L’agglomération de particules solides
Le principe
Nous nous intéressons plus particulièrement à la technique d’agglomération par voie humide en lit fluidisé, avec des particules ou des agglomérats de quelques centaines de micromètres à quelques millimètres de diamètre. Dans ce cas, le mécanisme et les conditions de l’agglomération reposent sur les forces interparticulaires, les forces physico-chimiques entre les gouttes de liquide pulvérisé et les particules, et les forces mécaniques dues au procédé (mélange, lit fluide, etc.). Il y a compétition entre les mécanismes de croissance (par coalescence ou par couche) et les mécanismes d’érosion. L’agglomération désigne une croissance par coalescence. Dans le cas d’une croissance par couche, on parle d’enrobage .
Les objectifs technologiques de l’agglomération (croissance par coalescence) et de l’enrobage (croissance par couche) diffèrent :
– la production d’agglomérats implique le mouillage de la surface des particules par une solution de liant dont la composition ou le comportement permet une adhésion importante entre particules lors des collisions et une consolidation des agglomérats après séchage.
– l’enrobage des particules implique le mouillage par une solution dont la composition et le comportement permettent un dépôt régulier et progressif des gouttes à la surface des particules et une adhésion minimale entre particules pour éviter l’agglomération.
Parmi les forces mises en jeu en agglomération (Schubert, 1981, 1987 ; Ormos, 1994), on distingue :
– les forces s‘exerçant à distance comme les forces de Van der Waals (faibles, augmentant avec l’humidité de surface) et les forces électrostatiques ;
– les forces de contact permettant d’établir des ponts liquides ou solides (de même composition que les particules, ou constitués de liant). Au-delà d’une certaine taille de particules (Figure 1.1.2), les forces de Van der Waals sont négligeables devant les forces engendrées par la masse des particules. Le nombre de forces à considérer décroît avec l’augmentation de taille des particules, les forces les plus importantes étant engendrées par les ponts solides.
Les différents équipements utilisés pour l’agglomération ont pour objectif de mettre en contact les particules avec les gouttes de solution de liant, puis les particules mouillées entre elles (Figure 1.1.3). Le séchage est indispensable comme étape intermédiaire lorsqu’on opère par grossissement progressif, et comme étape finale avant refroidissement (tour multi-étages pour lait en poudre aggloméré). La vitesse de séchage est un paramètre important de contrôle du procédé. L’environnement du procédé doit être contrôlé du point de vue de la température et de l’humidité (séchage), de l’efficacité du mélange entre particules (collisions) et de l’introduction de liant. Le fonctionnement en discontinu est privilégié en pharmacie. En chimie fine et en alimentaire, on cherche à rendre le procédé continu avec possibilité de recyclage des fines par exemple. Les propriétés des particules influençant l’agglomération sont :
– la taille et la distribution de taille (on cherche à travailler dans un domaine étroit) ;
– la composition et le caractère hydrophile de la surface, sa mouillabilité (adhésion, angle de contact) et sa porosité (état de surface) ;
– la masse volumique et la forme.
L’agglomération en lit fluidisé
Dans un lit fluidisé les particules solides sont mises en mouvement (individualisées) par un courant ascendant d’air (ou gaz) chaud (Figure 1.1.3a). La pulvérisation d’eau (ou d’une solution de liant) en gouttes fines (10 – 50µm, fines par rapport à la taille des particules) au-dessus ou au sein du lit fluidisé de particules permet le mouillage de leur surface. Du fait de l’agitation importante, les particules humides entrent en collision permettant la formation de ponts liquides entre particules (énergie cinétique < dissipation visqueuse). Ces ponts sont solidifiés très rapidement par séchage (évaporation de l’eau ou du solvant) sous l’effet du courant d’air chaud.
La croissance par agglomération (coalescence) n’est possible que si :
– les gouttes pulvérisées atteignent les particules sans avoir le temps de sécher ;
– la quantité et les propriétés (viscosité) du liquide à la surface des particules associées aux conditions de séchage et d’agitation, permettent le collage des particules, en évitant l’enrobage individuel (croissance par couche), le mottage et la prise en masse (« quenching ») ;
– les ponts solides formés ont une résistance mécanique suffisante pour résister à l’abrasion lors des chocs entre agglomérats ou avec les parois de l’appareil.
Le procédé d’agglomération en lit fluidisé fait donc intervenir les différents phénomènes suivants :
– la fluidisation des particules solides ou mise en mouvement dans un courant ascendant d’air chaud permettant leur individualisation, et leur contact de façon aléatoire.
– la pulvérisation de la solution réalisée avec une buse (bifluide, par exemple, air comprimé et liquide) placée au-dessus ou au sein du lit de particules. L’objectif est de mouiller de façon contrôlée la surface des particules fluidisées (adhésion de gouttes de liquide à la surface de la particule).
– la formation des ponts liquides qui ne peut intervenir que s’il y a collision/contact entre les particules mouillées en surface et si le volume de solution est suffisant. La force d’adhésion/collage entre particules est fonction de la taille des particules et des propriétés physiques de la solution pulvérisée.
– le séchage des ponts liquides qui permet leur transformation en ponts solides et permet par évaporation du solvant d’augmenter la taille des particules par la formation des agglomérats.
– l’attrition des particules, due aux contraintes mécaniques (collisions entre particules ou avec les parois du fait de l’agitation importante au sein du lit) subies par les agglomérats dans le lit fluidisé.
La fluidisation des particules
Le principe
La fluidisation consiste à maintenir en suspension une phase solide pulvérulente par déplacement, de bas en haut, d’un fluide à travers ce milieu solide. Il y a expansion du lit de particules et le système di-phasique solide-fluide s’apparente à un fluide en mouvement (Krimitsas, 1995).
La fluidisation de la poudre est fonction de la taille et de la masse volumique des particules, et du débit d’air de fluidisation : la vitesse de l’air (Ua) doit être comprise entre la vitesse minimale de fluidisation (Umf) et la vitesse terminale de chute des particules (Ut). On distingue 5 comportements différents des particules solides en fonction de la vitesse d’air (Ua) (Laguerie, 1994) (Figure 1.2.1) :
a) Ua < Umf : le débit d’air est très faible et le gaz s’écoule à travers le lit de particules sans les déplacer. On a alors un lit fixe de particules sans fluidisation.
b) Ua = Umf : le débit d’air est suffisant pour mettre en mouvement les particules. On définit la vitesse minimale de fluidisation (Umf) lorsque la dernière particule immobile a été mise en mouvement, ce qui correspond à l’équilibre entre les forces de pesanteur et les forces de frottement exercées par le gaz sur les particules. Dans ce régime, appelé lit fluidisé, on considère que les particules sont parfaitement agitées.
c) Umf < Ua < Ut : avec l’augmentation du débit d’air, des bulles d’air se forment dans le lit fluidisé et la fluidisation devient hétérogène, on appelle ce régime de vitesse « bullage » ou « bouillonnage ».
d) Ua = Ut : les bulles d’air au sein du lit sont de moins en moins discernables à mesure que le débit d’air augmente. La fluidisation devient turbulente et les particules les plus fines sont entraînées à l’extérieur du lit.
e) Ua > Ut : toutes les particules sont entraînées en dehors du lit. C’est le phénomène d’entraînement ou de transport pneumatique.
Les régimes décrits ne sont toutefois pas observables pour tous les types de poudres. Ils dépendent de l’aptitude de la poudre à être fluidisée. En considérant le diamètre des particules (dp ) Geldart (1973) décrit 4 comportements différents en fonction de la différence de masse volumique entre les particules et l’air (Figure 1.2.2) :
– Le groupe A : poudres fusantes, fines (20 à 150µm) et légères (masse volumique vraie inférieure à 1500 kg/m3 ), caractérisées par une forte expansion du lit. Les catalyseurs de craquage d’hydrocarbures appartiennent à cette catégorie. Dans le domaine alimentaire, la maltodextrine appartient à ce groupe.
– Le groupe B: poudres sableuses, la taille moyenne est généralement comprise entre 80 et 800µm et la masse volumique vraie entre 1500 et 4000 kg/m3 . Elles sont caractérisées par une faible expansion du lit.
– Le groupe C : poudres fines cohésives (<100 µm), difficilement fluidisables. Des exemples de ce groupe sont la farine et le talc.
– Le groupe D : poudres granuleuses d’une taille > 800µm, caractérisées par une fluidisation turbulente. Parmi ces matériaux on peut trouver les grains et les agglomérats.
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Table des matières
Introduction
CHAPITRE I. Etude Bibliographique
1. L’agglomération de particules solides
1.1. Le principe
1.2. L’agglomération en lit fluidisé
2. La fluidisation des particules
2.1. Le principe
2.2. Limites du domaine de fluidisation
2.3. Cas du lit fluidisé conique
3. La pulvérisation des gouttes
3.1. Le principe
3.2. Les techniques de mesures de la taille des gouttes
3.3. Taille des gouttes obtenues avec une buse bi-fluide
4. Les collisions en lit fluidisé
4.1. Contacts gouttes-particules solides
4.2. Collisions particule-particule
4.3. Ponts liquides
4.4. Consolidation par séchage
5. Caractéristiques et propriétés des particules/agglomérats et des poudres
5.1. La taille et forme des particules
5.2. Masses volumiques et porosité
5.3. Ecoulement
5.4. Friabilité
5.5. Instantanéisation (mouillabilité)
5.6. Influence des paramètres opératoires
6. Modélisation de la croissance par agglomération
6.1. Modèles simples
6.1.1. Modèles basés sur les collisions entre particules
6.1.2. Modèles basés sur la structure des agglomérats
6.1.3. Modèles utilisant les bilans de matière et chaleur
6.2. Modèles utilisant les bilans de population
6.2.1. Description générale
6.2.2. Méthodes de résolution
6.2.3. Applications des équations de bilans de population
7. Conclusion
CHAPITRE II. Matériels et Méthodes
1. Produits
1.1. Billes de verre
1.2. Maltodextrine
1.3. Solutions de liant à pulvériser
2. Pilote d’agglomération en lit fluidisé
2.1. Air de fluidisation
2.2. Liquide à pulvériser
2.3. Buse de pulvérisation
3. Déroulement d’un essai pour la cartographie des températures
4. Déroulement d’un essai d’agglomération
5. Essais hors pilote
5.1. Angle du jet de liquide pulvérisé
5.2. Taille et distribution de taille des gouttes pulvérisées
6. Caractérisation des particules, agglomérats, poudres et solutions
6.1. Particules et agglomérats
6.1.1. Taille et distribution de taille (analyse granulométrique)
6.1.2. Masses volumiques
6.1.2.1. Masses volumiques vrac et tassée
6.1.2.2. Masse volumique vraie et apparente
6.1.3. Porosité
6.1.4. Images en microscopie optique
6.2. Poudres
6.2.1.Coulabilité
6.2.2.Friabilité
6.2.3.Mouillabilité
6.2.4.Teneur en eau
6.2.5.Teneur en liant des agglomérats
6.3. Solutions pulvérisées
6.3.1.Masse volumique
6.3.2. Indice de réfraction
6.3.3.Viscosité
6.3.4.Tension superficielle
CHAPITRE III. Résultats et discussion
1. La pulvérisation
1.1. Géométrie du jet de pulvérisation
1.2. Surface du lit mouillée par le jet de liquide pulvérisé et collage contre les parois
1.3. Taille des gouttes
1.4. Conclusion
2. Zones thermiques dans le lit fluidisé de particules en présence d’un jet de pulvérisation
2.1. Identification des zones thermiques
2.2. La zone isotherme et la température moyenne de l’air dans le lit fluidisé
2.3. La zone active de mouillage et l’agglomération des particules
2.3.1.Calcul du volume Vm de la zone active de mouillage
2.3.2.Influence des conditions opératoires sur le volume Vm
2.4. Allure des zones thermiques et circulation des particules
2.5. Relation entre Vm et le mécanisme de croissance des particules
2.6. Conclusion
3. Cinétiques de croissance et propriétés des agglomérats
3.1. Evolution de la taille des particules pendant les essais d’agglomération
3.1.1. Formation des agglomérats
3.1.2. Effet de l’étape de séchage et refroidissement
3.2. Teneur en liant des agglomérats
3.3. Propriétés des agglomérats finaux
3.3.1.Taille
3.3.2.Résistance mécanique (Friabilité)
3.3.3.Masses volumiques et coulabilité
3.3.4.Mouillabilité
3.3.5.Forme (Analyse d’image)
3.4. Conclusion
4. La modélisation du procédé d’agglomération par les bilans de population
4.1. Le modèle
4.1.1.Représentation du système d’agglomération en lit fluidisé avec pulvérisation au-dessus du lit
4.1.2.Equations des bilans de population pour un système d’agglomération à deux zones
4.1.3.Discrétisation des équations des bilans de population
4.1.3.1. Terme de croissance par dépôt
4.1.3.2. Terme d’agglomération
4.1.3.3. Le système d’équations différentielles discrétisées
4.1.4.Détermination de G, β, Qs et Qh
4.1.4.1. Vitesse de croissance par dépôt (G)
4.1.4.2. Fonction d’agglomération (β)
4.1.4.3. Débits d’échange (Qs(t) et Qh(t))
4.1.5.Les classes de taille choisies
4.2. Résolution du système et identification des paramètres
4.2.1.Résolution du système d’équations différentielles
4.2.1.1. Distribution de taille des particules initiales
4.2.1.2. Variables du modèle
4.2.2.Identification des paramètres βo, κ et γ
4.2.2.1. Ordre de grandeur et intervalle de variation de βo, κ et γ
4.2.2.2. Identification de βo, κ et γ pour l’essai 1
4.2.3.Sensibilité du modèle aux paramètres βo, κ et γ
4.2.4.Identification de βo, κ et γ pour les autres essais
4.3. Validation du modèle
4.3.1.Représentation des résultats expérimentaux par le modèle
4.3.2.Simulation de l’agglomération des particules de maltodextrine
4.4. Conclusion
Conclusion
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