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Les applications de la télémédecine
La télémédecine, par l’utilisation des technologies de communication et d’information, établit une relation de coopération à distance entre plusieurs acteurs (médecin /médecin ; médecin/patient), soit dans le but de fournir des services ou de l’information nécessaires à la pratique médicale (applications de la téléconsultation et de la télésurveillance), soit dans le but de permettre un transfert des connaissances sur les pratiques médicales (applications de la téléformation).
Cette conception de la télémédecine permet ainsi de lui reconnaître trois principaux champs d’applications, qui sont également repris par la Direction des Hôpitaux dans sa présentation de la télémédecine en France.
La téléconsultation
La téléconsultation :
Elle consiste en l’évaluation d’un patient, ou des données concernant un patient, sans interaction physique directe, via un système de télécommunication. Le champ de la téléconsultation est vaste ; on citera les demandes de seconde opinion auprès d’un confrère, l’organisation d’une prise en charge en urgences, l’orientation d’un patient et l’arrangement d’un transfert éventuel, mais également des soins primaires si le médecin n’est pas disponible.
Deux types de téléconsultation peuvent être distinguées :
a) la téléconsultation de type 1 :
un patient consulte un médecin par un réseau de communication interposé.
b) la téléconsultation de type 2 :
le médecin consultant sollicite un avis diagnostic (télédiagnostic) et /ou thérapeutique (téléexpertise) auprès d’un autre praticien situé à distance.
Le télédiagnostic :
Il consiste dans le transfert des données d’un examen de diagnostic en vue d’une aide à l’interprétation. La télépathologie et la téléradiologie sont les activités les plus fréquentes et les plus développées, au point que « ces activité ne sont pas vues comme des innovations mais comme des routines » (Hetherington 1998). Sur la base d’une revue de la littérature, comprenant 214 articles, Heherington relève 72 articles sur la téléradiologie et 35 sur la télépathologie.
La téléexpertise :
Elle est une aide à la décision médicale apportée à un médecin par un autre médecin situé à distance, à partir des éléments d’information de caractère multimédia qui lui sont transmis par un dispositif télématique. Les consultations peuvent concerner spécifiquement une pathologie, on parle par exemple de télécardiologie, de télédermatologie ou de télépsychiatrie.
La téléconsultation est donc un terme générique qui couvre différentes configurations possibles. Ainsi, la transmission peut se faire sur un mode synchrone (visioconférence) ou asynchrone (messagerie). Le nombre de sites connectés peut également varier, en fonction de la solution technique adoptée, d’une liaison bipôle à une liaison multipôle dans le cas d’un visiostaff.
La télésurveillance
La télésurveillance, ou le télémonitoring, est un appareillage particulier permettant d’enregistrer, en général à domicile, des paramètres physiologiques sur le patient puis de les transmettre au(x) médecin(s) concerné(s). Il s’agit par exemple de surveiller un taux de glycémie chez un diabétique, une tension artérielle ou en obstétrique d’observer les contractions utérines et le rythme cardiaque fœtal.
La téléformation
La téléformation ou télé-éducation est un service s’adressant à des étudiants ou à des professionnels de santé par lequel ils peuvent avoir accès à un savoir-faire ou à des connaissances, quelle que soit leur localisation.
Il est possible, par exemple, d’utiliser ce système pour réaliser une base de données médicales consultables par tous et à tout moment sur le web.
Les « produits » ou « attendus » de ces applications :
Nous venons de décrire trois applications de la télémédecine (téléconsultation, téléformation et télésurveillance) selon une typologie largement utilisée.
Il y a lieu de définir le « produit » ou le résultat attendu de ces applications.
Dans le cas de la téléconsultation, le but recherché est une « amélioration du processus de décision médicale et en conséquence de la qualité de la prise en charge du patient». Ainsi, une plus grande collégialité de cette décision médicale, une meilleure coordination entre différentes décisions, la mise en place de la compétence et de l’expertise d’un référent très spécialisé,… tous ces éléments concourent à améliorer les soins offerts aux patients.
La télépsychiatrie
Définitions
La télépsychiatrie est une des applications de la télémédecine. Historiquement, une des premières activités de la télémédecine date du début des années soixante et concerne la psychiatrie : il s’agit de programmes de téléconsultation et de télé-éducation autour du Nebraska Psychiatric Institute. La télépsychiatrie, comme la télémédecine, peut se définir de différentes façons.
Pour l’American Psychiatric Association (APA), « la télépsychiatrie est une technologie qui vise, au départ, à renforcer l’accès aux soins pour les personnes difficiles à atteindre géographiquement ou dans un contexte de pénurie de l’offre spécialisée locale. Il existe une présomption croissante que sa forte augmentation actuelle, alliant le développement du numérique et la logique économique, s’amplifie encore et la fasse devenir un outil ordinaire de prestation, quel que soit le contexte » (Association. 1998-2005).
Il s’agit ainsi de l’utilisation des nouvelles technologies de communication et d’information comme support aux soins cliniques et psychiatriques. Cette définition très globale fait alors référence à toutes les modalités techniques comme le téléphone, la télécopie, le courrier électronique, le réseau Internet et la visioconférence en temps réel.
Pour Brown (Brown 1995), la télépsychiatrie se résume à l’utilisation de la visioconférence en temps réel, comme outil de délivrance de soins psychiatriques à distance directement aux patients ou par l’intermédiaire d’un autre professionnel de santé.
La législation applicable à la téléconsultation et les recommandations des sociétés savantes
La France
En introduction, il y a lieu de préciser que la spécificité française du droit médical et de la santé des personnes, par rapport aux pays anglo-saxons ou d’autres pays, rend peu transposables directement les nombreuses expériences touchant à la responsabilité, la confidentialité et le consentement.
Comme tous les services émergents, la téléconsultation nécessite de moderniser les réglementations sur les plans législatif, financier et médico-légal. Cette réglementation est indispensable au développement du service au niveau national.
Il existe néanmoins actuellement en France une ébauche de cadre législatif que nous allons préciser.
Le Code de déontologie médicale
Du point de vue de la déontologie médicale, l’absence de recours à de tels moyens d’assurer le meilleur diagnostic ou le traitement le plus adapté pourrait prochainement être considérée comme contraire à quatre articles du Code de déontologie médicale et sera certainement un jour retenue comme la source d’une perte de chance sinon comme une faute contractuelle par la violation de l’obligation de moyens qui caractérise habituellement la relation médecin-malade (Hazebroucq et al. 1996).
Les quatre articles du nouveau Code de déontologie médicale (Décret 95-1000 du 6/9/95, JO du 8/9/95) qui incitent à disposer des moyens et à éventuellement user d’un système de télémédecine sont :
• L’article 32 qui précise l’engagement du médecin d’ « assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents ».
• L’article 33 qui insiste et rappelle que « le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés ».
• L’article 60 qui précise encore plus clairement que « le médecin doit proposer la consultation d’un confrère dès que les circonstances l’exigent ou accepter celle qui est demandée par le malade ou son entourage. Il doit respecter le choix du malade et, sauf objection sérieuse, l’adresser ou faire appel à tout consultant en situation régulière d’exercice. S’il ne croit pas devoir donner son agrément au choix du malade, il peut se récuser. Il peut aussi conseiller de recourir à un autre consultant, comme il doit le faire à défaut de choix exprimé par le malade. A l’issue de la consultation, le consultant informe par écrit le médecin traitant de ses constatations, conclusions et éventuelles prescriptions en en avisant le patient ».
• L’article 71 fait encore obligation au médecin de « disposer, au lieu de son exercice professionnel , d’une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel et des moyens techniques suffisants… ».
Le Conseil National de l’Ordre des médecins
Il s’appuie sur les différents rapports établis par les médecins à partir du Code de déontologie médicale, du Code de la Santé Publique et des différentes lois déjà en vigueur.
De nombreux textes français existent, relatifs essentiellement à la télémédecine, et transposables pour une télépsychiatrie future (Colloque de déontologie médicale 1996).
Le professeur Liliane Dusserre, dans son rapport « La télémédecine est-elle légale et déontologique ? » (Dusserre and Allaert 1996), aborde les aspects légaux et déontologiques de la télé-expertise et de la téléassistance. Cet auteur précise les textes sur lesquels se fondent la télé-expertise et la téléassistance.
Le caractère licite de la télé-expertise se base sur l’article 71 du Code de déontologie médicale (précédemment cité) qui prévoit que le médecin « … ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées… ».
Quant à la téléassistance, elle a trouvé un fondement légal dans la Directive des Communautés européennes du 31 mars 1992 relative aux « prescriptions minimales de sécurité et de santé pour promouvoir une meilleure assistance médicale à bord des navires » (Directive 92/99/CEE du Conseil du 31 mars 1992).
La directive dispose que les navires dont « l’équipage comprend cent travailleurs ou plus et qui effectuent un trajet international de plus de 3 jours » aient « à leur bord un médecin ayant en charge l’assistance médicale ». Pour garantir un meilleur accès à l’aide médicale dans les autres navires, la directive prévoit le recours à la téléassistance.
« Art. 6 : Radioconsultation médicale
1. Chaque Etat membre, afin d’assurer un meilleur traitement d’urgence des travailleurs, prend les mesures nécessaires pour que :
a) un ou plusieurs centres destinés à fournir gratuitement aux travailleurs une assistance radiomédicale sous forme de conseils soient désignés ;
b) des médecins du centre de radioconsultation appelés à offrir leurs services dans le cadre du fonctionnement des dits centres soient formés aux conditions particulières qui règnent à bord des navires… ».
C’est ainsi que l’on peut rapprocher de cette situation le cas des patients, dont l’éloignement par rapport aux spécialistes en santé mentale justifie le concept de la téléconsultation (élaborée dans le sens d’une télé-assistance de la part du psychiatre).
Dans un autre rapport « La télé-expertise : un acte médicale à reconnaître … et à rémunérer » (Dusserre 1999), l’auteur détaille les questions de définition de l’acte de télé- expertise, d’attribution des responsabilités : le principe de diligence, les niveaux de compétence des médecins, l’asymétrie de la situation des médecins vis-à vis de l’information, la maîtrise du système de télé-expertise ainsi que des problèmes posés par la rémunération.
Un rapport plus récent recense les principaux commentaires des articles de la Loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie (Deau 2005). L’article 32 précise : « … la télémédecine permet, entres autres, d’effectuer des actes médicaux dans le strict respect du Code de déontologie mais à distance, sous le contrôle et la responsabilité du médecin en contact avec le patient, par des moyens de communications appropriés à la réalisation de l’acte médical ».
L’auteur fait référence à douze articles du Code de déontologie concernés par l’exercice de la télémédecine, d’où il dégage six critères principaux repris par le Conseil National de l’Ordre des médecins :
1) L’utilisation de la télémédecine doit être dictée par l’état de santé du patient et ne doit pas être une fin en soi.
2) Il existe un impératif de qualité, technique, de communication et de qualification des téléexperts.
3) Le consentement éclairé du patient doit être explicitement obtenu et signé, sauf urgence liée à l’état de santé.
4) Le secret professionnel doit être un souci permanent : identité du patient, dossier médical anonymisé, traçabilité, archivage et stockage des échanges et des informations, secret professionnel du personnel effecteur, tous aspects à consigner dans les contrats de télémédecine.
5) Le téléconsulté est responsable de l’information qu’il donne, le médecin effecteur, au contact du patient, de l’utilisation qu’il en fait.
6) L’identité du ou des téléconsulté(s), celle du ou des téléexpert(s) et celle du médecin effecteur au contact du patient doivent être clairement indiqués.
Enfin, le Conseil National de l’Ordre stipule que tout médecin effectuant régulièrement de la télémédecine doit posséder un contrat d’exercice respectant ces six points qui doit être soumis préalablement au Conseil départemental et comporter tous les aspects précités, y compris les circonstances particulières qui les justifient.
Le Code de la Santé Publique
Dans un avant projet de loi Patients, Santé et Territoires présenté en avril 2008 par le ministère de la Santé, l’article 14 traite de « l’encadrement de l’activité de télémédecine » (Ministère de la Santé 2008) :
I. – Au chapitre 3 du titre 1er du livre 1er de la 4ème partie du code de la santé publique, il est ajouté un article L. 4113-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 4113-15 La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance réalisée dans le strict respect du code de déontologie et du secret professionnel, en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, soit un patient et un ou plusieurs professionnels de santé, soit plusieurs professionnels de santé entre eux. Parmi les professionnels de santé figure au minimum un professionnel médical. Elle permet, à distance, d’établir un diagnostic, d’obtenir un avis spécialisé, de prendre une décision thérapeutique et de la mettre en œuvre, de mettre en place une surveillance de l’état des patients, et de réaliser, ou de prescrire, des produits, des prestations ou des actes. La définition des actes constituant la télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et, le cas échéant, de rémunération sont fixées par voie réglementaire. ».
L’article 32 de la Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie est abrogé
Les autres pays a. Le Canada :
C’est essentiellement à la réglementation canadienne, la plus fournie dans la bibliographie, que nous allons maintenant nous intéresser.
L’Agence québécoise insiste sur le fait que « la télépsychiatrie ne constitue pas une solution de remplacement à la mise en place d’infrastructures et à l’établissement en région pour répondre aux besoins de la population en matière de services psychiatriques ».
Une étude canadienne recense 110 références publiées entre 1965 et 2003 (Hilty and Shayna 2004).
L’objectif poursuivi est le suivant : « la télépsychiatrie, sous forme de visioconférence, comporte d’immenses possibilités pour les soins cliniques, l’éducation, la recherche et l’administration. En ciblant la visioconférence, nous avons voulu examiner la littérature sur la télépsychiatrie et comparer ses résultats avec ceux d’une approche en face à face ou utilisant d’autres technologies… ».
Les résultats de l’étude sont les suivants : « la télépsychiatrie est employée avec succès pour divers projets de services cliniques et d’enseignement. Elle est réalisable, élargit l’accès aux soins, permet la consultation de spécialistes, donne des résultats satisfaisants, permet une évaluation fiable, comporte peu d’aspects négatifs en ce qui concerne la communication, satisfait généralement les patients et les fournisseurs de soins, facilite la formation et renforce les capacités des parties qui l’utilisent. Les données sont limitées relativement aux résultats cliniques et à la rentabilité ».
A l’issue de leurs travaux, les équipes canadiennes ont établi dix recommandations générales en ce qui concernent la viabilité des programmes et la qualité des prestations des services :
1) Un véritable engagement nécessite une évaluation préalable des besoins du territoire que ce programme est destiné à servir.
2) Il est primordial d’obtenir un soutien général et financier du programme par l’autorité principale des organisations concernées.
3) Il faut utiliser des technologies dont l’applicabilité clinique est éprouvée.
4) Il convient de s’assurer, pour chaque consultation, que l’équipement s’adapte suffisamment aux besoins du service et du patient
5) Il est indispensable d’évaluer les choix possibles, leur mise en œuvre, la maintenance de la télépsychiatrie à l’aide d’une équipe de cliniciens, techniciens et gestionnaires, à la fois sur le site central et sur ceux desservis.
6) Il faut aussi former, adéquatement, tous les coordinateurs de site aux aspects techniques et de procédure du service, ce qui inclut des préconisations générales précises concernant le transfert d’information médicale du patient au spécialiste, et retour.
7) Il est important de faire émerger un spécialiste reconnu de la télépsychiatrie qui procure une formation adaptée à ses pairs et collaborateurs, compte tenu de la technologie, de l’adaptation de la pratique clinique pour convenir à cet usage et en spécifier les limites.
8) Il est nécessaire de s’assurer d’une maintenance régulière et d’une possibilité de dépannage rapide,
9) de coordonner le rythme des consultations, ce qui signifie que le patient est présent à l’heure, que le téléconsultant dispose de suffisamment de temps et/ou que le demandeur adresseur ou l’équipe peuvent participer si besoin,
10) d’évaluer convenablement les résultats, la satisfaction, les coûts pour le patient, le demandeur adresseur et le téléconsultant, comme pour le programme lui-même : coordinateur, équipe technique et administrative.
L’Association des Psychiatres du Canada (APC), s’est également prononcée sur le développement de la télépsychiatrie. Elle adopte dans un document de travail (Urness 2003), une position nationale quant aux lignes directrices, aux types d’application et aux aspects opérationnels de la télépsychiatrie.
Elle recommande un consentement écrit signé par le patient.
Ce consentement doit préciser :
• la nature générale de la technologie employée et de l’entrevue,
• que la participation à la téléconsultation est volontaire et qu’un traitement substitutif sera offert en cas de refus de participer,
• que les modalités habituelles de confidentialité, en vigueur pour l’entrevue en face à face, soient appliquées,
• tout risque significatif.
De plus, le patient doit être informé de la présence d’autres personnes qu’elles soient visibles à la caméra ou non, à l’endroit de la dispensation du service. De même, le psychiatre consultant doit savoir si d’autres personnes seront présentes sur le lieu de dispensation des services.
Les Etats-Unis
Nous citerons ici les « conseils de gestion établis en urgence en matière de télépsychiatrie » (« Emergency Management Guidelines for Telepsychiatry ») et parus dans le « General Hospital Psychiatry » de mai 2007 (Shore et al. 2007).
Le but recherché des auteurs est de présenter un inventaire initial de conseils afin de discuter ultérieurement de recommandations en matière de télépsychiatrie que ce soit en soins de suite ou en soins d’urgence.
Quatre domaines sont abordés :
– le domaine administratif,
– le domaine de la législation et de l’éthique,
– le domaine des soins généraux,
– et le domaine des soins en milieu rural.
Concernant les questions administratives, il s’agit de :
1. évaluer la situation en périphérie : obtenir des informations sur le règlement et les ressources locales,
2. créer des protocoles d’urgence avec une répartition claire des rôles et des responsabilités,
3. déterminer un « point pivot » pour les urgences psychiatriques, c’est à dire quand les autres ressources (possibilités) sont à leur minimum,
4. déterminer des procédures de couverture des urgences en terme d’horaires.
Concernant les questions légales et éthiques, il s’agit de :
1. connaître les engagements et les devoirs de la localité,
2. s’entendre avec les autorités locales pour aider au règlement.
Concernant la gestion des soins généraux, il s’agit de :
1. être vigilent par rapport à l’impact de la télépsychiatrie sur les conditions de perception du contrôle des interactions cliniques, et comment on peut être amené à réaliser des conditions d’aménagement,
2. s’assurer de la bonne résolution de l’entretien avec des patients présentant des dysfonctionnements affectifs ou des troubles du comportement.
Concernant la gestion des soins en milieu rural, il s’agit de :
1. être attentif aux conséquences de révélations faites lors de la gestion de problèmes urgents, notamment sur la confidentialité du patient et sur les relations de voisinage au sein des petites communautés,
2. inclure la famille dans la prise en charge de situations d’urgence quand cela est possible, tout en étant vigilant à ne pas exacerber des tensions familiales dans les petites communautés.
LE DEVELOPPEMENT DE LA PSYCHIATRIE DANS LE MONDE
Les Etats-Unis
Les débuts de la télépsychiatrie se confondent avec les débuts de la télémédecine aux Etats-Unis en 1958.
A cette date, un service médical fonctionne sur la base d’un lien par ondes hertziennes reliant deux psychiatres de l’Université du Nebraska à 8 groupes de 4 à 5 patients, situés dans une institution psychiatrique éloignée de 160 kilomètres environ (Wittson and Benschoter 1972).
L’expérience de Wittson compte plus de 300 heures de sessions cliniques à son actif, elle fut interrompue du fait de son prix exorbitant (48,000 dollars par an).
Les conclusions de cette téléconsultation montraient une facilité d’acceptation par les utilisateurs, une pertinence de la technique vidéo pour les consultations et les enseignements cliniques.
Malgré le succès de cette première expérience, le développement de la télépsychiatrie a suivi celui des Nouvelles Technologies d’Information et de Communication (NTIC) : chaotique, sporadique et expérimental dans les années 1960-1970, sur le déclin dans les années 1970-1980, pour connaître un réel essor à partir de 1990 avec le perfectionnement des logiciels et des techniques de visioconférence, l’apparition de réseaux numériques et la diminution des coûts d’investissement et de fonctionnement.
Brown (Brown 1995) s’est intéressé au développement de la psychiatrie aux Etats-Unis. Il ne recense en 1995, soit après 30 ans de développement, que 9 projets de télépsychiatrie (dont seulement 6 sont opérationnels) et qui concernent des programmes d’enseignement pour les psychiatres, les médecins généralistes, les infirmières et autres travailleurs sociaux. Puis c’est l’ activité clinique pure de téléconsultation qui se développe, mais elle aussi modestement, avec seulement 504 téléconsultations recensées jusqu’en 1995.
Actuellement, le développement est considérable avec plus de 25 programmes de télépsychiatrie recensés et plusieurs milliers de téléconsultations répertoriées.
Le développement de la télépsychiatrie depuis cette époque se mesure aussi par l’engagement des professionnels de la santé : le nombre de psychiatres impliqués dans les programmes de télépsychiatrie est passé de 4 en 1990 à 80 en 1998.
Brown explique cet engouement par plusieurs facteurs :
– l’amélioration technologique du matériel de visioconférence,
– la baisse des coûts de ce même matériel,
– la meilleure implication des autorités de tutelle.
Ainsi, bénéficiant d’un meilleur cadre organisationnel avec l’Association Américaine de Psychiatrie (APA), les projets de télépsychiatrie se sont multipliés depuis 1995.
Aujourd’hui, avec plus de 25 réalisations de projets de télépsychiatrie, les Etats-Unis se démarquent surtout par 3 grands programmes qui rassemblent à eux seuls plus de 1000 téléconsultations par an.
Il s’agit des programmes des Centres Médicaux de Norfolk, de l’Université du Kansas et de l’Université du Montana. Ils assurent essentiellement des sessions cliniques.
Le programme du Centre Médical de l’Université du Kansas rentre dans le cadre d’un projet de télémédecine multidisciplinaire reliant quatorze sites distants au travers de douze spécialités. L’oncologie, la neurologie et la psychiatrie réalisent le plus de téléconsultations.
Dans le cadre du projet de télépsychiatrie, une liaison par visioconférence relie le psychiatre de Département de l’Université à des structures hospitalières éloignées. En configuration classique, ils auraient du se rendre par avion à la consultation.
Les programmes de télépsychiatrie portent sur des activités diagnostiques et thérapeutiques, en soins de pré et post-hospitalisation (Shore and Manson 2005).
Concernant l’avenir de la télépsychiatrie aux Etats-Unis, nombreuses publications vont dans le sens d’un développement croissant, en accord avec la volonté des pouvoirs publics (McGinty and Simmons 2006).
En effet, réformer les soins en santé mentale est la priorité de beaucoup d’initiatives en cours tant à l’échelle nationale qu’au niveau des Etats. Un des problèmes identifiés est l’égalité d’accès aux soins. Dans ce sens, la télépsychiatrie et les services de santé mentale via Internet seraient les moyens d’améliorer la dispense des soins en santé mentale dans les zones rurales, reculées et non desservies.
L’Australie
L’Australie est la deuxième nation à être citée pour son importance dans le développement de la télépsychiatrie.
Ce pays, par un facteur géographique évident, a accordé rapidement une place au développement de la télémédecine.
Une application fructueuse de la télépsychiatrie est celle de l’hôpital de Brisbane (situé sur la côte Est de l’Australie).
Après deux ans d’utilisation de visioconférence en réseau entre des unités intra et extra hospitalières, le centre de crise et le centre univeristaire, le Royal Hospital de Brisbane sont arrivés à la conclusion que la télépsychiatrie est applicable en psychiatrie de liaison et pour les entretiens en réseaux.
La technique a permis de ne plus être que des « voix au téléphone » ; les équipes infirmières ont pu mieux communiquer entre elles ; un temps appréciable a été gagné à des fins administratives pour les réunions de coordination, l’évaluation et le recrutement de collaborateurs (Hawker et al. 1998).
L’hôpital psychiatrique de Brisbane utilise également avec succès la télémédecine à des fins d’enseignement (enseignement post gradué), ce que souligne The Lancet. Selon le journal, pour les grands centres universitaires qui seront le pratiquer, l’enseignement médical à distance deviendra un enjeu majeur (Editorial. 1995).
Concernant la pédopsychiatrie, le projet initialisé au Royal Chidren’s Hospital de Melbourne est rapidement passé du stade de l’application pilote de la télépsychiatrie à son installation définitive dans les zones rurales.
Actuellement, on répertorie 2 grands projets de télépsychiatrie dans le sud du pays : le premier à Glenside et le second à Victoria.
L’unité de télémédecine de l’hôpital de Glenside (Adélaïde) est inaugurée en octobre 1995. Elle fait partie intégrante du Service de Santé Mentale du Sud Australien qui veut à cette époque améliorer l’accès des soins de santé mentale dans les zones reculées et isolées du Sud Australien.
En effet, avec 984.000 km carré (1/8 ème du pays) et 1.4 millions d’habitants (1 million à Adélaïde et 0.4 million dispersé dans les zones rurales), le Sud Australien et ses populations éloignées n’ont que peu d’accès à la médecine spécialisée. De nombreuses communautés rurales de quelques milliers d’habitants sont dispersées dans ces régions, les plus grosses agglomérations ne dépassent que rarement les 25.000 habitants.
Cette unité de télémédecine relie par visioconférence le Département de Psychiatrie de l’hôpital de Glenside Eastwood (Adélaïde) à l’ensemble des 23 hôpitaux locaux des communautés rurales éloignées. Le personnel soignant et le médecin généraliste peuvent ainsi demander 24 h /24 et 7 j /7, un avis psychiatrique spécialisé pour un de leurs patients. Les patients peuvent également accéder seuls à des rendez-vous en téléconsultation psychiatrique sans demander l’avis au généraliste.
On dénombre quelques 2219 téléconsultations réalisées entre 1994 et 1998. Toutes les études concluent à la validité clinique de la téléconsultation en terme de diagnostic et de décision thérapeutique (Hawker et al. 1998).
Un projet similaire est mis en place à Victoria.
Le Canada
L’Agence d’Evaluation des Technologies et des Modes d’Intervention en Santé (AETMIS)
Récemment, l’Agence d’Evaluation des Technologies et des Modes d’Intervention en Santé (AETMIS) a publié un rapport sur les lignes directrices cliniques et les normes technologiques en télépsychiatrie (Pineau et al. 2006).
L’AETMIS relève du ministère de la Santé et des Services Sociaux.
Elle a pour mission de conseiller et d’appuyer, au moyen de l’évaluation, les décideurs du milieu de la santé en matière d’introduction, d’acquisition et d’utilisation des technologies et des modes d’intervention en santé.
Elle est dirigée par un conseil d’experts.
Elle emploie une quarantaine de chercheurs et de spécialistes en évaluation couvrant les enjeux de l’efficacité, de la sécurité et de l’efficience des technologies de la santé ainsi que les implications éthiques, sociales, organisationnelles et économiques de leur adoption.
Le rapport traite de nombreux aspects de la télépsychiatrie :
! Les lignes directrices cliniques : définitions, objectif général, champs d’applications (pour adultes, pour enfants, télécomparution, téléformation), modalités d’application (consentement du malade, informations à transmettre, tenue des dossiers, archivage, évaluation de la qualité de l’acte médical, traitements des plaintes, rémunération),
! Les normes technologiques,
! Les aspects économiques,
! Le cadre juridique et les considérations éthiques,
! Les conclusions et recommandations.
L’Association des Psychiatres du Canada (APC)
L’association des psychiatres du Canada a rédigé un document de travail concernant la télépsychiatrie, document approuvé par le conseil d’administration de l’APC en janvier 2003 (Urness 2003).
Ce document de discussion vise à combler les manques qui existent devant le développement de la télépsychiatrie et l’absence d’une position nationale établie. Pour cela, il propose des lignes directrices qui abordent les prérequis, les types d’application et les aspects opérationnels de la télépsychiatrie.
Ainsi, sont discutés, entre autres :
! Les qualifications du consultant,
! Le matériel dans ses aspects techniques,
! L’infrastructure,
! Les applications cliniques et non cliniques (éducation, recherche, administration),
! Les aspects opérationnels : consentement et confidentialité, dossier médical, rémunération,
! La couverture médico-légale.
A partir des expériences antérieures de télémédecine, un projet national de recherche sur la télésanté pour les Premières nations, les Inuits et les Autochtones a pu être établi. Ce projet inclut les expériences de télépsychiatrie (Health Canada 2001).
Les conclusions sont globalement positives. Dans l’ensemble, les résultats de l’évaluation ont montré que la télésanté peut être appliquée avec succès dans les collectivités isolées des Premières Nations. Elle permet de procurer des soins de qualité. A long terme, la télésanté pourrait améliorer l’état de santé des membres de la collectivité et le niveau des infrastructures médicales locales.
Il est émis cependant quelques réserves. Son succès repose sur plusieurs conditions importantes au niveau communautaire, à savoir la stabilité du poste de soins infirmiers et la mobilisation de la collectivité, de même que de bons liens avec les fournisseurs éloignés, ainsi que des technologies et des soutiens efficaces.
La première association canadienne à s’être consacrée à la télésanté est la Société Canadienne de Télésanté (SCT).
Depuis, plusieurs réseaux se sont organisés incluant des programmes de télépsychiatrie :
! « Connexion Santé à Ottawa » : il s’agit d’un réseau de télésanté qui relie plus de 50 établissements dans l’Est et le Sud-Est de l’Ontario (province du Canada)
! Le réseau « North » : il est constitué de plus de 120 centres d’accès à des services de télémédecine répartis dans l’ensemble de l’Ontario.
L’Europe
Ceux sont essentiellement dans les pays de l’Europe du nord que se sont développées la télémédecine et la télépsychiatrie (Hanssen et al. 2007).
La Finlande
Une des premières expériences de télépsychiatrie remonte au début de l’année 1996. Elle a été réalisée par le Département de Psychiatrie de l’Université de Oulu (dans le nord de l’Ostrobothnia) (Mielonen et al. 1998).
Ce département de Psychiatrie était relié, grâce à la visioconférence, aux différents centres médicaux des municipalités avoisinantes mais cependant éloignées d’au moins 200 kilomètres.
Le but du service de télépsychiatrie était de fournir une assistance experte dans les centres concernés, de diminuer les voyages coûteux et d’améliorer les services psychiatriques spécialisés dans les municipalités environnantes.
Globalement, le projet a été jugé de façon positive par les patients et leurs familles qui pouvaient ainsi accéder facilement et rapidement à un service psychiatrique spécialisé.
Par ailleurs, le projet a été jugé comme acceptable et efficace par l’ensemble des utilisateurs. Les patients et leurs familles montrent très peu d’appréhension à participer aux téléconsultations.
Les municipalités finlandaises sont très intéressées par ce nouveau mode de communication permettant d’offrir un service médical de proximité à leurs habitants.
Fort de cette première expérience, les projets de télémédecine se sont multipliés en Finlande.
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Table des matières
INTRODUCTION
I . REVUE DE LA LITTERATURE
1. Les définitions
1. La définition de l’Organisation Mondiale de la Santé
2. Autres définitions
2. Les Applications de la télémédecine
1. La téléconsultation
2. La télésurveillance
3. La téléformation
3. La télépsychiatrie
1. Définitions
2. La législation applicable à la téléconsultation et les recomm des sociétés savantes
1. La France
2. Les autres pays
II. LE DEVELOPPEMENT DE LA TELEPSYCHIATRIE DANS LE
1. Les Etats-Unis
2. L’Australie
3. Le Canada
1. L’Agence d’Evaluation des Technologies et des Modes d’Inte en Santé
2. L’Association des Psychiatres du Canada
4. L’Europe
1. La Finlande
2. La France
III . EVALUATION DE LA TELEMEDECINE
1.La faisabilité organisationnelle
2. La faisabilité technique
3. La faisabilité clinique
4. La faisabilité systémique
5. L’évaluation économique
IV . UN ESSAI DE TELEPSYCHIATRIE EN HAUTE-NORMANDIE
1. Objectif et Hypothèses testées
2. Méthodologie
3. Résultats
1. Population patients
2. Population soignants
3. Taux d’acceptation (hypothèse 1)
4. Qualité de la télétransmission (hypothèse 2)
5. Fiabilité du système de transmission (hypothèse 3)
6. Conditions de sécurité (hypothèse 4)
7. Satisfaction des patients (hypothèse 5)
8. Satisfaction des soignants (hypothèse 5)
9. Remarques diverses
V. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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