L’aide médicale à mourir
Bien que les concepts d’euthanasie, de suicide-assisté et de refus de traitement soient couramment employés par les personnes qui côtoient les individus en [m de vie, il arrive fréquemment que ces termes soient utilisés à mauvais escient. Ceci peut s’expliquer, entre autre, par le fait que les définitions sont souvent larges et imprécises, mais aussi qu’elles sont fonction des valeurs et des expériences des personnes qui les formulent. En effet, dans son rapport spécial sur l’euthanasie et le suicide-assisté, le Sénat du Canada (1995) précise que les désaccords dans la terminologie portent peu sur le sens littéral des concepts, mais plutôt sur la signification morale que chacun attribue à ces actes. Ainsi, afin de clarifier les concepts qui seront centraux dans la présente étude, ceux -ci seront définis en les différenciant entre eux afin de mieux comprendre leurs spécificités. À la suite de ces distinctions conceptuelles, il sera question de leur légalisation dans le monde, des considérations éthiques entourant leur pratique, ainsi que la prévalence des demandes d’euthanasie et de suicide-assisté. Enfin, dans le but d’ éclairer le lecteur sur les personnes susceptibles d’en faire la requête, on établira un bref profil de leurs caractéristiques, leur motivation et leur contexte de vie.
Prévalence des demandes d’euthanasie et de suicide-assisté
Lorsque l’on cherche à déterminer l’étendue des demandes d’euthanasie et de suicide-assisté plusieurs obstacles se présentent, de sorte qu’il est difficile d’en quantifier le nombre exact. Bien qu’il soit obligatoire de signaler les actes pratiqués dans les pays où ceux-ci sont légalisés, certains actes d’euthanasie et de suicide-assisté peuvent néanmoins ne pas être déclarés (De Bondt et al., 2014). De plus, des problèmes peuvent survenir en raison du caractère plus ou moins officiel de certaines demandes, de l’approbation ou non de la demande par le comité qui l’a étudiée, ainsi que de l’accomplissement ou non de l’acte puisqu’il est possible que certaines personnes changent d’idée au cours du processus. Également, les études ayant porté sur la prévalence des demandes diffèrent souvent dans leurs méthodologies (différents instruments de mesure, types de répondants, tailles des échantillons, … ). La définition de l’euthanasie et du suicide-assisté n’est pas toujours énoncée ce qui peut mener à une confusion entre les différents concepts ainsi qu’une mauvaise estimation (Muller, Kimsma, & van der Wal, 1998). Finalement, dans les pays où l’euthanasie et le suicide-assisté sont des actes illégaux, les répondants peuvent avoir tendance à donner des réponses socialement et juridiquement acceptables ce qui peut entrainer un certain nombre de sous-déclaration (Muller et al., 1998).
De façon générale, il existe de grandes différences entre les études, réalisées dans divers pays (Pays-Bas, Australie, Royaume-Uni, États-Unis, Danemark et Norvège), sur la prévalence des demandes et des actes d’euthanasie et de suicide-assisté (Muller et al., 1998). Il est toutefois intéressant de voir l’évolution de sa prévalence au cours des années dans les pays où cette pratique est légalisée. Les études réalisées aux Pays-Bas ont permis de recueillir ce type d’informations.
Caractéristiques des personnes faisant des demandes d’aide médicale à mourir
Les études sur les caractéristiques des personnes qui font des demandes d’euthanasie ou de suicide-assisté (DESA) montrent certaines similitudes en ce qui concerne l’âge, le sexe et le diagnostic. En effet, les études révèlent que les DESA proviennent majoritairement des hommes (De Bondt et al., 2014· Marquet, Bartelds, Visser, Spreeuwenbers, & Peters, 2003; Onwuteaka-Philipsen et al., 2003; Onwuteaka-Philipsen, Muller, & van der Wal, 1997; Steck, Egger, Maessen, Reisch, & Zwahlen, 2013; van der Heide et al., 2007). L’ âge moyen se situerait entre 60 et 90 ans (De Bondt et al., 2014; Marquet et al., 2003 ; Moynier-Vantieghem et al., 2010; Onwuteaka-Philipsen et al., 1997, 2010; Steck et al., 2013). Néanmoins, les DESA seraient relativement rares chez les patients de 80 ans ou plus (Onwuteaka-Philipsen et al., 1997, 2003). La maladie la plus fréquente ayant mené à la DESA est le cancer (De Bondt et al., 2014; Marquet et al., 2003 ; Moynier-Vantieghem et al., 2010; Onwuteaka-Philipsen et al., 2003, 2010; Rurup et al., 2012; Steck et al., 2013, 2014; van der Heide et al., 2007). Toutefois, il existerait des différences liées à l’âge pour certains diagnostics (Onwuteaka-Philipsen et al., 1997). Ainsi, chez les patients atteints de cancer, le nombre de DESA augmenterait jusqu’à 79 ans et diminuerait considérablement après 80 ans.
Chez les patients ayant subi un accident cérébrovasculaire, le nombre de DES A augmente, et ce, même au-delà de 80 ans. Les DESA chez les personnes atteintes du SIDA ou de la sclérose en plaques sont négativement liées à l’âge puisque ces maladies sont plus répandues chez les adultes plus jeunes.
Instabilité de l’opinion, du désir et des demandes pour hâter sa mort
Tout d’abord, lorsqu’on s’ intéresse aux motivations des individus, une distinction mérite d’être faite entre certains concepts. D’abord, l’opinion fait référence au jugement, positif ou négatif, que la personne émet à propos de l’aide médicale à mourir en général.
Le désir est plutôt le souhait exprimé par la personne d’y recourir pour elle-même si elle était dans des situations bien spécifiques. Quant aux demandes, elles correspondent à la requête officielle auprès du médecin de recourir à l’aide médicale à mourir pour terminer sa vie.
Il a été démontré que le désir de hâter sa mort est instable (Blank, Robison, Prigerson, & Schwartz, 2001 ; Chochinov, Tataryn, Clinch, & Dudgeon, 1999; Chochinov et al., 1995; Emanuel, Fairdough, & Emanuel, 2000; Moynier-Vantieghem et al., 2010; Wilson, Chochinov, McPherson et al., 2007). Les auteurs rapportent que le désir de mort serait fréquent, mais transitoire et souvent lié à la dépression. Wilson, Chochinov, McPherson et al. (2007) apportent la nuance que, bien que ce désir puisse être transitoire, une fois solidement établi, il peut être durable.
Dans leur étude qualitative réalisée auprès de 158 personnes, Blank et al. (2001) observent qu’entre 8 et 26 % des personnes qui avaient exprimé le désir de recourir à l’euthanasie ont changé d’avis après six mois. La variation des pourcentages dépend de la situation des personnes (ex. mobilité réduite, maladie d’Alzheimer, phase terminale, soins à domicile). Ce sont davantage les hommes, les personnes dont la souffrance est très intense et celles dont le soutien social et familial est plus faible qui sont plus susceptibles de modifier leur désir. L’âge, le statut matrimonial, la scolarité, la race, la maladie, la religion, la présence d’idées suicidaires et le fonctionnement dans les activités courantes ou domestiques n’étaient pas associés à l’instabilité du désir d’ euthanasie. Les personnes dépressives étaient les plus susceptibles de modifier leur désir et de rejeter toutes méthodes pour hâter la mort six mois plus tard. En effet, dans l’étude de Blank et al., 87,5 % des personnes étaient déprimées au moment de l’étude et 71 % ont modifié leur désir quant à l’euthanasie, ce qui justifie l’importance de dépister et traiter rapidement la dépression chez cette clientèle.
Impact de l’âgisme sur le bien-être des aînés
Les croyances et comportements âgistes ne sont pas sans effet sur la santé physique et mentale des aînés. En effet, l’âgisme diminuerait l’estime de soi (Balsis & Carpenter, 2006; Garstka, Schmitt, Branscombe, & Hurnmert, 2004; Lagacé, 2008, 2009; Macia, Chapuis-Lucciani, & Boëtsch, 2007; Masse, & Meire, 2009; Palmore, 1999; Pasupathi & Lockenhoff, 2002; Ryan et al., 1995), entrainerait une diminution du bien-être émotionnel (Masse & Meire, 2009) et aurait un impact négatif sur le sentiment de dignité (Draper, 2005; Lagacé et al., 2012). Également, les aînés qui percevaient davantage les stéréotypes négatifs vis-à-vis de leur groupe d’âge avaient tendance à évaluer plus négativement leur état de santé (Macia et al., 2007) et mentionnaient une moindre satisfaction à l’égard de la vie (Garstka et al., 2004). Inversement, une perception positive de son propre vieillissement diminurait la mortalité chez les personnes âgées et augmenterait le désir de vivre (Levy, Slade, Kunkel, & Kasl, 2002).
De plus, le langage âgiste véhicule des stéréotypes d’incompétence (Ryan et al. , 1995) et enferme les personnes âgées dans un statut d’infériorité susceptible de restreindre leur autonomie (Pasupathi & Lockenhoff, 2002) et, par le fait même, renforcerait les comportements de dépendance, particulièrement chez les personnes institutionnalisées (Lagacé, 2008; Ryan et al., 1995). En effet, l’aîné réagirait aux préjugés âgistes en s’auto-marginalisant puisqu’il ne croit plus avoir rien à offrir à la société (Lagacé, 2010). Lorsque ces stéréotypes âgistes sont légitimés et intériorisés, ils ouvrent la voie au désengagement et sont très dommageables pour les aînés.
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
L’aide médicale à mourir
Définitions
Légalisation et considérations juridiques, éthiques et morales
Prévalence des demandes d’ euthanasie et de suicide-assisté
Caractéristiques des personnes faisant des demandes d’aide médicale à mourir
Instabilité de l’opinion, du désir et des demandes pour hâter sa mort
Facteurs associés au désir et aux demandes pour hâter la mort
Symptômes physiques et douleurs
Désespoir, dépression et idéations suicidaires
Religion
Solitude et refus d’être un fardeau
Âgisme
Définitions
Âgisme des soignants envers les aînés
Impact de l’âgisme sur le bien-être des aînés
Impact dans la consultation avec le médecin
Âgisme et aide médicale à mourir
Objectif de l’étude
Méthode
Recrutement des participants et déroulement de l’étude
Participants
Instruments de mesure
Résultats
Statistiques descriptives
Corrélations avec l’âgisme
Analyses de régression
Discussion
Forces et limites de la recherche
Recherches subséquentes
Retombées de l’étude pour les interventions des professionnels de la santé
Conclusion
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