L’agriculture industrielle
Un peu d’histoire
Les historiens et les scientifiques s’accordent sur la naissance de l’agriculture en Europe. C’est dans la période du Néolithique que les premières agricultures voient le jour. Les Hommes de l’époque, vivant principalement de la cueillette, de la chasse et de la pêche, commencent peu à peu à domestiquer les animaux, à fabriquer des outils et à cultiver les premières céréales ainsi que la vigne. Ce n’est que bien plus tard, pendant l’empire Romain, que la base de notre alimentation prend forme. L’agriculture était très répandue, elle couvrait près de la moitié du territoire gaulois de l’époque. Les Romains, qui cultivaient plus de 3000 espèces de végétaux, commencèrent à faire des progrès techniques : sélection des meilleures variétés et utilisation d’engrais naturels. C’est ce qui va créer le premier endémisme culinaire, origine de notre alimentation actuelle. (Nègre, 1990) L’évolution est très lente jusqu’au 18e siècle, en raison des nombreux conflits qui font rage à travers l’Europe. Il faudra attendre la Révolution Française pour voir le secteur agricole se transformer et prendre un tournant définitif.
En effet, l’agriculture extensive, caractérisée par de faibles quantités d’intrants et peu de capital humain, et donc par des rendements moindres, laisse place à l’agriculture libre et indépendante. C’est la naissance de l’agriculture moderne. Les outils évoluent rapidement, les premiers intrants chimiques apparaissent et l’on prête une attention particulière à l’étude des parasites et des maladies. La révolution agricole s’est déroulée durant plusieurs siècles à des périodes différentes en Europe. Elle est caractérisée par l’arrivée des premières machines, des premiers engrais et des cultures intensives et donc par une augmentation significative des rendements. Le coût de production d’une calorie alimentaire baisse fortement et le nombre de calories ingérées par personne par jour augmente de manière conséquente. Les aliments les moins chers, tels que les céréales et les féculents, représentent la base de l’alimentation. Cette révolution a eu un impact favorable sur la santé de la population. (Esnouf, Russel, Bricas, 2011)
Vers la fin du 19e siècle, on observe un changement radical dans la structure de notre alimentation, phénomène que l’on désigne sous le terme de « transition nutritionnelle ». Les céréales et les féculents, denrées peu chères qui étaient la base du régime alimentaire, voient leur consommation diminuer fortement au profit de produits animaux et de produits gras et sucrés. Peu à peu, on abandonne les produits traditionnels pour se tourner vers les produits transformés. Ce nouveau mode de consommation s’appuie sur une agriculture productiviste et peu sensible aux questions environnementales. (Esnouf, Russel, Bricas, 2011) Dans les années 1960, une nouvelle politique de développement de l’agriculture, qui vise à renforcer la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement, voit le jour, c’est la révolution « verte ». Elle se caractérise par le développement de la technologie, l’apparition du génie génétique ainsi que la généralisation de l’utilisation d’engrais et de pesticides synthétiques. L’objectif était d’accroître les rendements afin de diminuer les risques de famine. Ceci a permis à de nombreuses personnes en Asie, en Afrique et en Amérique latine d’améliorer leur qualité de vie. Effectivement, grâce à de nouvelles variétés plus résistantes, à des techniques d’irrigation et de drainage innovantes et à des intrants chimiques plus performants, la production a considérablement augmenté. C’est dans les années 1990 que cette méthode de production a commencé à soulever des questionnements quant aux conséquences qui en découlaient. (FAO, 1996)
Politique agricole suisse
L’agriculture suisse se base sur un article de la constitution, voté en 1999 par le peuple. Elle est régie par la loi sur l’agriculture (LAgr) et différentes ordonnances. La politique agricole définit les aspects sociaux, juridiques et économiques du secteur agricole et vise à promouvoir une agriculture durable pour garantir l’approvisionnement alimentaire, le maintien des ressources naturelles, la compétitivité ainsi que la multifonctionnalité. Afin de faire face aux défis à venir, la politique agricole a défini une stratégie reposant sur quatre piliers pour les années 2014-2017 : assurer une production et un approvisionnement surs et compétitifs ; encourager une consommation durable et utiliser les ressources de manière efficiente ; encourager l’innovation dans le secteur agricole ; renforcer l’attractivité et la vitalité des espaces ruraux. Un des principaux outils utilisés Confédération est les paiements directs effectués aux paysans, afin de soutenir leur exploitation. Ils sont séparés en paiements directs généraux et en paiements directs écologiques. Les premiers rétribuent tout le secteur agricole pour les prestations d’intérêt général, les seconds sont alloués uniquement aux agriculteurs ayant mis en place des mesures afin de préserver l’environnement. En 2016, les subventions pour le secteur agricole se sont chiffrées à presque 3 milliards de francs suisses (Figure 1). Les paiements directs, bien que versés aux agriculteurs, profitent à l’ensemble de la chaîne alimentaire. (Willemin, 2017)
Santé Il est courant d’entendre « On est ce que l’on mange ». Hippocrate (460-370 av. J.-C.), pionnier de la médecine moderne, l’a exprimé ainsi : « Que ton aliment soit ta seule médecine ». Si nous reprenons l’analogie du corps humain représenté par un moteur ou une machine, il n’est pas surprenant que notre alimentation, soit le carburant, ait un rôle primordial dans le fonctionnement et la santé de ce dernier. Si nous ne mettons pas le bon carburant dans le moteur de notre voiture, celle-ci n’avancera pas. Il en va de même pour notre corps, à la différence que les effets d’une mauvaise alimentation se font sentir sur le long terme. Grâce aux progrès technologiques, l’espérance de vie a beaucoup augmenté ces dernières années, passant en Suisse de 72.4 ans en 1981 à 81.5 en 2016 pour les hommes et de 79.2 ans à 85.3 pour les femmes, pour la même période. Certes, nous vivons plus longtemps qu’avant, mais si on en croit l’évolution des dépenses du secteur la santé, on est en droit de s’interroger si nous vieillissons en bonne santé. Le WPF estime aujourd’hui que le nombre d’êtres humains souffrant de sousalimentation à travers le monde se chiffre à environ 800 millions de personnes. Il y a presque deux fois plus de gens en surpoids ou obèses, soit 1.5 milliards de personnes. Eradiquer la faim dans le monde reste donc un enjeu planétaire, mais à cela s’ajoute également le fait de réapprendre à manger. En Suisse, la proportion de personnes obèses a presque doublé depuis 1992 (Figure 3). En effet, la proportion d’hommes obèses est passée de 6 à 11 % et pour les femmes de 5 à 9 %. Quasiment une personne sur deux (41 %) est considérée en Suisse comme étant en surpoids ou obèse, et cela concerne toutes les catégories d’âge. (Longet, 2010.)
L’obésité est la conséquence du stockage d’énergie non dépensée. Cet excès d’énergie est accumulé sous forme de graisse autour des organes. La suralimentation, qui va de pair avec des carences en vitamines, minéraux et oligo-éléments, peut engendrer de graves problèmes de santé. La liste est longue, en voici quelques exemples : troubles de l’attention, diminution des défenses naturelles, maladies cardiovasculaires, attaques cérébrales, cancers, diabète, ostéoporose etc. Il n’est pas rare qu’une de ces maladies entraîne la mort. (Nègre, 1990) Figure 3 : Personnes avec surpoids ou obésité, 1992-2012 A cela s’ajoutent les effets, encore trop peu connus, des différents produits phytosanitaires sur la santé de l’Homme. L’effet « coktail » de la cumulation des produits chimiques dans notre organisme peuvent avoir des répercussions à long terme sur notre santé. Dans une enquête5 effectuée en 2014 par l’OFS sur les dépenses de santé par rapport au PIB des pays membres de l’OCDE, la Suisse se situe à la 3e place ex æquo avec la France, à 11.1 % derrière la Suède (11.2 %) et les USA (16.6 %). Depuis plus de 50 ans, il y a une tendance confirmée à l’augmentation des dépenses liées à la santé. Ces dernières sont passées de CHF 1’924 millions en 1960 (4.8 % du PIB) à CHF 71’334 millions (11 % du PIB) en 2014. Une partie de cette augmentation colossale est due à l’accroissement de la population suisse, passant de 5.3 millions d’habitants en 1960 à 8.3 millions en 2016. De plus, ces valeurs ne tiennent pas compte de l’inflation. Cependant, une partie, difficile à estimer, est probablement liée à la dégradation de la santé de la population suisse, que l’on peut mettre en lien direct avec l’augmentation du nombre de personnes en surpoids ou obèses.
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Table des matières
L’alimentation durable
Déclaration
Remerciements
Résumé
Table des matières
Liste des figures
1. Introduction
1.1 Problématique
1.2 Guide de lecture
2. Contexte
2.1 Un peu d’histoire
2.2 Politique agricole suisse
3. L’agriculture industrielle
3.1 Structure du secteur agricole
3.2 Santé
3.3 Biodiversité
3.4 Environnement
4. Secteur alimentaire suisse
4.1 Production
4.1.1 Suisse
4.1.2 Commerce international
4.2 Distribution
4.2.1 Supermarché
4.2.2 Magasins spécialisés
4.2.3 Vente directe et vente en ligne
4.3 Consommation
4.3.1 Facteurs d’influence
5. L’alimentation durable
5.1 « Le bio »
5.2 « Le local »
5.3 Les labels
6. Solutions
6.1 Méthodes de production
6.2 Habitudes de consommation
L’alimentation durable
MATHYS, Cédric
6.3 Règlementations et incitations
7. Conclusion
8. Références bibliographiques
9. Annexes
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