L’agentivité sexuelle chez les jeunes
La société a un discours particulier sur les enfants et les jeunes concernant leur sexualité. « Dans le discours public concernant la sexualité des jeunes, les jugements à l’emporte-pièce et les exemples négatifs l’emportent sur la nuance et la différenciation » (Bodmer et al., 2009, p.95). Ils sont généralement perçus comme étant des êtres que l’on se doit de protéger de la sexualité et qui pratiqueraient des relations, dites à risque, sans vraiment y réfléchir : « la sexualité adolescente est marginalisée et ‘pathologisée’, et ce, par rapport à ce que les adultes évaluent être acceptable socialement » (Egan et Hawkes, 2008, cités par Lang, 2013, p.39). Cette façon de percevoir la sexualité chez les jeunes rend également plus difficile la perception d’une agentivité chez ces derniers : Sans prétendre qu’il faille laisser les enfants à eux-mêmes en ce qui concerne la sexualité, Egan et Hawkes estiment que le discours de la protection est déficient et injuste, puisqu’il ne laisse aucune place pour la reconnaissance de la subjectivité et de l’agentivité sexuelles des jeunes, et parce qu’on tente de normaliser et de réguler la sexualité adolescente (Lang, 2013, p.38).
Le rapport de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse de 2009 soulignait d’ailleurs le « décalage entre le discours public, véhiculé tant par les jeunes que les adultes » et le discours individuel de chaque jeune concernant ce qu’ils vivent véritablement (Bodmer et al., p.17).
Un contexte particulier : le sexe est partout
La sexualité intrigue et a toujours intrigué, mais « notre époque est […] la première à rendre si accessible et à si grande échelle du matériel sexuellement explicite » (StGermain, 2003 et McNair, 1996 cités par Duquet et Quéniart, 2009, p.13).
Erotic images play a complex role in contemporary youth cultures. […] Young adults in the twenty-first century are not particularly offended or disturbed by pornography, seeing its use as normal and acceptable [Carroll et al., 2008, cité par Durham, 2013, p.159] –indeed, erotic imagery is so much part of mainstream media culture that it would be difficult to reject it out of hand, and children are exposed to it almost from birth, it is such an entrenched part of a media-saturated environment (Durham, 2013, p.159).
Le terme « hypersexuel » est beaucoup débattu1 et une entente sur sa définition n’a pour le moment pas eu lieu. Pour ce travail, lorsque nous parlerons de société hypersexuelle, nous utiliserons l’explication donnée par Lucie Poirier, Joane Garon et CALACS de Rimouski : On parle d’hypersexualisation de la société lorsque la surenchère à la sexualité envahit tous les aspects de notre quotidien et que les références à la sexualité deviennent omniprésentes dans l’espace public : à la télévision, à la radio, sur Internet, dans les cours offerts, les objets achetés, les attitudes et comportements de nos pairs, etc (Poirier, Garon et CALACS de Rimouski, 2009, p.7).
La sexualité est donc énormément mise en avant et médiatisée. Pourtant, alors que le sexe est partout et que les jeunes enfants baignent dans cet environnement, il y a un manque d’informations sur ce sujet. Une tension existe entre une surexposition du sexe et un environnement malgré tout silencieux.
La pornographie
La pornographie, qui est l’une des facettes de la société hypersexuelle, fait partie des thèmes fortement débattus actuellement dans notre société. La pornographie n’est pas une nouveauté. Elle existait déjà sous d’autres formes dans l’antiquité gréco-latine (Martin, 2003). Les représentations sexuelles et pornographiques ont toujours été présentes sous différentes formes : peintures, poteries, littérature, photographies et finalement vidéos. L’arrivée du fameux magazine Playboy en 1953 a lancé le début de tout un business autour de la pornographie. Les sex-shops, les strip-teases et les premiers films érotiques et pornographiques font également leur apparition dans les années 60-70. Le chef de la police judiciaire neuchâteloise et criminologue Olivier Guéniat explique qu’avant les années 1970, la pornographie était accessible par une minorité de personnes qui : … devaient faire l’effort de se rendre dans les sex-shops ou dans des cinémas X. (…) Ensuite, les innovations technologiques telles que la cassette vidéo, le magnétoscope, (…), CD et le DVD, ont contribué à augmenter l’offre.(…) et, depuis quelques années cela a explosé avec internet (Guéniat, 2007, p.111).
Internet a effectivement entraîné des changements majeurs, ouvrant la porte à une «liberté totale » de tout faire, de tout voir et cela sans limite… En effet, une quantité énorme de matériel pornographique est accessible par tous et surtout gratuitement : On comptait en 2004 plus de 4 millions d’internautes en Suisse. L’accessibilité à la pornographie gratuite est devenue immédiate. Une simple recherche sur Google avec le mot-clef « sexe gratuit », en se limitant aux pages francophones, donne l’accès à 2700 000 pages, en 0,28 seconde (Guéniat, p.111).
La pornographie (du grec pornê, prostituée et graphê, écriture), comme nous la connaissons aujourd’hui au travers d’internet, peut être définie comme : La représentation plastique des organes sexuels génitaux en tant que tels, (…) grâce à des mises en scène où l’on multiplie les postures. Elle a pour caractéristique principale un souci de réalisme absolu : elle vise à montrer les organes en action d’aussi près que possible et dans tous leurs détails (…) Elle se caractérise aussi par la répétition (…) et la recherche de performance (…) (Bonnet, 2003, p.130).
Un produit fabriqué avec l’intention de produire une excitation érotique. La pornographie est pornographique quand elle excite. Toute la pornographie n’est donc pas pornographique pour tous (Stoller, 1989, cité par Giami, 2002, p.2).
Aujourd’hui, lorsque l’on parle de pornographie, on sous-entend du matériel principalement audio-visuel sur Internet. Cependant, la pornographie n’est pas uniquement visuelle. Elle exploite d’autres sens comme l’ouïe et le toucher. Elle investit pleinement le spectateur qui devient aussi « acteur » de ce moment en finissant généralement par se masturber, en raison de l’excitation provoquée. Il n’est plus question de regarder un magazine ou encore de regarder une cassette vidéo, mais c’est choisir parmi les milliers de sites, quel genre de vidéos consommer. En effet, les choix sont nombreux : choix de catégorie : lesbienne, « teen », étudiante, belle-mère, etc. ; choix de l’origine des acteurs : japonaise, indienne, noire, etc. ; choix de l’esthétisme des acteurs : gros pénis, gros seins, etc. et choix des pratiques: sexe anal, massage, « man eating pussy » etc. (Pornhub, 2016). Les nouvelles technologies permettent également grâce à la reconnaissance faciale de télécharger la photo d’une connaissance qui nous plaît et de pouvoir trouver des vidéos pornographiques avec des acteurs lui ressemblant (Peyser, 2016).
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Table des matières
Introduction
Problématique
Définition des concepts
Saisir le concept d’agentivité
L’agentivité sexuelle
L’agentivité sexuelle chez les jeunes
Un contexte particulier : le sexe est partout
La pornographie
La sexualité dans la pornographie : un objet de consommation ?
Pornographie chez les jeunes
L’agentivité sexuelle des jeunes face à la pornographie : analyse et pistes de
réflexions
PARTIE I :
L’opinion des jeunes sur la pornographie quelques années après avoir visionné un
contenu pornographique pour la première fois
La pornographie : entre mise en scène et réalité
Suis-je normal ?
Le porno et ses standards : quelle influence ?
« Suis-je agentique ? »
Agentivité sexuelle différente selon le genre ?
Avoir de l’agentivité sexuelle, c’est construire sa propre représentation de la
sexualité
PARTIE II :
Revenir aux premières visualisations de contenus pornographiques
Amour romantique réaliste VS Amour plastique : Premières réactions lors de
visualisations pornographiques
Développer son agentivité sexuelle : une question de temps et d’expérience
Et l’enfant présent ?
Droit à la santé et à la santé sexuelle
Droit à la protection
Droit à l’information
Comment améliorer la situation actuelle ?
Le rôle de l’éducation sexuelle
La pornographie : un moyen innovant pour aborder le thème de la sexualité
Conclusion
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