre les critères
3.2.1 Corrélation
3.2.2 Interchangeabilité et complémentarité
3.2.3 Dépendance préférentielle
3.3 Mesures floues et Intégrales floues
3.3.1 Définition de la mesure floue
3.3.2 Utilisation des mesures floues
3.3.2.1 Échelles unipolaires
3.3.2.2 Échelles unipolaires et mesures floues
3.3.2.3 L’indice d’importance globale
3.3.2.4 L’indice d’interaction entre les critères
3.3.3 Mesures floues k-additives
3.3.4 Intégrales floues
3.4 Intégrale de Choquet
3.5 Modèles bipolaires
3.5.1 Échelles bipolaires
3.5.2 Échelles bipolaires et bi-capacités
3.6 Bi-capacités et Intégrale de Choquet
3.6.1 Définition d’une bi-capacité
3.6.2 Intégrale de Choquet généralisée aux échelles bipolaires
3.7 Travaux connexes
3.8 Conclusion
II Contribution de la thèse
4 Approche d’analyse multicritères proposée
4.1 Introduction
4.2 Présentation de la méthode AMFI
4.3 Principe de la méthode AMFI
4.3.1 Phase de comparaison
4.3.1.1 Estimation de la complexité
4.3.1.2 Résultat de la phase de comparaison
4.3.2 Phase d’agrégation
4.3.2.1 Choix de la bi-capacité
4.3.2.2 Détermination de la bi-capacité
4.3.2.3 Algorithme de détermination de la capacité 2-additive
4.3.2.4 Exemple d’illustration de l’algorithme « DA2AC »
4.3.2.5 Algorithme de la phase d’agrégation
4.3.2.6 Estimation de la complexité
4.3.3 Phase d’exploitation
4.3.3.1 Étape de scorage
4.3.3.2 Étape de rangement
4.3.3.3 Estimation de la complexité
4.3.4 Récapitulatif des concepts d’AMFI
4.3.5 Paramètres subjectifs d’AMFI
4.3.5.1 Seuil de discrimination
4.3.5.2 Seuils de transcendance et d’équivalence
4.4 Récapitulatif des variables de la méthode AMFI
4.5 Démarche globale de la méthode AMFI
4.6 Situation dans la littérature, apports et limites
4.6.1 Apports de la méthode AMFI
4.6.1.1 Utilisation des mesures floues et l’intégrale de Choquet
4.6.1.2 Nombre limité de paramètres subjectifs
4.6.1.3 Facilité d’implémentation
4.6.2 Limites de la méthode AMFI
4.7 Conclusion
5 Expérimentation de l’approche 93
5.1 Introduction
5.2 Le prototype AMFI
5.3 Description des données expérimentales
5.4 Scénario 1 : Détermination de la bi-capacité
5.4.1 Résultats de l’algorithme « DA2AC »
5.4.2 Discussion et analyse des résultats
5.5 Scénario 2 : Déroulement détaillé de la méthode
5.5.1 Bi-capacité et paramètres subjectifs
5.5.2 Déroulement du scénario
5.5.2.1 Phase de comparaison
5.5.2.2 Phase d’agrégation
5.5.2.3 Phase d’exploitation
5.5.3 Discussion et analyse des résultats
5.6 Scénario 3 : échantillon étendu
5.6.1 Déroulement du scénario
5.6.2 Discussion et analyse des résultats
5.7 Scénario 4 : Sensibilité et robustesse
5.7.1 Perturbation 1 : Seuil de discrimination
5.7.1.1 Analyse de sensibilité
5.7.1.2 Analyse de robustesse
5.7.2 Perturbation 2 : Seuils de transcendance et d’équivalence
5.7.2.1 Analyse de sensibilité
5.7.2.2 Analyse de robustesse
5.7.3 Illustrations graphiques
5.7.4 Discussion et analyse des résultats
5.8 Scénario 5 : Comparaison avec d’autres méthodes
5.8.1 Configuration des méthodes
5.8.2 Discussion et analyse des résultats
5.9 Conclusion
Conclusions et perspectives
III Annexes
A Algorithmes de la méthode AMFI
A.1 Introduction
A.2 Algorithme DA2AC
A.3 Algorithmes développés pour les phases d’AMFI
A.3.1 Algorithme spécifique à la phase de comparaison
A.3.2 Algorithme de la phase d’agrégation
A.3.3 Algorithmes de la phase d’exploitation
A.3.3.1 Étape de scorage
A.3.3.2 Étape de rangement
A.4 Conclusion
B Le Prototype AMFI
B.1 Introduction
B.2 Modélisation UML du prototype
B.2.1 Diagramme Use-case
B.2.2 Diagramme de classes
B.2.3 Diagrammes de séquence
B.3 Mise en oeuvre du prototype
B.3.1 Lancement du prototype
B.3.2 Chargement des données d’entrée
B.3.3 Exécution de la méthode AMFI
B.3.4 Edition des résultats
Conclusion
Références
Webographie
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